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Le rôle du formateur et de l’étudiant au sein de cette communauté

Chapitre 5 Présentation et interprétation des données

5.5 Curriculum et culture du curriculum

5.5.1 Le programme comme une grande communauté d’apprentissage

5.5.1.3 Le rôle du formateur et de l’étudiant au sein de cette communauté

Le formateur incarne, en quelque sorte, l’enseignant qu’il aimerait voir ses étudiants devenir. On peut observer son rôle de modèle à différents niveaux: d’abord, en contexte de classe, il prend soin de modéliser la posture du chercheur en expliquant aux étudiants sa démarche réflexive dans différents contextes. Cela peut être à la fois une manière d’expliciter une démarche que l’on souhaite systématiser chez l’étudiant et une façon de maximiser le temps de classe en ne soumettant pas aux étudiants les publications scientifiques et autres ouvrages auxquels il se réfère:

Depuis les deux derniers cours, le formateur fait constamment référence à des recherches qu’il ne nous présente pas, ne nous demande pas de lire, rien. Il est souvent en train de dire qu’elle/il a «lu une recherche» ou «que la recherche a démontré que». Il me donne l’impression de réfléchir à voix haute pour qu’on voit comment il fait. C’était plus flagrant quand il a dit «je n’étais pas du tout en accord avec les résultats de cette recherche. J’avais déjà lu d’autres articles sur l’importance de fréquenter un jardin d’enfants avant l’âge de quatre ans, et les auteurs arrivaient à des conclusions différentes». J’y ai vu comme un effort d’expliciter sa manière de réfléchir et de remettre en question les conclusions d’une recherche scientifique en la mettant en lien avec d’autres études sur un même thème (tiré du journal ethnographique, 8 février 2012)

Le formateur agit aussi à titre de modèle par son attitude auprès de ses collègues et dans son milieu de travail. Tout comme l’enseignant en milieu scolaire, les formateurs doivent faire preuve d’une grande ouverture face au travail collaboratif. Ils doivent souvent partager les charges de cours. Le plus souvent, un formateur est responsable des aspects fondamentaux d’un cours (la partie théorique) et le segment pratique est assuré par plusieurs formateurs différents. Ces derniers doivent donc collaborer à la planification du cours. Ils doivent s’entendre sur les modalités d’évaluation, les lectures ainsi que les travaux à réaliser. Nous avons remarqué que, la plupart du temps, les formateurs adoptent une attitude d’ouverture face aux étudiants. Il n’est pas rare de voir les formateurs partager un repas entre collègues à la cafétéria de la faculté, à travers le lot d’étudiants qui s’arrêtent pour échanger avec eux. Les étudiants utilisent d’ailleurs le tutoiement avec leurs formateurs et les autres membres du personnel de l’université. De plus, les formateurs se montrent très disponibles à recevoir des étudiants pour discuter. Ils agissent de la manière

qu’ils souhaitent voir agir les futurs enseignants lorsque ces derniers auront intégré la profession.

En plus d’agir comme modèle, le formateur agit aussi comme guide. Il n’est pas en classe seulement pour transmettre le savoir, mais bien pour le partager et pour guider l’étudiant sur les traces du savoir. Dans ce contexte, son rôle est de mettre l’étudiant en contact avec des éléments théoriques et de lui permettre de connecter cette théorie à la pratique. Le formateur agit donc à titre de facilitateur, qui place les étudiants dans des circonstances favorables au développement de son savoir. Son rôle de guide s’observe aussi dans la manière dont il supervise les travaux des étudiants, qu’il s’agisse de travaux de recherche ou de simples travaux de session.

Le travail de guide du formateur est facilité par le fait qu’il n’enseigne que ce dans quoi il est expert. Nous entendons par là que le formateur se doit d’être actif en recherche dans un domaine donné afin de pouvoir enseigner dans ce domaine. Par exemple, monsieur C, enseignant en didactique de la physique, fut d’abord bachelier en sciences physiques avant d’entreprendre des recherches en didactique de la physique. Il travaille aujourd’hui activement comme chercheur, et profite des cours pour informer les étudiants de faits récents issus de la recherche dans le domaine. Dans ce contexte, il agit aussi à titre de facilitateur entre le savoir scientifique et les étudiants. Bien que, le plus souvent, on ne fasse pas la lecture de publications scientifiques en classe, les étudiants s’approprient lentement le jargon d’un domaine et développent éventuellement une curiosité pour un champ de recherche:

Le formateur que j’ai interviewé aujourd’hui m’a dit qu’il reçoit normalement une dizaine d’étudiants par année dans son séminaire pour le projet de fin de baccalauréat (bachelor thesis). Il m’explique que les étudiants qui se joignent à son cours sont ceux qui ont aimé les cours en didactique de la physique et qui aimeraient faire une recherche sur ce thème. Je note que c’est une forme intéressante de jumelage, car elle assure à la fois la compétence du superviseur et l’intérêt des étudiants pour le sujet. Cet informateur me mentionne qu’à partir de là, son rôle est surtout d’aguiller les étudiants sur de bonnes pistes de réflexion et de les mettre en contact avec des ouvrages/publications pertinents (tiré du journal ethnographique, 2 avril 2012)

L’enseignant agit à titre de modalisateur de la posture réflexive. Il agit aussi à titre de guide et de chercheur actif. Son rôle est de placer l’étudiant dans un cadre stimulant de découverte et de réflexion.

Si le formateur a pour mission d’agir comme guide, l’étudiant a pour responsabilité de prendre part à l’exploration, c’est-à-dire, d’être l'agent actif de ses apprentissages. Il apprend à travers l’expérimentation, le questionnement et la discussion. Bien que plusieurs d’entre eux se présentent aux conférences avec leurs broches à tricoter, alignant les mailles en écoutant le formateur donner son cours théorique, le rôle passif de l’étudiant se résume à quelques heures par semaine. Le temps qu’il accorde à ses travaux personnels ainsi que le temps passé dans les activités en sous-groupe l’oblige à travailler activement à la construction de son savoir. Il doit jouer de la guitare dans son cours de musique, tisser des tapis dans son cours de travail manuel, élaborer un projet de recherche dans son séminaire de maîtrise, mener une enquête dans son cours d’enseignement de l’éthique et des religions ou encore vulgariser un article scientifique à ses pairs dans son cours sur le développement des curriculums. Le futur enseignant finlandais est donc le principal responsable de ses apprentissages. L’énergie qu’il investit dans ses cours contribuera grandement à la qualité de la formation qu’il aura reçue :

Le formateur avec qui je parle aujourd’hui confirme mes observations concernant les plans de cours. Comme le curriculum comprend plusieurs cours, chacun d’entre eux vaut pour peu de crédits. Toutefois, le formateur m’explique que malgré le faible nombre de crédits accordés pour un cours, le contenu à transmettre est souvent très dense, ce qui a pour conséquence de pressuriser les cours. La solution envisagée par le personnel est généralement, selon ses dires, de donner beaucoup de travail personnel à l’étudiant, notamment la lecture d’un ou deux ouvrages complémentaires au cours, en plus d’un travail de session (tiré du journal ethnographique, 23 janvier 2012).

L’étudiant finlandais apprend par le contact avec les autres, l’expérimentation et les échanges. C’est pourquoi il est souvent placé en situation d’apprentissage par les pairs. Paradoxalement, il est aussi fréquemment mis en situation de travail autonome, où il doit apprendre à gérer son temps et sa charge de travail. Qu’il s’agisse de la réalisation du mémoire de maîtrise ou des lectures obligatoires, l’étudiant finlandais doit faire preuve de beaucoup d’autonomie, de débrouillardise et de flexibilité devant les différentes tâches à accomplir.

5.6 Le programme comme un lieu d’épanouissement professionnel et personnel