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Chapitre 1 Contexte général

2.6 Perspectives historiques

Historiquement, la formation des enseignants finlandais était dispensée par des écoles de métiers, et ce jusqu’en 1975, année où le gouvernement met en place l’école compréhensive.

Quatre ans plus tard, soit en 1979, la Finlande procède à une réforme massive de la formation universitaire; le programme de formation initiale à l’enseignement devient alors une discipline académique officielle. Conformément aux principes émis dans le rapport de 1975, la formation des maîtres adopte officiellement la structure d’un programme de

maîtrise d’une durée de quatre ou cinq ans (Kansanen, 2007). Ce diplôme est alors exigé afin de se qualifier pour travailler à titre d’enseignant. La structure du programme demeure la même au courant des années 1980 et 1990, c’est-à-dire, une formation d’une durée de cinq ans suivie de la rédaction d’un mémoire de maîtrise. Dès lors, la formation des maîtres détermine l’intégration théorie-pratique par la recherche comme fondement du programme. Ce n’est qu’en 2005, avec la mise en place du Processus de Bologne4, que des modifications furent apportées au niveau de la structure et de la pédagogie du programme dans le but de répondre aux exigences de standardisation des diplômes à l’échelle européenne (Krokfors, 2007). Le programme fut scindé pour respecter les normes établies par le Plan Bologne : trois années de formation au premier cycle, suivies de deux années de formation au deuxième cycle. Cette réforme a été l'occasion de clarifier et de baliser le concept de recherche comme fondement du programme de formation des maîtres. Elle a aussi permis d’établir de nouvelles connexions théorie-pratique dans les cours offerts dans le programme (Krokfors, 2007).

La formation initiale est aujourd’hui dispensée dans les huit universités qui se trouvent en Finlande. De ce nombre, sept d’entre elles ont le finnois comme langue d’enseignement, et une le suédois (Finnish National Board of Education). Comme nous l’avons expliqué plus tôt, les programmes peuvent différer d’une université à l’autre étant donné la liberté administrative et pédagogique octroyée aux administrateurs des programmes. Chaque université est toutefois tenue de respecter certains principes directeurs.

L’organisation de la formation

Le premier élément dont il est question quand on s’intéresse à la formation initiale de l’enseignement finlandais est la rigueur avec laquelle les futurs enseignants sont sélectionnés par les programmes de formation des enseignants au sein des universités (Kansanen, 2003; 2006, 2007; Niemi, Toom et Kallioniemi, 2012; Sahlberg, 2007, 2011).

4 Le processus de Bologne est un processus de rapprochement des systèmes d'enseignement supérieur au

sein de l’Union européenne. Initié en 1999, il a conduit à la création en 2010 de l’Espace européen de l’enseignement supérieur. Le processus a pour objectif de favoriser les échanges universitaires (étudiants, enseignants et chercheurs) et de faire converger les systèmes universitaires vers des niveaux de référence communs (European Commission).

En effet, une minorité d’étudiants sont retenus annuellement, soit environ 15% des demandes soumises aux comités de sélection des différentes universités. Il s’agit donc de programmes fortement contingentés et très populaires auprès des étudiants. On associe d’ailleurs la popularité de ces programmes à la valorisation qui est faite de la profession enseignante dans le pays. Les étudiants désireux d’intégrer un de ces programmes doivent se soumettre à une série d’évaluations dont, notamment, l’évaluation du dossier scolaire. Les étudiants ne sont toutefois pas uniquement sélectionnés en fonction de l’excellence de leur dossier scolaire. Ils doivent aussi prendre part à un entretien et faire un examen d’admission. Seuls les étudiants les plus « performants » selon les critères établis par le programme sont retenus, c'est-à-dire environ 150 étudiants sur plus de 1000 demandes d’admission chaque année à l’Université d’Helsinki.

La littérature présente les programmes de formation initiale comme un tout réfléchi où les objectifs du programme servent de point de départ à l’élaboration des contenus et au choix d’une approche pédagogique dite « basée sur la recherche »:

Finnish teacher education is research-based, which refers to the design of the programme, which should be organized according to logical rules, an organizing theme, and principals stating the objectives of the curriculum, as well as be based on research results and evidence concerning teacher education (Maaranen, 2009, p. 222).

La formation à la recherche sert de principe directeur (organizing theme) à l’élaboration du curriculum de formation initiale. Le programme s’articule autour des savoirs les plus récents en matière de formation initiale à l’enseignement. La description du programme fournie par Toom et al. (2010) explique plus concrètement la manière dont s’organise la formation :

Firstly, the study programme is structured according to the systemic educational structure, secondly, all teaching is based on research, and thirdly, activities are organized so as to give students the opportunity to practice argumentation, decision making and justification when inquiring and solving pedagogical problems. Fourthly, students learn different research skills during their studies when they proceed to the master thesis level (p.108)

La formation basée sur la recherche est décrite comme une manière de concevoir le programme qui intègre l’enseignement et la recherche au curriculum de formation: il s’agit, pour les formateurs, de mettre les étudiants en contact avec des résultats issus de leurs propres projets de recherche ou d’autres recherches avec lesquelles ils se trouvent en contact. Il s’agit aussi d’introduire l’étudiant à la recherche scientifique en le formant à la

recherche, c’est-à-dire en lui demandant d’agir lui-même à titre de chercheur. C’est par la réalisation de deux projets de recherche, soit une thèse à la fin du premier cycle et une seconde thèse de plus grande envergure en fin de deuxième cycle que l’étudiant s’initiera au travail du chercheur et sera en contact, de manière directe, avec le monde de la recherche en éducation. Les savoirs générés dans le cadre de ce projet sont généralement étroitement liés à des considérations pratiques en lien avec le travail d’enseignant :

Primary teachers, also called class teachers, have educational science as their major, and this degree requires the completion of a master’s thesis. The topics of the theses can be highly school-related, and the theses are very often action research projects (Niemi, 2011, p. 135)

La littérature fait état d’un second élément-clé contribuant à harmoniser les structures du programme et à faciliter la connexion entre l’approche basée sur la recherche et le développement du raisonnement pédagogique : le souci d’intégration théorie-pratique. C’est à l’intérieur de cette « formule », dont les principales caractéristiques sont présentées par (Kansanen, 2007, p.135), que se développe le curriculum de formation :

1) Student teachers practice and analyze teaching as part of their studies together with teacher educators;

2) Integration takes place in the problem-based situations where student teachers practice their methodological skills and use research methods to solve pedagogical problems.

L’intégration de la théorie à la pratique agit à titre de facilitateur de l’approche de manière concrète pour familiariser l’étudiant à la fois avec l’enseignement et la recherche. Cette intégration théorie-pratique se présente comme une formule pédagogique appliquée au programme de manière générale. Ainsi, le programme alterne entre une formation pratique dans les écoles associées et une formation théorique en milieu universitaire. D’un côté, les étudiants sont appelés à réaliser des stages où ils vivent des expériences concrètes d’enseignement. D’un autre côté, ils sont aussi appelés à réaliser deux projets de recherche dont les problématiques touchent le contexte de la classe et leurs expériences de stage. En ce sens, le programme intègre la théorie à la pratique en s’assurant d’un va-et-vient continu entre ces deux sphères de connaissances. De manière plus spécifique, les cours du programme ont aussi pour mandat de permettre une intégration théorie-pratique. Les cours sont organisés de manière à mettre les étudiants en contact avec différentes théories de

pédagogie tout en leur donnant l’occasion de voir comment recourir à ces théories dans le contexte pratique de la classe.

Le programme est donc élaboré selon une logique à deux axes: l’enseignement et la recherche. De la même manière, il suit une logique à deux niveaux: théorique et pratique. Les axes d’enseignement et de recherche réfèrent aux principales composantes du programme. D’un côté, le curriculum de formation des maîtres dispense de l’enseignement visant l’acquisition par les étudiants de connaissances utiles à leur future profession. De l’autre côté, le curriculum intègre la production et la consommation de savoirs scientifiques générés par la recherche dans le domaine des sciences de l’éducation. Dans son application, l’axe de l’enseignement dispense des cours qui serviront à outiller le futur enseignant. Ces cours sont axés sur le développement de compétences techniques et ancrés dans la réalité quotidienne du travail de l’enseignant.

Le niveau pratique s’intéresse au travail quotidien de l’enseignant, à l’acquisition de connaissances essentielles et de compétences pratiques (Toom et al., 2008; Byman et al., 2009). Le niveau théorique, pour sa part, s’intéresse aux concepts et aux idées qui guident l’action de l’enseignant en contexte pratique. Ce niveau se veut plus donc général. Son but est d’apprendre à l’étudiant à se distancier de la pratique en ayant recours à la réflexion et à l’autocritique en regard à sa pratique :

Although connected to the basic level, general level takes a certain distance from the teacher’s everyday practical work. This refers to reflection, thinking, discussion and other research-related activities. General level also implies a kind of metacognition of one’s own work and pedagogical decision-making (Kansanen, 2007, 134).

Le curriculum est conçu de manière à faire cheminer l’étudiant du stade pratique vers le stade théorique (Kansanen, 2007; Niemi et Jakku-Sihvonen, 2011). Il s’agit, comme nous l’avons déjà abordé, de lui apprendre à s'éloigner de la pratique dans le but de réfléchir de manière plus abstraite et ainsi 1) identifier les problèmes relatifs à sa pratique et veiller à trouver des solutions et 2) élaborer ses propres théories en regard à la pédagogie (Toom et al. 2010)

Les objectifs de la formation initiale

Bien que l’étudiant doive se prêter à l’élaboration d’un projet de recherche dans le cadre de sa formation initiale en enseignement, Toom et al. (2010, p.333) expliquent que l’objectif

derrière la rédaction du mémoire n’est pas de faire de l’étudiant un chercheur à proprement parler :

The aim is not to produce researchers, but rather to provide students with skills and knowledge to complete their own studies, observe their pupils and analyze their thinking (…) its main priority is not to produce new knowledge or novel results, but rather to produce a research report and discover something either practical or theoretical based on the research.

Différents auteurs mentionnent que la formation à la recherche n’a pas pour objectif de former des chercheurs, mais plutôt de former des enseignants capables de réfléchir comme le ferait un chercheur. Kansanen (2007) parle de réfléchir « along with the lines of research principles » alors que Toom et al. (2010) présentent plutôt l’approche comme une manière d’acquérir une posture de recherche (acquire an inquiring attitude) vis-à-vis la pratique de l’enseignement. Krokfors et al. (2011) expliquent d’ailleurs que la volonté de former les futurs enseignants à la recherche ne réside pas dans le besoin de former des chercheurs, mais plutôt dans la nécessité de former des enseignants autonomes, capables de prendre des décisions basées sur des arguments rationnels. Il ne s’agit donc pas de former un chercheur, mais plutôt de former un enseignant capable d’en adopter la posture. Cette volonté de former les futurs enseignants selon cette approche réside dans l’objectif ultime de la formation, soit celui de former des enseignants capables de raisonner sur le plan pédagogique.

Comme il est possible de le constater, la littérature présente l’acte d’enseigner comme un exercice constant de prise de décisions et de résolution de problèmes sur le plan pédagogique. La formation encourage d’ailleurs le futur enseignant à concevoir sa future profession de la sorte:

Teacher students are encouraged to view teaching as a problematic and complex process, which demands continuous decision-making and rational argumentation (Krokfors et Maaranen, 2007, p. 360).

À l’issue de cette recension des écrits, nous sommes à même de constater le peu d’informations tangibles que nous offre la littérature quant aux éléments qui caractérisent l’enseignant finlandais sur le plan identitaire? En dépit de toute la crédibilité qui lui est octroyé, les caractéristiques identitaires qui contribuent au caractère distinctif de l’enseignant finlandais, que l’on identifie comme un acteur-clé du phénomène de la réussite éducative qui touche présentement la Finlande, reste à ce jour assez méconnu.