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Comparaison entre les opéras les plus arrangés par le nombre de pièces et ceux qui sont les plus représentés par le nombre de sources

Opéras les plus arrangés : nombre de pièces

21 20 14 13 12 11 9 9

Temple de la paix Atys Roland Phaéton Le Triomphe de l'amour Isis Psyché Thésée

Opéras les plus représentés : nombre de sources

14 14 13 12 11 10 10 10 9

Atys Isis Roland

Acis et Galatée Le Triomphe de l'amour Phaéton

Enfin, les pièces uniques semblent obéir à la logique d’un copiste connaisseur et nous n’en trouvons pas dans les petits manuscrits ou à de très rares exceptions. L’analyse de sources telles 44-LaPierre, Ms. de Bloren, Ms. Amalie, Ms. I et II de Troyes, Ms. Roper et Ms.

Houssu ne décèle aucune pièce unique. Nous aborderons dans le second chapitre la sociologie

de ces sources et des publics vers lesquels elles sont destinées. Les grands manuscrits

46-Menetou, Bruxelles-27220 et Ms. Clermont d’Entrevaux concentrent l’essentiel des œuvres

uniques hormis quelques rares exceptions. Ceci démontre que pour réaliser des pièces uniques, c'est-à-dire être capable d’adapter les parties de l’orchestre en une partition praticable au clavier, il faut être un musicien connaisseur. Nous l’avons évoqué pour Bruxelles-27220, pour

46-Menetou et tel est vraisemblablement le cas pour Ms. Clermont d’Entrevaux.

La démarche de Jean-Henry d’Anglebert

La compréhension du phénomène en vogue des arrangements pour clavier des œuvres théâtrales de Lully doit étre abordée au contact du musicien de référence, Jean-Henry d’Anglebert. La production d’arrangements de cet auteur demeure quantitativement modeste au regard du corpus général d’œuvres recensées : un manuscrit 33-Rés-89ter de huit arrangements mais surtout une édition, l’unique source imprimée de nos travaux,

68-d’Anglebert de quinze arrangements. Vingt trois pièces de choix sont ainsi données au public :

en réalité vingt puisque trois arrangements de 33-Rés-89ter sont intégrés dans l’édition des

Pièces de clavecin de 1689. D’Anglebert, éminent claveciniste et ami de Lully, actif au sein de

son orchestre et de toutes les grandes productions lyriques est le musicien de référence. Il est le seul à avoir accès à la publication et par ce biais offre quinze arrangements de son cru à la postérité. À ce stade de nos travaux, de la compréhension des sources et de leur rayonnement, quelle a pu être la démarche de d’Anglebert dans le contexte général ? Tout d’abord, il cerne l’entièreté chronologique de la production lulliste des premiers ballets Xerxès (1660, LWV 12),

La Naissance de Venus (1665, LWV 27) aux dernières grandes productions de la maturité de

Lully telles Isis (1677, LWV 54), Atys (1676, LWV 53), Roland (1685, LWV 65) et Acis et

Galatée (1686, LWV 73). Il n’hésite pas dans son édition de 1689 à inclure des œuvres de

jeunesse de Lully. Sur vingt arrangements, il subsiste six pièces uniques dont une sera utilisée deux fois : l’Ouverture du Carnaval, Mascarade (1668, LWV 36/1) dans 33-Rés-89ter (après 1677) et dans l’édition 68-d’Anglebert. À l’instar des copistes de Bruxelles-27220, de

46-Menetou ou de Ms. Clermont d’Entrevaux, les pièces uniques de d’Anglebert semblent obéir

Ceci étant, les pièces uniques publiées dans 68-d’Anglebert ont un rayonnement réel en France et en Europe, que n’ont pas les autres pièces uniques présentes dans les manuscrits précités. Les arrangements de d’Anglebert, considérés comme des modèles du genre, sont-ils recopiés par d’autres ? Par exemple, la Chaconne d’Acis et Galatée (1686, LWV 73/32) du

Ms.Normand/Couperin est la version réalisée par d’Anglebert. Marc-Roger Normand/Couperin, le « Couperin de Turin » cousin de François II réalise lui-même six arrangements sauf celui-ci. Cette problématique sera développée dans la partie III, chapitre VII, consacrée à la comparaison des différentes versions d’un même arrangement. Jean-Henry d’Anglebert livre à l’édition musicale les quinze arrangements de 68-d’Anglebert : Pièces de

clavecin, 1689. En choisissant de faire publier dans ce cadre quatre pièces uniques,

respectivement l’Ouverture de Cadmus (1673, LWV 49/1), la Symphonie de Roland (1685, LWV 65/78), une Gigue (55 pièces instrumentales non datées, LWV 75/52 ?) et le menuet la

jeune Iris (Trios pour le coucher du roi, 1667, LWV 35/10), d’Anglebert choisit de donner un

lustre particulier à des pièces visiblement non à la mode, car uniques, et faire ainsi transparaître son goût personnel : cette attitude est profondément moderne en cette fin du XVIIe siècle.

Les trois chapitres de la partie I consacrée aux sources nous montre que le contenu de chaque ouvrage peut en indiquer implicitement la destination : ceci nous mènera naturellement vers son aspect social et sociologique qui sera abordé dans la partie II. Dans la partie III, nous comparerons quelques exemples de pièces identiques en concordance pour comprendre la démarche musicale de chaque copiste arrangeur et voir à quel degré d’élaboration nous avons à faire. L’étude des manuscrits décèle leur usage et leur fonctionnalité : certains étant destinés à des musiciens professionnels et d’autres à des clavecinistes débutants ou à un public amateur éclairé. Ces observations tendent à dégager une cohérence des divers usages musicaux et sociétaux tant en France qu’à l’extérieur du royaume. Les arrangements pour clavier d’œuvres théâtrales de Lully répondent et conviennent à deux logiques : que l’on soit un musicien professionnel comme d’Anglebert, Marc-Roger Normand/Couperin, Guillaume-Gabriel Nivers ou que l’on soit débutant, les arrangements d’œuvres théâtrales de Lully peuvent satisfaire à ces deux exigences. L’universalité de ce répertoire est une constante des pièces les plus faciles, de petits menuets, aux pièces les plus développées à l’exemple de la Passacaille d’Armide (1686, LWV 71/61).