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Chapitre1 Problématique

ÉTAPES DE SUPERVISION DE STAGE

2.3 Le partenariat et la communication en formation pratique

2.3.4 La rétroaction avec le stagiaire dans une communication via les TIC

Parmi les nombreux moments d’échanges qui ont lieu entre les différents partenaires de la supervision, la rétroaction (ou le feedback) est possiblement celui qui est le plus signifiant dans l’évolution du stagiaire. En effet, c’est par la rétroaction, par la relecture des observations de la pratique, que s’amorce une réflexion de son action par le stagiaire (Boutet, 2002a; Boutet, 2002b; Guillemette et Gauthier, 2008; O’Brien, Marks et Charlin, 2003; Portelance, 2008b). Selon Malo (2005), il y a apprentissage chez le stagiaire dans la mesure où ce dernier fait face, dans sa pratique, à un obstacle auquel il ne trouve pas de réponse. Il doit alors aller puiser dans ses ressources afin de surmonter la difficulté en question.

Dans cette optique, les partenaires de la supervision peuvent certes jouer un rôle important dans cette réflexion. En effet, à la lumière de nos lectures, il apparaît qu’il y a évolution de la pratique dans la mesure où il y a une réflexion et une analyse de cette dernière (Courcy, 2002; Guillemette et Gauthier, 2008) : « Une pratique ne change pas sans réflexion et se fige dans le temps » (Courcy, 2002, p.98). Le fait d’allier réussites et difficultés contribuerait également à forger l’identité professionnelle du stagiaire et à favoriser son évolution (Boutet, 2002b). Selon Boutet (2002a), il importe que la réflexion du stagiaire l’amène à expliquer les savoirs qui

sous-tendent sa pratique et à prendre conscience des écarts entre ses intentions et l’action. Cette réflexion est, toujours selon Boutet (2002a), grandement favorisée par les échanges avec d’autres, qu’ils soient enseignants associés ou superviseurs : « Les personnes superviseures doivent alimenter la réflexion de chaque stagiaire d’interrogations nées dans leur action en classe […] » (Boutet, 2002a, p. 33). En effet, selon Rodet (2000), « la rétroaction est d’abord un acte de communication » (p.51). De plus, elle doit être en lien avec des comportements qui ont été observés par les formateurs et qui sont comparables à des standards de pratiques (O’Brien, Marks et Charlin, 2003), en l’occurrence des manifestations de développement de compétences19. Seul, le stagiaire arrivera à effectuer une réflexion, mais il risque d’orienter celle-ci en fonction de ses propres théories et conceptions, retardant ainsi son évolution (Boutet, 2002a; Courcy, 2002; O’Brien, Marks et Charlin, 2003). Selon Hohl (1991), « le fait de revenir sur l’expérience, de la relire à deux permet de se poser des questions, permet au stagiaire d’identifier ses schèmes d’action, de les réorganiser » (p.211). Dans certains cas, la réorganisation ou la transformation des schèmes de compréhension pourraient prendre la forme d’un recadrage (modification des perceptions) ou d’une consolidation des savoirs existants (Malo, 2005).

Au quotidien, l’enseignant associé est certes le mieux placé pour offrir des rétroactions au stagiaire (Boutet, 2002b; Bruyère, 2002). Toutefois, Boutet (2002b) évoque l’idée que cette rétroaction doit se faire en équipe étant donné que l’enseignant associé peut parfois avoir de la difficulté à offrir une vision qui diffère de la sienne et de ses orientations pédagogiques alors que le superviseur, étant un membre externe et indépendant du contexte, peut « prendre le relais et tâcher d’accompagner l’étudiant dans l’exploration d’alternatives au modèle que l’enseignant présente » (p.92). En ce sens, Portelance (2008b) encourage les enseignants associés à éviter d’être directifs envers les stagiaires et à se voir eux- mêmes comme apprenant en valorisant entre autres l’auto-questionnement et en

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acceptant de reconnaître leurs propres limites dans l’exercice de leurs fonctions. À cet égard, Malo (2005) souligne l’importance de prendre en considération le confort du stagiaire dans un échange de formation que l’on souhaite efficient : « Le confort du stagiaire est un élément à considérer quand on s’intéresse aux transformations de son répertoire et à son adhésion à des savoirs normatifs suggérés » (p.80).

Le superviseur apporte une autre lecture de la pratique du stagiaire (Hohl, 1991). Boutet (2002b) fait également état de la possibilité que la relation étroite et affective qui s’établit souvent entre le stagiaire et l’enseignant associé puisse teinter les échanges et affecter le regard critique qui pourrait être posé sur la pratique du stagiaire. Ainsi, le retour en triade devient une alternative à considérer (Bruyère, 2002).

La formule de la triade est appréciée à cause de la richesse et de la diversité des personnes qui la composent : formations différentes, compétences différentes et expériences différentes font de la triade un moment privilégié d’échanges pour les personnes qui la composent. C’est aussi un lieu de réflexion, d’auto-analyse et de création (Bruyère, 2002, p.106).

Encore une fois, l’objectivité du superviseur en tant que membre du milieu universitaire est requise afin de guider le stagiaire dans son analyse réflexive (Lebel, 2005; Portelance, 2008b), mais aussi afin de s’assurer que la relation demeure professionnelle et harmonieuse entre le stagiaire et l’enseignant associé. À cet égard, Courcy (2002) soutient « qu’une certaine cohésion et une certaine vision commune de l’enseignement devrait exister entre les membres de la triade » (p.102) avant la rencontre avec le stagiaire afin d’éviter que des positions opposées entraîne de la confusion chez ce dernier. Les moments de rétroaction empreints d’analyse réflexive entre le superviseur, le stagiaire et l’enseignant associé lorsque c’est possible semblent donc incontournables dans le processus de supervision.

Il semble que l’expérience seule soit insuffisante pour favoriser le développement des compétences des futurs maîtres. Les stages ne seraient formateurs que s’ils sont réalisés dans une approche intégrée de pratique réflexive. (Guillemette et Gauthier, 2008, p.143)

Mais pour que le climat de la communication soit propice à l’analyse réflexive du stagiaire, il importe de prendre en considération nombre de facteurs influents : « le choix des mots, le ton, le moment, la durée, […], activité ou inactivité, parole ou silence, tout a valeur de message » (Fortin et Pharand, 2005, p.16). En effet, à la lumière de nos lectures, il apparaît que la dimension relationnelle doit être bien établie entre les membres de la dyade ou de la triade afin de favoriser une pratique réflexive axée sur le développement des compétences professionnelles (Fortin et Pharand, 2005; Rodet, 2000). Lebel (2005) propose également au superviseur d’amener le stagiaire à prendre conscience de ses actions au cours de la séance d’observation afin de l’aider à évaluer leurs effets et à les modifier lorsqu’elles sont inappropriées. Acheson et Gall (1993) soutiennent aussi qu’il importe, au moment de la rétroaction, « de noter les situations positives où [le stagiaire] a montré qu’il s’approchait d’un objectif clairement poursuivi » (p.391) et que ces messages se doivent d’être spécifiques. Pour O’Brien, Marks et Charlin (2003), une rétroaction efficace implique non seulement le stagiaire, mais « identifie à la fois ses forces et ses faiblesses » (p.184). Selon les mêmes chercheurs, une rétroaction efficace amène le stagiaire à ressentir de la fierté par rapport à ce qu’il sait et qu’il peut accomplir avec satisfaction, mais également à le responsabiliser afin qu’il puisse entreprendre des actions qui l’aideront à surmonter ses difficultés et à relever les défis qu’exige sa profession. Toutefois, il importe d’être aussi vigilant face aux réactions du stagiaire et d’essayer de le comprendre (Correa Molina, 2006), car « la sensibilité joue un rôle important dans la supervision, surtout lorsqu’il arrive que la réalité du stagiaire soit problématique » (p.3). À cela, Rodet (2000) ajoute que le stagiaire est sensible aux appréciations de sa compétence, aux mots d’encouragement et aux éléments

motivateurs. En effet, selon Hohl (1991), les félicitations sont importantes parce qu’elles « encouragent, réconfortent, flattent l’ego et soulagent l’anxiété de l’évaluation » (p.212).

Fortin (2005) soutient que les rencontres de rétroaction qui ont lieu en présentiel « permettent au stagiaire de s’exprimer spontanément et de nuancer son analyse grâce aux réactions immédiates de son ou ses interlocuteurs » (p.108). Dans le cadre de cette étude, la spontanéité évoquée par Fortin (2005) n’est aucunement remise en cause étant donné que les échanges, bien que réalisés à distance, se déroulent en temps réel, dans un mode synchrone. Toutefois, l’affirmation de Fortin (2005) renforce une de nos préoccupations à l’égard des indices non-verbaux que permet la rencontre face à face et que nous anticipons être plus difficiles à percevoir à travers l’œil de la webcaméra. En fait, par sa lentille, il est possible de voir certaines manifestations non-verbales, mais est-ce suffisant dans le cadre de l’accompagnement d’un stagiaire?

Selon Mallen, Vogel et Rochlen (2005), les habiletés communicatives requises en rencontre en distanciel sont pratiquement les mêmes qu’en présentiel. Pourtant, dans l’étude de Dudding et Justice (2004), le fait de perdre des indices non-verbaux dans les interactions entre le superviseur et le supervisé a été perçu comme une lacune chez les participants d’une expérimentation de supervision à distance. En fait, ce sont le temps et l’accumulation des échanges qui favoriseraient une relation qui se rapproche de celle vécue en face à face, comme l’ont démontré Gauducheau et Marcoccia (2007), dans une étude sur la dimension socio-affective des échanges en ligne. Toutefois, les participants doivent être informés des particularités relatives à l’environnement TIC utilisé (Gauducheau et Marcoccia, 2007; Peccoud, 2000).

[Dans un échange en ligne], le manque d’informations, habituellement présentes en face à face, n’empêche pas le développement d’impressions sur autrui mais le rend plus complexe. Les individus cherchent à réduire l’incertitude sur autrui et à établir des relations affinitaires même si le média

est peu adapté. Pour atteindre cet objectif, les internautes expriment leurs émotions et, pour ce faire, adaptent leurs comportements langagiers pour représenter la dimension sociale manquante (Gauducheau et Marcoccia, 2007, p.5).

Dans une communication réalisée à l’aide de la webcaméra et d’un programme de conversation en ligne, lorsqu’un des participants prend son droit de parole, l’autre perd le sien et vice versa. Un code éthique doit alors être instauré : "à vous, à toi". De plus, à l’instar de Mallen et al. (2005), nous estimons que dans un entretien de supervision de stage, le fait d’adapter le plan de questionnement de façon à amener le locuteur à décrire les sentiments ressentis et à reformuler sa compréhension pourrait être une solution à envisager afin de s’assurer de la compréhension de l’autre (Correa Molina, 2006; Myers et Myers, 1990).

Puisque les communications virtuelles permettent difficilement de visualiser et de ressentir les mêmes émotions que dans une communication en présentiel (Asselin, 2002), et que la communication est au cœur du processus de supervision de stage et de réflexion sur la pratique du stagiaire (Brouillet et Deaudelin, 1994; Fortin et Pharand, 2005; Portelance, 2008a), il nous apparaît important de nous attarder à la qualité de la communication dans une approche de supervision en distanciel, et ce, dans le but d’atteindre notre objectif de recherche qui est de mieux comprendre les avantages et les limites d’un modèle de supervision en distanciel faisant appel aux TIC lors des stages réalisés dans les milieux scolaires éloignés de leur université.