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CHAPITRE 2 GESTION DE L’INNOVATION ET INNOVATION OUVERTE

2.3 L’internationalisation des systèmes d’innovation

2.3.3 Rôle des gouvernements

Le rôle des gouvernements dans l’internationalisation des systèmes d’innovation se manifeste de trois façons. La première a trait à l’impact de leurs politiques (légal, éducatif et fiscal) sur le système d’innovation ; les gouvernements parviennent ainsi à créer un environnement d’affaires unique, qui rendra séduisant ou inintéressant le système d’innovation local aux yeux des acteurs économiques étrangers. La deuxième façon : grâce aux incitatifs ou aux barrières imposées aux étrangers, les gouvernements peuvent favoriser ou non la collaboration entre les acteurs économiques étrangers et locaux, et jouer ainsi un rôle de soutien ou de frein à ce type de collaboration. Finalement, les gouvernements peuvent avoir un impact moins direct par l’entremise des organismes publics. Par l’intermédiaire de ces derniers, les gouvernements peuvent faciliter l’émergence de collaboration internationale et même attirer les acteurs étrangers dans le système d’innovation local. Tout ceci peut être fait au bénéfice ou au détriment du système d’innova tio n local et des acteurs économiques étrangers.

Les sections qui suivent présenteront plus en détail la manière dont les gouvernements utilise nt chacun de ces aspects afin de favoriser ou de défavoriser l’émergence de l’internationalisation du système d’innovation.

2.3.3.1 L’environnement

Selon Patel (1997), les gouvernements doivent analyser et comprendre les caractéristiq ues spécifiques du pays qui permettent de créer un avantage technologique national. Lorsqu’on parle de caractéristiques spécifiques, des auteurs comme Freeman (1995) font référence à des éléments tels que les relations industrielles, les institutions techniques et scientifiques, les politiq ues gouvernementales et la culture. Patel (1997) pense plutôt au climat de compétition, le système financier, le système d’éducation et les institutions de recherche fondamentale. Freeman (1995) et Patel (1997) partagent également la même vision quant à l’impact des caractéristiques du milie u d’innovation sur l’internationalisation des systèmes d’innovation, mais Freeman (1995) affirme que c’est cette combinaison d’institutions qui rend unique chacun des systèmes. Comme expliqué plus tôt à travers l’exemple de Foray (1995) et l’argumentaire de Carlsson (2006), cette différe nce devient la source même de l’attrait des systèmes d’innovation. En revanche, selon Carlsson (2006), les particularités de ces institutions peuvent également être la source de difficulté de compatibilité entre les pratiques d’un système d’innovation et celles d’un autre système, rendant ainsi plus difficile l’émergence du phénomène d’internationalisation des systèmes d’innovation.

Étant donné leur nature, ces différentes institutions sont énormément affectées par les politiq ues locales. Lorsque le gouvernement décide d’investir dans une force particulière de son système d’innovation locale, il peut ainsi renforcer par la même occasion l’attrait de son système d’innovation local pour des agents économiques internationaux. Ainsi, les particularités du système d’innovation, renforcées par les diverses politiques des gouvernements, peuvent accentuer ses forces et rendre ce système plus attrayant à l’international. De plus, Nelson (1992) pense que cette distinction entre les systèmes d’innovation des pays est là pour rester.

Les systèmes nationaux d’innovation s’internationalisent, car les agents économiques internationaux sont intéressés par la science développée dans d’autres pays. Selon Pavitt (1998), le niveau de science d’un pays se construit par le niveau de développement économique de ce pays, ses activités économiques et sociales. Comme ces éléments sont influencés par les politiq ues nationales, on peut donc affirmer que le niveau de science d’un pays est affecté par les gouvernements. Ainsi, les gouvernements peuvent, à travers leurs politiques, influencer le niveau de science, ce qui pourra attirer des agents économiques internationaux qui voudront eux aussi bénéficier de cette science. Finalement, Gertler et Levitte (2005) en viennent à la conclusion que les entreprises sont attirées dans une région lorsque le contexte s’avère favorable aux plans

physique, récréatif et culturel, mais également si des éléments comme de faibles barrières à l’entrée et une masse critique de gens créatifs sont présents.

2.3.3.2 Créer les incitatifs par des politiques

La section précédente montrait comment les gouvernements pouvaient, par des politiq ues nationales, avoir un effet indirect sur l’internationalisation des systèmes d’innovation en affectant les institutions. Cette section, en revanche, présentera la manière dont les gouverneme nts peuvent créer des incitatifs qui viendront affecter directement ce phénomène.

Engel et Itxaso (2009) dénotent que la forte collaboration qui existe entre Silicon Valley et Israël fut entre autres aidée par des politiques agressives du gouvernement afin de fournir du finance me nt et de l’assistance à l’incubation. Ces politiques permirent à des entreprises de naitre « global  », c’est-à-dire des entreprises qui, dès leur naissance, avaient déjà des liens dans d’autres systèmes d’innovation. Laursen et al. (2011) suggèrent que les politiques gouvernementales supportent la recherche de haute qualité, car cela bénéficie aux entreprises locales d’une part et permet d’attirer les firmes non locales d’autre part. Les gouvernements doivent également faire attention, car, lorsqu’ils veulent favoriser les collaborations locales, il se peut que l’attrait des collaborations avec des gens à l’externe soit plus intéressant pour les partenaires. Niosi et Bellon (1996) dénotent qu’à l’aide de politique gouvernementale plus ouverte à l’échange de flux de science et de technologie comme au Canada et aux États-Unis, les gouvernements favorisent l’internationalisation des systèmes d’innovation. L’importance des politiques gouvernementales a été également constatée par Chang (1999) et Sung et Carlsson (2003). Ces derniers constatent également que, grâce aux politiques accommodantes pour les entreprises extérieures et des institutions de recherche, les pays retardataires peuvent acquérir des connaissances qui sont localisées ailleurs.

Niosi et Bellon (1996) dénotent que les gouvernements, à travers leurs politiques, peuvent également jouer un rôle négatif quant à l’internationalisation des systèmes d’innovation. Ces derniers peuvent par exemple filtrer le flux de science et de technologie comme cela s’est déjà vu au Japon. D’après Goldenkoff  (1989), certains gouvernements vont même volontairement freiner ce genre de transfert afin d’éviter de voir la recherche de leur pays et des technologies de pointe être transférées à d’autres pays, comme cela s’est déjà vu aux États-Unis. Par exemple, Niosi et Zhegu (2005) dénotent que certaines politiques du gouvernement tel que le « buy American act »

ont eu pour effet de réduire la collaboration internationale. Ce genre d’initiative a pour but de forcer un pays à ne transiger qu’avec d’autres entreprises de son pays sous peine de représailles.

Lee et Gaertner (1994) constatent que certaines politiques peuvent également empêcher des partenariats entre universités locales et entreprises internationales de se produire, par exemple lorsque les gouvernements imposent aux universités de vendre les fruits de leur recherche uniquement aux entreprises locales sous peine de ne pouvoir profiter d’une source de finance me nt gouvernementale. Ce genre de politique a pour effet de borner les universités à chercher des partenaires locaux et cela peut également les empêcher de transférer des technologies intéressantes à des partenaires internationaux. Ces dernières ne trouveront peut-être même pas de partenaires locaux à qui transférer leur technologie et seront alors forcées de tabletter leur technologie. Jaegersberg et Jenny (2011) soulignent quant à eux le rôle que peuvent jouer les gouverneme nts afin d’ériger des politiques équitables pour les entreprises locales et internationales lorsqu’ils décident de faciliter l’internationalisation de leur système d’innovation. Ils citent en exemple le cas présenté par Brunner (2009) où on a pu constater à Valence en Espagne que certaines politiq ues adoptées ont permis la venue de nouvelles entreprises internationales, mais tout cela aux dépens des PME locales.

2.3.3.3 Organisme public

Niosi et Bellon (1996) constatent que les gouvernements peuvent jouer un rôle quant à l’internationalisation des systèmes d’innovation à travers l’établissement et le support d’organismes publics et parapublics dans ce genre d’initiative.

Cooke (2005) affirme, quant à lui, que les organisations publiques de recherche peuvent servir à attirer des entreprises dans une région. Ces dernières tentant ainsi de capitaliser sur l’opportunité d’innovation présente dans la région. Ces organisations publiques de recherche faciliteront les relations entre les autres entreprises et l’établissement par ces derniers de collaborations. Un réseau d’entreprises pourra éventuellement voir le jour. Ce réseau d’entreprises se transformera alors en capacité régionale et attirera alors par la suite d’autres grandes entreprises qui seront alors intéressées par cette capacité. Ce réseau d’innovation devenant un « constructed advantage » qui démarquera le système d’innovation des autres, le rendant encore plus attrayant pour les entités internationales. Les gouvernements peuvent donc contribuer à la construction d’un « constructed advantage » en ayant des politiques qui stimulent la collaboration entre les firmes (Cooke; 2000).

Ces organisations publiques peuvent également servir de chiens de garde quant aux comportements opportunistes de certaines firmes présentes dans le réseau. Lorsque ces dernières adopteraient de tels comportements, elles seraient alors rejetées du réseau par les organisations publiques qui en profitera pour transmettre leur réputation. C’est ainsi que les organisations publiques joueront le rôle de chiens de garde pour les membres du système d’innovation. Les agents économiques internationaux pourraient alors se sentir plus en sécurité d’entrée dans de tels réseaux.