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La pédagogie moderne s’est enrichie au cours du temps de différents modèles d’apprentissage Ces différents modèles, bien que d’approche et de pratique différentes

peuvent être considérés comme complémentaires, mais avec des domaines d’application

différents. Nous allons donc faire un rapide tour d’horizon de ces méthodes en reprenant pour

l’essentiel, les apports de l’article « Apprendre en médecine » de J-L Bernard et P. Reyes paru

dans la revue Pédagogie Médicale

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A. Les différents « modèles d’apprentissage » :

1. La pédagogie « classique » :

Depuis l’Antiquité égyptienne et grecque, la Connaissance était considérée comme une accumulation de savoirs transmis du Maître à l’Élève, celui-ci devenant maître à son tour quand il avait tout reçu.

Cette transmission suppose une relation linéaire entre un émetteur de connaissances, le cerveau du maître, et un récepteur vierge et disponible, le cerveau de l’élève.

Donc, si le maître expose clairement son savoir, avec progressivité et en utilisant des exemples judicieux, et si l’élève fait l’effort de le retenir, alors l’enseignement sera fructueux. Les postulats sont la réceptivité et la neutralité de l’élève qui est censé adopter les connaissances et leur organisation telles qu’elles lui sont transmises.

Cette attitude constitue toujours le cadre de référence spontané et intuitif.

Ces conceptions conduisent à un enseignement de type normatif (transmission de faits et de règles), délivré dans une relation d’autorité (maître-élève), souvent de façon frontale (cours magistral) et de façon plutôt abstraite.

Elles peuvent être efficaces pour acquérir certains types de connaissances, essentiellement factuelles, descriptives, et à condition que le maître et l’élève partagent le même objectif, le même langage, les mêmes conceptions.

Au total, elle pourrait se résumer ainsi : enseigner c’est transmettre et apprendre c’est enregistrer.

2. Le courant comportementaliste (behavorisme)

À la suite des découvertes du physiologiste russe Pavlov (fin XIX° siècle) concernant l’efficacité de l’association d’un stimulus neutre à un stimulus de base pour obtenir un « réflexe conditionné », plusieurs chercheurs américains ont utilisé ces résultats dans le domaine de

l’apprentissage. La possibilité d’obtenir une réponse arbitraire par le simple effet de gratifications ou de punitions (renforcements positifs ou négatifs) a conduit à l’élaboration au début du XX siècle de la théorie comportementaliste.

Ce modèle ne s’intéresse qu’aux éléments observables de l’apprentissage, à savoir les stimuli (entrées) et les réponses (sorties) et ne cherche pas à expliciter ni à agir sur le processus lui-même,

186 inobservable (la boite noire). L’apprentissage est conçu comme une modification des comportements du sujet, apprenant sous l’effet de stimuli adéquats en provenance de son environnement.

Tout serait donc affaire de conditionnement.

De ce fait, l’enseignant divise l’objectif d’apprentissage en une suite de sous-objectifs auxquels il doit faire correspondre un questionnement ou une tâche soumis à l’apprenant. La réponse attendue étant récompensée et les autres pouvant faire l’objet de remédiation, pour aider l’apprenant à surmonter une difficulté. Ainsi étape par étape on conduit l’apprenant vers l’objectif final de formation (base de la pédagogie par objectifs ou « de la réussite »).

Les principales critiques concernent le postulat de linéarité cumulative des apprentissages, l’importance première accordée à l’environnement d’apprentissage et à son organisation par l’enseignant, la personne même du sujet apprenant, ses croyances, ses attentes, étant passées sous silence, et sa motivation considérée comme dépendant seulement des récompenses et punitions.

L’approche behavioriste s’avère être valide pour certains types d’apprentissage, notamment d’ordre psychomoteur, dont le prototype a été l’apprentissage de la dactylographie.

Au total, cette approche pourrait se résumer ainsi : Former c’est entrainer.

3. Le courant constructiviste

Apparu également au début du XX° siècle, peu après le comportementalisme. Elle s’est ensuite enrichie de la psychologie cognitive à partir du milieu du XX°.

Le constructivisme suppose que les connaissances de chaque sujet ne sont pas une simple « copie » de la réalité, mais une « (re)construction » de celle-ci. La compréhension, constamment renouvelée, s’élabore à partir des représentations plus anciennes d’événements passés, que le sujet a d’ores et déjà « emmagasinées » dans son vécu. En fait, le sujet restructure (« reconceptualise »), en interne, les informations reçues en regard de ses propres concepts : c’est le phénomène de

restructuration conceptuelle à travers ses expériences.

Le constructivisme s'attache à étudier les processus permettant la construction de la réalité chez le sujet à partir des éléments déjà intégrés par lui.

Ce courant domine la réflexion pédagogique depuis une vingtaine d’année. Ces approches ont conduit à établir un certain nombre de principes :

- Tout apprentissage est un acte individuel et actif,

- Toute perception réussie est une catégorisation, apprendre nécessite de savoir repérer des caractéristiques et de sélectionner ce que l’on retient ;

- Les représentations antérieures, c’est à dire les conceptions du sujet sur la question traitée, exercent une influence considérable car elles conditionnent ses facultés de compréhension du problème, de raisonnement et d’intégration des données nouvelles ;

- Tout apprentissage correspond à une modification de la structure de la pensée du sujet; - l’interaction sociale joue un rôle dans les apprentissages, tant la relation enseignant-enseigné que les relations entre pairs, au sein notamment des groupes d’apprentissage.

Le modèle constructiviste est centré sur l’apprenant, il encourage son autonomie, incite à identifier les résistances et les obstacles, souligne la dimension affective et sociale, transforme l’enseignant en médiateur des savoirs et facilitateur des apprentissages. L’objectif de l’enseignement est alors le dépassement du sujet par rapport à lui-même, de l’élève par rapport à son maître.

Au total, on pourrait résumer cette approche par le slogan : Apprendre, c’est interagir et élaborer du sens.

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Pour notre sujet, l’approche constructiviste me semble la plus adaptée dans la mesure où on va

s’intéresser chez les internes de médecine générale à leurs perceptions des gestes techniques en médecine générale, à leurs perceptions de la formation aux gestes techniques dans le cursus ainsi qu’à leurs motivations pour participer à une formation complémentaire pratique sur les gestes techniques.

Ainsi, il me semble intéressant de compléter cette introduction par quelques notions sur

l’apprentissage vu par la psychologie cognitive et le constructivisme, toujours guidé par l’article de J- L Bernard et P. Reyes.

B. Quelques notions générales sur l’apprentissage vu par la

psychologie cognitive et le constructivisme.

1. Différents types de connaissance, différents type

d’apprentissage :

La psychologie cognitive met en lumière différents types de connaissance. Parmi celles-ci, on peut noter les connaissances déclaratives qui correspondent aux « unités sémantiques de base » c’est à dire des faits (le taux normal de glycémie) ou des règles (un purpura ne disparait pas à la

vitropression). Par « opposition » on peut noter les connaissances procédurales et conditionnelles, deux types de connaissance dynamique permettant l’action. Elles correspondent au savoir quoi faire et quand le faire.

Dans le cadre d’un enseignement magistral, il est souvent déroutant pour l’enseignant de s’apercevoir que les connaissances générales qu’il a exposées ne sont pas ou sont mal utilisées par ses étudiants qui affrontent un problème particulier.

L’enseignant doit garder à l’esprit que ce n’est pas parce qu’il déclare explicitement que telle proposition, tel fait, a une portée générale, que son étudiant, ipso facto, l’intègre comme telle.

C’est certainement la limite de la pédagogie qualifiée plus haut de « classique » dans la transmission des savoirs procéduraux et conditionnels. Un étudiant, très bon dans la réalisation de cas cliniques sur papier, pourra être en difficulté dans un autre contexte en particulier en situation réelle ne sachant plus quelle conduite sera la plus appropriée.

A la différence des connaissances déclaratives, l’efficacité de l’apprentissage des

connaissances procédurales et conditionnelles dépend de la mise en situation de l’apprenant. C’est la répétition des procédures et la diversité des contextes de présentation de la même connaissance qui conduit l’apprenant à opérer au processus de généralisation adéquat ; il sera par la suite à même de rappeler cette connaissance générale pour l’appliquer à un problème particulier.

L’apprentissage des connaissances procédurales et conditionnelles doivent donc s’appuyer sur des mises en situation de l’étudiant lui permettant de mieux percevoir et de catégoriser les situations. La compréhension des données du problème créant les conditions de sélection des procédures à effectuer.

2. La notion de représentation :

Pour autant, l’efficacité d’un enseignement ne peut prétendre à être standardisé. En effet, sur tout sujet chaque individu dispose d’une représentation qui constitue à la fois son cadre de

compréhension et de réflexion pour l’action. L’ensemble de ces représentations constitue à un moment donné, notre univers mental. Il est le support de notre pensée et conditionne ce que nous pouvons comprendre et apprendre. Pour un individu, ses représentations sur un thème donné ne sont pas justes ou fausses, elles sont simplement adéquates ou non pour réfléchir et agir. Ainsi, une formation peut se heurter à 2 types de difficulté :

- si les faits […] qui sont proposés à l’apprenant n’ont aucun écho dans ses

représentations antérieures, la compréhension et la mémorisation sont vouées à l’échec. […] En pratique, l’enseignant doit correctement apprécier la distance entre ce qui est connu et ce qui va être abordé dans la formation et veiller à favoriser l’établissement de liens signifiants.

- quand les nouveaux savoirs remettent en question une représentation antérieure qui est considérée comme pertinente par l’apprenant, notamment parce qu’il l’a déjà utilisée avec satisfaction pour agir dans certaines situations. C’est bien cette appréciation personnelle de

188 validité qui constitue finalement l’élément essentiel de décision du sujet pour adopter la nouvelle représentation ou conserver l’ancienne. Les connaissances antérieures, adéquates ou non, sont caractérisées par leur grande stabilité. Pour les faire évoluer, les justifications, les analogies, les exemples et les contre-exemples montrant l’intérêt et la validité de la nouvelle connaissance sont alors des éléments-clés qui vont influencer son appropriation par l’étudiant. Ainsi, apprendre, c’est passer d’une représentation, d’un schéma de pensée à un autre, jugé plus pertinent pour répondre à une situation particulière. Ainsi, la construction individuelle des connaissances par l’étudiant peut être considérée comme coûteuse et risquée, puisqu’il lui est nécessaire de se remettre en question. Cette perturbation cognitive, provoquée par le formateur, sera d’autant mieux acceptée que l’étudiant va se sentir accompagné et soutenu par l’enseignant.

En pratique, un enseignement peut introduire la notion d’objectif-obstacle correspondant aux points-clés dont le dépassement permettra aux apprenants de s’approprier les nouveaux concepts. Les situations-problèmes sont les situations élaborées par l’enseignant pour conduire l’apprenant à rencontrer les objectifs-obstacles, à prendre conscience des insuffisances de ses connaissances (de ses représentations), à éprouver le besoin de leur évolution conduisant à construire une nouvelle

connaissance.

3. La notion de méta connaissance :

Apprendre dépend donc des représentations d’un individu à un moment donné. La capacité à apprendre va également dépendre des connaissances qu’a chacun sur ses propres capacités, sur son fonctionnement intellectuel, sur l’état de ses propres connaissances (correspondant aux

métaconnaissances en psychologie cognitive)

En effet, il a été démontré que l’aptitude d’un sujet à exprimer ses stratégies d’apprentissage, de mémorisation est corrélée avec ses propres performances dans ces domaines. Par exemple, l’enfant qui sait que l’on retient mieux un poème si on le répète en chuchotant, aura de meilleures

performances en situation de test que ceux qui l’ignorent. Ce fait est interprété comme témoignant de l’existence d’un contrôle cognitif de l’apprentissage, situé dans un registre de métacognition.

Les tentatives pour apprendre directement aux sujets des métaconnaissances susceptibles de favoriser leurs apprentissages ont été des échecs, comme si les métaconnaissances étaient peu ou pas transmissibles.

Il semble cependant que les enseignants aient toutefois intérêt à susciter chez leurs étudiants un questionnement d’ordre métacognitif sur leurs connaissances et leurs stratégies d’apprentissage, pour les aider à en prendre conscience et leur suggérer si besoin des voies d’amélioration.

Ainsi, il apparait important pour qu’une formation soit efficace que les étudiants formalisent leurs objectifs de formation et réfléchissent à une stratégie d’apprentissage.

4. La motivation :

Enfin, la qualité d’un apprentissage va également dépendre d’un 3° élément : la motivation de l’étudiant, mais aussi de l’enseignant. La motivation est un ensemble complexe de déterminants d’ordre personnel (intérêt direct : motivation intrinsèque) et social (avantages dérivés : motivation extrinsèque), variable pour chaque formation et, pour une formation donnée dans le temps.

Un niveau de motivation intrinsèque élevé chez l’apprenant est conditionné par la façon dont il s’estime capable d’atteindre le but qui est fixé (confiance en soi) et dont il pense que les autres le considèrent (estime de soi), par la perception de l’intérêt de l’objectif et de l’adéquation de la méthode pédagogique mise en œuvre, par le sentiment d’avoir un espace d’autodétermination et de liberté dans le cadre de la formation en cours.

A l’inverse, un sentiment d’incompétence, d’inutilité, de contrainte, de situation incontrôlable conduit à une mauvaise image de soi, à une démotivation. On a pu parler de « résignation apprise chez l’apprenant » à la suite d’une série d’échecs et de frustrations.

L’apprenant inscrit toujours ses efforts dans le cadre d’un projet pour lequel il développe plus ou moins consciemment une stratégie. Ainsi, si l’objectif jugé prioritaire est de réussir à l’examen de

189 fin d’année (but de performance), la motivation de l’étudiant le portera vers les efforts d’apprentissage jugés les plus rentables d’où l’importance pour l’enseignant de mettre en place un dispositif

d’évaluation cohérent avec l’objectif général de la formation (rendre apte à la prise en charge autonome du diagnostic d’une maladie ne saurait être évalué comme l’aptitude à réciter une forme typique et ses variantes); on sait en effet que les buts de performance induisent des apprentissages superficiels. La clarté du contrat didactique passé entre l’enseignant et ses étudiants sur les finalités et les méthodes de la formation met à l’abri de ces ambiguïtés.

5. L’influence de l’enseignant :

Par ailleurs, l’enseignant, par ses choix éducatifs et son comportement, influe sur la motivation intrinsèque et extrinsèque de ses étudiants : choix des objectifs, éveil de l’intérêt en situant

l’importance de la session dans le projet présumé des apprenants, niveau de participation consentie ou suscitée, enthousiasme, appréciations. Les encouragements mérités ont toujours des conséquences positives, mais des encouragements perçus comme abusifs, immérités par l’étudiant doivent être évités.

De plus, les attentes de l’enseignant sont susceptibles d’induire une amélioration des performances de son élève comme l’a montré Robert Rosenthal par une expérience fort connue : si l’on indique en début d’année scolaire à un enseignant que, sur la base de tests prédictifs des performances, certains de ses élèves ont un potentiel de progression important, en fin d’année les résultats obtenus par ces élèves s’avèrent être supérieurs à la moyenne, alors même qu’ils ont en fait, pour les besoins du test, été sélectionnés au hasard. L’attente du maître a donc induit la performance de l’élève. Il s’agit de l’effet Pygmalion, aujourd’hui largement confirmé, qui invite les enseignants à prendre conscience de leur rôle propre dans le succès de leurs étudiants.

A noter également que la conception constructiviste de l’élaboration des connaissances n’implique pas pour autant que chaque apprenant doive redécouvrir par lui-même les savoirs à enseigner. Une attitude épistémologique [étude critique des sciences avec leur origine logique, leur valeur et leur portée] de la part du formateur, c’est-à-dire la présentation pour chaque thème abordé de la diversité des

explications possibles, de la façon dont les savoirs aujourd’hui reconnus ont été construits au fil de l’histoire des sciences, est un facteur important pour aider l’apprenant à établir son propre rapport aux savoirs. Quelques mots en introduction de sémantique (d’où vient ce nom de maladie, quel concept a- t-il désigné dans l’histoire…), de données historiques, sont toujours bienvenus dans ce but.

6. Le statut de l’erreur

Dans le modèle d’acquisition des connaissances que j’ai qualifié de « classique », l’erreur est facilement confondue avec la faute puisque, de ce point de vue, le savoir est neutre et, s’il a bien été présenté par l’enseignant, sa mauvaise restitution ne peut être due qu’à un effort insuffisant de l’élève.

Dans le modèle comportementaliste, l’erreur est assimilée à un défaut du système d’apprentissage, c’est-à-dire du conditionnement. Elle invite l’enseignant à revoir son dispositif.

Le modèle constructiviste peut être vu en opposition avec ces deux visions négatives de l’erreur.

En effet, bien que ce modèle reconnaisse également que certaines erreurs de l’étudiant soient la conséquence d’un défaut de connaissances factuelles ou procédurales, et ne débouchent donc que sur la nécessité pour l’étudiant de renforcer son effort de mémorisation et son entraînement. Il considère également que d’autres erreurs peuvent être analysées comme les révélatrices des obstacles conceptuels que rencontre l’apprenant. Dans ces cas, l’exposé de la bonne solution, même très clair, a peu de chance de convaincre durablement ; c’est un retour en amont avec questionnement sur

l’obstacle, analyse de ses composantes, des solutions possibles, de leurs valeurs respectives, qui peut seul influencer durablement la représentation que gardera l’élève.

Ainsi, dans ce modèle, l’erreur peut être considérée comme le révélateur instructif des obstacles que rencontre l’apprenant ; erreur est alors errance de celui qui n’a pas trouvé le chemin.

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Annexe 8 : Sinistralité liée aux gestes

techniques d’un des principaux assureurs