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Chapitre 6 : Plasticité de la structure partisane, multi-positionnement des acteurs et labilité des

6.3 Du politique au protopolitique : les réseaux sociétaux de l’UMP

6.3.3 Discrétion et cloisonnement dans l’engagement associatif

L’enquête sur les liens existant dans la 11eme circonscription entre l’UMP locale et les associations s’est révélée particulièrement difficile. Notre première tentative d’obtenir quelque information sur le sujet au cours d’un entretien fut pour le moins inefficace : notre interlocutrice, Anne-Sophie T., parut déstabilisée par notre question. Elle nous confirma l’existence de liens avec des structures associatives, mais se montra relativement avare de précisions :

« CL : Sinon, je voulais te demander : est-ce que à Montrouge il y a des formes de liens existant entre l’UMP et des organisations, associations, des clubs… j’ai vu qu’il y avait le Rotary et le Lion’s club qui étaient présents à Montrouge…

AST : A ma connaissance… pas vraiment… en tout cas pas avec le Lion’s et le Rotary. On a un lien avec le Racing Club de Montrouge, qui est le club de Rugby de Montrouge, parce que ce sont des jeunes de l’UMP qui sont à l’origine de… de ce club, on a des liens avec d’autres associations, mais euh…

CL : De quel type ?

AST : De quel type… alors, il y a une association pour les femmes, je ne me souviens plus du titre exact, je suis désolée… oui, des associations, mais je ne me souviens plus exactement lesquelles. Mais on a des liens avec d’autres associations. Dans des domaines… je dirais, qui vont se rapporter à des franges de la société.300 »

Toutes nos autres tentatives, auprès de responsables comme auprès de simples militants, se sont heurtées aux mêmes difficultés, hésitations, voire même à des tentatives d’éluder purement et simplement la question. Nous avons dû renoncer, de guerre lasse, à questionner nos enquêtés sur ce sujet. Cependant, cette forme de « tabou » de l’engagement associatif nous a paru constituer un point d’investigation intéressant pour lui-même. Nous avons donc tenté de comprendre, de saisir les raisons de ce « tabou », pour voir ce qu’il pouvait nous enseigner sur la place de l’engagement associatif à l’UMP locale et, au-delà, sur le discours « officiel » véhiculé et valorisé par l’institution partisane à son sujet. Il est apparu rapidement, au vu des entretiens réalisés et des conversations menées au fil des jours avec l’un ou l’autre des militants de la circonscription, que nos questions sur l’engagement associatif se heurtaient à une rhétorique du rejet des liens entre parti et associations – et, au-delà, à un rejet de l’idée même d’une hétéronomie des organisations partisanes. Pour les

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A.-S. PETITFILS, « Mobilisations et luttes internes autour des questions homosexuelles à l'UMP : l' ‘’affaire Vanneste’’ », Politix. Travaux de science politique, n° 92, 2010, pp. 99-124

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militants de la 11eme, les interdépendances et les liens d’échange stabilisés entre associations et partis politiques n’existent que « du côté de la gauche qui noyaute tout » :

« CL : Et sinon, je me demandais, est-ce qu’il y a des liens particuliers, privilégiés, du comité de ville UMP [de Bagneux] avec des associations dans la ville ?

MD : Non, parce que les associations à Bagneux, elles sont noyautées, hein !

CL : Toutes ?

MD : Oui, enfin, à 95%, quoi ! Elles sont noyautées, oui ! Non non, alors là, les associations à Bagneux, c’est… c’est fermé ! Bien noyauté, la plupart des associations, le président d’honneur, c’est le maire, Donc vous voyez ! On va dans des… moi, je suis membre des amis de Bagneux, c’est une association d’histoire locale, et je vois bien… je vais à l’assemblée générale, je vois bien que c’est très… c’est fermé, quoi ! Il y a eu des élections internes au conseil d’administration, tout ça, on ne peut pas y aller ! On ne peut pas y aller, on nous empêche de… on nous empêche d’être candidats ! Non, les associations à Bagneux, c’est… très, très fermé ! Hm.301 »

Au-delà de l’expression des difficultés à se « faire une place » dans un monde associatif polarisé à gauche, Michel D. exprime d’une certaine manière sa condamnation du système de relation aux associations que pratiquent la gauche en général et le PCF en particulier : si les organisations balnéolaises sont « noyautés », à l’UMP, en revanche, on ne noyaute pas ; les individus doublement engagés à l’UMP et dans le monde associatif le sont à titre personnel et individuel, et ils ne « mélangent pas les genres » :

« Il n’y a pas… comment dirais-je… il y a pas d’identification pure et dure au fait d’aller dans une association, qu’elle soit sportive, culturelle et autre, en disant : « moi, je suis de l’UMP », machin. Elle existe dans les faits, les gens sont plus ou moins identifiés comme étant UMP, mais on ne mélange pas les genres. Autrement dit, il ya une forte implication dans le tissu associatif local, de la part de gens qui sont encartés à l’UMP, mais dans laquelle il n’y a pas de prosélytisme pur et dur qui est effectué ; en revanche le fait que les gens soient identifiés comme UMP fait que… de toute manière, le lien est fait, quoi, voilà. Voilà. On est pas… ce que ne fait pas la gauche, hein, la gauche, en général… ils mettent pas leur drapeau dans leur poche… c’est pas une question de mettre le drapeau dans leur poche, euh… dans notre poche, c’est le fait d’être un peu plus subtil que ça, quoi.302 »

Dans le cas des clubs services, très présents à Montrouge, à travers l’implantation du Rotary et du Lions clubs, le « tabou » associatif semble se doubler d’une forme de « discrétion bourgeoise » :

« CL : Et les cas du Lions et du Rotary, c’est quand même assez particulier, non ?

GE : Ouais, mais ça c’est autre chose. T’as de tout euh… t’as de tout. Alors c’est vrai qu’en général quand t’es membre du Lions, du Rotary, t’es plutôt dans la logique de notabilité, quoi. Et donc euh… on peut supposer que t’as… les types sont plus de droite. C’est vrai. C’est euh… ou pas. Ça dépend. Mais ici, sans doute.

CL : Et donc concrètement, il y a des membres du Rotary et du Lions qui…

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Entretien avec Michel D., 10/03/12

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GE : Qui sont encartés à l’UMP ? Ouais. Enfin… ou qui sont encartés UMP, ou qui sont proches de nos idées. Hein.

CL : Mais il n’y a pas de lien par exemple sur l’organisation d’évènements… communs de discussion, ils ne vont pas inviter une personnalité de l’UMP pour parler dans une soirée… ?

GE : Pas dans… alors. Ça peut arriver, mais… c’est pas parce que c’est un responsable de l’UMP, c’est parce que ça peut être un élu, qui est UMP, ou un ministre, ou quelqu’un… ou une personnalité qui est connue comme étant UMP, mais il n’intervient pas parce qu’il est UMP ; il intervient parce que… parce qu’il est… dans un domaine précis, il a une expertise. Voilà. Enfin je… j’ai pas de contre-exemple, quoi. Il y en a peut-être, mais je n’en connais pas. Voilà.303 »

Notre entreprise visant à cerner les liens entre le parti et le monde associatif local par le biais d’entretiens qualitatifs était, dès le départ, vouée à l’échec ; il aurait fallu faire un travail d’enquête quantitatif, par questionnaire, sur l’engagement associatif des adhérents de l’UMP. Le questionnaire que nous avions construit (cf. annexe) allait dans ce sens, et comportait une série de questions sur les engagements « extérieurs » des adhérents. Malheureusement, comme nous l’avons signalé lors des chapitres préliminaires (chapitre 2), sa passation n’a pas pu être organisée, et notre analyse quantitative est, par voie de conséquence, demeurée à l’état de projet. Cependant, toutes nos questions ne sont pas restées sans réponse, et le silence – ou plutôt les esquives – de nos interlocuteurs fut, d’une certaine manière, riche d’enseignements concernant les liens entre l’UMP locale et les associations.

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