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Tel que souligné précédemment, un point commun à l’ensemble des définitions de la moralité est que cette dernière regroupe des valeurs, des normes, des connaissances et des croyances qui guident la décision morale. Je vais définir rapidement ces différentes composantes.

2.4.1 Les croyances et les connaissances

Les connaissances et les croyances sont les éléments de base des moralités populaires dans le sens où elles peuvent être l’assise des valeurs. Par exemple, si une mère conçoit les maladies infectieuses comme étant dangereuses pour son enfant, cela va activer des valeurs telles que la protection de son enfant et elle le fera vacciner. Pour Massé, les connaissances et les croyances « […] peuvent être mises en évidence par des questions précises portant sur la nature, les causes ou les conséquences d’un symptôme, d’une maladie, d’une thérapie ou d’un comportement » (Massé, 1995: 241).

2.4.2 Les normes

Les normes peuvent être définies comme suit : « Les normes sont des construits socioculturels véhiculés par une société donnée, intégrés à des degrés divers par des citoyens à travers le processus de socialisation et défendu par des autorités et reconnu par la collectivité» (Massé, 2003: 19). Mais elles peuvent également être définies comme des « règles de conduite déterminant un comportement obligatoire» (Legault, 2010). Dans le cadre des études sur la vaccination, les normes sont importantes, car certains parents pensent que la vaccination est obligatoire au Québec. Les normes se distinguent des valeurs, car elles sont plus spécifiques et concernent généralement un contexte particulier (Massé, 2003: 20). Des valeurs sont à la base de ces normes, cependant les individus peuvent être conscients ou inconscients de ces dernières.

2.4.3 Les valeurs

Les valeurs et les normes peuvent sembler similaires, pourtant il convient d’effectuer une distinction. Le concept de valeur a fait l’objet de nombreux écrits. Selon Schwartz, « on les [les valeurs] utilise pour caractériser les individus ou les sociétés, pour suivre le changement au cours du temps, et pour expliquer les motivations de base qui sous-tendent attitudes et comportements» (Schwartz, 2006: 929). C’est peut-être cette large conception qui a entraîné l’absence de consensus quant à la définition de ce concept. Pour Bonte, ce concept est fréquemment utilisé, mais peu explicité par les anthropologues (Bonte, 2007: 733). En 1951 Kluckhohn définit les valeurs « comme des orientations normatives de l’action, positives ou

négatives, explicite ou implicite, organisée systématiquement au sein d’une totalité culturelle » (Kluckhohn cité dans Bonte, 2007: 733). Le projet de Kluckohn accompagné de Parson et Brew consistait à effectuer une étude comparative des valeurs entre cinq sociétés (Bonte, 2007: 733). Dumont, quant à lui, a introduit la notion de « système de valeurs ». Selon lui, les valeurs évolueraient au sein d’un système dans lequel elles seraient mises en relation. Certaines seraient complémentaires alors que d’autres s’opposeraient. Ainsi, Dumont présente le principe de hiérarchisation des valeurs qui consiste à ce que, face à une situation, certaines valeurs soient prédominantes sur d’autres. Legault, quant à lui, insiste sur la fin visée par l’action, il définit les valeurs comme suit :

Élément de la motivation effective permettant de passer à l’acte. Elle constitue la fin visée par l’action envisagée dans la décision et se traduit verbalement comme raison d’agir et comme sens de l’action en créant une ouverture au partage de sens pour toutes les personnes impliquées dans la décision (Legault, 2010: 285).

Par conséquent, on peut établir une corrélation entre les valeurs et les comportements, ce que différentes études, notamment dans le domaine de la psychologie, se sont attachées à faire (Bardi et al, 2003, Ubel, 1999). Afin d’établir cette corrélation, Bardi et Schwartz ont développé un questionnaire pour être en mesure de déterminer une échelle de valeurs et tenter d’établir des corrélations entre les valeurs et les comportements. Ce questionnaire, nommé SVS [Schwartz

value survey], comprenait dix séries de six à dix comportements. Chaque série était associée à

une des dix valeurs de base telles les valeurs de sécurité, conformité ou bienveillance (Schwartz, 2006: 955). Ce type d’étude présuppose donc que les valeurs influençant tel ou tel comportement sont pré-identifiées. Toutefois, cela ne permet pas de déterminer les valeurs qui par exemple ont amené une mère à accepter ou refuser la vaccination pour son enfant. Pour l’élaboration du questionnaire, Schwartz a identifié les dix valeurs de base suivantes : sécurité, conformité, tradition, bienveillance, universalisme, autonomie, stimulation, hédonisme et réussite. Ces valeurs peuvent être assimilées, comme le souligne Legault, à « un catalogue de valeurs générales, abstraites et purement idéales » (Legault, 2010: 126). Dans le cadre de ce mémoire de maitrise, « l’attribution des valeurs vise à nommer celles qui sont agissantes dans la situation, car elles sont mobilisatrices de l’action » (Legault, 2010: 126). Ainsi, pour ma recherche, je me suis attachée à déterminer ce que les mères québécoises valorisent en décidant de vacciner ou non leurs nourrissons. Pour cela, je me suis basée sur une approche inductive et non pas à partir

d’une liste prédéfinie de valeurs. Par exemple, la valorisation de la bonne santé du nourrisson qui peut être définie par la protection de ce dernier face aux maladies évitables par la vaccination. D’autres mères valorisent le respect de la nature qui peut être défini par la nécessité de respecter le caractère naturel et bénéfique des maladies. Les participants à une étude n’expriment pas toujours de façon explicite les valeurs ou les normes qui les ont mené à la décision, cependant ils peuvent expliquer comment ils sont parvenus à cette dernière.

2.5 Les méthodes de construction de jugements et de raisonnements