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Lors des entrevues, les participantes ont évoqué des expériences en lien avec la vaccination ou bien les maladies infectieuses. Lors de nos échanges, des émotions, tel que la peur, l’inquiétude ou bien encore la satisfaction ont été mentionnée. Par exemple, la crainte liée à la composition des vaccins, peu importe si elles étaient favorables, hésitantes ou défavorables, a été exprimée.

Je parle surtout au niveau de la composition des vaccins, c’est quelque chose qu’on ne connaît pas, les répercussions que les autres éléments du vaccin peuvent avoir sur notre santé. Y’a des périodes où les gens se faisaient vacciner et pensaient que c’était bien pis toute ça mais y’en avait qui disaient qu’il y avait des éléments lourds dedans pis… je sais pas trop, j’ai pas les noms exacts pis finalement, ça pouvait être mauvais pour la santé (Répondante 40, hésitante ayant accepté la vaccination). […] et tout ça pis la vaccination a des toxines aussi, pis c’est injecté directement dans le corps donc ça, ça m’effraie un peu, de savoir que je mets ça dans le corps de mes enfants, sans savoir si, à long terme, ça fait quelque chose (Répondante 55,

Ou bien concernant les nouveaux vaccins

Oui, ben la rougeole, ça existe depuis longtemps… Oui, me semble que oui. Mais

c’est ça, c’est des vaccins qui existent depuis longtemps, testés à long terme là, oui. T’sais, parce que moi, les nouveaux vaccins, je suis comme plus inquiète, mais comme plus sur mes gardes là. Mais ceux-là, je les ai eus étant jeune pis tout va bien encore aujourd’hui (Répondante 74, hésitante ayant accepté la vaccination).

Lors de la seconde entrevue, j’ai demandé aux participantes si le fait que de moins en moins de personnes se fassent vacciner les inquiétait. Certaines participantes, parmi les favorables et les hésitantes ayant accepté la vaccination, étaient préoccupées non pas pour leurs enfants, mais par rapport à la réapparition des maladies infectieuses.

Ben à partir du moment où mes enfants sont vaccinés, moins. Mais effectivement, c’est inquiétant pour ces enfants-là parce que ben c’est ça, il faudrait pas revenir en arrière pis recréer des vagues de ces maladies (Répondante 28, hésitante ayant

accepté la vaccination).

Toutefois, la majorité des participantes favorables et hésitantes ayant accepté la vaccination, n’étaient pas inquiètes de cette situation. Cela leur donnait l’occasion de préciser que la vaccination était un choix qu’il fallait respecter.

Moi, j’ai pas eu de discussion avec assez de mères là, pour pouvoir constater ça et si c’est le cas, puisque les miens sont vaccinés, je peux pas dire que ça m’inquiète vraiment. J’ai pas inquiétudes profondes à ce niveau-là, ça, c’est sûr que non

(Répondante 32, favorable ayant accepté la vaccination).

Enfin, si les participantes défavorables n’évoquaient pas d’inquiétude en lien avec la baisse des couvertures vaccinales, certaines exprimaient même de la satisfaction. Cela signifiait selon l’une d’elles que les personnes étaient mieux informées. Une autre semblait aussi satisfaite, car la baisse de la couverture vaccinale allait permettre de reconstruire l’immunité à l’échelle de la population. Selon cette participante la vaccination diminue l’immunité de la population et affaibli l’être humain en tant qu’ «espèce».

Non, mais ça me réjouit de savoir que les gens se posent de plus en plus des questions, qu’ils cherchent à plus s’informer plutôt que de… t’sais de suivre à la lettre le calendrier sans chercher plus loin (Répondante 46, défavorable ayant refusé

J’pense qu’en donnant un vaccin qui ne donne pas une immunité disons complète, ben ça diminue l’immunité de la population t’sais à grande échelle, ça nous affaiblit en tant qu’espèce moi je pense. La vaccination, parce qu’on attrape pu les maladies, on se défend pas, pis c’est pas une immunité qu’on est capable de transférer à nos enfants (Répondante 55, défavorable ayant refusé la vaccination).

Parmi les participantes ayant accepté la vaccination, la majorité éprouvait de la satisfaction, car leur enfant était protégé. De plus, les cas de coqueluche déclarés venaient conforter leur choix

Et pourquoi, est-ce que tu te sens rassurée parce que ton enfant est vacciné?

[…] pis surtout que là, ça a adonné que j’ai lu des articles que justement, qu’il y a des cas de coqueluches qui commençaient à revenir parce que justement, y’a du monde qui ont arrêté la vaccination, fait que t’sais j’ai ben fait de le faire vacciner. Là t’sais, des choses comme ça, des petits virus que t’as réussi à contrôler

(Répondante 57, favorable ayant accepté la vaccination).

Les émotions pouvaient jouer un rôle, notamment par le «biais de commission», c’est à dire que pour certaines mères, c’est la crainte du regret anticipé, si jamais le nourrisson contractait une maladie qui aurait pu être évitée par la vaccination.

Et est-ce vous pensez que vous possédez suffisamment d’information? Euh…

c’est pas une question d’un manque d’information, c’est une question que si mon bébé attrape quelque chose que j’aurais pu éviter si je l’avais fait vacciner, je vais m’en vouloir toute ma vie […] (Répondante 44, favorable ayant accepté la

vaccination).

6.4 Conclusion

Dans le cadre de ce mémoire, j’ai retenu différents facteurs évoqués par les répondantes qui ont influencé la prise de décision. D’une part, les sources d’information, qu’elles soient officielles, populaires ou provenant d’un thérapeute de médecine alternative. D’autre part les sources d’influence, tels que les membres de l’entourage, les expériences ou les émotions. Encore une fois, une certaine homogénéité selon les profils a pu être mise en évidence parmi les multiples facteurs évoqués par les participantes.

Tout d’abord, les mères favorables à la vaccination s’informent majoritairement auprès des sources officielles alors que les mères défavorables sont plus méfiantes envers celles-ci. De ce fait, ces dernières favorisent les sources d’information populaires et les professionnels de la santé alternative. Le recours à de multiples sources d’information pour les participantes hésitantes, illustre le manque de nuances qu’elles reprochent à celles-ci. D’ailleurs, pour nombre d’entre elles, leurs recherches sur la vaccination engendrent bien souvent plus de nouveaux questionnements que de réponses, rendant la prise de décision difficile. Les professionnels de la santé influencent le plus souvent les décisions des mères favorables et des mères hésitantes ayant accepté la vaccination. Il ne faut pas omettre l’importance du rôle du conjoint qui influence la décision d’accepter la vaccination de certaines mères, ou, au moins poussent les partenaires à la mise en place d’un compromis avec celles-ci. L’influence des proches est essentiellement apparue auprès des mères qui ont retardé et/ou choisi les vaccins, et celles qui ont refusé l’ensemble des vaccins.

Parmi les sources d’influence, les expériences en lien avec la vaccination et les maladies infectieuses peuvent également jouer un rôle important. Une mauvaise expérience de la vaccination, qu’elle soit personnelle ou rapportée par un tiers n’est, pourtant, pas systématiquement synonyme de refus de la vaccination. De même, une hospitalisation suite à une maladie infectieuse n’influence pas toujours l’acceptation du vaccin. Cependant, la décision de quelques mères semble avoir été influencée par des expériences, personnelles ou non, comme par exemple, dans le cas où un des enfants contracte une maladie pour laquelle il était vacciné, soulignant ainsi l’inefficacité de la vaccination. Autre exemple, dans le cas où, un proche est décédé d’une maladie infectieuse. Enfin, les émotions ont également été soulignées telles que les inquiétudes essentiellement en lien avec la composition des vaccins ou, pour certaines, avec la diminution de la couverture vaccinale. Les mères favorables et hésitantes à la vaccination exprimaient la crainte de la résurgence de maladies infectieuses quasiment disparues, alors que les participantes défavorables étaient satisfaites de la baisse de la couverture vaccinale, cela signifiant selon elles que la population était mieux informée.

La décision de vacciner est influencée de différentes manières par ces facteurs, et il apparaît difficile de déterminer ce qui a le plus de poids dans la décision. En effet, chaque mère réagit et interprète différemment les informations, les expériences et les émotions. D’ailleurs, cela peut être illustré par le fait qu’aucune mère défavorable n’a rapporté de mauvaises expériences en lien avec une maladie infectieuse. Cela peut signifier qu’un même événement n’a pas la même signification pour une mère favorable et une mère défavorable. Alors que la première va, par exemple, considérer qu’une hospitalisation est une mauvaise expérience, une mère défavorable n’interprétera peut-être pas cet épisode de la même façon. De plus, bien qu’il soit possible de préciser que les mères favorables à la vaccination sont généralement influencées par leur professionnel de la santé, d’autres vont se baser sur leurs expériences ou bien sur leurs émotions pour prendre leur décision. Il convient de noter que ces facteurs ne sont pas indépendants les uns des autres, mais, au contraire, qu’ils ne cessent de s’influencer. Les informations trouvées sur Internet indiquant des effets secondaires graves suite à l’administration de vaccins, peuvent générer des craintes envers la vaccination et aboutir au choix de ne pas vacciner. Parfois les mères peuvent être amenées à évaluer deux informations contradictoires, par exemple des expériences graves suite à la vaccination rapportée par un tiers et contredites par le professionnel de la santé. Ces déterminants ont déjà été documentés dans d’autres études, et l’importance du rôle du professionnel de la santé a été mise en avant (Bond et al, 1998, Freed et al, 2011, Leask, 2011, Poltorak et al, 2005)

Bien qu’il soit intéressant de souligner l’inter-influence entre ces facteurs, le rôle de la moralité populaire n’est pas à négliger. Tel que précisé précédemment, dans le cadre de la vaccination des nourrissons, deux valeurs ont émergé comme ayant une influence sur la décision. La protection du nourrisson pour la majorité des mères favorables, et la valorisation de ce qui est naturel pour les défavorables. La moralité populaire va influencer la façon d’appréhender chacun de ces facteurs en agissant comme une sorte de filtre à travers lequel les informations, les expériences et les émotions vont passer.

Par exemple, des informations négatives à l’égard des vaccins influenceront moins une participante qui valorise la protection de l’enfant et qui fait confiance aux autorités de santé publique et son médecin. Une étude a souligné que les mères faisant confiance à leur professionnel de la santé, maintenaient la décision de vacciner même lorsque des informations défavorables à la vaccination leur étaient présentées. Les mères étaient critiques à l’égard de ces informations (Leask et al, 2006). À l’opposé, cette même information aura plus d’impact sur une mère qui valorise aussi la protection de l’enfant, mais qui se méfie également des informations émises par les autorités de santé publique. Cela rejoint les résultats de Massé qui, dans le cadre d’une étude sur la perception du risque dans le cadre de la Grippe A(H1N1) au Québec, a souligné qu’entre autres, le système local de valeurs influençait profondément la construction populaire du risque (Massé et al, 2011). L’identification des déterminants d’une prise de décision favorable ou non à la vaccination est essentielle, mais en les décontextualisant il n’est pas possible de comprendre pourquoi et comment ils influencent la décision (Massé, 2007b). Cela souligne l’importance d’étudier le processus de décision de vaccination à l’intérieur de son contexte et de prendre en considération la moralité populaire qui agit comme des «lunettes de lecture». Cela offre l’occasion d’évaluer comment les déterminants de la décision vaccinale sont hiérarchisés et pondérés en fonction des normes et des valeurs qui animent les individus. Cependant, il m’apparaît essentiel de préciser que cela n’est pas statique, et que les normes et les valeurs peuvent être renégociées à chaque instant au gré, entre autres, des informations, des expériences et des émotions expliquant ainsi la fragilité du succès des programmes de vaccination.

Chapitre sept : Analyse des stratégies de gestion du risque