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Chapitre 9 : Recontextualiser l’action militante : les spécificités de la campagne « locale » pour les

9.3 Le rôle mobilisateur des « jalons » événementiels nationaux

Les grands évènements militants qui jalonnent la campagne nationale du candidat Sarkozy, auxquels participent les militants locaux, ont des répercussions sensibles sur la mobilisation du collectif partisan local. Ils jouent un double rôle : mobilisateurs de l’ensemble de la « communauté partisane nationale », ils conduisent à la réaffirmation physique de l’intégration du groupe local à la

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structure nationale ; mobilisateurs de la section elle-même, par elle-même et pour elle-même, ils l’amènent à (ré)affirmer sa force militante singulière par rapport aux autres sections.

Nous fonderons ici notre analyse sur le cas particulier du meeting organisé le 11 mars 2012 au centre de congrès de Villepinte. Premier grand meeting de la campagne, cette grand’messe partisane était supposée accompagner autant que favoriser la montée en puissance de Nicolas Sarkozy, amorcée le 15 février avec sa déclaration de candidature. Les militants UMP se sont déplacés en masse ; de nombreuses personnalités du parti sont présentes pour « chauffer la salle », depuis la fin de la matinée jusqu’à l’intervention de Nicolas Sarkozy lui-même, prévue pour 15 heures 30. Le « casting » illustre la communion de tous les courants de l’UMP et, au-delà, des partis alliés, autour de la candidature de Sarkozy : Laurent Wauquiez représente la droite sociale, Christian Estrosi la droite populaire, Hervé Novelli les libéraux, Jean-Pierre Raffarin les humanistes. Hervé Morin et Christine Boutin, fraichement retirés de la course à la candidature, jouent le jeu du rassemblement. Jean-Marie Bockel, quant à lui, tient le rôle du socialiste repenti. Le succès du meeting (qui a su rassembler entre 40 000 et 60 000 personnes – les chiffres font débat) résulte d’un effort logistique important de l’équipe de campagne du candidat et de l’UMP, qui s’est matérialisé par de nombreux autocars et trains spécialement affrétés pour l’évènement. La 11eme circonscription put revendiquer 150 participants environ. Une soixantaine fut emmenée de Montrouge par un car « du parti », le reste arrivant à Villepinte par ses propres moyens.

Le meeting est un moment de communion partisane. Le groupe militant de la 11eme circonscription se fond dans la masse des participants, « venus de toute l’Ile de France et d’ailleurs », participe pleinement au jeu de la salle, dans cette « discipline de la spontanéité » qui caractérise les meetings de la campagne et qui fait des interventions du parterre une part intégrante du discours du candidat402. La musique et les vidéos diffusées sur les écrans, qui déclinent les thématiques sonores et visuelles de la campagne pour « la France forte403 », impulsent une ambiance de lutte et de combat : le meeting est l’occasion d’une « réinjection » de « haute » politique, d’une « revaccination » sur les grands enjeux (métaphores médicales fréquemment relevées dans les propos de nos enquêtés) avant le retour aux réalités prosaïques du combat sur le terrain404.

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Le nom de F. Hollande est systématiquement hué, les « Nicolas président ! » profitent des pauses étudiées du discours de N. Sarkozy pour fuser de toute part, les arrêts plus long sont ponctués de « on va gagner, on va gagner », etc.

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Selon le slogan retenu par l’équipe de campagne.

404 « Quand on voit les meetings, et l’ambiance qu’il y a dans un meeting… Quand on sort d’un meeting, on est

dix fois plus motivés que quand on sort… d’avoir tenu la permanence pendant deux heures. Et c’est normal ! C’est normal ! Parce qu’on se sent soutenu, parce qu’on sait qu’il y a d’autres personnes qui ont la même préoccupation. »

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Mais c’est aussi pour montrer sa force aux autres circonscriptions que le groupe militant se mobilise en nombre autour de l’évènement. Le placement physique dans la salle, qui regroupe spatialement les militants originaires d’une même circonscription géographique, et, au-delà, d’une même fédération, autorise une forme de compétition pour la ferveur, et attise les rivalités entre sections pour la conduite de l’animation – un peu à la manière des rivalités entre tribunes de supporters d’un même club, lors d’un match de football disputé « à domicile ». Le jeu des applaudissements aux orateurs – accueillis différemment par les diverses « régions géographiques » de la salle, en fonction de leur territoire de rattachement – participe également de cette compétition : le « score à l’applaudimètre » obtenu par les personnalités du parti405 mesure autant leur popularité que l’importance numérique des militants en provenance de leur circonscription ou de leur fédération. Avant même le début du meeting, le voyage en car représente déjà un moment de communion pour l’UMP locale : communion inclusive, autour du soutien à Nicolas Sarkozy et de la défense du bilan gouvernemental, qui dominent les conversations. Mais également communion exclusive, qui construit la cohésion du groupe social contre l’ « extérieur » : les jeunes brocardent les autocars affrétés pour les autres fédérations UMP et incidemment rencontrés sur l’autoroute, au gré des échangeurs, faisant jouer leur identité territoriale du « 92 » contre le « 93 »406, contre « les Parisiens », contre les « ploucs de province » … cette forme de communion exclusive se fait certes sur un mode humoristique, mais elle ne doit pas pour autant être négligée et considérée comme anodine. La rivalité entre circonscriptions, qui entre dans le cadre du climat concurrentiel instauré à l’UMP depuis l’arrivée de N. Sarkozy à la présidence du parti, en 2004407, le désir de se montrer « à la hauteur », voire « supérieurs » aux sections des circonscriptions voisines ou lointaines, constituent l’un des moteurs de la mobilisation partisane locale.

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