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Chapitre 1 Contexte général

2.5 Le profil identitaire de l’enseignant finlandais

Maintenant que nous nous sommes intéressés à l’IPE comme champ de recherche, nous nous attarderons plus spécifiquement aux études portant sur l’IPE de l’enseignant finlandais.

L’enseignant finlandais est considéré par beaucoup comme l’élément-clé du succès que vit présentement la Finlande. Morales (2012), qui s’est intéressée à la formation initiale des enseignants finlandais dans une perspective comparée, affirme tout comme l’avait fait Simola (2005) qu’il est difficile d’isoler un élément en particulier susceptible d’expliquer la réussite éducative de la Finlande. Toutefois, nombreux sont les auteurs qui s’entendent pour dire que la valorisation de la profession enseignante constitue, avec la qualité de leur formation initiale, deux éléments susceptibles d’expliquer leur réussite (Kansanen, 2007;

Niemi, 2011, Niemi, Toom et Kallioniemi, 2012; Westbury et al, 2006). Bien que la littérature n’attribue pas cette réussite davantage aux enseignants du « primaire » plutôt qu’aux enseignants du « secondaire », nous avons choisi de nous intéresser à la formation des enseignants de l’ordre primaire, appelés luokanopettaja3. Enseignante au primaire de formation, nous nous sommes naturellement tournée vers cet ordre d’enseignement pour mener notre recherche. Nous soutenons cependant qu’il aurait été tout aussi pertinent de s’intéresser à l’enseignant du secondaire. Toutefois, la rédaction d’un mémoire de maîtrise ne justifiait pas l’entreprise d’un aussi important chantier de recherche. Il était nécessaire, dans ce contexte, de s’en tenir à l’un ou l’autre des ordres d’enseignement.

Dans les paragraphes qui suivent, nous allons répertorier les informations présentes dans la littérature qui constitueront le point de départ à l’élaboration de notre problématique. Nous tenons à spécifier, avant de conclure, que nous avons choisit d’utiliser le terme « formateur » pour désigner les personnes qui œuvrent à la formation initiale des enseignants. Ce terme implique tout type de formateurs (professeur, chargé de cours, étudiant au doctorat) et nous évite ainsi de tomber dans les spécificités terminologiques des différents milieux de formation. Par exemple, dans le cas de l’Université d’Helsinki, nous aurions eu à distinguer le « lecturer » du « senior lecturer », du « Phd student ». Dans la littérature anglophone, le terme « teacher educator » est généralement utilisé pour désigner les formateurs au sens large (Krokfors et al., 2011).

2.5.1 Recension de la littérature

Les études qui se sont intéressées jusqu’à maintenant à l’identité professionnelle de l’enseignant finlandais sont peu nombreuses. À notre connaissance, seules les publications de Maaranen (2009; 2010) et de Maaranen et Krokfors (2008) se sont penchées sur cette question, en prenant pour objet d’étude l’approche pédagogique spécifique au programme de formation initiale, c’est-à-dire l’approche dite « basée sur la recherche ». Selon ces chercheurs, cette approche pédagogique permettrait au futur maître de développer une

3 L’enseignant de classe (luokanopettaja) par opposition à l’enseignant des matières (aineopettaja) distingue,

dans le jargon de l’éducation finlandaise, l’enseignant du primaire de l’enseignant du secondaire. Mentionnons toutefois que nous construisons ces équivalences uniquement dans le but de faciliter la compréhension du lecteur québécois. En réalité, le système scolaire finlandais offre une formation dite « compréhensive » d’une durée de neuf ans qui ne segmente pas la formation « primaire » et la formation « secondaire ». L’enseignant de classe, qui fera ici l’objet de notre réflexion, est celui qui dispense la scolarité aux enfants âgés entre 7 et 12 ans. Il est tuteur d’un groupe le temps d’une année scolaire.

attitude professionnelle en partageant le savoir qu’il construit avec ses pairs et un sens des responsabilités face à ses compétences et ses connaissances à long terme. Le travail de réflexion sur sa pratique induit par le travail de recherche génèrerait aussi, selon ces auteurs, des compétences réflexives favorisant le développement de son identité professionnelle.

Bien que nos recherches n’aient pas permis d’identifier d’autres études empiriques sur le sujet, nous avons pu identifier différents ouvrages dans lesquels on parle de l’enseignant finlandais. La plupart des écrits présentent l’enseignant finlandais comme un « high-quality teacher », un « highly-qualified teacher » ou encore un « highly professional teacher » (Jakku-Sihvonen et Niemi, 2006; Kansanen, 2006; Niemi, Toom et Kallioniemi, 2012; Sahlberg 2007; 2011). Bien qu’ils ne soient pas explicitement définis, ces termes semblent être utilisés indistinctement et réfèrent généralement à la qualité de leur formation initiale, laquelle sera traitée en détail plus loin dans ce chapitre.

L’enseignant est aussi présenté dans la littérature comme un « praticien-réflexif » (Aho, Pitkänen et Sahlberg, 2006; Jakku-Sihvonen et Niemi; 2006, 2007; Niemi, Toom et Kallioniemi, 2012; OPM, 1994; Sahlberg, 2011). Le concept de praticien-réflexif demeure toutefois difficile à baliser et revêt différentes significations en fonction des différentes idéologies qui le sous-tendent. Le fait de désigner l’enseignant finlandais comme étant un praticien-réflexif soulève, à notre avis, davantage de questions qu’il n’offre de réponses. Nous y reviendrons.

En dépit du grand intérêt qu’on porte à l’identité professionnelle de l’enseignant finlandais et du volume important de publications s’y intéressant (Niemi, 2012; Sahlberg, 2011; Jakku-Sihvonen et Niemi, 2007; Niemi, 2006), force est de constater que la littérature abordant cette question nous fournit peu d’information sur ce qui caractérise l’enseignant sur le plan identitaire. En effet, un survol de la littérature nous a permis de constater que l’on traite généralement des éléments du contexte finlandais qui favorisent l’épanouissement professionnel de l’enseignant, plutôt que de documenter les caractéristiques propres à l’enseignant lui-même. Le contexte scolaire dans lequel est appelé à travailler l’enseignant ainsi que le contexte de sa formation initiale sont les deux milieux auxquels les auteurs se réfèrent le plus souvent pour étudier l’enseignant finlandais.

Comme nous le verrons toutefois, l’abondance des informations disponibles nous laisse devant de nombreuses interrogations relativement à notre question de départ : qu’est-ce qui caractérise l’enseignant finlandais ?

2.5.1.1 Son milieu de travail

Les informations disponibles au sujet de l’enseignant finlandais concernent le plus souvent le milieu scolaire dans lequel il évolue. Puisque cette littérature est volumineuse, nous présenterons grosso modo les éléments en lien avec notre problématique de recherche. La littérature fait état de la « culture of trust », que nous pourrions traduire par la « confiance » dont jouissent les enseignants dans le cadre de leur travail (Niemi, Toom et Kallioniemi, 2012; Sahlberg, 2011; Kansanen, 2003). Il semblerait, en effet, que le travail de l’enseignant soit socialement respecté et valorisé et qu’une grande crédibilité soit accordée aux enseignants de la part des parents d’élèves et du personnel œuvrant dans les écoles. Cette « confiance » envers le personnel enseignant entrainerait une grande autonomie professionnelle pour l’enseignant. Elle aurait aussi pour conséquence l’absence de certaines pratiques régulatrices communes à d’autres pays comme la reddition de compte (accountability) et l’évaluation du personnel (Sahlberg, 2011, Toom et al., 2010). L’absence de telles régulations aurait pour effet de favoriser le professionnalisme de l’enseignant, que l’on associe dans la littérature à la liberté de choix et d’action sur le plan pédagogique.

Finalement, la littérature souligne les bénéfices de l’absence d’évaluations standardisées dans le système d’éducation finlandais (Sahlberg, 2007; 2011). On dit que la Finlande ne soumet aucun élève à de telles évaluations avant le début de la 7ème année de peruskoulu

(l’équivalent des études secondaires). Cette façon de faire contribuerait aussi à la liberté professionnelle de l’enseignant, qui est libre de choisir les contenus qu’il enseigne, selon quel ordre et de quelle manière. Le temps d’enseignement serait, dès lors, utilisé pleinement à des fins éducatives plutôt qu’à préparer les élèves pour des examens.

2.5.1.2 Sa formation initiale

Chercher à documenter l’identité professionnelle de l’enseignant finlandais nous amène aussi sur une autre piste: celle de la formation initiale à l’enseignement. Comme nous l’avons mentionné, l’enseignant finlandais est fréquemment désigné comme étant un

enseignant hautement qualifié (highly qualified). La formation initiale à l’enseignement occupe donc une place importante quand il s’agit de définir l’enseignant finlandais sur le plan de son identité professionnelle.

Le nombre d’écrits documentant la formation initiale est important. Plusieurs auteurs finlandais ont publié, à différents moments et dans différentes revues scientifiques, des articles qui se recoupent sur le plan du contenu. C’est pourquoi, après avoir lu tous les documents, nous avons cru bon de nous en tenir à ceux qui, plus récents, donnent la même information que d’autres articles publiés antérieurement. Avant de s’intéresser plus spécifiquement aux travaux publiés par des auteurs finlandais, attardons nous à l’étude de Morales (2012) qui s’est elle aussi intéressée à la formation des enseignants finlandais, dans une perspective comparée. Grâce à son étude, Morales (2012) parvient à identifier en quoi la formation des enseignants québécois ressemble et/ou diffère de la formation des enseignants finlandais. L’auteure remarque que les deux milieux étudiés valorisent la formation d’un enseignant professionnel, mais que le contexte socioculturel de la Finlande favoriserait davantage l’épanouissement professionnel de ses enseignants. Bien que cette étude documente abondamment la Finlande et son programme de formation initiale, elle se borne toutefois à une limite à notre avis non-négligeable : la littérature. En effet, l’analyse de Morales (2012) s’est effectuée à partir d’une large recension des écrits documentant l’éducation finlandaise. L’apport de la recherche de Morales (2012) réside donc plus spécifiquement dans l’effort de documenter et de comparer ces deux milieux d’éducation. Elle ne fournit toutefois aucun éclairage quant à ce qui se vit concrètement au sein de cette formation.

Avant de poursuivre, mentionnons que notre recension des écrits traite de la « formation initiale » sans tenir compte des variations entre les programmes. En effet, les programmes de formation initiale offerts en Finlande sont tous uniques, car les universités détiennent une grande liberté dans l’organisation du curriculum (OPM, 1994; Finnish Ministry of Education and Culture). Toutefois, toutes les universités qui souhaitent offrir la formation initiale à l’enseignement sont contraintes d’appliquer les mêmes principes directeurs émis par le Ministère de l’Éducation et de la Culture. Ces principes datent de l’année 1975, année marquée par la publication d’un rapport qui balise la mise en place d’un programme

de formation des maîtres en milieu universitaire. Les balises proposées dans ce rapport ont été traduites en l’anglais par Jakku-Sihvonen et Niemi (2007, p.151) :

• All teacher education for comprehensive and upper-secondary schools should be academic and carried out in universities;

• Teacher education should be unified for different teacher categories;

• The initial education of future teachers must give a common and broad qualification to all teachers and this common background can be flexibly complemented by in- service education;

• Pedagogical studies should be developed in such a way that teachers are prepared to be educators in the broad sense of the concept and can attend to their pupils socio- emotional growth. Teachers should have a pedagogical, optimistic attitude to their work that is grounded into the latest research;

• Teacher education should consist of societal and educational policy studies.

Les universités en Finlande qui souhaitent offrir un programme de formation initiale à l’enseignement doivent donc se conformer à ces principes directeurs qui, bien que prescriptifs, laissent aux différents milieux la possibilité d’élaborer, de manière plus concrète, leur propre curriculum (Jakku-Sihvonen et Niemi). C’est pourquoi nous parlerons de « la formation initiale » au sens large, puisque tous les programmes doivent s’arrimer aux mêmes principes directeurs. Nous tenions néanmoins à souligner le fait qu’aucun de ces programmes ne sont identiques en tous points. Rappelons, par la même occasion, que notre étude de cas porte spécifiquement sur le programme de formation initiale de l’Université d’Helsinki.