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CHAPITRE 2 GESTION DE L’INNOVATION ET INNOVATION OUVERTE

2.3 L’internationalisation des systèmes d’innovation

2.3.2 Barrières

Wilson et Doz (2012) constatent que gérer un projet d’innovation dans un seul lieu n’implique pas nécessairement les mêmes aptitudes que celles liées à la gestion d’un projet répartie sur plusie urs sites. Plusieurs barrières à l’internationalisation des systèmes d’innovation sont donc liées à la gestion même d’un tel projet pour les entreprises et aux complications que cette gestion impliq ue. Par exemple, la coordination entre des gens situés dans différents emplacements représente un nouveau défi pour les organisations. De nouveaux outils de gestion et de coordination doivent être développés afin d’assurer de tel projet. Une attitude de collaboration doit être instaurée à travers les équipes de travail. Santos et al. (2004) affirment quant à eux qu’un arbitrage fréquent doit être effectué pour ce type de projet afin de déterminer quand les équipes de travail doivent se rencontrer en face à face afin de coordonner les effectifs. Puisque la distance les sépare, les équipes de travail ne peuvent se rencontrer aussi facilement que lorsqu’un projet se situe dans un seul et même endroit physique. Les rencontres en tête-à-tête impliquent donc des coûts supplémentaires. Les entreprises doivent donc déterminer quand ce type de rencontre est essentiel.

Wilson et Doz (2012) constatent également que de tels projets impliquent souvent de travailler avec des gens qui ont des pratiques de travail, des normes culturelles, des styles de communicat io n. Santos et al. (2004) affirment par contre que la coordination d’un projet d’innovation est grandement facilitée par des gens qui partagent le même langage et la même compréhension du contexte local. De plus, afin de travailler en équipe efficace, une confiance entre les collaborateurs doit s’installer. La confiance vient généralement de l’interaction fréquente entre des individ us. Dans le cas de l’internationalisation des systèmes d’innovation, le fait de ne pas avoir de rencontre fréquente en face à face peut nuire à l’établissement de ce sentiment de confiance et donc au succès de la réussite d’un tel projet. De plus, Wilson et Doz (2012) remarquent que, dans le cas d’une entreprise qui utilise ses multiples établissements afin de développer une innovation, d’autres problèmes peuvent survenir. Les différents sites sont parfois habitués à travailler en compétitio n quant aux ressources disponibles dans l’entreprise. Une certaine méfiance face aux autres employés des autres sites a donc pu s’installer rendant plus difficile d’installer la confiance nécessaire à l’exécution d’un tel projet. Ce type de projet, s’il engage des ressources au détriment d’un autre département, peut même entraîner des frustrations chez les employés de l’entreprise. Tous ces problèmes au niveau de la coordination ressemblent à ce que Santos et al. (2004) qualifient de mobilisation des ressources. Pour Wilson et Doz (2012), afin de surmonter ce problème, les entreprises qui internationalisent leur système d’innovation en rentrant dans des partenariats internationaux doivent trouver des gestionnaires qui ont l’expérience de tels projets pour qu’elles puissent surmonter ces problèmes. Les entreprises n’ont pas nécessairement l’expérie nce nécessaire afin de mener à bien de tels projets.

Santos et al. (2004) constatent également qu’afin de bénéficier des avantages des innovat io ns métanationales — soit des innovations construites à travers différents états —, une entreprise doit également établir des activités de prospection et d’évaluation. La prospection est un processus permettant à l’entreprise de localiser les poches de connaissances qui permettront d’alimenter celle- ci en innovations et en connaissances. Trouver les bons partenaires n’est pas une tâche triviale. Par la suite, il faudra déterminer quelle est la meilleure façon pour acquérir ses connaissances en évaluant plusieurs aspects et facteurs. C’est ce qu’on appelle la période d’évaluation. Là encore, cette tâche n’est pas toujours des plus évidentes pour les entreprises.

Carlsson (2006) plaide qu’autant les institutions nationales peuvent stimuler l’internationalisa tio n des systèmes d’innovation, autant elles peuvent la ralentir. De par leur nature, ces différentes

institutions sont énormément affectées par les politiques locales. Par exemple, Foray (1995) constate que les différences quant au système de gestion de la propriété intellectuelle empêchent la standardisation de cette gestion, rendant plus difficile une gestion internationale de cet aspect. En revanche, Foray plaide que si l’on tente de standardiser un tel élément, on éliminera un aspect de différence du système d’innovation. Cette différence est la source même de l’attrait des systèmes d’innovation. Selon cette même logique, Carlsson (2006) affirme que plusieurs autres facteurs de différenciation des systèmes d’innovation partagent cette même caractéristique. C’est-à-dire que par leur différence, elles sont des barrières à l’internationalisation des systèmes d’innovation, mais qu’en même temps, les modifier afin de les standardiser viendrait leur faire perdre leur attrait soit leur spécificité. De plus, cette différence est maintenue par plusieurs politiques gouvernementa les. Les gouvernements investissent dans la recherche fondamentale qui lui semble significative. Le cadre légal, les opportunités de financement, les infrastructures, les politiques fiscales sont tous des éléments qui changent lentement. Ces politiques ont pour effet de renforcer les forces d’un pays et sa spécificité.

Carlsson (2006), tout comme d’autres chercheurs d’ailleurs, constatent que de par la nature, certaines connaissances sont plus difficiles à internationaliser. Ainsi, les connaissances tacites sont très liées au milieu d’innovation dont elles proviennent. Ces connaissances circulent à travers les individus et sont peu propices au transfert de connaissance à travers les distances. Ainsi, des secteurs comme la biotechnologie, les logiciels et l’informatique ont besoin de proximité afin d’optimiser leur processus d’innovation et profiter des retombées de connaissances. Les entreprises sont alors forcées de localiser leurs activités de R-D à proximité des lieux dont ils veulent utiliser et bénéficier des connaissances.

Cohen et Levinthal (1990) affirment qu’une entreprise sera plus à même d’intégrer à son entreprise des idées et des connaissances qui proviennent de l’extérieur si celle-ci possède une bonne capacité d’absorption. Gertler et Levitte (2005) observent que cette capacité se bâtit entre autres par l’investissement qu’une entreprise effectue dans sa R-D interne. Laursen et al. (2011) en rajoutent en affirmant qu’afin d’augmenter cette capacité d’absorption, la qualité du personnel (soit le nombre de scientifiques et d’ingénieurs capables de comprendre la science) est un facteur important. Ainsi, une entreprise doit avoir accès à du personnel scientifique de haut niveau afin d’être capable d’intégrer des connaissances qui proviennent de l’extérieur. Plus ce nombre est grand, plus il est facile pour ses entreprises d’absorber cette information et d’en faire bon usage.

De plus, le fait d’avoir une telle capacité d’absorption permet également aux firmes de mieux déterminer quelles sont les opportunités intéressantes, où se trouvent les partenaires qui possèdent une technologie ou des connaissances qui permettront à l’entreprise d’innover. Laursen et al. (2011) affirment également que les entreprises qui sont plus petites auront plus de difficulté à aller chercher des partenaires plus éloignés — dans le cas de leur étude, il analysait la relation université - entreprise — par manque de capacité de recherche et de coordination, mais également parce qu’elles ne sont pas capables d’absorber les connaissances de ces universités externes. Ainsi, la taille de l’entreprise et sa capacité d’absorption constitueront des barrières à l’internationalisa tio n du système d’innovation des firmes.

D’un autre côté, cette même étude de Laursen et al. (2011) permet de constater que les universités dont la qualité de la recherche est plus faible ne pourront bénéficier de partenaires plus éloignés, du moins en ce qui a trait au partenariat université-entreprise. En effet, les entreprises sont prêtes à créer des partenariats avec des universités plus éloignées, mais seulement avec celles offrant la recherche de grande qualité.