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Pour Allaire (1982), comme pour Haudry (1973), ce qui fait partie des caractéristiques qui permettent de distinguer les différents types de SC, c’est principalement le système anaphorique, mis en place, explicitement ou non, dans un schème corrélatif, anaphore qui est, par ailleurs, à la base du système latin, et indoeuropéen.

Pour Allaire (1982 : 324), « [d]ans le groupe de phrase à complémentation directe39, l’organisation structurale repose sur le fonctionnement de deux processus syntaxiques, fondamentaux en français, l’interdépendance modale [les marques de cette interdépendance sont données dans le tableau récapitulatif ci-dessus] et l’anaphore. ». Ces deux processus nous intéressent directement pour l’étude de nos structures.

Allaire (1982) remarque que l’anaphore peut prendre, au sein d’une SC, soit la forme d’un pronom, soit la forme d’un substitut (en l’occurrence le substitut verbal faire), soit encore par la répétition du même verbe qui produit une organisation symétrique de la SC. Mais elle ajoute (1982 : 121-122) que :

« […] quelle que soit la marque retenue, le jeu de l’anaphore assure entre les deux membres du système corrélatif une fonction de cohésion, tout en signalant la dépendance du second prédicat par rapport au premier. […] L’économie de la phrase

39 C’est ainsi que Allaire nomme les SC en [adverbe … que] dans lesquels que n’est pas précédé d’une préposition. Les autres groupes de phrases, i.e. dans lesquelles que est précédé d’une préposition, sont appelées à "complémentation indirecte", tel est le cas pour les structures comme : [adverbe … pour que].

repose donc sur la non autonomie de la seconde proposition dont le noyau verbal est relié anaphoriquement au contexte antérieur. »

Cette citation nous éclaire précisément sur la fonction de l’anaphore au sein d’un énoncé corrélatif. Son rôle est essentiellement cohésif, en ce qu’elle assure en partie la ligature des propositions entre elles.

Les P1 et P2 d’une SC sont donc dans une interdépendance sémantico-référentielle, puisque « la réalisation anaphorique souligne la complémentarité des deux propositions : alors que le second complète séquentiellement le premier, celui-ci est repris comme complément du second » (ibid. : 122) ; l’anaphore est donc un indice fort de l’incomplétude entre les deux énoncés assurant la cohésion dialectale.

Il nous semble qu’il faut ici apporter une précision sur la notion de dépendance : il ne s’agit en aucun cas de rection verbale, syntaxique, mais de la "dépendance sémantique/énonciative" de P2, qui ne s’interprète qu’à partir du pôle de référence que constitue P1.

Corminboeuf (2007 ; 2008) – tout en reconnaissant la richesse de son travail – oppose à la thèse d’Allaire (1982) la critique suivante : la soumission de son modèle structural à la présence de "marques", et effectivement pour Allaire (1982 : 435) l’exemple (33a) relève du schème corrélatif, contrairement à (33b) qui n’est pour elle qu’un « enchaînement rhétorique » :

33. a. Une affaire est-elle réglée qu’une autre surgit. (Allaire, 1982 : 435) b. Une affaire est réglée, une autre surgit. (ibid.)

Corminboeuf (2007 ; 2008a) précise qu’Allaire reviendra sur ce point dans son article de (1996 : 17) : « si l’énoncé en question présente la particularité de distribuer ses verbes de part et d’autre d’un axe central, signalé soit par et soit par une pause, cette variation n’affecte en rien le rapport qui s’instaure entre les constituants », donc elle envisage ici la possibilité d’une absence de marque segmentale.

Le fait de soumettre son système à la présence de marque segmentale ou intonative (pause) signifie pour Corminboeuf (2007 ; 2008a) un enfermement de la description au niveau intrapropositionnel, soit dans la dichotomie entre subordination et coordination malgré son hypothèse novatrice d’une ordination réciproque de V1 et V2, qui n’est en fait qu’une proposition de subordination non hiérarchisée. Pour Corminboeuf (2008a : 30-31) :

« Ce qui définit la corrélation, c’est la présence de deux marques formelles, à savoir un marqueur "suspensif" et un marqueur "complétif". Sans ces marques, on sort du "schème corrélatif". A [son] avis, le piège40 s’est refermé pour la raison suivante : si Allaire prenait en compte ce qui relève des relations "rhétoriques" […] – une autre manière de dire qu’on entre dans la pragma-syntaxe –, elle ne pourrait décrire les choses ni avec la notion de coordination, ni avec celle de subordination (qu’elle soit hiérarchique ou réciproque, dans sa terminologie). Elle se verrait obligée de faire éclater le cadre de la phrase. En s’y refusant et dans le souci de circonscrire son objet, elle reconduit le préjugé dénoncé dans la citation. […] Il est légitime de se demander pourquoi les structures en si… alors (Si un ordre est donné, alors les soldats passeront aux actes) ne relèvent pas du « schème corrélatif » : V1 implique bien V2 et vice-versa. Par ailleurs, la structure n’est ni réversible ni récursive, alors faisant office d’indice "complétif". »

Il poursuit ainsi sa critique en postulant que pour Allaire (1982 ; 1996) les structures comme (34a,b) seraient plus grammaticalisées (schème corrélatif) que les structures asyndétiques (relation rhétorique) comme (35a,b) :

34. a. Que je bouge et il me ramènera b. Un pas de plus et je chutais

35. a. Que je bouge, il me ramènera vite à l’ordre b. Un pas de plus, je chutais

Il ne statue pas sur cette grammaticalisation et dénonce (ibid. : 31) un dernier travers dans lequel s’inscrit la théorie d’Allaire (1982 ; 1996) :

« En s’inscrivant en faux contre l’hypothèse qui ferait de ces « corrélatives » des structures coordonnées, Allaire se voit contrainte de les verser dans le domaine de la subordination : si ce n’est pas coordonné, alors c’est subordonné. En y voyant une subordination non hiérarchique, elle fait entrer la corrélation de plein droit dans la syntaxe de la phrase. »

Or pour Corminboeuf (2007 ; 2008a) ce type de propositions doit être décrit dans le cadre de la macro-syntaxe et non de la micro-syntaxe.

Pour notre part, nous pensons que ce type de structure se laisse décrire à la fois en terme de micro- et macro-syntaxe. C’est ce que nous nous attacherons de faire dans l’étude en corpus dans la seconde partie de ce travail, mais auparavant il convient de définir ce que nous entendons par micro- et macro-syntaxe, ce que nous nous attachons à faire dans le chapitre 2 ci-après.

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CHAPITRE 2 : Cadre descriptif adopté dans

l’étude

1- L’analyse syntaxique : entre macro- et micro-syntaxe

C’est entre macro- et microsyntaxe que se situera notre analyse syntaxique sur les modèles conjoints de Smessaert et al. (2005) pour la distinction entre micro-syntaxe et macro-syntaxe, et Berrendonner (1990a) pour l’analyse pragma-sémantique au niveau de la macro-syntaxe.