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Chapitre1 Problématique

1.1 La formation des maîtres au Québec et les stages

1.1.2 Le développement des compétences professionnelles en formation pratique

Le ministère de l’Éducation, dans son document « La formation à l’enseignement », (MEQ, 2001, p.50) présente différentes caractéristiques du concept de compétence : une compétence 1- se déploie en contexte professionnel réel, 2- se situe sur un

continuum qui va du simple au complexe, 3- se fonde sur un ensemble de ressources, 4- est de l’ordre du savoir-mobiliser en contexte d’action professionnelle, 5- comme savoir-agir, est une pratique intentionnelle, 6- est un savoir-agir réussi, efficace, efficient et immédiat qui se manifeste de façon récurrente et 7- constitue un projet, une finalité sans fin. Pour Tardif (2006, p.22), une compétence est un « savoir-agir complexe prenant appui sur la mobilisation et la combinaison efficaces d’une variété de ressources internes et externes à l’intérieur d’une famille de situations ». Concept complexe et difficile à définir, les compétences professionnelles « restent à apprivoiser pour un grand nombre de formateurs » (Lepage, 2007, p.5). D’ailleurs, les résultats de l’étude de Rivard et al. (2009) sur le rôle de la triade en supervision révèlent que les enseignants associés s’appuient peu sur le référentiel des compétences professionnelles proposé par le MEQ en 2001. Différentes interprétations peuvent ainsi surgir selon les différents acteurs et susciter la mise en place de pratiques différentes et diversifiées. Malgré tout, dans son avis au sous- ministre adjoint à l’éducation préscolaire et à l’enseignement primaire et secondaire, le COFPE (2006) recommande que les enseignants associés aient, d’une part, développé un haut niveau de maîtrise des compétences professionnelles, mais qu’ils comprennent également le concept de compétence pour assurer l’accompagnement des stagiaires. Il en va de même pour les superviseurs universitaires. Toutefois, selon Gauthier et Mellouki (2003), pour les universités, le défi de la formation pratique demeure la formation des futurs professionnels de l’éducation au développement des compétences requises par la profession.

La formation à l’enseignement ne se réduit pas au seul apprentissage des contenus à enseigner mais elle comporte aussi une importante dimension pratique (700 heures de stages au minimum) où les compétences pourront s’exercer en contexte réel. […] Le futur enseignant doit maîtriser un vaste ensemble de contenus culturels afin de pouvoir rendre plus significatifs les apprentissages de ses élèves. Ces connaissances culturelles débordent largement le contenu disciplinaire proposé dans les programmes à enseigner (Gauthier et Mellouki, 2003, p. 48).

Selon Gauthier et Mellouki (2003), un des problèmes dans la formation à l’enseignement réside dans le fait que le modèle classique d’enseignement universitaire est plutôt de type magistral et basé sur la transmission de connaissances. Or, une approche par compétences exige des modifications des pratiques pédagogiques et des pratiques d’évaluation de la part des formateurs. La compétence professionnelle est, selon Legendre (2001, p.17), « nécessairement liée à ses contextes d’exploitation et aux conditions de son utilisation féconde ». En effet, selon Louis, Jutras et Hensler (1996, p.419), en plus d’être interne à la personne et d’intégrer des savoirs, des savoir-faire et des attitudes, la compétence professionnelle à l’enseignement « se manifeste dans des situations réelles de pratique d’enseignement à partir des attentes et de la demande d’un contexte de pratique donné ». En fait, dans une approche par compétence, le stagiaire se trouve dans un contexte où il doit agir, par exemple résoudre des problèmes ou prendre des décisions, le plus possible fondées sur des connaissances qu’il aura retenues de sa formation universitaire. Il doit mettre en œuvre ses connaissances dans des actions observables par une autre personne qui pourra l’évaluer. Mais selon Gauthier et Mellouki (2003), le défi le plus important que les universités ont à relever est d’établir des liens cohérents entre les différentes composantes de la formation : disciplinaire, psychopédagogique, didactique et pratique. Des rapports plus solides et permanents doivent alors être établis entre les universités et les milieux scolaires. D’ailleurs, à cet effet, Tardif (2006, p.114) suggère qu’il importe d’établir « une coopération et une interdépendance professionnelles des enseignants et des professeurs ». Une présence accrue des superviseurs universitaires dans les écoles pourrait contribuer à offrir un encadrement plus rigoureux des stagiaires et à favoriser le « partage des preuves [aux fins de l’évaluation] par l’équipe de formateurs » (Tardif, 2006, p.114).

Les étudiants en formation initiale doivent bénéficier d’un encadrement serré, être toujours accompagnés lors des stages; la philosophie et les mécanismes d’évaluation de leur compétence théorique et pratique doivent être réexaminés en fonction des nouveaux contextes, des approches et des pratiques de l’enseignement dans les écoles (Gauthier et Mellouki, 2003, p.85).

Mais sur quelle base sont accompagnés les stagiaires? Dans les années 90, la formation des enseignants a connu des changements importants signalés dans l’énoncé de politique éducative intitulé « L’école, tout un programme » (MEQ, 1997). Le MEQ recommande alors que la formation initiale doive dorénavant reposer sur un dispositif ajusté aux changements majeurs entraînés par la réforme scolaire (MEQ, 1997). C’est grâce à une volonté ministérielle qu’ont été élaborées les douze compétences professionnelles qui font aujourd’hui office de cadre de référence à la formation pratique. Ces compétences prennent appui sur les lignes directrices de la réforme scolaire au Québec.

Même si la formation des enseignants avait déjà connu des changements importants au cours des années 90, il n’en demeurait pas moins que les programmes de formation des futurs enseignants ne pouvaient ignorer les transformations en cours dans le système d’éducation avec lesquelles ils devaient être harmonisés afin d’être mieux adaptés aux réalités qui définiront le monde scolaire pour les années à venir. Il fallait donc revoir et actualiser, au besoin, les orientations de la formation à l’enseignement. C’est dans cet esprit que le Ministère a publié une nouvelle politique de la formation des maîtres intitulée La formation à l’enseignement. Les orientations, les compétences professionnelles (MEQ, 2001) (Gauthier et Mellouki, 2003, p.47).

Ces compétences professionnelles ont entre autres pour but de documenter et d’offrir un profil de sortie aux futurs enseignants quant à leur pratique professionnelle (MEQ, 2001). Touchant les diverses dimensions de la profession enseignante, elles servent

de repère d’évaluation en formation pratique. Les douze compétences professionnelles, tirées du guide « La formation à l’enseignement » (MEQ, 2001, p.59), sont réparties en quatre catégories distinctes telles que présentées au tableau 2 et permettent de structurer une formation qui tend à couvrir tous les aspects de la profession.

Tableau 2 Compétences professionnelles (MEQ, 2001, p. 59)

Tout d’abord, deux compétences constituent les fondements de la profession enseignante et transcendent l’ensemble des compétences professionnelles, soit la compétence liée au développement de la culture (comp.1), également au cœur du Programme de formation de l’école québécoise actuel, et la compétence visant le développement d’une communication orale et écrite de qualité (comp.2). Quatre compétences se retrouvent dans la catégorie de l’acte d’enseigner, soient les compétences à planifier (comp.3), à piloter (comp.4), à évaluer des situations d’enseignement-apprentissage (comp.5) et à gérer le mode de fonctionnement du groupe classe (comp.6). Un troisième regroupement, le contexte social et scolaire, tient compte des particularités des milieux d’intervention qui sont très diversifiés et inclut la compétence à adapter les interventions en fonction des élèves en difficulté (comp.7), la compétence à intégrer les technologies de l’information et de la communication à diverses fins (comp.8) et les compétences à coopérer soit avec les différents partenaires de la communauté et les parents (comp.9) ou avec l’équipe pédagogique (comp.10). Finalement, deux compétences permettent au stagiaire de se forger une identité professionnelle soit la compétence à s’engager dans une démarche d’analyse et de réflexion (comp.11) et la compétence à agir de façon éthique et responsable (comp.12).

Les compétences professionnelles, bien qu’interreliées et interdépendantes, sont généralement observées et évaluées indépendamment les unes des autres. Différents moyens sont mis en place afin d’accompagner les stagiaires dans le développement de ces dernières. Par exemple, pour les compétences liées au contexte social et scolaire (comp.7-8-9-10), des investigations autres que l’observation sont nécessaires afin d’en évaluer la progression (discussions avec le stagiaire, avec l’enseignant associé, avec la direction, analyses de pratique écrites…). La collaboration des acteurs du milieu scolaire est alors essentielle. Toutefois, certaines compétences sont observables en partie à chaque visite du superviseur telles que celles liées aux catégories des fondements de la profession enseignante (comp.1-2), de l’acte d’enseigner (comp. 3-4-5-6) et de l’identité professionnelle (comp. 11-12) étant

donné qu’elles sont au cœur même de la pratique et de l’analyse réflexive du stagiaire. Toutefois, en complément aux moyens déjà en place, pourrait-il être envisageable d’utiliser les technologies de l’information et de la communication afin de porter un jugement sur le développement de ces compétences professionnelles? Dans quel contexte serait-il approprié d’envisager une telle approche? Quels outils technologiques seraient à privilégier pour accompagner l’étudiant stagiaire dans le développement de sa compétence à planifier une situation d’enseignement- apprentissage, à piloter cette activité, à évaluer la progression de ses élèves ou à gérer le mode de fonctionnement de son groupe-classe? Quels outils technologiques permettraient au superviseur universitaire d’apprécier la manifestation ou la non manifestation de ces compétences en contexte de pratique? Quels seraient les outils technologiques à privilégier pour amener l’étudiant stagiaire à s’engager dans une démarche de développement professionnel et à réfléchir sur sa compétence à agir de façon éthique et responsable?

Partant du principe que, bien que parfois difficile à concrétiser, il soit recommandé que les différents acteurs de la supervision travaillent de concert à l’accompagnement et à l’encadrement des stagiaires (MELS, 2008), partant également du constat qu’il est possible d’évaluer le développement des compétences professionnelles dans un mode de supervision en présentiel, nous avons opté, comme il est décrit au chapitre 3, pour la mise en place d’un modèle de supervision en distanciel appuyé par les technologies. Cette approche se veut être le plus près possible de ce qui se fait en présentiel, espérant répondre en partie à un premier élément de la problématique soit celui de favoriser le travail collaboratif des différents acteurs de la formation pratique (Rivard et al., 2009; Tardif, 2006).