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L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais : regard ethnographique sur le contexte de sa formation initiale

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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L’IDENTITÉ PROFESSIONNELLE DE L’ENSEIGNANT

FINLANDAIS : REGARD ETHNOGRAPHIQUE SUR LE CONTEXTE

DE SA FORMATION INITIALE

Mémoire

Laurie Dorval-Morissette

Maîtrise en administration et évaluation de l’éducation

Maître ès Arts (M.A)

Québec, Canada

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Le présent mémoire a pour but de rendre compte des résultats de recherche recueillis suite à une immersion prolongée au sein du programme de formation des enseignants de l’Université d’Helsinki en Finlande. Motivée par le désir de mieux comprendre l’enseignant finlandais, cette étude s’est donnée pour objectif de dresser le portrait de cet enseignant, en puisant de l’information au cœur même du milieu où il entame sa socialisation professionnelle, soit dans le contexte de sa formation initiale.

La formation initiale, et plus spécifiquement son curriculum, constitue donc notre objet d’étude. En effet, le curriculum de formation est appréhendé comme un document qui traduit la culture professionnelle de l’enseignant. Le fait qu’un curriculum de formation valorise certains savoirs et certaines compétences au détriment de certains autres nous informe largement sur les compétences et les savoirs jugés essentiels à la formation d’un bon enseignant. C’est pourquoi cette étude, bien qu’elle s’intéresse à l’identité professionnelle de l’enseignant, se penche sur le contexte de sa formation initiale plutôt que sur ses expériences et ses perceptions ce qui, selon nous, contribue à l’originalité de ce projet de recherche.

Préconisant une démarche compréhensive, ce mémoire tente d’articuler la multitude de données recueillies par ethnographie. Ces données, analysées à même la pensée sociologique appliquée au curriculum (sociologie du curriculum) sont explicitées dans une description ethnographique qui nous éclaire sur les connaissances et les compétences qui caractérisent l’enseignant finlandais.

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Le jour du dépôt initial, comme je l’attendais! Je profite de cet avant-propos pour remercier les personnes (ô combien nombreuses!) qui ont fait une différence dans mon parcours grâce à leur soutien et leurs encouragements. J’aimerais avant tout remercier, du fond du cœur, madame Annie Pilote qui, malgré la distance qui nous a séparé tout au long de ce projet, a su trouver les mots pour me rassurer et me donner le goût d’apprendre et de faire toujours mieux. Annie, merci pour ta sollicitude et ta patience!

Je tiens à remercier très chaleureusement ma famille: oncles, tantes, cousins et cousines ainsi que mes grands-parents. Merci pour vos bons mots, votre joie de vivre contagieuse et votre amour. Plus particulièrement, je tiens à exprimer ma plus sincère gratitude à mes parents, qui sont toujours derrière moi et qui m’encouragent dans mes projets les plus fous. Je les remercie pour la confiance qu’ils me portent ainsi que pour tout le soutien moral et financier qu’ils ont eu la générosité de m’offrir alors que j’étais aux études.

J’en profite aussi pour remercier les étudiants inspirants qui ont croisé mon chemin durant mon passage à la maîtrise. Jean-Michel, Jean-Luc, Anthony, Elizabeth, Emily, Caroline, Laura et Jonas : votre curiosité, votre motivation et votre rigueur m’ont donné envie de me dépasser. Dans les moments de doute, vous avez été pour moi des modèles de ténacité qui m’ont encouragé à aller de l’avant et à ne pas abandonner.

Je ne pourrais passer sous silence l’ouverture d’esprit et la générosité des professeurs du département de la formation des maîtres de l’Université d’Helsinki. Sans leur confiance et leur temps, ce projet n’aurait pas pu voir le jour. J’aimerais remercier par la même occasion les étudiants du programme de formation initiale à l’enseignement pour m’avoir accepté au sein de leur groupe, alors que je ne parlais pas la langue et que j’avais tout à apprendre. Kiitos paljon kaikille !

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auquel j’ai pu mener ce très enrichissant travail d’ethnographie loin de la maison. Bien qu’ardu, le séjour en Finlande s’est avéré riche sur tous les plans, et plein de surprises!

Je regarde les deux années qui viennent de passer, la tête dans les livres, les yeux rivés sur l’ordinateur. Il m’est arrivé plusieurs fois, comme beaucoup d’autres, de me demander s’il valait vraiment la peine de se donner tout ce mal. En contrepartie, il m’est aussi arrivé d’avoir l’impression que ce mémoire donne plus de sens à ma vie que bien d’autres projets… C’est donc le cœur gros mais plus léger que je mets fin à cette aventure qu’a été celle de la maîtrise. Le voyage en Finlande ainsi que toutes mes inspirantes rencontres feront vivre en moi pour toujours des souvenirs magnifiques de cette étape de ma vie.

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Table des matières

Résumé ... iii

Remerciements ... v

Table des matières ... vi

Liste des tableaux,figures et photos ... ix

Liste des annexes ... xi

Chapitre 1 - Contexte général ... 1

1.1 Introduction ... 1

1.2 La Finlande après PISA: objet de fascination ... 2

1.2.1 Les enjeux entourant la comparaison à visée évaluative ... 4

1.2.1.1 Sa fonction régulatrice ... 4

1.2.1.2 La comparabilité au détriment du caractère particulier de chaque milieu . 6 Chapitre 2 - Problématique ... 9

2.1 Identité professionnelle et construction identitaire ... 9

2.2 Former à la pratique réflexive et former le praticien réflexif : la double nature du concept de réflexivité ... 13

2.3 L’identité professionnelle de base : le rôle de la formation initiale dans la construction identitaire de l’enseignant ... 15

2.4 Synthèse ... 18

2.5 Le profil identitaire de l’enseignant finlandais ... 19

2.5.1 Recension de la littérature ... 20

2.5.1.1 Son milieu de travail ... 22

2.5.1.2 Sa formation initiale ... 22

2.6 Perspectives historiques ... 24

2.7 Objectifs de la recherche ... 30

Chapitre 3 - Cadre théorique ... 33

3.1 Les fondements théoriques de l’étude : l’approche sociologique ... 33

3.2 Étudier le programme de formation initiale : le concept de curriculum ... 33

3.3 La culture du curriculum ... 35

3.3.1 Culture du curriculum et identité professionnelle ... 36

3.4 Synthèse ... 38

Chapitre 4 - Méthodologie ... 41

4.1 Le choix de la démarche ethnographique ... 41

4.2 Devant les particularités d’un nouveau milieu : reculer pour mieux avancer ... 41

4.3 Voir au-delà des apparences : composer avec le « paravent » ... 42

4.4 Posture critique, démarche compréhensive: le choix de l’ethnographie ... 48

4.5 Comprendre la démarche ethnographique ... 49

4.6 Les informations spécifiques à notre terrain de recherche ... 52

4.6.1 Terrain de recherche et cueillette de données ... 53

4.7 Au-delà de la subjectivité : savoir faire preuve de rigueur scientifique ... 57

4.8 La triangulation comme moyen d’assurer la validité interne de la recherche ... 59

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Chapitre 5 - Présentation et interprétation des données ... 63

5.1 Composantes structurelles et organisationnelles ... 63

5.1.1 Le Département de la formation initiale à l’enseignement ... 63

5.1.1.1 La majeure en sciences de l’éducation ... 70

5.1.1.2 Projets de recherche ... 71

5.1.2 Stages ... 72

5.2 Les études multidisciplinaires (multidisciplinary studies) ... 73

5.3 La mineure (optional minor subject and optional studies) ... 74

5.3.1 Scénario 1: peaufiner des compétences liées à la pratique enseignante ... 74

5.3.2 Scénario 2: se spécialiser dans une discipline (deuxième majeure)... 75

5.3.3 Scénario 3: combiner compétences enseignantes et savoirs disciplinaires ... 75

5.4 Les cours offerts au sein du programme ... 76

5.5 Curriculum et culture du curriculum ... 80

5.5.1 Le programme comme une grande communauté d’apprentissage ... 80

5.5.1.1 La proximité ... 80

5.5.1.2 La collégialité... 85

5.5.1.3 Le rôle du formateur et de l’étudiant au sein de cette communauté d’apprenants ... 89

5.6 Le programme comme un lieu d’épanouissement professionnel et personnel ... 91

5.7 L’importance de la réflexivité ... 94

5.7.1 Systématiser une démarche professionnelle ... 94

5.7.2 Favoriser l’épanouissement professionnel de chaque enseignant ... 97

5.8 Culture du curriculum et identité professionnelle ... 98

5.8.1 L’enseignant finlandais : un professionnel efficace ... 99

5.8.2 L’enseignant finlandais : un professionnel unique et essentiel à son milieu ... 100

5.8.3 L’enseignant finlandais : un professionnel averti ... 100

5.8.4 L’enseignant finlandais : praticien-réflexif? ... 101

Chapitre 6 - Conclusion ... 103

6.1 Retombées de notre étude ... 106

6.2 Limites de notre étude ... 107

6.3 Poursuite de la recherche ... 107

Bibliographie ... 109 Annexes ... Erreur ! Signet non défini.

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Liste des tableaux, figures et photos

Tableau 1 : Profils identitaires d'enseignants portugais ... 12

Tableau 2 : Champs de formation dans la majeure ... 67

Tableau 3 : Axes de formation dans la majeure ... 69

Figure 1 : Triangle d'influences dans le développement identitaire ... 37

Figure 2 : Structure générale du programme ... 66

Photo 1 : Le local de menuiserie ... 64

Photo 2 : Le local de didactique des mathématiques ... 64

Photo 3 : Un local de pratique pour les leçons de piano ... 64

Photo 4 : Le local d'arts ... 65

Photos 5-6 : Future enseignante en stage pratique à Helsingin Yliopiston Viikin Normaalikoulu ... 72

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Liste des annexes

Annexe A : Canevas d'entretien destiné aux professeurs des cours disciplinaires ... 117

Annexe B : Canevas d'entretien destiné aux professeurs en formation à la recherche ... 118

Annexe C : Annonce de recrutement ... 119

Annexe D : Consent Form ... 120

Annexe E : Grille d'observation ... 122

Annexe F : Grille d'analyse des résultats ... 123

Annexe G : Curriculum for Class Teacher Education 2008 ... 125

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Chapitre 1 - Contexte général

1.1 Introduction

Il existe à plusieurs milliers de kilomètres du Québec, un lieu où l’enseignant semble s’épanouir pleinement comme professionnel: la Finlande. L’enseignant finlandais, cité en exemple depuis maintenant plus d’une décennie, est sorti de l’ombre grâce aux évaluations du Programme international pour le suivi des acquis (PISA). Suite à ses succès répétés, la Finlande a présenté le professionnalisme de ses enseignants comme un des éléments-clés qui contribue à la réussite des élèves finlandais. Dans un contexte où la Finlande est devenue synonyme de réussite éducative, dans la mesure où cette réussite est largement associée au professionnalisme et à la qualité du travail des enseignants (Sahlberg, 2011), nous avons jugé pertinent de se tourner vers ce modèle dans le cadre de notre mémoire, qui s’inscrit dans une réflexion sur l’identité professionnelle de l’enseignant. Comme nous le verrons, la conjoncture en matière d’éducation a fait de la Finlande, et plus spécifiquement de l’enseignant finlandais, un cas suggestif1 propice à une réflexion sur l’identité

professionnelle de l’enseignant. Qui plus est, la popularité du modèle finlandais et la fascination qui l’entoure ajoutait à la pertinence de notre étude, qui se donne pour objectif de porter un regard compréhensif sur l’enseignant finlandais, un regard qui cherche à dépasser cette « fascination », comme nous l’appelons, qui caractérise bon nombre d’écrits sur le sujet.

Dans ce mémoire, il sera démontré que les connaissances que nous détenons actuellement de l’enseignant finlandais restent superficielles, et qu’il est possible, par l’étude de son curriculum de formation initiale, d’acquérir une compréhension approfondie des caractéristiques de son profil identitaire qui contribuent à son caractère distinctif.

Le présent document est divisé en deux parties. La première partie comprend les quatre premiers chapitres. Le premier chapitre propose de camper le projet dans son contexte général, celui de la comparaison internationale en éducation et de ses enjeux. Le second chapitre pose la problématique de notre recherche à partir d’une recension de la littérature autour de l’identité professionnelle de l’enseignant en général et, de manière plus

1Au sens entendu par Roy (2009), un cas suggestif prend la forme d’un « exemple particulièrement

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spécifique, de l’enseignant finlandais. Ce chapitre pose notre objet de recherche : le curriculum de formation. Il explicite aussi l’objectif général ainsi que les objectifs spécifiques à notre projet. Le troisième chapitre présente les balises théoriques de notre travail. Il délimite les concepts de curriculum et de culture du curriculum en les plaçant plus largement dans la tradition sociologique. Ce chapitre établit aussi les liens qui unissent les concepts de curriculum, de culture du curriculum et d’identité professionnelle à l’intérieur de notre cadre théorique. Le quatrième chapitre présente notre méthodologie de recherche: l’ethnographie. Il expose la démarche à travers laquelle nous avons fait le choix de cette méthode, en plus de fournir des explications permettant de comprendre et d’apprécier la complexité de la démarche ethnographique. Ce chapitre décrit aussi les particularités de notre terrain de recherche.

La deuxième partie comprend les deux derniers chapitres du mémoire. Dans le cinquième chapitre, les données qui ont été colligées suite à notre enquête de terrain sont présentées en trois temps: 1) la présentation de la structure et de l’organisation du curriculum, 2) les éléments propres à la culture de ce curriculum et 3) les profils identitaires qui émergent de cette culture.

Finalement, le quatrième et dernier chapitre propose un bilan des apprentissages réalisés. Il expose aussi les limites ainsi que les retombées possibles de notre étude.

1.2 La Finlande après PISA: objet de fascination

Entre 2000 et 2009, la Finlande se place en tête des palmarès PISA dans les catégories suivantes: le rendement en mathématiques, les sciences et la lecture, les trois champs de compétences évalués par ce programme (Trygvason, 2009; 2012; OCDE, 2000; 2003; 2006; 2009). PISA est une enquête comparative menée par l’OCDE sur une base triennale. Elle s’effectue auprès de jeunes de 15 ans au sein d’établissements d’enseignement dans les 34 pays membres de l’OCDE et de nombreux pays partenaires. L’enquête évalue l’acquisition des savoirs et des savoir-faire essentiels à la vie quotidienne au terme de la scolarité obligatoire. Elle teste aussi l’aptitude des élèves à appliquer les connaissances acquises à l’école aux situations de la vie réelle. Les tests portent sur la lecture, la culture mathématique et la culture scientifique. Les résultats de ces enquêtes donnent lieu à la construction de palmarès qui, une fois diffusés dans les milieux d’éducation, enclenchent

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un processus de comparaison entre les milieux et de régulation avec les modèles éducatifs faisant état des meilleurs résultats.

Compte tenu de son classement enviable au palmarès PISA, la Finlande est l’objet d’une grande fascination et de beaucoup d’enthousiasme de la part de la communauté internationale. Le moteur de recherche Google donne d’ailleurs accès à une foule d’articles mettant en vedette la Finlande et son système d’éducation. À titre d’exemple, les mots-clés « enseignant » et « Finlande » et leur équivalent en anglais « teacher » et « Finland » donnent accès à une série de publications sur le sujet, dont notamment :

Les raisons de l’excellence finlandaise Le miracle finlandais

L’éducation en Finlande : les secrets d’une étonnante réussite Why are Finland’s schools successful?

What makes Finnish teachers special? Why Finland’s schools are great? The Finnish educational miracle

 Miracle of education : the principles and practices of teaching and learning (ouvrage)

 Finnish lessons: what can the world learn from educational changes in Finland? (ouvrage)

Finland’s phenomenon: inside the world’s most surprising school system. (film documentaire)

Cette liste d’articles qui inclut aussi un documentaire, deux ouvrages et un mémoire de maîtrise, illustre la grande curiosité de la communauté internationale à l’égard de la Finlande, qui semble avoir acquis une grande crédibilité ainsi qu’une certaine notoriété. Nous sommes toutefois d’avis qu’il serait important, lorsqu'on s’intéresse à l’éducation en Finlande, particulièrement dans un contexte où elle s’avère très populaire, de se pencher sur ce cas avec une moins grande fascination et un regard plus critique. Sans présenter le contenu des articles dont les titres figurent ci-haut, on peut remarquer que plusieurs publications avec des titres tels que « le miracle finlandais » ou encore « les raisons de l’excellence finlandaise » révèlent que le système finlandais est souvent associé à un modèle de qualité et de réussite. Or, qu’est-ce qu’un système de grande qualité? Qui peut

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délimiter ce concept et quels sont les impacts d’une telle vision de l’éducation sur le reste du monde?

Loin de nous l’idée de remettre en question la pertinence de mener des études portant sur la Finlande ou de s’y intéresser par simple curiosité (nous serions bien mal placée pour le faire puisque notre propre recherche porte sur l’éducation en Finlande). Nous jugeons toutefois important, pour ne pas dire essentiel, de mettre en lumière le mécanisme de régulation des pratiques qui se cachent derrière la comparaison à visée évaluative comme PISA, ce que nous tâcherons de faire dans les paragraphes qui suivent. Expliciter ce mécanisme permet, selon nous, de contextualiser le succès de la Finlande et de le remettre ainsi en perspective. Il ne s’agit pas de délégitimer le succès finlandais ou encore de remettre en question la pertinence ou l’intérêt de la comparaison à visée évaluative, mais plutôt d’en comprendre les enjeux et les mécanismes sous-jacents afin d’être en mesure de poser un regard « averti » sur le succès finlandais.

1.2.1 Les enjeux entourant la comparaison à visée évaluative

Les enjeux entourant la comparaison à visée évaluative constituent à eux seuls de potentiels projets de recherche2. C’est pourquoi il ne nous sera pas possible de présenter de manière

exhaustive la multitude d’enjeux ainsi que leurs différents impacts. Nous tenterons tout de même de présenter les principaux éléments de cette problématique de manière à expliciter, comme nous le croyons nécessaire, le mécanisme régulateur inhérent à l’évaluation PISA comme aux autres études comparatives à visée évaluative.

1.2.1.1 Sa fonction régulatrice

Selon Baye (cité dans Malet, 2011), l’évaluation internationale comme le PISA travaille à orienter le débat et les décisions politiques en matière d’éducation. Par la création de palmarès, les organisations internationales responsables de mener les évaluations favorisent l’établissement d’une dynamique compétitive et contribuent à la mise en place de réformes dans différents milieux d’éducation (Malet, 2011). Cet acte régulateur s’opère, selon cet auteur, par la valorisation de l’éducation offerte par les pays « performants » (ici, la

2 Voir entre autres l’essai d’Amélie Deschenau-Guay (2007). La « société du savoir ». Résonnance et

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Finlande) et la diffusion de recommandations quant à la manière de dispenser l’éducation dans les pays « produisant » moins de réussite.

Pour Novoa et Yariv-Marshal (2003), cette dynamique s’inscrit dans une logique concurrentielle visant la mise en place d’une politique dite d’imputabilité mutuelle (mutual accountability). Dans ce contexte, les pays les plus performants deviennent la référence obligée de tous les pays l’étant moins, faisant ainsi place à un lent mais sûr travail de modification des politiques éducatives :

The idea of mutual accountability brings a sense of sharing and participation, inviting each country to a perpetual comparison to the other […] this process brings a kind of verticality, that is a system of classification of schools according to standards that are accepted without critical discussion. […] The construction of comparable indicators serves as a “reference point” that will eventually lead the various national institutions to adopt “freely” the same kind of actions and perspectives within the educational field (Novoa et Yariv-Mashal, 2003, p.427-428).

Les études comparatives à visée évaluative contribuent donc à l’élaboration d’un langage commun qui amène les pays du monde entier à valoriser des politiques semblables en matière d’éducation. Elles cherchent, selon Malet (2011), à inciter ou à justifier l’introduction de réformes éducatives ou scolaires, ce que Bayle (2001) désigne comme étant la « fonction persuasive » des évaluations internationales :

Les évaluations internationales ont aujourd’hui – elles ont même été mises en place dans ce but – une « fonction persuasive » (Baye, 2001, p.12). Leur large diffusion est proportionnelle aux répercussions qu’on en attend sur les politiques éducatives nationales. Selon le point de vue où l’on se place, mais selon les contextes nationaux, les résultats de telles évaluations ont une fonction d’incitation, ou bien une fonction de justification, à l’introduction de réformes en matière éducative ou scolaire (Malet, 2011, p.323).

Force est de constater que la comparaison internationale, sous le couvert de l’objectivité scientifique, opère une forte pression sur les différents milieux d’éducation et incite à la conformité relativement à ce que les organisations internationales considèrent être un « bon système d’éducation ». La promotion d’un système donné contribue à la propagation d’idéologies partagées par un groupe. Pour Broadfoot (2000, p.360 ), la comparaison internationale à visée évaluative (dont PISA) constitue, « the most powerful and insidious development to date in the process of the world domination of one particular educational model ». En d’autres mots, la comparaison à visée évaluative oblitère une logique compétitive qui vise la domination d’un modèle unique en matière d’éducation.

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1.2.1.2 La comparabilité au détriment du caractère particulier de chaque milieu La présentation du mécanisme régulateur inhérent à la comparaison à visée évaluative souligne, selon nous, l’importance de poser un regard averti sur le succès finlandais. Plutôt que de chercher des explications à leur succès, il semble plus intéressant de chercher à comprendre la réalité finlandaise et à mettre en relief son caractère distinctif. Car la comparaison à visée évaluative, en plus d’oblitérer un mécanisme de régulation des pratiques qui incite la communauté internationale à adopter les pratiques des « plus forts », a pour défaut de n’offrir qu’une compréhension très partielle des systèmes d’éducation qu’elle évalue. Métaphoriquement, nous pourrions dire que de l’iceberg tout entier, l’évaluation PISA nous fait connaitre de la Finlande que la pointe. Novoa et Yariv-Mashall (2003) font d’ailleurs cette critique à la comparaison à visée évaluative : celle du manque de profondeur. Selon eux, la comparaison à grande échelle comme PISA amène une perte de contact avec le caractère particulier, voire unique, des milieux d’éducation qui évoluent dans des contextes sociaux et historiques qui leur sont propres. La comparaison à visée évaluative aurait donc pour défaut de ne pas tenir suffisamment compte des caractéristiques propres à chaque milieu. Elle privilégierait la rationalité instrumentale au détriment des questions de sens et de culture, ce qui aurait pour effet l’élaboration d’équivalences dites « fonctionnelles ». Or, pour Simola (2005), il n’existe pas de caractéristiques isolées qui puissent expliquer le succès ou l’échec d’un système d’éducation. Pour lui, ce n’est pas la mesure d’équivalences fonctionnelles, mais bien la connaissance d’un amalgame complexe de facteurs sociologiques, historiques et organisationnels qui permettent de réellement comprendre les subtilités d’un milieu d’éducation.

Cette perte de contact avec le milieu à des fins de comparabilité, ce que Malet (2011) appelle « l’euphémisation des variations intra-culturelles » (Malet, 2011, p.6) aurait pour conséquence l’atténuation de l’altérité entre les milieux :

Les concepts qui composent une langue, circulent et s’imposent dans un monde social renvoient à une histoire, à des usages dynamiques, et sont culturellement enracinés. Négliger cet ancrage social et culturel des mots expose à la construction de la comparabilité sur de seules équivalences fonctionnelles : bien que les pressions en ce sens soient fortes, c’est probablement le moyen le plus sûr de comparer l’incomparable (Malet, 2011, p.319)

Ce type de comparaison semble, dès lors, répondre à des fins utilitaires et pragmatiques plutôt qu’à des fins de compréhension empathique de l’autre.

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Nous sommes d’avis qu’étudier la Finlande en étant sensible aux limites de la comparaison à visée évaluative constitue un atout pour notre étude. Adopter une attitude critique quant aux résultats de l’étude PISA ou de toute autre comparaison à visée évaluative contribue à rompre avec la fascination populaire pour le succès et la recherche de solutions faciles à des problèmes d’éducation qui sont fort complexes.

C’est donc consciente des enjeux entourant la comparaison à visée évaluative que nous avons choisi, malgré tout, de nous intéresser à la Finlande en cherchant, comme le suggère Malet (2011) à palier au problème de l’euphémisation des variables intra-culturelles et ce, en se donnant pour objectif d’acquérir une compréhension de la réalité finlandaise en la documentant de l’intérieur. La démarche à la fois compréhensive et critique qui caractérise notre mémoire a pour objectif de mieux comprendre la Finlande, que l’on s’entende ou non sur la légitimité de son succès, bien qu’il ne soit pas ici question de le remettre en cause. Ce mémoire s’inscrit dans un questionnement général sur la construction de l’identité professionnelle de l’enseignant finlandais. De façon plus spécifique, il cherche à documenter les caractéristiques propres au milieu de la formation initiale à l’enseignement en Finlande, dans la mesure où ce milieu se présente comme un lieu de transmission de la culture professionnelle de l’enseignant. La sociologie du curriculum sert de base à l’analyse théorique de cette étude. Le futur enseignant est introduit à la profession par sa formation initiale. Le curriculum de formation initiale devient donc, de manière plus spécifique, notre objet d’étude et porte sur une étude de cas d’un programme de formation initiale à l’enseignement, celui de l’Université d’Helsinki. Par une approche ethnographique, elle cherche à documenter le contexte de la formation initiale offerte aux futurs enseignants.

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Chapitre 2 - Problématique

Dans ce second chapitre, nous situons notre problème dans le champ de recherche sur la construction et le développement d9e l’identité professionnelle en enseignement (IPE). Puis, nous présentons le problème de la formation initiale à l’enseignement à partir d’une revue des écrits sur le sujet. Enfin, nous exposons notre problématique de manière spécifique, ainsi que les objectifs visés dans les chapitres suivants.

2.1 Identité professionnelle et construction identitaire

L’identité professionnelle de l’enseignant (IPE) est définie par Mockler (2010) comme « the way teachers, both individually and collectively, view and understand themselves as teachers (p.520) ». Gohier, Anadon, Bouchard, Charbonneau et Chevrier (2001) proposent pour leur part une définition plus élaborée :

(…) processus dynamique et interactif de construction d’une représentation de soi en tant qu’enseignant, mû par des phases de remise en question, généré par des situations de conflit (internes et externes à l’individu) et sous-tendu par les processus d’identisation et d’identification. Ce processus, qui débute dès le début de la formation du futur maître, mène à la construction et, virtuellement, à la transformation de la représentation que la personne a d’elle-même comme enseignant tout au long de sa carrière (p. 9).

Cette identité se construit selon deux dimensions : l’une psychologique, l’autre sociale. La dimension psychologique implique « les aspects personnels qui font référence aux rapports affectifs et cognitifs que l’individu entretient avec les autres et lui-même » (Riopel, 2006, p. 30). La dimension sociale, pour sa part, réfère « aux rapports qu’entretient l’individu avec différentes communautés porteuses de cultures » (Gohier et Scheiffer dans Riopel, 2006, p. 29).

Il n’existe, à ce jour, aucun consensus quant à la manière de conceptualiser la construction de l’IPE. Uwamariya et Mukamurera (2005) sont toutefois parvenues à distinguer, à partir d’une méta-analyse de la littérature, deux grandes perspectives théoriques relativement à la manière de conceptualiser la construction identitaire de l’enseignant. À partir de ces perspectives, la construction identitaire est vue tantôt comme une succession de stades comportant des changements propres à travers le temps (perspective développementale), tantôt comme un cheminement qui se vit par l’acquisition d’un ensemble de savoirs pertinents à l’enseignement (perspective axée sur la professionnalisation des enseignants).

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Bien que ces deux manières d’appréhender le développement professionnel soient différentes, elles partagent toutes deux l’idée qu’il s’agit d’un processus dynamique, continu et interactif de changement par lequel l’enseignant grandit et améliore sa pratique au fil du temps, comme le mentionnaient Beauchamp et Thomas (2009).

Devant ce flou conceptuel, Beauchamp et Thomas (2009) ont cherché à identifier, à partir d’une recension exhaustive de la littérature, certaines notions-clés sur lesquelles s’entendent les chercheurs. À l’issue de leur analyse, ils s’entendent pour dire que l’idée d’un processus dynamique, continu et interactif est celle qui fait présentement consensus :

The literature on teaching and teacher education reveals a common notion that identity is dynamic, and that teacher’s identity shifts over time under the influence of a range of factors both internal to the individual, such as emotion, and external to the individual, such as job and life experiences in particular contexts (Beauchamp et Thomas, 2009, p. 177)

Le développement de l’IPE se présente donc comme un phénomène dynamique et interactif qui s’opère tout au long de la vie professionnelle de l’enseignant. À la fois « processus » et « produit », sa construction implique une variété d’influences en interrelation (Ferreira et al. 2009). En dehors de ces éléments-clés, il n’existe aucun consensus quant à la manière dont se construit l’IPE. Notre recension de la littérature nous a toutefois permis de constater l’omniprésence du concept de réflexivité dans les écrits portant sur l’IPE.

Pour ces chercheurs, l’enseignant (ou le futur enseignant) élabore lui-même son identité en contexte et ce, en faisant appel à la dimension psychologique aussi bien que sociale de sa personne. Le contexte apparait aussi comme une variable qui influence la construction de l’identité professionnelle. Pour Korthagen (2005) comme pour Gohier, Anadon, Bouchard, Charbonneau et Chevrier (2001), le développement professionnel est modelé par une série d’influences externes. Les variables contextuelles comme l’environnement, les croyances et la mission de l’école entrent en interaction avec l’individu et contribuent à altérer le développement identitaire de l’enseignant. Ferreira, Lopes, Machado, Rocha, Sà et Silva (2009) rendent compte, plus explicitement, de l’influence du contexte dans la définition du processus de construction de l’IPE :

La construction de l’identité professionnelle est le produit (bien que provisoire) d’une double transaction biographique et relationnelle, et en même temps, que cette double transaction a lieu dans un contexte sociohistorique qui donne au sujet des significations typifiées spécifiques qui délimitent les contenus et les dynamiques de sa recherche d’identité dans les contextes de vie et dans les milieux scolaires (p. 130)

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Des éléments propres à l’individu, comme son bagage personnel, ses valeurs ou ses aptitudes, interagissent avec les variables contextuelles.

Une revue de la littérature sur le sujet révèle toutefois que seul un faible nombre d’études se sont intéressées à l’IPE en prenant comme angle d’analyse le contexte dans lequel elle se construit. Il semblerait qu’en dépit de l’importance accordée à ce facteur dans la construction de l’IPE, encore peu d’études ont cherché à documenter cette question. Seules quelques études se sont intéressées plus spécifiquement au développement de l’IPE en plaçant le contexte au cœur de l’analyse. L’étude de Poulin (2010), par exemple, a porté sur l’identité professionnelle construite chez les enseignants travaillant au sein d’écoles alternatives. Bien qu’elle s’intéresse au contexte de l’école alternative, cette recherche ne documente toutefois pas le contexte en lui-même, mais bien l’expérience des enseignants qui y travaillent. Dans cette recherche, Poulin (2010) observe qu’il existe des traits caractéristiques sur le plan de l’identité professionnelle chez les enseignants travaillant au sein d’écoles alternatives. Cette étude ne parvient toutefois pas à déterminer si ces enseignants ont choisi l’école alternative parce qu’ils présentaient, d’emblée, certaines caractéristiques communes ou si ces dernières se sont développées au sein de leur milieu de travail.

D’autres études, portant cette fois sur la formation initiale à l’enseignement, ont aussi généré des résultats mettant en lumière l’influence du contexte de formation sur la construction de l’identité professionnelle. Lopes et Pereira (2012) ont récemment cherché à comprendre l’impact d’un programme de formation initiale offert dans une université portugaise sur l’identité professionnelle des futurs enseignants. Pour Lopes et Pereira (2012), le contexte de formation des maîtres opère une influence indéniable sur la construction de l’identité professionnelle de base. Suite à une analyse comparative de différents curriculums de formation en vigueur à différents moments au cours des cinquante dernières années, elles affirment ceci :

The relationship between the ecological system’s levels and the features of pre-service teacher education curriculum as a development scenario and landscape, also remind us that to change habits and ethos it is necessary to offer development scenarios capable of promoting identity conversion. The training climate must be strong in order to induce changes in representations and into personal and social perceptions (Lopes et Pereira, 2012, p. 33)

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Bien que ces auteurs n’aient pas documenté le curriculum de formation initiale, elles observent qu’il existe un lien entre le « climat de formation » que nous associerons plus tard au concept de « culture du curriculum » et les changements qui surviennent dans le développement de l’identité professionnelle des enseignants portugais.

Finalement, l’étude de Ferreira, Lopes, Machado, Rocha, Sà et Silva (2009) témoigne plus explicitement de l’influence du contexte sur le développement de l’IPE. Cette étude, réalisée à partir de 40 entretiens biographiques d’enseignants formés à différentes époques au Portugal, s’est intéressée aux impacts de la culture d’un curriculum de formation offert à une époque donnée sur l’IPE. Les résultats révèlent que les identités professionnelles de base sont différentes en fonction du moment sociohistorique de la formation, ce qui démontre que la manière dont les programmes sont élaborés, ainsi que les contenus qui y sont privilégiés, a bel et bien un impact sur l’IPE du futur enseignant qui y chemine. Les auteurs parviennent d’ailleurs à distinguer quatre profils identitaires différents en fonction de quatre périodes dans le temps :

Tableau 1: Profils identitaires d’enseignants portugais

Noyau Dimension pédagogique

de l’activité Dimension sociale de l’activité 1ère période Basée sur

l’enseignement De type austère et conformiste

2e période Basée sur le

professionnel De type affectif et transformateur

3e période Basée sur

l’enseignement De type technico-affectif et innovant

4e période Basée sur

l’apprentissage De type cognitif et civique Tiré de Ferreira, Lopes, Machado, Sà et Silva (2009). Tableau n°3 – Les identités professionnelles de base des enseignants formés au cours

des trente dernières années, p. 127

Ces chercheuses mettent en lumière l’importance du contexte sociohistorique dans lequel évolue l’enseignant. Elles parviennent à mettre en exergue, comme en témoigne le Tableau 3, comment les différentes époques de formation ont contribué à la formation de jeunes

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enseignants aux identités variées, puisque les programmes de formation offerts à ces moments-là ont différé les uns des autres, autant sur le plan des contenus que sur le plan des valeurs et des idéologies en regard à la profession enseignante.

Grâce à ces résultats de recherche, nous remarquons que l’identité de l’étudiant en formation initiale se trouve altérée par le milieu dans lequel il évolue ainsi que par les expériences auxquelles il est confronté. Ces derniers mettent en lumière l'influence qu'opèrent les contextes (milieu de travail, formation initiale, culture organisationnelle) dans le processus de construction de l'identité professionnelle des enseignants.

2.2 Former à la pratique réflexive et former le praticien réflexif : la double nature du concept de réflexivité

Nous avons abordé brièvement l’enjeu du concept de « praticien-réflexif » plus tôt dans ce chapitre. Nous avons fait valoir son caractère polysémique en mentionnant qu’il était difficile, selon nous, de définir avec précision l’enseignant finlandais en ayant recours à ce concept.

Le Petit Larousse Illustré (2012, p.934) décrit la réflexivité comme « l’action de réfléchir à quelque chose ». À l’instar du dictionnaire usuel, la littérature scientifique n’offre aucune définition du concept de réflexivité qui fasse consensus et ce en dépit de sa grande popularité. De nombreux auteurs rapportent d’ailleurs que le concept de réflexion demeure, encore, à ce jour, peu clair et peu consensuel au niveau théorique (Beauchamp, 2006; Chaubet, 2010; Tardif, 2012). Ces derniers soulignent la pluralité terminologique ainsi que le caractère polysémique du concept. En plus de répondre à diverses appellations (réflexivité, acte réflexif, praticien réflexif, etc.), le concept de pratique réflexive possède une multitude de sens. À la fois processus et produit, la double nature qui caractérise la pratique réflexive donne lieu à un important flou terminologique et conceptuel, comme le souligne Fendler, cité dans Beauchamp (2006, p.12):

Today’s discourse of reflection incorporates an array of meanings: a demonstration of self-consciousness, a scientific approach to planning for the future, a tacit and intuitive understanding of practice, a discipline to become more professional, a way to tap into one’s authentic inner voice, a means to become a more effective teacher, and a strategy to redress injustices in society. It is no wonder then that current research and practices relating to reflection tend to embody mixed messages and confusing agendas.

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D’un côté, la réflexivité se présente comme un acte essentiel au développement identitaire, un outil grâce auquel l’enseignant construit son identité professionnelle et parachève son développement identitaire. Cette compétence permet à l’enseignant d’analyser et de conceptualiser sa pratique. Elle apparaît aussi comme un moyen de s’adapter à une réalité professionnelle en perpétuelle évolution (Toy et Ok, 2012).

D’un autre côté, la réflexivité se présente comme une finalité en soi: celle de former un praticien-réflexif. Force est de constater, toutefois, qu’il n’existe aucun consensus quant à la manière de définir cet enseignant. Si certains associent d’emblée l’idée de praticien-réflexif à la définition élaborée par Schön (1983; 1987), il serait faux de croire que tous les écrits valorisant ce type d’enseignant partagent cette conception.

Une revue de la littérature nous permet de distinguer deux discours prépondérants quant aux finalités de la formation d’un praticien-réflexif. Dans le premier cas, la pratique réflexive a pour objet les enjeux moraux, éthiques, politiques et instrumentaux vécus et intégrés dans la pratique quotidienne de l’enseignant. Elle vise à doter l’enseignant de l’esprit critique nécessaire à la remise en question du statu quo en éducation (Kincheloe, 2004; Erlandson, 2005). Dans son idéal que nous avons appelé « critique » et que Tardif (2012, p. 51) présente comme « la réflexion comme critique des idéologies et des rapports de domination », le praticien-réflexif agit à titre de moteur de changement. Il est conscient du caractère fondamentalement politique de l’école. Le but ultime de cet enseignant est de contribuer, par son analyse des enjeux relatifs au monde de l’éducation, à une plus grande justice sociale. Cet enseignant est notamment celui qui est valorisé par les textes de la pédagogie critique. Les auteurs Giroux (2008) et Kincheloe (2004), dépeignent l’idéal-enseignant comme un éducateur avisé et au fait des mécanismes régulateurs qui évoluent autour de l’école. Dans cette perspective, le savoir enseignant constitue un phénomène critique dont l’étude peut déceler les tensions sociales et les idéologies à travers lesquelles elles s’expriment (Gauthier et Mellouki, 2006). L’acte réflexif ne se limite donc pas au contexte même de la classe, mais s’inscrit plutôt dans le contexte sociohistorique de la société dans laquelle évolue l’école et où se situe la classe.

Dans le second cas, la réflexion a pour objet l’efficacité des stratégies auxquelles a recours l’enseignant. La réflexion est alors mise à contribution de la professionnalisation de

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l’enseignement. Elle sert d’outil permettant la systématisation d’une démarche de prise de décision basée sur la rationalité, dans une perspective où l’enseignant est responsable, voire imputable, de ses choix pédagogiques (Cochran-Smith, 2010, 2011; Rudduck, 1985; Zeichner, 1983). Dans son idéal que nous avons appelé « autocritique » et que Tardif (2012, p.53) présente comme « la réflexion comme expérience sociale », l’acte réflexif de l’enseignant porte sur ses propres pratiques pédagogiques dans une perspective d’efficacité et de développement professionnel. Cet enseignant se concentre sur les paramètres de sa tâche et ses réflexions portent sur l’activité de la classe. L’enseignant efficace, bien qu’il ne soit pas appelé à agir formellement en tant que chercheur, est invité à en adopter la posture/l’attitude. Il doit porter un regard analytique sur ce qu’il fait, et veiller à réajuster ses pratiques en se référant, en partie, à son savoir d’expérience, mais surtout en ayant recours à des théories ou à des données de recherche empiriquement vérifiées.

Alors que notre survol de la littérature nous a permis de distinguer deux discours prépondérants, Tardif (2012) pour sa part, distingue une troisième manière de conceptualiser la réflexivité : la réflexion comme reconnaissance et interaction (p.64). Cette troisième et ultime conception de la pratique réflexive a pour objet non pas la pratique enseignante à proprement parler, mais bien une réflexion sur l'interaction de sa pratique avec celle des autres enseignants ainsi qu’avec ses élèves. La réflexion s’inscrit au cœur des interactions humaines, dans le flot quotidien des rapports entre les individus.

La pratique réflexive, qu’elle soit appréhendée comme une fin ou un moyen, occupe une place importante dans la littérature sur l’IPE. Bien qu’il nous soit impossible de définir ce concept avec plus de précision, être au fait des variétés de conception du terme nous permet d’être vigilants au moment de lui donner un sens. En effet, nous savons maintenant que le concept possède différentes significations en fonction des différentes idéologies en présence.

2.3 L’identité professionnelle de base : le rôle de la formation initiale dans la construction identitaire de l’enseignant

En nous intéressant à la littérature documentant l’enseignant finlandais, nous avons souligné la place qu’occupe la formation initiale à l’enseignement dans les écrits. Comme en témoigne notre recension de la littérature, les informations sur la formation initiale, ses

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paramètres ainsi que ses objectifs, étaient souvent mises de l’avant pour parler de l’identité professionnelle. Cette observation s’inscrit toutefois logiquement dans les informations que véhicule la recherche en regard à l’IPE. En effet, il semblerait que la formation initiale à l’enseignement constitue le premier milieu d’acquisition de la culture professionnelle de l’enseignant, culture qui se présente comme « l’ensemble des façons de penser, de sentir et d’agir propres à [un] groupe, apprises et partagées par [les] membres et qui servent à constituer objectivement et symboliquement ceux-ci en groupe particulier et distinct » (Lessard, 1986 dans Riopel, 2006 p. 33). Cette étape charnière du développement identitaire de l’enseignant contribue au développement de ce qu'on appelle l’identité professionnelle de base (Ferreira et al. 2012; Connely et Clandini, 1999).

La formation initiale se présente dans la littérature comme le berceau de la construction identitaire sur le plan professionnel. À cette étape du cheminement professionnel de l’enseignant, l’IPE se construit à partir d’un travail de négociation entre les expériences personnelles de l’étudiant à titre d’ancien élève, la perception du rôle de l’enseignant qui en découle et la compréhension théorique qu’il développe au sein de son programme de formation initiale (Anspal, Eisenschmidt et Löfström, 2012; Mokler, 2010; Parkison, 2009). La formation initiale se trouve dans une position où elle doit agir à titre de médiateur entre les préconceptions des étudiants et l’idée qu’elle se fait d’un enseignant et d’une formation à l’enseignement de qualité (Sugrue, 2004; Korthagen, 2004). Le curriculum de formation des maîtres se présente, dès lors, comme le contexte au sein duquel le futur enseignant développe une représentation positive et adéquate de lui-même en tant que professionnel. La construction de l’identité professionnelle s’opère tout au long de la carrière de l’enseignant. Bien que chaque étape de sa carrière ait une importance particulière dans la construction de son identité, la recherche indique que la formation initiale constitue le lieu où naissent les premiers efforts de construction identitaire de l’enseignant:

While it is clear to us that further identity development will take place in actual practice later on, a teacher education program seems to be the ideal starting point for instilling not only an awareness of the need to develop an identity, but also to anticipate sense of the ongoing shifts that will occur in that identity (Beauchamp et Thomas, 2009, p.186)

La formation initiale de l’enseignant représente une étape charnière de son développement professionnel, période au cours de laquelle émergent des attentes face à la profession, en

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plus de servir de période de développement du rapport au métier, aux élèves ainsi qu’aux savoirs (Riopel, 2009). Pour Evans (2010), supporter la construction de l’IPE dès le début, et ce tout au long de la formation initiale revêt une importance capitale. La formation initiale à l’enseignement se présente comme un mécanisme de socialisation à la profession enseignante. Il s’agit du premier lieu au sein duquel le futur enseignant se familiarise avec les normes et les valeurs partagées de la profession (Evans, 2010). Les résultats de recherches portant sur le développement professionnel en contexte de formation des maîtres font état de l’importance de la formation initiale comme étape charnière du développement professionnel. Il s’agit d’une période au cours de laquelle émergent des attentes face à la profession, en plus de servir de lieu de développement du rapport au métier et aux élèves (Riopel, 2006; Ferreira et al. 2009).

La formation à la recherche a aussi été étudiée en tant que composante du curriculum de formation initiale visant le développement de l’IPE. Plus précisément, la formation à la recherche se présente comme un outil favorisant le développement de la réflexivité, qui à son tour, contribue à la construction de l’IPE :

(…) research during teacher education aims to encourage student teachers to engage in critical reflection, develop a questioning stance, understand school culture, construct new curricula and pedagogy, modify instruction to meet students’ needs, and become socialized into teaching by participating in learning communities (Cochran-Smith dans Dobber, Akkerman, Verloop et Vermunt, 2012, p. 1)

Dans leur étude, Dobber, Akkerman, Verloop et Vermunt (2012) ont comparé les activités de recherche menées par deux groupes de futurs enseignants. Ils ont remarqué que les activités de recherche donnaient la possibilité aux étudiants de vivre concrètement des situations de collaboration et de prise de décisions qui favorisent la pratique réflexive. De son côté, Lambe (2011) a exploré les impacts de la participation à la recherche-action en contexte de FM sur les compétences réflexives des étudiants. D’après les résultats de cette étude, le dialogue professionnel occasionné par la réalisation d’un projet de recherche contribue à l’amélioration des capacités réflexives des futurs maîtres. La réalisation d’un tel projet crée aussi des situations leur permettant de faire des liens entre la théorie présentée en contexte universitaire et la pratique en milieu scolaire.

Les recherches que nous venons d’exposer démontrent que malgré la mise en place de formules pédagogiques visant à favoriser le développement de la réflexivité, bon nombre

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d’étudiants ne parviennent pas à se détacher suffisamment de leur préoccupation pratique. À ce sujet, la supervision, le mentorat et les autres formes d’activités pédagogiques permettant la modélisation par le formateur (scaffolding) et le dialogue sont vus comme facilitant une démarche de réflexion plus abstraite (Hume, 2009; Anspal, Eisenschmidth et Löfström, 2012). Correa Molina, Collin, Chaubet et Gervais (2010), suite à une vaste recension des écrits sur le sujet, soutiennent que l’interaction verbale qu’ils définissent plus largement comme « la dimension collective » de la réflexivité, joue un rôle non négligeable dans le développement de la capacité réflexive; les réflexions individuelles se partagent et s’enrichissent au contact des autres. La pratique réflexive collective présenterait d’ailleurs plus d’avantages que la pratique individuelle dans le contexte de la formation initiale (Makinster, Barab, Harwood et Andersen, 2006 dans Correa Molina, Collin, Chaubet et Gervais, 2010). De la même manière, la formation à la recherche contribue au développement de la réflexivité grâce aux opportunités qu’elle offre de résoudre des problèmes et d’analyser sa pratique.

2.4 Synthèse

À la lumière des informations recensées, nous savons que le mécanisme de construction identitaire s’explique de diverses façons, et qu’il n’existe aucun consensus à cet égard. Nous savons aussi que l’identité professionnelle se construit de manière dynamique et continue; elle ne se résume pas à une étape de la vie professionnelle de l’enseignant et elle est influencée par divers facteurs d'ordre personnel, professionnel et contextuel. En d’autres termes, elle évolue à travers une multitude d’interactions et de contextes qui contribuent à sa construction au fil des années. La formation initiale à l’enseignement, bien qu’elle ne représente qu’une étape dans le cheminement professionnel d’un enseignant, revêt cependant une importance particulière dans son développement identitaire. Elle est perçue comme le premier milieu de socialisation avec la profession. C’est d’ailleurs à l’intérieur de cette formation que se développe l’identité professionnelle de base, qui sera ensuite appelée à évoluer au cours de la carrière de l’enseignant.

Nous savons aussi que le concept de réflexivité semble lié étroitement à celui de l’IPE. En effet, la réflexivité existe à la fois comme outil de développement identitaire (utiliser la réflexivité pour se développer professionnellement) et comme finalité de ce même

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développement (devenir un enseignant réflexif). Nous savons maintenant qu’il n’existe pas, en dépit de sa popularité, de définition de la réflexivité faisant consensus, autant en ce qui concerne la manière dont elle prend forme qu’en ce qui concerne ses finalités. Nous savons toutefois que les liens étroits qui unissent l’exercice de la recherche, la pratique réflexive et l’identité professionnelle donnent lieu à une importante valorisation de l’enseignant comme praticien-réflexif. Ce profil identitaire, bien que répandu dans la littérature, ne semble toutefois trouver aucun consensus quant à ce qui le caractérise. Cette absence de consensus, qui caractérise aussi les écrits sur la réflexivité, témoigne des tensions idéologiques qui règnent au sein de la profession enseignante. Ces tensions opposent tantôt une vision de l’enseignant comme professionnel autonome à une vision davantage technicienne, tantôt une vision humaniste à une vision davantage rationnelle (Zeichner, 1983; Zeichner et Tabacnick). La charge idéologique des concepts utilisés dans la littérature rend leur interprétation difficile. En effet, l’idée de praticien-réflexif, comme nous l’avons démontré, réfère tantôt à un enseignant capable de porter un regard rationnel sur sa propre pratique, tantôt à un enseignant apte à poser un regard critique sur des préoccupations sociales se situant au delà du contexte de sa pratique. Ce pluralisme idéologique appelle à la contextualisation des concepts utilisés. Nous entendons par-là qu’il nous apparaît uniquement possible de définir plus clairement un concept comme celui de la réflexivité en allant voir dans un milieu donné, le sens que lui donne les acteurs.

2.5 Le profil identitaire de l’enseignant finlandais

Maintenant que nous nous sommes intéressés à l’IPE comme champ de recherche, nous nous attarderons plus spécifiquement aux études portant sur l’IPE de l’enseignant finlandais.

L’enseignant finlandais est considéré par beaucoup comme l’élément-clé du succès que vit présentement la Finlande. Morales (2012), qui s’est intéressée à la formation initiale des enseignants finlandais dans une perspective comparée, affirme tout comme l’avait fait Simola (2005) qu’il est difficile d’isoler un élément en particulier susceptible d’expliquer la réussite éducative de la Finlande. Toutefois, nombreux sont les auteurs qui s’entendent pour dire que la valorisation de la profession enseignante constitue, avec la qualité de leur formation initiale, deux éléments susceptibles d’expliquer leur réussite (Kansanen, 2007;

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Niemi, 2011, Niemi, Toom et Kallioniemi, 2012; Westbury et al, 2006). Bien que la littérature n’attribue pas cette réussite davantage aux enseignants du « primaire » plutôt qu’aux enseignants du « secondaire », nous avons choisi de nous intéresser à la formation des enseignants de l’ordre primaire, appelés luokanopettaja3. Enseignante au primaire de formation, nous nous sommes naturellement tournée vers cet ordre d’enseignement pour mener notre recherche. Nous soutenons cependant qu’il aurait été tout aussi pertinent de s’intéresser à l’enseignant du secondaire. Toutefois, la rédaction d’un mémoire de maîtrise ne justifiait pas l’entreprise d’un aussi important chantier de recherche. Il était nécessaire, dans ce contexte, de s’en tenir à l’un ou l’autre des ordres d’enseignement.

Dans les paragraphes qui suivent, nous allons répertorier les informations présentes dans la littérature qui constitueront le point de départ à l’élaboration de notre problématique. Nous tenons à spécifier, avant de conclure, que nous avons choisit d’utiliser le terme « formateur » pour désigner les personnes qui œuvrent à la formation initiale des enseignants. Ce terme implique tout type de formateurs (professeur, chargé de cours, étudiant au doctorat) et nous évite ainsi de tomber dans les spécificités terminologiques des différents milieux de formation. Par exemple, dans le cas de l’Université d’Helsinki, nous aurions eu à distinguer le « lecturer » du « senior lecturer », du « Phd student ». Dans la littérature anglophone, le terme « teacher educator » est généralement utilisé pour désigner les formateurs au sens large (Krokfors et al., 2011).

2.5.1 Recension de la littérature

Les études qui se sont intéressées jusqu’à maintenant à l’identité professionnelle de l’enseignant finlandais sont peu nombreuses. À notre connaissance, seules les publications de Maaranen (2009; 2010) et de Maaranen et Krokfors (2008) se sont penchées sur cette question, en prenant pour objet d’étude l’approche pédagogique spécifique au programme de formation initiale, c’est-à-dire l’approche dite « basée sur la recherche ». Selon ces chercheurs, cette approche pédagogique permettrait au futur maître de développer une

3 L’enseignant de classe (luokanopettaja) par opposition à l’enseignant des matières (aineopettaja) distingue,

dans le jargon de l’éducation finlandaise, l’enseignant du primaire de l’enseignant du secondaire. Mentionnons toutefois que nous construisons ces équivalences uniquement dans le but de faciliter la compréhension du lecteur québécois. En réalité, le système scolaire finlandais offre une formation dite « compréhensive » d’une durée de neuf ans qui ne segmente pas la formation « primaire » et la formation « secondaire ». L’enseignant de classe, qui fera ici l’objet de notre réflexion, est celui qui dispense la scolarité aux enfants âgés entre 7 et 12 ans. Il est tuteur d’un groupe le temps d’une année scolaire.

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attitude professionnelle en partageant le savoir qu’il construit avec ses pairs et un sens des responsabilités face à ses compétences et ses connaissances à long terme. Le travail de réflexion sur sa pratique induit par le travail de recherche génèrerait aussi, selon ces auteurs, des compétences réflexives favorisant le développement de son identité professionnelle.

Bien que nos recherches n’aient pas permis d’identifier d’autres études empiriques sur le sujet, nous avons pu identifier différents ouvrages dans lesquels on parle de l’enseignant finlandais. La plupart des écrits présentent l’enseignant finlandais comme un « high-quality teacher », un « highly-qualified teacher » ou encore un « highly professional teacher » (Jakku-Sihvonen et Niemi, 2006; Kansanen, 2006; Niemi, Toom et Kallioniemi, 2012; Sahlberg 2007; 2011). Bien qu’ils ne soient pas explicitement définis, ces termes semblent être utilisés indistinctement et réfèrent généralement à la qualité de leur formation initiale, laquelle sera traitée en détail plus loin dans ce chapitre.

L’enseignant est aussi présenté dans la littérature comme un « praticien-réflexif » (Aho, Pitkänen et Sahlberg, 2006; Jakku-Sihvonen et Niemi; 2006, 2007; Niemi, Toom et Kallioniemi, 2012; OPM, 1994; Sahlberg, 2011). Le concept de praticien-réflexif demeure toutefois difficile à baliser et revêt différentes significations en fonction des différentes idéologies qui le sous-tendent. Le fait de désigner l’enseignant finlandais comme étant un praticien-réflexif soulève, à notre avis, davantage de questions qu’il n’offre de réponses. Nous y reviendrons.

En dépit du grand intérêt qu’on porte à l’identité professionnelle de l’enseignant finlandais et du volume important de publications s’y intéressant (Niemi, 2012; Sahlberg, 2011; Jakku-Sihvonen et Niemi, 2007; Niemi, 2006), force est de constater que la littérature abordant cette question nous fournit peu d’information sur ce qui caractérise l’enseignant sur le plan identitaire. En effet, un survol de la littérature nous a permis de constater que l’on traite généralement des éléments du contexte finlandais qui favorisent l’épanouissement professionnel de l’enseignant, plutôt que de documenter les caractéristiques propres à l’enseignant lui-même. Le contexte scolaire dans lequel est appelé à travailler l’enseignant ainsi que le contexte de sa formation initiale sont les deux milieux auxquels les auteurs se réfèrent le plus souvent pour étudier l’enseignant finlandais.

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Comme nous le verrons toutefois, l’abondance des informations disponibles nous laisse devant de nombreuses interrogations relativement à notre question de départ : qu’est-ce qui caractérise l’enseignant finlandais ?

2.5.1.1 Son milieu de travail

Les informations disponibles au sujet de l’enseignant finlandais concernent le plus souvent le milieu scolaire dans lequel il évolue. Puisque cette littérature est volumineuse, nous présenterons grosso modo les éléments en lien avec notre problématique de recherche. La littérature fait état de la « culture of trust », que nous pourrions traduire par la « confiance » dont jouissent les enseignants dans le cadre de leur travail (Niemi, Toom et Kallioniemi, 2012; Sahlberg, 2011; Kansanen, 2003). Il semblerait, en effet, que le travail de l’enseignant soit socialement respecté et valorisé et qu’une grande crédibilité soit accordée aux enseignants de la part des parents d’élèves et du personnel œuvrant dans les écoles. Cette « confiance » envers le personnel enseignant entrainerait une grande autonomie professionnelle pour l’enseignant. Elle aurait aussi pour conséquence l’absence de certaines pratiques régulatrices communes à d’autres pays comme la reddition de compte (accountability) et l’évaluation du personnel (Sahlberg, 2011, Toom et al., 2010). L’absence de telles régulations aurait pour effet de favoriser le professionnalisme de l’enseignant, que l’on associe dans la littérature à la liberté de choix et d’action sur le plan pédagogique.

Finalement, la littérature souligne les bénéfices de l’absence d’évaluations standardisées dans le système d’éducation finlandais (Sahlberg, 2007; 2011). On dit que la Finlande ne soumet aucun élève à de telles évaluations avant le début de la 7ème année de peruskoulu

(l’équivalent des études secondaires). Cette façon de faire contribuerait aussi à la liberté professionnelle de l’enseignant, qui est libre de choisir les contenus qu’il enseigne, selon quel ordre et de quelle manière. Le temps d’enseignement serait, dès lors, utilisé pleinement à des fins éducatives plutôt qu’à préparer les élèves pour des examens.

2.5.1.2 Sa formation initiale

Chercher à documenter l’identité professionnelle de l’enseignant finlandais nous amène aussi sur une autre piste: celle de la formation initiale à l’enseignement. Comme nous l’avons mentionné, l’enseignant finlandais est fréquemment désigné comme étant un

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enseignant hautement qualifié (highly qualified). La formation initiale à l’enseignement occupe donc une place importante quand il s’agit de définir l’enseignant finlandais sur le plan de son identité professionnelle.

Le nombre d’écrits documentant la formation initiale est important. Plusieurs auteurs finlandais ont publié, à différents moments et dans différentes revues scientifiques, des articles qui se recoupent sur le plan du contenu. C’est pourquoi, après avoir lu tous les documents, nous avons cru bon de nous en tenir à ceux qui, plus récents, donnent la même information que d’autres articles publiés antérieurement. Avant de s’intéresser plus spécifiquement aux travaux publiés par des auteurs finlandais, attardons nous à l’étude de Morales (2012) qui s’est elle aussi intéressée à la formation des enseignants finlandais, dans une perspective comparée. Grâce à son étude, Morales (2012) parvient à identifier en quoi la formation des enseignants québécois ressemble et/ou diffère de la formation des enseignants finlandais. L’auteure remarque que les deux milieux étudiés valorisent la formation d’un enseignant professionnel, mais que le contexte socioculturel de la Finlande favoriserait davantage l’épanouissement professionnel de ses enseignants. Bien que cette étude documente abondamment la Finlande et son programme de formation initiale, elle se borne toutefois à une limite à notre avis non-négligeable : la littérature. En effet, l’analyse de Morales (2012) s’est effectuée à partir d’une large recension des écrits documentant l’éducation finlandaise. L’apport de la recherche de Morales (2012) réside donc plus spécifiquement dans l’effort de documenter et de comparer ces deux milieux d’éducation. Elle ne fournit toutefois aucun éclairage quant à ce qui se vit concrètement au sein de cette formation.

Avant de poursuivre, mentionnons que notre recension des écrits traite de la « formation initiale » sans tenir compte des variations entre les programmes. En effet, les programmes de formation initiale offerts en Finlande sont tous uniques, car les universités détiennent une grande liberté dans l’organisation du curriculum (OPM, 1994; Finnish Ministry of Education and Culture). Toutefois, toutes les universités qui souhaitent offrir la formation initiale à l’enseignement sont contraintes d’appliquer les mêmes principes directeurs émis par le Ministère de l’Éducation et de la Culture. Ces principes datent de l’année 1975, année marquée par la publication d’un rapport qui balise la mise en place d’un programme

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de formation des maîtres en milieu universitaire. Les balises proposées dans ce rapport ont été traduites en l’anglais par Jakku-Sihvonen et Niemi (2007, p.151) :

• All teacher education for comprehensive and upper-secondary schools should be academic and carried out in universities;

• Teacher education should be unified for different teacher categories;

• The initial education of future teachers must give a common and broad qualification to all teachers and this common background can be flexibly complemented by in-service education;

• Pedagogical studies should be developed in such a way that teachers are prepared to be educators in the broad sense of the concept and can attend to their pupils socio-emotional growth. Teachers should have a pedagogical, optimistic attitude to their work that is grounded into the latest research;

• Teacher education should consist of societal and educational policy studies.

Les universités en Finlande qui souhaitent offrir un programme de formation initiale à l’enseignement doivent donc se conformer à ces principes directeurs qui, bien que prescriptifs, laissent aux différents milieux la possibilité d’élaborer, de manière plus concrète, leur propre curriculum (Jakku-Sihvonen et Niemi). C’est pourquoi nous parlerons de « la formation initiale » au sens large, puisque tous les programmes doivent s’arrimer aux mêmes principes directeurs. Nous tenions néanmoins à souligner le fait qu’aucun de ces programmes ne sont identiques en tous points. Rappelons, par la même occasion, que notre étude de cas porte spécifiquement sur le programme de formation initiale de l’Université d’Helsinki.

2.6 Perspectives historiques

Historiquement, la formation des enseignants finlandais était dispensée par des écoles de métiers, et ce jusqu’en 1975, année où le gouvernement met en place l’école compréhensive.

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