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Chapitre 5 : Les structures partisanes locales de l’UMP

5.1 Le parti comme institution

5.1.1 La permanence comme objectivation physique locale du parti

L’UMP de la 11eme circonscription dispose d’une permanence, située en plein cœur de Montrouge, dans un local commercial doté d’une vitrine sur l’Avenue Henri Ginoux (une des artères principales de la ville). Ce local, stratégiquement situé sur le chemin du marché, remplit tout d’abord un certain nombre de fonctions pratiques, au-delà de l’accueil des réunions militantes de la section. Il permet par exemple, pendant la campagne, de centraliser au niveau local des demandes de procurations émanant d’électeurs de l’UMP non encartés. A chaque session de permanence à laquelle nous avons assisté pendant la durée de la campagne pour les élections présidentielles, nous avons vu une personne (au moins) franchir la porte du local pour établir une procuration au profit d’un militant. L’importance de la permanence comme « point-relais » pour l’établissement des procurations fut spontanément évoquée en entretien par Guillaume E :

« Le fait d’avoir une permanence ouverte… régulièrement, et où on reçoit du monde, c’est le cas, hein… depuis l’entrée en campagne de Nicolas Sarkozy, on va dire que… in and out, on est à une trentaine de visites par week-end, ce qui est… beaucoup, à… à physiquement rentrer dans la permanence. […] Ça, plus le fait aussi que… sur un truc qui est moins euh… comment dirais-je… lié à la campagne en tant que tel mais qui est hyper important, c’est le fait qu’on soit un point-relais pour établir des procurations. […] Il y en a beaucoup là, ce qui fait qu’on va très certainement être amenés à augmenter la voilure par rapport à ça, parce que si on continue à ce rythme, euh… avant le premier tour, on va vraiment avoir tous nos mecs qui vont avoir des procurations si ça continue, quoi. C’est plutôt bon… signe dans le sens où le fait d’avoir une permanence sert au moins à ça, pas que, puisqu’elle sert à beaucoup de choses, mais ça, c’est un des points sur lesquels on aurait pas pu avoir la même qualité d’action si on avait pas eu un… une présence physique pérenne euh… et euh… voilà ». Le local UMP joue également un rôle important pour le recrutement de nouveaux militants par « candidature spontanée » ; il offre l’opportunité aux sympathisants de franchir le pas (de la porte) pour entamer une discussion avec le ou les permanents, discussion qui constitue parfois la première étape du processus de l’adhésion. Parmi l’échantillon de militants avec lesquels nous avons eu un entretien, deux (sur dix) ont adhéré à l’UMP de cette manière : Anne-Sophie T. et Richard D. Ce dernier racontait ainsi son adhésion216 :

« J’ai pris ma carte en mai 2010, alors en fait tout simplement et tout bêtement parce que… c’est vers cette époque-là qu’il y a eu la permanence sur Henri Ginoux [nom de l’avenue sur laquelle se trouve l’actuelle permanence de circonscription de l’UMP], parce qu’avant ils étaient deux fois ou trois fois par semaine dans la salle des fêtes, qui est donc beaucoup moins visible, parce que… enfin, je ne sais pas si tu sais où elle est, mais… en gros, elle est vers Bagneux. Donc moi, c’est vrai que c’est une partie de Montrouge où je ne mets pas très souvent les pieds. Euh… donc quand il y a eu cette permanence-

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là sur Ginoux, qui est quand même une des artères principales de Montrouge, j’ai… bah je suis rentré un soir, hein, de permanence [..] j’ai toqué, et je suis rentré217 ».

C’est peut-être les difficultés auxquelles se heurtent les sections balnéolaises et malakoffiotes – privées de permanence par manque de ressources financières – dans leur fonctionnement quotidien qui montrent le mieux, en négatif, l’importance pratique de la possession de locaux pour la vie partisane. L’absence de permanence à Bagneux oblige le responsable de ville Michel D. à « bricoler » pour l’organisation de ses rendez-vous militants et de ses réunions :

« Moi, c’est par téléphone, parce qu’on n’a pas de permanence, à Bagneux, bien entendu, il y a une permanence des élus… mais bon, on ne peut pas y aller, on n’a pas le droit, c’est vraiment la permanence des élus. On n’a pas le droit de faire de politique euh… militante. Donc c‘est par coup de téléphone, on se rassemble sur le marché de Bagneux, ou dans le centre-ville, puis on se dispache, et puis… voilà, hein ! »

Mais au-delà de ces fonctions pratiques, la permanence partisane joue un rôle majeur au point de vue de l’institutionnalisation de l’UMP locale – c’est-à-dire du processus continu d’objectivation du parti. Julien Meimon, qui a travaillé sur la naissance des institutions, en s’attachant à l’étude de la création de certains ministères218, insiste sur l’importance de la matérialisation de l’existence des institutions nouvellement créées. « Dans le cas des créations ministérielles, écrit-il, la naissance d’une institution s’objective bien moins dans un poste de ministre que dans des bâtiments, décrets d’attributions, transferts de corps et de crédits.219 » Julien Meimon insiste sur l’importance du « bénéfice d’un lieu géographiquement identifié » et de « bâtiments spécifiques » dans « l’objectivation de la fonction de l’institution220 ». Ainsi, la permanence, local et symbole de l’UMP dans la circonscription, portant sur sa façade le sigle du mouvement, ainsi que ses couleurs, donne au parti une présence physique, et matérialise son existence dans la ville :

« En fait, ce qu’on fait pour prendre un peu de recul, zoom arrière, c’est de dire, de faire que les gens aient un lieu où ils ont identifié physiquement l’UMP aujourd’hui, les autres, l’opposition, en passant, par exemple, l’opposition socialiste a un local, les communistes aussi… c’est toujours fermé. Nous, la première chose que je fais quand j’arrive, c’est : j’ouvre la lumière. C’est une présence. C’est comme un bon commerçant. Puis… donc on est ouvert : mardi, bientôt mercredi, jeudi les jeunes, on a que le vendredi. On a le samedi et le dimanche, donc on est cinq jours sur sept ouverts. Autrement dit, on a vraiment une visibilité. Pour que les gens de l’extérieur rentrent… voient – visibilité toujours – les responsables militants, comme moi, ou les responsables municipalité.221 »

La permanence tient donc un double rôle, vis-à-vis de « l’extérieur », c’est-à-dire du monde profane, et vis-à-vis de « l’intérieur », du groupe militant. Elle est à la fois interface entre ces deux univers,

217

Entretien avec Richard D., 07/04/12.

218 J. MEIMON, « Sur le fil. La naissance d’une institution », in J. LAGROYE, M. OFFERLE, Sociologie de

l’institution, Belin, 2011.

219

Idem, p. 124.

220

Idem, p. 125.

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vitrine offerte au monde profane222 et point d’ancrage physique de la structure partisane. Le local de la rue Henri Ginoux objective physiquement la présence de l’UMP à Montrouge ; il l’objective, et nous pourrions même dire : il l’impose, aux Montrougiens comme à l’ensemble des institutions partisanes concurrentes. Sa valeur symbolique est donc au moins aussi importante que ses fonctions pratiques.

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