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CHAPITRE 3 MODÈLE CONCEPTUEL ET MÉTHODOLOGIE DE RECHERCHE

3.1 Modèle conceptuel

3.1.2 Modèle de la Triple hélice

Le modèle de la Triple hélice présenté par Etzkowitz et Leydesdorff (1995) propose une vision quant à la manière dont différents acteurs peuvent contribuer à favoriser l’innovation dans une économie. Trois catégories d’acteurs sont ciblées par ce modèle : les universités, les gouvernements et les industries (Bach et al., 2016). À travers les interactions entre ses acteurs, le niveau de connaissance dans une région augmenterait et, avec cette augmentation, l’innova t io n apparaîtrait et l’économie en bénéficierait. Le monde universitaire produira des connaissances, le gouvernement soutiendra la production de connaissances et l’industrie le commercialisera. Pour ce

faire, le gouvernement devra mettre en œuvre des politiques favorisant la production de connaissances (Wolfe, 2005). Les universités devront transférer les connaissances générées à l’industrie. Pour transférer ces connaissances, des interactions entre le monde universitaire et l’industrie devront être établies (Leydesdorff, 2012).

En utilisant l’approche néo-institutionnelle, Etzkowitz et Leydesdorff (2000) font remarquer que cette perspective a permis de présenter trois types de configuration d’interaction entre les universités, les entreprises et les gouvernements. D’un côté, il y a la forme statique où le gouvernement joue un rôle central, mais qui peut également affecter la capacité des autres acteurs à développer et initier des transformations significatives. Selon ces chercheurs, le modèle statique offre peu de possibilités d’innovation, car l’approche ascendante en innovation (bottom-up) où les innovations viendraient de la base ne peut se réaliser.

D’un autre côté, il y a la forme du laissez-faire. Dans cette configuration, ce sont les entreprises qui ont le pavé et qui sont le moteur du changement ; les autres formes d’organisation leur offre nt du support : l’université en offrant du capital humain qualifié et les gouvernements en adoptant des lois.

Finalement, il existe un dernier modèle dit balancé qui est une fusion entre le modèle statique et celui du laissez-faire. Les différents acteurs (gouvernement, les universités et les entreprises) y travaillent en partenariat. Les rôles des acteurs se recoupent et des relations plus interdépendantes s’installent entre eux. De nouvelles structures sont alors mises en place et les rôles de chacun peuvent alors être interchangés, créant ainsi de nouvelles technologies, entreprises et relations. Les acteurs maintiennent leurs caractéristiques, mais sont également capables d’effectuer des tâches liées aux autres acteurs du modèle d’où l’aspect hybride des institutions. Dans ce modèle, les politiques d’innovation deviennent le fruit de ces interactions. La Figure 3.1 illustre le modèle balancé et au centre des interactions se trouvent ces organisations hybrides.

Tout cela signifie que le gouvernement doit favoriser l’interaction entre le milieu universitaire et l’industrie, en adoptant des politiques d’innovation y conduisant. Depuis, de nombreux chercheurs utilisent ce cadre pour essayer de comprendre et d’expliquer les politiques et les systèmes d’innovation dans le monde entier (Leydesdorff, 2012 ; Etzkowitz et Ranga, 2015). Ces recherches examinent la manière dont les politiques publiques peuvent être mises en place pour favoriser ou nuire au développement économique (YoungHoon et YoungJun, 2016) et la manière dont les

universités bâtissent des modèles permettant de favoriser l’innovation (Geoghegan et al., 2015 ; Wonglimpiyarat, 2016) ou peuvent regarder les interactions entre les firmes et les autres composantes du modèle (Fernandez-Esquinas et al., 2016 ; Kayser et al., 2016).

Gouvernement

Université Entreprise

Hybride

Source : Etzkowitz et Leydesdorff (2000) Figure 3.1 : Modèle balancé

Etzkowitz et Ranga (2015) permettent de comprendre que les analyses utilisant le modèle de la Triple hélice doivent considérer différents aspects afin d’analyser la dynamique d’interactions entre ces acteurs. Tout d’abord, on doit tenir compte des composantes du modèle, soit les gouverneme nts, les firmes et les universités. Ces composantes peuvent être institutionnelles ou individuelles, peuvent réaliser des activités d’innovation par la R-D ou non, et peuvent faire partie d’une seule sphère ou être hybrides en participant à plus d’une sphère. L’autre aspect à considérer est les relations, qui permettent de comprendre le type d’interactions qui s’installent entre les composantes. Ces relations peuvent prendre plusieurs formes, soit des transferts ou acquisition de technologie, des collaborations, du réseautage, de la substitution de rôle, de la prise en charge de collaboration et de la gestion de conflits. Finalement, il y a les objectifs du système qui sont de générer, de diffuser ou d’utiliser les connaissances et les innovations.

En somme, la littérature sur la Triple hélice fournit un modèle et des outils afin d’analyser les relations entre les gouvernements, les universités et les entreprises. Cette littérature présente les acteurs, définit les types d’actions qu’ils peuvent prendre lors de leur échange, permet égaleme nt de préciser le type d’objectif que peuvent viser ces acteurs et les moyens pour les atteindre. On comprend également que ces relations et le système que créeront ses relations peuvent avoir différents niveaux d’avancement et qu’ils seront amenés à évoluer avec le temps à la suite des interrelations.

Les systèmes d’innovation et les écosystèmes d’innovation

Comme l’explique Etzkowitz et Ranga (2015), une partie des théories de la Triple hélice se base sur la littérature sur les systèmes d’innovation. Cette littérature se penche de manière un peu plus large sur les structures institutionnelles formant un système et sur la manière dont celles - ci permettent de générer des relations qui faciliteront l’échange de connaissances.

Comme indiqué au chapitre précédent, les systèmes d’innovation peuvent être perçus d’un point de vue national, régional ou local. Un système national d’innovation (SNI) est un « réseau d’institutions du domaine public ou privé dont les activités et les interactions imitent, importent, modifient et diffusent de nouvelles technologies » (Nelson, 1993). Lundvall (1992) considère les SNI comme « un groupe d’institutions dont l’interaction détermine le niveau d’innovation d’un pays ». Selon Mowery (2011), les recherches sur le système d’innovation régional/national tentent de comprendre comment les politiques gouvernementales peuvent stimuler l’innovation d’un pays. Wang, Vanhaverbeke et al. (2012) constatent qu’un certain nombre d’avantages sont liés aux SNI, tels qu’une meilleure coordination des connaissances implicites et tacites, ainsi que le fait que les entreprises appartenant à un tel système créent un niveau d’innovation plus élevé.

Malgré la confusion relevée par certains chercheurs entre les concepts d’écosystème d’innova tio n et système d’innovation (Oh et al., 2016), la notion d’écosystème d’innovation renvoie à un concept plus étendu du réseau que celui de système d’innovation.

Jackson (2011) définit les écosystèmes d’innovation comme étant « les relations complexes qui se forment entre des acteurs ou des entités dont le but est de permettre le développeme nt technologique et l’innovation. Les acteurs comprennent les ressources matérielles (financeme nt, équipement, installations, etc.) et le capital humain (étudiants, professeurs, personnel, chercheurs de l’industrie, représentants de l’industrie, etc.) qui constituent les entités institutionne lles

participant à l’écosystème (les universités, les collèges d’ingénieurs, les écoles de commerce, le s entreprises, les sociétés de capital-risque, les instituts de recherche, les centres de liaison industr ie - université, les centres d’excellence soutenus par le gouvernement fédéral ou industriel et des organismes de développement économique et d’aide aux entreprises, organismes de financeme nt, décideurs, etc.) ». La littérature sur les systèmes d’innovation, les systèmes d’innovation régionaux ou nationaux et les écosystèmes d’innovation permet donc d’analyser les réseaux qui se forment entre les institutions et la manière dont ses réseaux viennent influencer la circulation des connaissances dans un système donné.

La littérature sur les systèmes d’innovation met l’accent sur les liens entre différents agents économiques afin d’expliquer comment ces liens peuvent permettre de faire circuler les connaissances. Les frontières du secteur pourront varier selon certaines perspectives de recherche. Ainsi, on peut prendre une approche plus industrielle en se concentrant sur une industrie ; il est possible de prendre une approche technologique ou une approche plus géographique en considérant le milieu local, régional ou national, ou encore plus largement en s’intéressant à l’écosystème d’innovation, quelle que soit sa situation géographique. L’approche des réseaux d’innovatio n, quant à elle, permet de se concentrer sur le réseau d’acteurs avec qui interagit l’organisation et l’angle des écosystèmes d’innovation permet de sortir des limites géographiques pour simple me nt s’intéresser aux acteurs de réseau, quelle que soit leur localisation, pourvu que ceux-ci soient connectés entre eux.

La littérature provenant de la Triple hélice vient se superposer à la littérature sur les systèmes et les écosystèmes d’innovation en offrant une analyse plus pointue des interactions entre des acteurs spécifiques du système d’innovation (les universités, les gouvernements et les firmes). De plus, cette littérature offre des points d’intérêt à considérer et un cadre d’analyse pour ce type de système tripartite en portant une attention particulière aux relations et aux objectifs d’un système.

L’innovation ouverte

L’innovation ouverte ajoute aux théories présentées précédemment une certaine systématisa tio n des processus et l’idée d’un système ouvert capable de gérer le flux de connaissances. En effet, elle est considérée comme un processus d’innovation distribué, basé sur des flux de connaissances gérés à dessein à travers les frontières organisationnelles, en utilisant des mécanismes pécuniaires et non pécuniaires conformes au modèle économique de l’organisation. Afin de parvenir à gérer ces

connaissances, les organisations devront établir des processus. Ces processus permettront entre autres de trouver des partenaires, de trouver des technologies ou des connaissances (Laursen et Salter, 2006 ; Veugelers et al., 2010 ; West et Bogers, 2014), d’évaluer des partenaires, de gérer le transfert de PI (Bogers et al., 2012). Des organisations pourront aider les entreprises à effectuer ces tâches et ces organisations pourront elles-mêmes utiliser des pratiques d’IO afin d’y parvenir (Lee

et al., 2010 ; Spithoven et al., 2011). Ces pratiques permettront en somme d’intégrer des

connaissances externes à l’organisation afin que celle-ci améliore sa performance en innovatio n, trouve des occasions de transferts de connaissances vers l’extérieur, crée des collaborations où des connaissances seront produites avec l’aide d’autres acteurs. Les pratiques mises en place afin de gérer ces connaissances pourront avoir différents degrés d’ouverture, c’est-à-dire que l’organisation offrira différents niveaux de perméabilité dans son enceinte (Huizingh, 2011 ; Saebi et Foss, 2015). La littérature sur l’IO se concentre également à comprendre comment adapter le modèle d’affaires des organisations afin de pouvoir intégrer les pratiques d’IO (Chesbrough, 2006 ; Saebi et Foss, 2015).

L’IO permet également de comprendre comment des pratiques d’innovation peuvent être mises en place à un niveau individuel, organisationnel, interorganisationnel, ou dans un contexte local, régional ou national (Chesbrough et Bogers, 2014 ; West et Bogers, 2014). En somme, la littérat ure sur l’IO dirige l’attention des chercheurs sur les systèmes et les pratiques mises en place par des organisations afin d’intégrer des connaissances externes ou de s’en départir, ou encore d’utiliser les connaissances et les ressources de l’organisation afin d’effectuer des activités d’innovation en collaboration. Cela exige de tenir compte des modèles d’affaires des organisations afin de comprendre comment les pratiques d’IO sont intégrées aux activités et dans quel contexte.