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Rapport entre genres de textes et types de discours dans les écrits internes

6. INTERPRÉTATION

6.3 L ES ÉCRITS INTERNES

6.3.2 Rapport entre genres de textes et types de discours dans les écrits internes

Genres de textes

Ce paragraphe examine l’articulation qui s’opère entre le/les genre(s) et l’architecture textuelle. Tout d’abord, ce groupe se caractérise par des textes écrits monologués.

Ensuite, à propos du genre dont relèverait ces textes, nous les considérons comme s’apparentant à la note de synthèse qui se caractérise par une information brève et précise, tout en comportant une dimension impersonnelle. Enfin, les particularités structurelles que présentent ces textes sont : une organisation en paragraphes, l’absence de connecteur entre les paragraphes ainsi que de partie introductive et conclusive. Bien entendu, le terme note de synthèse désigne une multitude d’interactions discursives relevant de domaines d’activités variées (scientifiques, juridiques, politiques, d’emplois, d’enquêtes et de clinique-thérapeutique).

Outre les caractéristiques spécifiques de conjonction et d’autonomie du monde construit par cet agir langagier, c’est dans sa dimension d’activité orientée dans le traitement et l’organisation de l’information que relève la note de synthèse.

L’organisation thématique des écrits internes est prédéfinie à partir du canevas de la note de synthèse et est fortement corrélée à un ensemble de documents internes et externes du CMPAD (les mandats de l’éducateur, le portrait de l’élève, le diagnostic médical). La finalité de cet instrument oscille entre l’outil cognitif et la trace administrative.

Types de discours

Selon le modèle évoqué (Bronckart, 1997), ce groupe de textes se caractérise par le type discours théorique. En effet, l’absence de paramètres spatio-temporels dans les écrits internes attribue aux discours une autonomie par rapport à l’acte de production. On constate alors une construction des coordonnées générales de la situation conjointe à celle de l’action langagière qui confère à ces textes un monde discursif de l’ordre de l’EXPOSER.

Néanmoins, l’analyse de ce groupe de textes a montré qu’il existait des fluctuations de type de discours à l’intérieur des productions langagières. On constate, sur certains segments de texte de ce groupe, des enchâssements de types de discours.

En effet, des articulations entre type de discours théorique et récit interactif sont présentes (texte 3b, p.3, IV et p.5, VII). Celles-ci se caractérisent par le déploiement d’un axe temporel qui s’ancre dans une origine déictique permettant le déroulement du processus narratif. Dans les écrits internes, nous observons donc la prédominance de deux types de discours : le discours théorique et le récit interactif.

Certes, l’utilisation de l’architecture textuelle des types de discours contribue à éclairer les mécanismes discursifs (par exemple : état de l’effacement d’unités renvoyant aux protagonistes et à l’espace-temps de production), cependant ils ne doivent en aucun cas être envisagés comme la possibilité de réduire les écrits internes ou le genre note de synthèse à un seul type de discours.

D’un point de vue structurel, certains segments de texte présentent des articulations avec des citations directes dont la caractéristique sémantique est l’utilisation de marques typographiques de sorte à les délimiter par rapport à l’ensemble du texte.

Cette parole citée provient dans notre corpus, soit d’autres praticiens (1b, p.4, V4b) ou encore d’élèves (2b, p.3, V2). Bien entendu, la fonction de ces citations varie : elle peut soit servir à relayer les points de vue des différents professionnels du contexte soit soutenir le raisonnement du professionnel dans son processus d’évaluation.

L’analyse de ce groupe a relevé des propriétés comme la présence de commentaires de type logico-évaluatif, de construction adverbiale (un peu, plutôt) ainsi que l’exploitation des temps du verbe au mode conditionnel.

Un look global un peu “garçon manqué“ ; plutôt calme et tranquille peut avoir des fous-rire ou tapoter ses doigts sur la table en faisant un certain bruit dont elle ne semble pas avoir conscience (il faut lui dire de s’arrêter). [2b, p. 1]

Il doit encore étoffer son physique et augmenter son temps de concentration, mais une formation de base pourrait être envisagée dans un avenir proche. [3b, p. 6]

Elle aurait un niveau mental faible, elle a été rejetée par son clan. D’où peut-être son départ pour le Kenya ??? [1b, p. 8]

Ces expressions discursives que certains travailleurs sociaux nomment « prudence » ou « réserve » procèdent d’une intention souhaitant éviter un processus de catégorisation de la personne. Précisons que l’utilisation de ces expressions peut engendrer certains problèmes comme la transmission d’informations indirectes. A ce sujet, Kerbrat-Orecchioni (1988) souligne qu’avouer « ses doutes, ses incertitudes, les approximations de son récit, c’est faire preuve d’une telle honnêté intellectuelle que c’est le récit dans son ensemble qui s’en trouve singulièrement authentifié » (p.

22). Le paradoxe réside en une prudence subjective de départ qui peut se transformer au cours de différents moments de communication en une certitude objective.

En outre, ces processus discursifs ouvrent sur des questions bien plus profondes : dans quel cadre de pensée théorique ces écrits (par exemple : canevas) s’inscrivent-ils ? Quelles représentations les praticiens s’en font-s’inscrivent-ils ? Quels rôles et quelles fonctions attribuent-ils à leurs pratiques d’écriture professionnelle? Et enfin, comment ces processus de neutralisation de l’énoncé sont-ils interprétés par les destinataires ?

Par ailleurs, relevons également que nous ne disposons d’aucune information relative au processus de production de ces textes (rédaction par les praticiens) ainsi que sur la présence d’un débat d’idées s’appuyant sur un raisonnement avant, pendant ou après production des documents. Il est intéressant de relever que ce processus ne se manifeste pas dans le texte.

Ce type de construction discursive, centrée principalement sur les capacités de l’individu, qui présente une absence d’argumentation sur la validité des propos relatés (comme par exemple un échange scientifique sur les notions psychologiques

discutées), ainsi que des caractéristiques comme le déploiement du discours au présent et le recours fréquent à de l’amplification pourrait être considéré comme l’expression d’une forme d’opinion épidictique30- délibératif.

Dans tous les cas, l’analyse des données révèle et interroge le processus de transition qui s’opère entre l’expression d’un jugement de type normatif (juste distance avec l’adulte, agitation intérieure), qui semble principalement s’effectuer sur la base d’évocation de savoirs partagés mais non discutés, et l’action qui découlera de ces observations factuelles construites.

6.3.3 Configuration et expression de l’actant et de l’agir dans les