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Chapitre 6 : Plasticité de la structure partisane, multi-positionnement des acteurs et labilité des

6.1 Militants, élus : une dichotomie du parti au local ?

6.1.1 Montrouge, lieu d’une intégration réussie de la composante « élus » ?

Montrouge concentre la majeure partie des élus municipaux UMP de la circonscription. C’est également dans cette ville que leur intégration au sein de la structure partisane locale semble le moins faire problème. Dans leur discours, les membres de la section UMP montrougienne – responsables aussi bien que simples militants – revendiquent la participation des élus à la vie

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G. LE BEGUEC, « L'élu local », in J.-P. RIOUX, J.-F. SIRINELLI (dir.), La France d'un siècle à l'autre, Paris, Hachette, 1999, pp.544 à 552

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partisane et la qualité des rapports entre militants et élus comme une réussite à mettre à l’actif de l’ensemble de la communauté partisane :

« CL : Et sinon, les relations entre les élus de la circonscription… au conseil municipal, et les militants… parce que j’avais l’impression que certains militants trouvaient que les élus n’étaient pas très présents…

AST : Ça, c’est vrai à Bagneux, c’est pas vrai à Montrouge. Parce qu’à Montrouge, on s’entend bien avec nos élus. […]

CL : Donc à Montrouge, il n’y a pas de problème de ce point de vue-là.

AST : Non, de ce point de vue là, pas à ma connaissance. Moi je m’entends bien avec les personnes qui sont au conseil municipal, et je les vois militer, et ils sont là aux réunions, et… non, vraiment, je trouve qu’il n’y a pas du tout de soucis260. »

Mais les choses ne sont pas aussi simples. Si le « discours d’institution » concernant la réussite de l’intégration des élus s’appuie sur un certain nombre d’éléments factuels, et trouve des relais – plus ou moins intéressés – au sein de la communauté partisane, certains militants parmi les plus « actifs » au sein de la section critiquent le manque d’implication « sur le terrain » des autres membres de la section. C’est le cas, par exemple, de Richard D., présent à plusieurs reprises sur le marché, durant les premiers temps de la campagne électorale concernant les élections présidentielles, pour des sessions de distribution de tracts en sous-effectifs. Il arrivait fréquemment, en février-mars, que les militants UMP se trouvent à deux sur le marché de Montrouge – « là, même le FN ils sont plus nombreux que nous, il faut arrêter les conneries », nous confiera Richard à l’une de ces occasions, le 27 mars 2012. Dans les périodes de faible mobilisation, c’est avant tout le manque d’implication des élus qui est critiqué par les militants présents, qui ne comprennent pas que des « bénévoles » – eux- mêmes – soient plus actifs que des acteurs politiques rémunérés (même faiblement).

Les déclarations de Richard D. ou d’autres militants sur la faible implication des élus « sur le terrain » sont corroborées par notre propre travail d’observation du marché de Montrouge. Notre constat empirique est clair : seuls trois élus furent présents de manière régulière lors des activités de tractages au marché de Montrouge tout au long de la campagne. Cette observation est également conforme aux prévisions de l’une de ces trois élus, émise en entretien au début de ladite campagne :

« CL : Et vous pensez que, au-delà de vous, des élus vont s’impliquer dans la… campagne militante, sur le terrain ?

MD : Bah j’espère (rire) ! André N., oui, je sais, parce que… les autres, franchement, j’en sais rien du tout, oui ! si, Christian G. est aussi présent sur le terrain… enfin, là, je parle du tractage, quand vous dites terrain, c’est ça ? Les autres, je ne sais pas. C’est vrai qu’il y en a qu’on ne voit pas, ou qu’on voit très peu.261 »

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Entretien avec Anne-Sohpie T., 28/02/12.

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Les deux noms cités – André N. et Christian G. – auxquels s’ajoute le nom de notre interlocutrice, Martine D., correspondent très exactement au nombre des élus municipaux (deux simples conseillers et un maire-adjoint) présents sur le terrain militant. Les autres formes d’activités partisanes considérées comme « militantes » à l’UMP n’attirent pas davantage les élus. Ainsi, un seul conseiller municipal, André N., déjà investi dans les activités de « tractage », nous a paru s’astreindre à une présence régulière à la permanence de Montrouge. Il existe donc une forme de partition du groupe des élus, entre un petit nombre qui s’implique aux côtés des militants dans le travail de terrain, et un grand nombre d’autres qui restent absents ou quasiment absents de rendez-vous proprement militants. Le manque de lien avec le terrain semble être considéré comme un handicap par les élus eux-mêmes :

« MD : Moi, je trouve qu’il n’y a pas assez de contacts, hein, donc, je pense qu’on pourrait bien mieux structurer, donner des informations, faire remonter des informations, qui pourraient être utiles… d’une part par exemple… quand quelqu’un nous dit : « oui, mais c’est votre perception », quand par exemple le maire dit : « c’est votre perception », euh… si on avait des remontées de terrain en disant (je dis n’importe quoi, hein !) : « Ah oui, mais nous, on a cent personnes qui pensent ça. » On aurait plus de poids. Pour défendre nos idées, au conseil municipal par exemple.

CL : Au sein de la majorité municipale ?

MD : Voilà. Et ça permettrait… ça c’est une chose… et aussi, si on était plus structurés, si on avait voilà, peut-être ces fameuses réunions de majorité, ou qu’on se réunissait de temps en temps pour s’échanger des informations, on pourrait les transmettre… aux militants.

CL : Pour avoir des données factuelles… à diffuser… sur le terrain ?

MD : Oui ! Oui, par exemple ! Je ne sais pas… dire l’enthousiasme de ce futur centre culturel et des congrès, que… je viens juste, là, de visiter. Parce qu’on me l’a permis. Bah oui, transmettre ces choses- là, ça fait partie je trouve de… de notre rôle, à un conseil municipal, c’est d’écouter ce qui se passe pour éventuellement… rapporter les choses et faire en sorte que ça se passe mieux mais c’est aussi… d’aller donner l’information. Voilà voilà.

CL : Donc ces choses-là ne se font pas, ou se font de manière insuffisante…

MD : A mon… de ma propre perception, ne se font presque pas. […] Il est temps qu’on se structure ici, quoi, parce que… il y a de la matière à travailler.262 »

Martine D. considère que le manque de participation des élus aux activités de terrain et, à tout le moins, le manque de relations entre le groupe militant et les élus est dommageable pour les deux groupes. Un échange d’informations entre les deux permettrait selon elle aux élus de mieux faire leur travail auprès du maire et du conseil municipal, et autoriserait les militants à se prévaloir des réalisations municipales portées par des conseillers de leur couleur politique. L’absence d’échanges pointée par Martine D. dans ses propos semble symptomatique des limites de la participation des

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élus municipaux aux activités du groupe partisan, limites qui viennent contredire en partie le « discours enchanté » de l’intégration réussie, que nous avons présenté en premier lieu263.

Le détachement des élus par rapport à l’action militante de terrain est en grande partie dû à leur participation à la gestion municipale :

« CL : Sinon, sur la question des rapports entre les militants et les élus… j’entends beaucoup de choses, assez contradictoires d’ailleurs, et en tout cas, j’ai cru comprendre que la situation était très différente sur les trois villes…

GE : Basiquement, ici, à Montrouge, les relations sont permanentes et pérennes. Après, euh… les militants parfois trouvent que les élus ne s’impliquent pas assez sur le terrain. Euh… enfin, sur le terrain militant. C’est aussi parce que, par définition, ils sont aux commandes, donc ils sont ou adjoints, ou conseillers, enfin… oui, donc ils ont des dossiers à gérer au niveau municipal qui ne sont pas des dossiers de type politique au sens idéologique du terme.264 »

Les difficultés rencontrées dans l’intégration des élus à la structure partisane viennent en partie des exigences du maire Nouveau Centre de Montrouge, J.-L. Metton, vis-à-vis de son équipe municipale. Mr Metton demande à ses maires adjoints de se consacrer à leurs dossiers en délaissant le travail de terrain. C’est à tout le moins le sens des informations qui circulent au sein du groupe des militants UMP :

« Metton a ce qui est à mon sens un défaut, ou en tout cas un défaut de vision des choses, c’est qu’il considère que les adjoints doivent être des techniciens, qui connaissent à fond leurs dossiers, etcetera. Sauf que… les adjoints sont souvent plus proches du terrain que le maire, si ça fonctionne comme dans beaucoup de mairies, et que c’est très bien de bien connaitre ses dossiers, sauf que quand tu te fais élire, que tu connaisses bien tes dossiers pour une élection municipale, les gens s’en foutent. Tu vois ? Parce qu’il faut savoir que les rares du conseil municipal qui viennent aux réunions UMP, ou qui viennent tracter avec nous sur les marchés, ce ne sont pas des adjoints. Martine elle n’est pas adjointe, Christian G., bon, il est adjoint, mais il est… oui, bon, c’est pas un bon exemple. T’as André N., le trésorier, qui n’est pas adjoint. […] Mais je pense que… Guillaume d’ailleurs me l’a plus ou moins dit explicitement une ou deux fois, c’est une consigne de Metton que ses adjoints n’aillent pas sur le terrain. Après, bon, jusqu’à présent ça a marché, puisqu’ils se sont fait réélire trois fois, hein, mais euh… compte tenu de la configuration que prend sociologiquement la population de Montrouge, je suis pas persuadé que ce soit vraiment la bonne tactique pour les prochaines en 2014, de pas faire de terrain, de rester dans ses bureaux et de connaitre à fond ses dossiers.265 »

La volonté de Mr Metton de s’entourer de collaborateurs qui sont davantage des technocrates que des politiques militants, au-delà de la question de sa pertinence politique – soulevée par Richard D. – va à l’encontre du processus d’intégration des élus UMP à la structure militante. Mais ladite intégration est néanmoins globalement réussie, à tout le moins pour une partie d’entre eux, notamment via des structures comme le comité exécutif.

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Signalons toutefois, par prudence méthodologique, que l’entretien sur lequel nous appuyons notre propos fut réalisé avec une conseillère municipale impliquée dans les activités « de terrain ». Le point de vue de Martine D. sur les apports de l’intégration des élus à l’action militante n’est certainement ni neutre, ni représentatif de l’opinion de l’ensemble des élus municipaux.

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Entretien avec Guillaume E., 19/03/12.

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