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CHAPITRE 2 GESTION DE L’INNOVATION ET INNOVATION OUVERTE

2.1 Historique de la gestion de l’innovation en entreprise

2.1.4 Les modèles en six phases

Wang et Kleiner (2005) proposent, quant à eux, six générations de gestion de la R-D. En plus de leur vision du nombre de générations de pratiques de R-D, leur étude permet également de remarquer comment le contexte entourant l’entreprise est venu affecter la gestion de la R-D ainsi que ses priorités. Ils amorcent leur recensement des différentes meilleures pratiques de gestion de la R-D dans les années 1950. Leur première génération commence dans les années 50 et continue jusqu’au milieu des années 60. Cette première génération ressemble un peu à la première phase de Niosi (1999) en ce sens que, dans les deux cas, la science et la technologie étaient au centre du processus de R-D et que le processus se caractérisait par une très grande linéarité. Tout comme avec Niosi, les découvertes de la science étaient envoyées vers l’ingénierie qui les envoyait par la suite à la production qui, à son tour, l’envoyait au marketing qui l’envoyait finalement vers les ventes. On parle ici de technology push, ou le département d’ingénierie pousse une technologie vers le marché. Le marché était donc fort peu considéré.

Les innovations technologiques permettaient à des industries comme les pharmaceutiques, les semi-conducteurs, l’électronique et les matériaux synthétiques et composites de se développer et à d’autres types d’industrie de se régénérer. L’innovation était perçue comme une panacée qui permettrait de régler des problèmes de la société. Tout comme avec Niosi (1999), les entreprises tentaient de créer des laboratoires de recherche corporatifs et de favoriser les avancées scientifiques.

La deuxième phase fut assez courte et commença vers le milieu des années 1960 pour s’étendre jusqu’au début des années 70. La compétition entre les firmes commence à s’intensifier et les entreprises se demandent comment elles pourront réussir à augmenter leur part de marché. Les entreprises mettent donc plus l’accent sur l’atteinte de la demande à court terme. Ceci affectera la R-D en défavorisant la R-D à long terme. On commence lors de cette phase à gérer la R-D par projet. Le marché devient l’élément qui viendra affecter la recherche. On tombe alors dans une stratégie d’innovation de market pull. L’une des faiblesses de cette phase était que les entreprises devenaient moins capables de s’adapter aux changements technologiques radicaux ainsi qu’au nouveau marché. Le processus d’innovation demeure toutefois assez linéaire, mais, au lieu de commencer par la science, on commence par les besoins des clients. Le laboratoire de recherche est désormais intégré à l’entreprise en tant que fonction de l’entreprise.

La phase suivante commence au début des années 1970 et se poursuit jusqu’au milieu des années 80. Cette phase est marquée par des chocs pétroliers, des problèmes liés à l’inflation, et une offre tellement forte qu’elle vient saturer la demande. Les risques inhérents au marché sont donc de plus en plus visibles et les entreprises souhaitent donc les réduire. Les entreprises sont alors beaucoup plus concernées par des éléments liés aux coûts. On tente de mieux gérer ses derniers et, si possible, de réduire les coûts. La R-D est donc touchée par ce processus de rationalisation. Ainsi, dans les entreprises, on se met à structurer la R-D. Les communications s’élargissent à travers les entreprises et également avec l’extérieur de l’entreprise. La collaboration émerge afin de réduire le risque. Les innovations proviennent désormais du marché par l’apparition de nouveaux besoins ou de l’ingénierie par l’apparition de nouvelles technologies. La gestion par portfolio de projet et la gestion des projets de R-D sont introduites.

La quatrième génération s’étend de la moitié des années 80 jusqu’à la moitié des années 90. Le temps de développement est désormais devenu un enjeu important suite à l’entrée de nouvelles

entreprises provenant de l’Asie avec de nouveaux modèles d’innovation. Les entreprises s’inspire nt des modèles comme ceux de Honda, Sony et Toyota afin d’améliorer leur processus d’innovatio n. Ainsi, la R-D travaille désormais le processus d’innovation par projets en parallèle. Plusieurs projets sont ainsi exploités en même temps. De plus, l’intégration entre les différentes activités des entreprises s’accentue. Tout cela a pour objectif de réduire le temps de développement de produit. Les phases sont désormais moins séquentielles, certaines étapes pouvant même se chevaucher. Le développement de produit est désormais intégré complètement à l’entreprise. Les clients et les fournisseurs sont intégrés au développement de produit afin d’ajouter des nouvelles perspectives au développement de produit et d’augmenter l’interfonctionnalité.

La 5e génération s’amorce au cours des années 90. La concurrence est désormais internationa le ; les technologies changent de plus en plus rapidement et les changements technologies coûtent de plus en plus cher. Afin de s’ajuster à cette réalité, les entreprises collaborent de plus en plus avec les clients, les fournisseurs, les compétiteurs en ce qui a trait à la R-D. L’entreprise doit désormais gérer un système composé d’éléments épars. La gestion de la R-D implique donc une meille ure capacité à coordonner et à intégrer des éléments extérieurs à l’entreprise au processus d’innovatio n. Cette conception de la 5e génération correspond en plusieurs points à la vision d’Amidon Rogers (1996). Niosi (1999) remarque également dans sa 4e génération que le lien entre les entreprises et l’extérieur s’intensifie de plus en plus. Cette génération est marquée par des alliances qui traversent les frontières de l’entreprise et par de la R-D qui relie la recherche et le développement.

Finalement, la 6e génération de Wang et Kleiner (2005) est en fait une prospective de la recherche selon les auteurs. Ces derniers pensent qu’une nouvelle forme d’organisation de la R-D apparaîtra. Cette forme profitera des différents moyens d’acquisition de connaissances tels que le recours à des laboratoires de recherche privés, l’acquisition d’entreprises technologiques, l’acquisition de propriété intellectuelle (IP), les coentreprises, afin d’intégrer de nouvelles connaissances. Les industries devront intégrer de plus en plus des connaissances qui ne proviennent pas de leur secteur. Pour ce faire, elles devront intégrer des connaissances venant de plus petites firmes, des réseaux plus autonomes, ou encore participer à des efforts conjoints. Les entreprises devront donc faire partie d’un écosystème afin d’intégrer et de pouvoir bénéficier des nouvelles connaissances. Toutes ces démarches permettront à l’entreprise de développer des innovations beaucoup plus radicales.

Des chercheurs comme Nobelius (2004) perçoivent eux aussi l’innovation en une progression en 6 étapes. Ce modèle a plusieurs similitudes avec celui présenté par Wang et Kleiner (2005). Les deux modèles affichent par exemple les mêmes dates de début et de fin de période et ils perçoivent sensiblement les mêmes phénomènes lors des différentes étapes. La recherche de Nobelius permet par contre d’apporter des précisions quant aux phénomènes perçus.

Par exemple, au niveau de la première étape, l’apport de Nobelius (2004) permet de mieux comprendre le contexte dans lequel s’insère la première génération. Ainsi, lors de cette période, la plupart des nouveaux produits que génère l’entreprise sont vendus. L’idée est donc d’investir le plus possible en R-D afin de générer le plus de nouveaux produits qui pourront par la suite être achetés sur les marchés. La demande dans ces marchés était perçue comme étant égale ou supérieure à l’offre.

Lors de la deuxième phase, Nobelius (2004) et Wang et Kleiner (2005) sont presque en parfait accord. L’approche de Nobelius (2004) nous en apprend un peu plus sur le contexte. Ainsi, lors de cette période, l’offre et la demande étaient équilibrées. L’entreprise devient le client interne de la R-D et l’on adopte des techniques de gestion de projet afin de diriger et évaluer les efforts en R-D. Lors de la troisième phase (Nobelius, 2004), la demande de produit est désormais saturée. Pour donner suite au désir de réduction de coût et d’optimisation des efforts de la R-D présentés dans la 3e phase de Wang et Kleiner (2005), les entreprises optent alors pour une meilleure interactio n entre les capacités technologiques de l’entreprise et les besoins du marché. La gestion par portefeuille de projet permet également d’obtenir de nombreux moyens pour balancer les risques et les gains techniques et commerciaux du développement de produit.

La quatrième phase, selon Nobelius (2004), est marquée par un désir de repenser les stratégies de diversification afin de retourner aux compétences-clefs de l’entreprise. L’industrie de l’automob i le, marquée par l’arrivée d’entreprises japonaises, est devenue un modèle à suivre pour plusie urs entreprises. Les entreprises ne tentent plus uniquement de développer de nouveaux produits, mais tentent également d’inclure ce produit à l’entreprise en entier.

La cinquième phase de Nobelius (2004) est apparue dans un contexte similaire à la 5e phase de Wang et Kleiner (2005). Nobelius (2004) rajoute le fait que les entreprises veulent désormais partager les coûts élevés de la recherche. Afin d’y parvenir, les entreprises créent des systèmes où elles doivent interagir avec les entités qui constituent leur environnement d’affaires afin de

développer de nouveaux produits. Là encore, l’objectif étant d’intégrer et de coordonner les efforts des différentes parties.

Nobelius (2004) prévoit lui aussi une 6e génération. Cette génération aura pour but de revenir vers la production d’innovation plus radicale. Un peu comme Wang et Kleiner (2005), Nobelius (2004) prévoit que les entreprises devront choisir la stratégie et la source les plus adaptées à leur acquisition de nouvelles connaissances. De nouvelles alliances verront le jour non pas basé sur la technologie, mais plutôt sur les fonctions. Le fait d’avoir des technologies de plus en plus complexes qui proviennent d’industries connexes forcera les entreprises à s’unir afin de développer de nouveaux produits. On parlera alors de partage de connaissances. Les compagnies n’étant plus capables, seules, d’avoir toutes les aptitudes afin de créer de nouveau produits, elles utiliseront les efforts des membres d’une communauté d’entreprises afin d’obtenir de nouvelles innovatio ns radicales. Wang et Kleiner (2005) s’attendent à ce que de nouvelles entreprises voient le jour afin d’agir en tant qu’intermédiaires entre l’effort de recherche et les utilisateurs potentiels ou les développeurs.