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Chapitre 4 Méthodologie

4.6 Les informations spécifiques à notre terrain de recherche

Afin de mieux comprendre l’identité professionnelle de l’enseignant finlandais, nous avons réalisé une étude de cas au sein d’un programme de formation initiale à l’enseignement, celui de l’Université d’Helsinki en Finlande. Le choix de l’Université d’Helsinki relève de contraintes organisationnelles et à titre d’étudiant international, cette institution s’avérait être la plus accessible.

La possibilité de passer dix mois sur le terrain de recherche a permis l’amélioration constante des outils de collecte de données notamment la grille d’observation et la grille d’entretien en procédant aux ajustements nécessaires au fur et à mesure des découvertes et des questionnements suscités. Le contact prolongé avec le terrain a aussi permis la réalisation d’une collecte de données riches et variées. Les prochains paragraphes présentent d’abord notre terrain de recherche. Il expose ensuite, de manière séquentielle, l’ordre général dans lequel la collecte de données a été réalisée, bien que ces étapes se soient parfois chevauchées et/ou entrecoupées.

4.6.1 Terrain de recherche et cueillette de données

Notre terrain de recherche prenait la forme d’un petit territoire dans lequel cogitaient les étudiants inscrits dans un programme de formation initiale à l’enseignement. Il incluait tous les lieux dans lesquels on retrouve les étudiants de la formation initiale à l’enseignement primaire. Rappelons que nous avons choisi de documenter uniquement la formation des enseignants du primaire (luokanopettaja), car seule cette formation était dispensée en totalité au Département de la formation initiale. La formation des enseignants du secondaire (aaineopettaja) s’effectue un peu partout sur le campus de l’Université : dans les autres facultés, dans le réseau d’écoles associées. La formation des enseignants du secondaire, de par le contenu des cours (disciplinaires) rendait notre participation aux cours quasi impossible. Dans le cas de la formation des enseignants du primaire, bon nombre de cours pratiques nous étaient facilement accessibles, puisqu’il s’agissait le plus souvent de manipuler des objets, des outils ou encore des instruments de musique. Les formules pédagogiques déployées dans ces cours (les projets, les plénières) ont aussi facilité notre intégration. Le contexte assez informel des rencontres, le petit nombre d’étudiants, sont autant d’éléments qui nous ont permis de se faire une place au sein de la formation des enseignants du primaire. Ces lieux se situent dans quatre édifices principaux (Siltavuorenpenger 1A, 3A, 5A et 10) dans lesquels on retrouve des salles informatiques, une cafétéria, une bibliothèque, une didacthèque ainsi que des locaux spécialisés pour les cours d’arts et de musique. Ces édifices regroupent aussi des locaux pour le personnel administratif, les bureaux des formateurs ainsi que des équipes de recherche.

Sur le terrain, les acteurs observés et rencontrés étaient des étudiants, des formateurs ainsi que certains membres de l’administration du programme de formation des maîtres. Les étudiants que nous avons côtoyés en étaient à différentes étapes de leur scolarité. Mentionnons toutefois que la plupart d’entre eux faisaient leurs études de premier cycle ou débutaient leurs études de deuxième cycle. Il n’était pas vraiment possible, comme nous le verrons au chapitre 4, de suivre une « cohorte » d’étudiants, car les cheminements des étudiants varient en fonction de leur plan d’étude.

Le travail d’observation a débuté en septembre 2011 et s’est poursuivi jusqu’en juin 2012. Comme le contact avec les acteurs est devenu plus naturel et plus souple au fil des mois, un travail d’observation plus soutenu s’est effectué entre février et juin 2012. Une grille

d’observation a servi de support à notre travail d’observation. Dans son tableau intitulé « investigating curriculum », Joseph (2011, p.68) distingue six composantes culturelles susceptibles de nous informer sur les idéologies et les valeurs qui sous-tendent un curriculum : la vision, les étudiants, les formateurs, le contexte, la planification et l’évaluation. Nous avons construit notre grille d’observation à partir de ces composantes (voir annexes E et F) :

- Vision : les finalités de la formation;

- Étudiants : les croyances du programme vis-à-vis les besoins des élèves, leurs intérêts et leur source de motivation à l’école;

- Formateurs : les croyances des enseignants quant à leur rôle professionnel; - Le contexte : l’environnement de la classe et de l’école;

- La planification : la manière d’élaborer le curriculum de formation : les acteurs en charge, les décideurs;

- L’évaluation : la manière de procéder à l’évaluation des étudiants, la manière d’élaborer l’échelle d’appréciation des résultats aux évaluations.

Notre grille a servi de point de chute à toutes les informations recueillies ici et là par nos diverses méthodes de collecte. Les informations comprises dans nos grilles ainsi que toutes les autres observations ou commentaires furent recueillis et compilés dans un journal ethnographique. Nous y avons eu recours quotidiennement pour y noter nos observations, nos commentaires et nos interrogations. Nous y avons aussi noté la progression de la recherche ainsi que les événements se rapportant à l’enquête.

Mentionnons toutefois que, de manière générale, le travail d’objectivation de nos observations n’a pas été une tâche facile. En effet, les premières semaines d’observation ont été biaisées par notre fascination pour le nouveau milieu. En plus, notre regard était particulièrement conditionné par notre propre expérience de formation initiale à l’enseignement. En effet, nous avions tendance à comparer les éléments du programme finlandais à ceux du programme québécois. Dès lors, notre attention focalisait sur des éléments précis au lieu de considérer l’ensemble des composantes culturelles. Bien que notre travail soit réellement le fruit d’un regard croisé entre notre propre expérience à titre d’ancienne étudiante en formation des maîtres et notre expérience de formation en contexte finlandais, nous croyons cependant avoir appris, au fil des semaines, à tirer le meilleur

profit de ce « double bagage ». Le journal ethnographique, la démarche d’écriture et de lecture qui lui est inhérente, a permis une mise à distance entre ces expériences et nous- mêmes.

Pour ce qui est des entretiens, nous en avons mené dix-huit, d’une durée moyenne de 40 minutes et chaque entretien a été enregistré sur ordinateur à l’aide de l’application Smart Recorder. Les participants étaient tous des formateurs du Département de la formation initiale à l’enseignement et ont été recrutés suite à notre travail sur le terrain. Nous les connaissions pour nous avoir donné un cours ou pour avoir animé un séminaire. Certains d’entre eux nous ont été référés par d’autres formateurs, par le bouche à oreille. Le recrutement s’est effectué selon deux critères simples : 1) agir à titre de formateur au sein du programme des enseignants du primaire 2) et ce depuis au moins cinq ans. Nous avons arrêté ces critères, en particulier, car nous tenions à nous entretenir avec des formateurs capables de nous parler des cours offerts par le programme. Dès lors, il était essentiel que ces derniers dispensent réellement des cours. Nous avons aussi choisi d’inclure un critère « d’ancienneté » de cinq années afin de nous assurer que les formateurs détiendraient une connaissance relativement bonne du programme dans son ensemble. Mentionnons toutefois que nous nous sommes entretenus avec un professeur émérite qui, bien qu’il ne dispensait plus la formation, en connaissait beaucoup sur le programme puisqu’il avait contribué à son élaboration dès les années 1970. Ce formateur ne donnait plus de cours depuis quatre ans, mais s’impliquait encore dans l’administration du programme. À ce sujet, mentionnons aussi que nous avons cherché à recruter des formateurs qui, en plus de répondre à nos critères de sélection de base, détenaient une expérience dans l’administration du programme de formation (directeur de programme, responsable de la formation à la recherche). Nous avons cru bon de les inclure afin qu’ils puissent nous fournir un éclairage sur certains faits difficilement observables (des faits historiques, par exemple ou encore certaines contraintes administratives que nous n’arrivions pas à démystifier à partir de nos observations).

Nous avons choisi de nous entretenir uniquement avec les formateurs étant donné qu’il était facile de communiquer avec eux en anglais. Qui plus est, nous jugions que ces derniers étaient les mieux placés pour nous aider à documenter le curriculum de formation, puisqu’ils travaillent quotidiennement à son élaboration et à son fonctionnement. Notre

objet de recherche étant le curriculum de formation, les formateurs et les administrateurs étaient les mieux placés pour répondre à nos questions. Les étudiants, pour leur part, ont été observés et questionnés sur le vif, dans le cadre de notre travail d’observation participante. Nous aurions aussi pu mener des entretiens auprès d’eux. Toutefois, nous tenions à ne pas tomber dans des entretiens traitant de l’appréciation ou encore des perceptions des étudiants à l’égard du programme. Non pas que ces informations ne soient pas dignes d’intérêt, mais nous devions garder en tête notre objet d’étude, c’est-à-dire le curriculum, et non l’expérience de formation des futurs enseignants. Mentionnons toutefois, pour conclure sur ce point, que nous avons eu la chance de côtoyer les étudiants de près dans le cadre de nos cours, et ainsi retirer de nos échanges informels des informations intéressantes que nous avons compilées dans notre journal de bord.

Suite à une première rencontre informelle où nous nous introduisions et expliquions brièvement notre projet, nous recrutions formellement les formateurs par l’envoi d’un courriel les invitant à prendre part à l’étude. À ce courriel était jointe une description détaillée du projet de recherche (voir annexe C). L’objectif visé par ces entretiens était d’accumuler un maximum d’informations, en particulier celles qui sont difficiles à observer sur le terrain: par exemple, l’information concernant l’évaluation, les dilemmes ou encore la planification. Ces thèmes plus abstraits sont difficiles à observer dans les situations concrètes du quotidien. Les propos des acteurs venaient aussi compléter, infirmer ou confirmer certaines interprétations découlant de nos observations. Dès lors, la retranscription intégrale ne s’avérait pas nécessaire puisque nous ne nous intéressions pas au caractère « récurrent » des informations transmises par les informateurs. Chaque entretien a été écouté entre trois et cinq fois en adoptant la méthode « d’attention flottante » telle que décrite par (Kaufmann, 2007). Il s’agissait d’écouter l’entretien en s’intéressant à la fois à tout et à rien. Chaque écoute révélait de nouvelles informations intéressantes et nous mettait sur de nouvelles pistes d’interprétation. Les informations que nous jugions intéressantes étaient compilées dans un tableau construit à partir des composantes de la culture du curriculum que nous avons abordées plus tôt (voir annexes E et F).