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Plus que par notre étude, cette problématique est soulevée par la perspective analytique du point de vue sociologique choisi pour analyser les comportements de nos internes. Ainsi nos entretiens n’ont pas été construits pour explorer ce domaine ce qui est, a postériori, potentiellement

dommageable. On retrouve cependant quelques éléments permettant de discuter et d’émettre des hypothèses.

 L’importance de la confiance en soi :

Si dans les représentations des internes « on ne va pas au laboratoire », qui y participe selon eux ? On peut regretter de ne pas leur avoir posé cette question car elle est potentiellement

d’importance.

On pourra juste noter ce que déclare S6 : « qu’il fallait, bon se préparer à l’avance… mais ça

c’est pas un souci mais bon… ». On peut donc penser qu’il estime que ceux qui participent au

laboratoire ont révisé avant de venir.

On peut également noter qu’avant le geste technique, certains internes se sont dits ponctuellement mal à l’aise avec certains éléments de l’examen clinique (S5, S8).

On peut tenter une analyse de ces données au travers d’un élément de l’étude « Quels sont les déterminants de la motivation des étudiants et des professionnels de santé en formation aux gestes et soins d’urgence ? » paru en 2009 dans Pédagogie Médicale (28). En effet, cette étude met en lumière une particularité du groupe des étudiants en médecine (PCEM2) chez qui, les auteurs relèvent un « fonctionnement » sur un mode compétitif plus marqué que chez les autres participants. Les auteurs notent que le risque de ce type de fonctionnement est qu’ils se retrouvent dans une attitude

d’évitement des tâches risquant de les mener à un « échec » et en particulier pour les mises en situation pratique. (29)

Ainsi si les internes considèrent que le « commun » d’entre eux ne participent pas au laboratoire et que ceux qui y participent sont sensibilisés à la problématique des gestes techniques et ont préparé leur participation, on peut émettre l’hypothèse que certains puissent craindre de se confronter et d’être comparé à ces « supers » internes.

Cette hypothèse pourrait peut-être participer à expliquer la non participation de S6. En effet, il explique ainsi sa non participation : « comme il n’y avait aucun geste qui m’intéressait et que je

101 enseignés au laboratoire sont cochés non acquis malgré son intérêt (frottis cervico-vaginal, strapping et pose de sonde urinaire). Donc sa réponse peut être considérée fuyante ce qui donne plus de poids à la première partie de sa réponse sur la nécessité de se préparer pour y participer et donc sur cette problématique de confiance en lui (mais cet élément n’est bien sûr pas seul à expliquer son comportement puisque par ailleurs il ne semble pas vraiment intéressé par les gestes techniques d’autant que son avenir professionnel est encore flou « ça dépend tellement de l’endroit où je serais

installé »).

De manière à nouveau caricaturale, on peut s’interroger sur la croyance de S11 « pour moi

c’était en 1° année le laboratoire des gestes techniques, pas au-delà. » D’où vient cette croyance ?

Peut-être qu’elle n’a reçu d’informations sur le laboratoire qu’en première année. Mais peut être aussi qu’intervient ce problème de confiance et de fonctionnement compétitif. En effet, en étant en DESC d’urgences, elle considère devoir faire partie des « bons » pour les gestes techniques (S11 : Mais après

en tant qu’urgentiste… - Enquêteur : Oui, voilà, tu as centré sur le problème… S11 : Ça pousse sur la pratique, la technique, tu es obligée d’apprendre à te débrouiller. »). L’appréhension d’être

confrontée à des internes plus jeunes pourrait plus ou moins consciemment freiner sa motivation à participer. Mais à nouveau d’autres éléments plus évidents sont présents : son assistanat qu’elle voit comme un prolongement de formation ainsi que la prééminence de sa formation de terrain dans ses représentations.

D’autre part, on peut également souligner que suivant l’approche constructiviste de la pédagogie (annexe 7), la construction individuelle des connaissances par l’étudiant peut être considérée comme coûteuse et risquée, puisqu’elle nécessite de se remettre en question. Cette remise en question implique de comprendre et accepter ses lacunes ainsi que les erreurs et tâtonnement liés à

l’apprentissage. Nous avons vu que le meilleur révélateur des lacunes, ou plutôt le meilleur moteur de la motivation, était généré par la pratique de terrain qui peut révéler les valeurs d’une discipline, et modifier l’identité professionnelle introjectée de l’étudiant le poussant à modifier ses représentations pour de nouvelles qu’il juge mieux adaptées et ainsi ouvrir la voie couteuse d’une démarche de formation.

Ainsi, accepter de se former c’est d’une part avoir confiance dans l’intérêt de se former mais aussi dans ses capacités à apprendre.

 Confiance en soi et au laboratoire pour réussir sa formation sur un geste :

Notre étude montre que certains internes en SASPAS estiment que si le laboratoire est utile, il ne remplace pas la pratique de terrain (S3, S6, S8, S12, S13).

Elle montre aussi que les étudiants en SASPAS font la différence entre voir, pratiquer et maitriser un geste (S3, S9, S10, S11, S13).

On peut se poser la question de la motivation à participer à cette formation chez des internes avancés dans le cursus qui n’ont pas eu l’occasion de voir ou pratiquer les gestes proposés.

On peut également noter que certains internes n’envisagent tout simplement pas les apports potentiels d’une formation sur mannequin (S1, S6) et on a pu voir qu’ils ne savaient pas vraiment ce qu’on y fait.

Pour analyser ces données, on peut s’intéresser au concept du « sentiment d’efficacité personnelle », développé par Bandura (52). Cette perspective théorique rend compte du fait qu’un individu adopte un comportement s’il a suffisamment confiance dans sa capacité à le réaliser au moment de le faire. Donc, les étudiants pourraient plus on moins consciemment évaluer leurs capacités à « réussir » la formation ce qui pourrait en partie déterminer leur participation.

Ainsi, détaché d’une pratique de terrain, certains internes peuvent craindre que la formation du laboratoire soit insuffisante et n’y participent pas. Ce d’autant qu’il le connaisse mal. On peut citer S13 : « Ça reste que sur des mannequins […] c’est bien d’apprendre sur des mannequins pour

102 A noter que le concept du sentiment d’efficacité personnelle apporte un argument pour tenter de motiver les jeunes internes à participer tôt pour qu’ils puissent y avoir abordé les gestes et ainsi avoir suffisamment confiance en eux pour se mettre en avant et pratiquer, pendant les stages, ces gestes sous supervision. Ce que signale un peu un des participants en 2° semestre (P7) : « je pense que

quelqu’un qui est en 1° ou 2° semestre, c’est là où ça lui sert le plus … et après justement il va pouvoir mettre en pratique. »

Au total, les perceptions des « normes du milieu » et de confiance en soi semblent deux éléments liés participants à déterminer la participation au laboratoire des internes. Ces notions pourraient expliquer que certains internes expriment des envies de formation spécifique mais ne mettent pas en place de véritable stratégie d’acquisition avec in fine une sensation de manque de formation (S1, S2, S3, S13).

Par ailleurs, ces notions éclairent les déclarations de certains internes qui souhaitent le rendre obligatoire. Ces souhaits vont dans le sens d’un changement des normes ressenties en vue d’amener les internes à participer au laboratoire « naturellement » sans démarche individualisée impliquant leur confiance en eux. On peut noter les déclarations de S5 : « je pense que si c’était rendu obligatoire, je

pense que ça intéresserait plein de gens. », S4 : « en rendant le laboratoire des gestes techniques obligatoire […] Ça m’intéresserait… » et dans une moindre mesure chez S11 : « Je pense que ça pourrait être une bonne chose… et forcer les gens à y aller… Euh voilà. – Enquêteur : OK. Rendre obligatoire. S11 : Pas rendre obligatoire mais… amener à ce qu’on y participe » ou encore S13 : « Le rendre obligatoire ! – Enquêteur : Le rendre obligatoire. – S13 : Je pense… j’ai horreur de rendre obligatoire mais […]. »

Au regard de ces éléments de la discussion il me semble important de revenir sur la question d’un laboratoire optionnel versus un laboratoire obligatoire déjà discuté au début avec les résultats bruts de notre étude.