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 L’étude bibliométrique montre l’existence d’un champ de recherche unifié et homogène construit sur huit socles théoriques consolidant et justifiant une partie de la construction. Ces piliers théoriques trahissent le positionnement des articles citant Henderson et Venkatraman dans leur héritage intellectuel direct ce qui renforce les hypothèses et postulats initiaux.

 La recherche autour du concept d’alignement stratégique a opérationnalisé, validé et élargi le modèle initial sans remettre en question ses principes fondamentaux. Elle a ainsi renforcé son caractère prescriptif et normatif, sa perspective statique managériale et technique.

Conclusion

Ce premier chapitre montre combien le concept d’alignement stratégique des SI et le modèle qui lui est associé ont été utilisés dans la littérature pour devenir des références tant pour la recherche que pour les praticiens. Elle soulève certaines limites et critiques à ce concept construit sur des hypothèses et postulats hérités des théories en management stratégique des années 80.

Le SAM est un modèle descriptif à visée prescriptive de l’exploitation du potentiel stratégique des TI. Grâce à lui, les managers sont capables d’analyser l’influence conjointe des domaines technologiques sur les domaines d’affaires et d’évaluer la cohérence interne de leur organisation. Symétriquement, le modèle définit la configuration optimale de chaque domaine, l’alignement stratégique, se traduisant par un surcroît de performance. La reprise du modèle par la littérature en SI ces vingt dernières années a renforcé ce caractère prescriptif à tel point que le concept d’alignement est devenu une norme configurationnelle admise par la littérature et les praticiens (un truisme selon Ciborra). Ce caractère normatif s’est affirmé du fait des études qui ont confirmé le rapport positif entre alignement et performance de l’organisation. Cette relation s’est détachée des conditions dans lesquelles elle a été démontrée empiriquement (échantillon, test partiel du modèle, méthode d’opérationnalisation, etc.) et est devenu une norme en soi, une règle idéale de configuration organisationnelle. La reprise par les travaux ultérieurs aux publications d’origine a renforcé le caractère statique du modèle qui se manifeste par la seule analyse de l’état d’alignement stratégique. L’objet d’étude n’est pas la dynamique de l’alignement, c’est-à-dire les facteurs et les pratiques à l’origine d’une nécessité d’aligner l’organisation ou qui permettent justement d’atteindre le niveau d’alignement ciblé. Ici, l’objet est la finalité de l’alignement caractérisé par la mesure du niveau de cohérence entre les domaines à un moment donné. Paradoxalement, le SAP lui-même développe une lecture statique de l’organisation en considérant que l’alignement stratégique est le résultat d’alignements successifs de trois domaines, le quatrième étant figé tant qu’une cohérence suffisante des trois autres n’est pas atteinte. De la même manière, les travaux dynamiques construits sur le PEM évaluent la trajectoire d’états d’alignement et négligent l’étude des raisons et dynamiques à l’origine de ces évolutions.

Cette lecture statique véhicule une approche technique de l’alignement stratégique. Le modèle et ses développements, en considérant l’organisation comme un ensemble de domaines, cherchent à définir et à caractériser ces dimensions à l’aide de différents critères afin que les managers puissent les mesurer, les caractériser et tester leur cohérence mutuelle. Cette opérationnalisation des construits leur permet, au cas échéant, de définir des leviers d’action pour les aligner. L’organisation est appréhendée comme une somme de domaines sur lesquels agir selon le principe d’ajustement fin (fine tuning) en fonction des prescriptions données par le modèle.

Le SAM est clairement orienté vers les top-managers, soit les acteurs faisant le lien entre le modèle et son objet d’étude, l’entreprise. Ces managers prennent en charge l’application des prescriptions. S’ils respectent leurs rationalités, donc la rationalité du modèle, les organisations gagnent en performance. Par conséquent, l’ensemble de la littérature publiée autour du SAM renforce ce caractère managérial en s’intéressant presque exclusivement aux

top-managers, que ce soit les travaux visant à leur apporter des outils et à faciliter leur

appropriation du modèle en les détaillant (Maes, 2000 ; Maes et al., 2000 ; Avison et al., 2004), ceux décrivant sur les facteurs favorisant l’alignement (Reich et Benbasat, 1996, 2000, etc.) ou l’ensemble des études cherchant à renforcer la scientificité et la véracité du modèle. Par conséquent, la littérature constituée autour du SAM confirme, renforce et approfondi la triple hypothèse des développements d’origine : l’hypothèse de passivité des utilisateurs ; l’hypothèse de rationalité managériale ; et l’hypothèse ontologique stratégique.

D’aucuns soulignent que le SAM est difficilement appropriable par les managers car il ne reflète pas la complexité de l’environnement dans lequel ils évoluent, ni leurs considérations de terrain. Ils répondent à ces limites en approfondissant le modèle et en le complexifiant (Maes, 2000 ; Maes et al., 2000 ; Avison et al., 2004). Nous considérons qu’il est nécessaire de sortir des hypothèses et postulats du modèle pour adopter une approche ancrée dans les pratiques des acteurs qui nous permette de comprendre comment l’alignement se fait plutôt que de simplement mesurer ce qu’il est. Nous soutenons que la voix managériale implicitement mise en avant dans les différents modèles n’est pas suffisante pour appréhender la complexité des organisations en général, et des SI en particulier. Il convient de s’inscrire dans une perspective qui respecte le caractère technique et social des systèmes d’information et implique les différentes parties prenantes constitutives des SI dans une approche résolument dynamique