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En effet, concernant ce dernier point Corminboeuf signifie (2007 : 184) qu’il existerait « une idée répandue et particulièrement séduisante [qui ferait] l’hypothèse d’une correspondance stricte entre les différents niveaux d’analyse, à savoir les plans syntaxique, sémantique, pragmatique / fonctionnel, et prosodique ». Or ce serait justement de la confusion de ces niveaux et du postulat d’un isomorphisme entre ces différents plans de description que seraient nés les monstres terminologiques évoqués ci-dessus (ibid. 184).

Déjà Allaire (1982 : 569) mettait en garde contre l’isomorphisme entre structuration syntaxique et sémantique :

« La confusion de la syntaxe et du sens est mortelle pour l’évaluation syntaxique, et les phrases "insidieuses", systèmes à ne explétif ou constructions à point de départ suspensif, n’ont persisté à faire problème que parce que cette confusion, installée au cœur de la théorie traditionnelle, a puissamment contribué à obscurcir les faits en immergeant dans la substance du contenu les indices d’une forme syntaxique […] ».

Dans notre étude nous essaierons de ne pas tomber dans ce piège et discriminerons systématiquement ce qui relève de la syntaxe, de la sémantique ou de la pragmatique sans présupposer d’isomorphisme entre ces niveaux d’analyse. Nous verrons comment actualiser cette mise en garde dans l’étude des traditionnelles PSC dans les chapitre 3 et suivants.

Une telle réserve contre l’isomorphisme entre relateur et relation syntaxique, ainsi que la confusion des niveaux d’analyse conduit nécessairement à interroger la notion même de conjonction (de subordination et coordination).

1-4 Conjonctions et connecteurs : quelle(s) définition(s) ?

1-4.1 Classe des conjonctions et isomorphisme entre "relateur" et "relation

syntaxique"

Si l’on en croit la tradition, il existerait deux types de relation : la subordination et la coordination, qui impliqueraient subordonnants et coordonnants24.

24

Tesnière (1959 : 324) pour montrer ce que les deux relations « ont d’irréductiblement opposé », mais d’irréductiblement attaché aux marqueurs introductifs, propose le tableau suivant en vue d’une révision de la terminologie traditionnelle :

TERMINOLOGIE USUELLE TERMINOLOGIE ADOPTEE DANS ÉLEMENT

DE SYNTAXE STRUCTURALE

Conjonctions de coordination Jonctifs

Prépositions Translatifs du premier degré

Conjonctions de subordination Translatifs du second degré Tableau 3. Terminologie adoptée par Tesnière (1959).

Terminologie qu’il explicite (1959 : 386) ainsi :

« Si le transférende est une espèce de mot, c’est-à-dire un élément de la phrase simple sans plus, et non pas un nœud régissant lui-même une phrase entière, nous dirons que la translation est du premier degré. Si au contraire, le transférende est un nœud verbal avec tous ses subordonnants éventuels, c’est-à-dire une phrase entière nous dirons que la translation est du second degré. »

Malgré l’adoption d’une nouvelle terminologie, Tesnière ne se dégage pas de l’analogie entre marqueur et relation syntaxique, quand Grevisse déjà, cité par Allaire (1996 : 16), faisait un constat remarquable : « il arrive qu’en dépit de la conjonction de subordination, certaines propositions soient de vraies indépendantes ».

Cette remarque de Grevisse conduit Allaire (1996 : 15) à poser la question suivante : « Y a-t-il coordination au moyen des coordonnants ? », poursuivie logiquement par Corminboeuf (2007 : 179) : « et, corollairement, y a-t-il subordination au moyen des subordonnants ? ».

Contrairement donc aux présupposés traditionnels, il n’y aurait pas de corrélation stricte entre la présence d’une conjonction et la relation syntaxique mise en place.

Benzitoun (2007c : 121-122) énonce ainsi le problème:

« Cette situation est vraisemblablement due à l’hétérogénéité des fonctionnements qui se cachent derrière la vision unitaire d’une relation qui serait morphologiquement marquée par un item spécialisé. […] Mais la question de la polyfonctionnalité des marqueurs appelle des solutions plus générales que cette version de la règle et de l’exception car de nombreux items fonctionnent selon ce même schéma. »

Cette remarque induit que les marqueurs (ou relateurs ou joncteurs) fonctionnent sur plusieurs niveaux que nous définirons comme micro- et macro-syntaxiques : soit au niveau micro-syntaxique ils seraient des joncteurs entre propositions entretenant entre elles un

rapport rectionnel, et au niveau macro-syntaxique, des joncteurs, non plus de propositions, mais d’actes énonciatifs ou d’énoncés indépendants du point de vue énonciatif et syntaxique.

C’est ainsi que nous pressentons le fonctionnement de quand. La question de sa catégorisation sera bien entendu abordée et élaborée au cours de l’étude.

L’absence d’isomorphisme entre marque segmentale et relation syntaxique, permet à Rebuschi (2001 ; 2002) de postuler que ces conjonctions fonctionnent comme des têtes fonctionnelles à deux arguments.

Il abandonne (2001 : 24) donc les notions de conjonction, jonction, connexion ou nexus, au profit de celle de co-jonction qui lui parait « particulièrement adapté[e] pour renvoyer au domaine d’articulation syntaxique qui correspond au travail que, précisément, les conjonctions de la grammaire traditionnelle sont censées effectuer, assimilant de fait co-ordination et sub-co-ordination. » Ainsi ses co-joncteurs peuvent devenir le pivot autour duquel se construisent les énoncés complexes.

Cette façon d’envisager les relations interpropositionnelles n’est pas totalement nouvelle et effectivement c’était déjà la position de Rousseau (1996 : 26) sur les connecteurs implicationnels, en raison de ce que :

« La réunion de deux propositions en une proposition unique ayant sa propre valeur de vérité se réalise ici sous l’égide du connecteur. C’est bien le sens profond du calcul propositionnel, où l’on évacue le sens des propositions. Le connecteur peut donc être considéré comme le véritable prédicat, dont les arguments sont les propositions : et (p ; q), si…alors (p ; q). Il s’agit en l’occurrence d’un foncteur à deux arguments et d’un type tout à fait spécifique d’intégration. »

C’est aussi la position de Allaire (1996 : 19) qui postulait déjà au sujet de son schème rectionnel pour les structures du type Qu’il parte et on respire, que :

« Chacun de ces verbes l’un de l’autre complémentaires peut se constituer en une série ouverte de part et d’autre d’un axe central qui forme pivot entre des termes de fonctions différentes : Qu’il vienne (et qu’il parle et que…) et on l’écoute (, on l’oublie). »

Les termes de "foncteur", d’"axe central" et "pivot" seront abandonnés par Rebuschi (2001) au profit de la dénomination de « tête fonctionnelle25 ». Il propose (ibid. : 37-38) de faire systématiquement de ce co-joncteur la tête d’un syntagme bi-propositionnel : « la

25 Il intègre sa description dans la théorie X-barre et dans ce cadre descriptif cette tête fonctionnelle (puisqu’elle n’est pas lexicale comme peuvent l’être les noms, verbes et adjectifs) prendrait pour « spécificateur » la protase et comme « complément » l’apodose.

conjonction est la tête d’une projection maximale dont le premier élément conjoint serait le spécificateur », ce qui donnerait comme représentation selon le modèle X-barre :

&N’’ PROJECTION MAXIMALE

SN1 &N’ SPECIF.– PROJ. INTERMEDIAIRE SN2 TETE – COMPLEMENT

Figure 5. Représentation X-Barre d’une tête fonctionnelle co-jonctionnelle selon Rebuschi (2001).

La théorie de la co-jonction généralisée, prendrait naissance dans cette manière d’envisager les traditionnelles conjonctions, comme de véritables têtes fonctionnelles et non plus comme de simples démarcatifs.