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Différents travaux, principalement développés par Reich et Benbasat au travers de plusieurs études communes (1994, 1996, 2000) ou résultant d’autres collaborations (Reich et Kaarst-Brown, 2003 ; Hartung, Reich et Benbasat, 2000), s’intéressent à ce qu’ils appellent les dimensions sociales de l’alignement. Reich et Benbasat (1994, 1996, 2000) identifient à la suite d’Horovitz (1984) deux dimensions à l’alignement stratégique des systèmes d’information, la dimension intellectuelle et la dimension sociale.

 La dimension intellectuelle

La dimension intellectuelle correspond à la pertinence des plans définis en termes TI et

business dans une perspective d’alignement stratégique (Reich et Benbasat, 1996, 2000). Elle

est axée sur le contenu de l’alignement stratégique et l’appréhende comme un résultat (outcome) qui doit être :

intrinsèquement cohérent : la mission, les objectifs et le design des TI sont cohérents

avec les objectifs définis par la stratégie d’affaires ;

extrinsèquement valide : les conséquences de la planification TI et de la planification

d’affaires doivent prendre en compte les contingences environnementales du TI et des affaires.

Reich et Benbasat (2000) définissent ainsi la dimension intellectuelle de l’alignement comme « l’état dans lequel un grand nombre de plans d’affaires ou de plans TI sont correctement

interreliés » (p.1). La dimension intellectuelle recouvre donc l’ensemble des développements

autour de la modélisation de l’alignement stratégique qui permettent d’aider à la constitution de plans TI et d’affaires cohérents.

L’alignement intellectuel est garanti par les prescriptions des modèles d’alignement stratégique et correspond à l’approche technique concernant les dimensions à paramétrer pour assurer leur cohérence mutuelle.

 La dimension sociale de l’alignement

« La dimension sociale renvoie aux facteurs comme le choix des acteurs, leur degré

d’engagement, ainsi que les méthodes de communication et de prise de décision. (…) la dimension sociale du lien est l’état dans lequel les cadres d’affaires et SI dans une unité organisationnelle se comprennent et que tous soient impliqués et engagés aux missions, objectifs et planifications des autres »54. (Reich et Benbasat, 1996 : p.58).

La dimension sociale est d’autant plus forte que les cadres d’affaires comprennent les objectifs et la planification TI et vice versa. Elle se mesure par la compréhension mutuelle des parties mais également par l’engagement des uns par rapport aux autres. Reich et Benbasat (2000) citent l’étude de Taylor-Cummings (1998) montrant que le fossé culturel (« culture

gap ») entre les individus SI et business est une donnée essentielle dans l’échec de

développement de systèmes. On retrouve cette idée dans l’article de Galliers, Merali et Spearing (1993) lorsqu’ils s’intéressent aux problématiques les plus importantes pour les managers SI et non-SI.

Réciproquement, d’autres études montrent l’importance de cette dimension pour la détermination de stratégies. Elle permet :

 une meilleure prise en compte de l’incertitude environnementale (Mintzberg, 1993) ;

un meilleur alignement du business et du TI (Reich et Benbasat, 2000) ;

 une facilitation de l’action collective (Leana et Van Buren, 1999).

Pour la caractériser, Nahapiet et Goshal (1998) lui attribuent trois dimensions :

54

« The social dimension refers to factors such as the choice of actors, their degree of involvement, and the

methods of communication and decision making. (…) The social dimension is the state in which business and IS executives in an organizational unit understand and are committed to each other's mission, objectives, and plans. » (Reich et Benbasat, 1996: p. 58)

une dimension structurelle : elle correspond au réseau, aux interrelations entre les acteurs

TI et business (Reich et Benbasat, 1996, 2000) ;

une dimension cognitive : elle traite du contenu du capital social (codes, langage) ;

une dimension relationnelle : elle s’appuie sur ce qui permet au réseau d’être consolidé

(confiance, normes, obligations et identification).

Preston et Karahanna (2009a, b) confirment l’importance de la compréhension mutuelle entre les DSI et les top-managers d’affaires sur le niveau d’alignement stratégique. Plus les DSI et

top managers d’affaires ont un langage et des connaissances partagés, plus la compréhension

mutuelle est importante et le niveau d’alignement élevé. Ils précisent également, dans la lignée d’Armstrong et Sambamurthy (1999), que l’amélioration des connaissances mutuelles est d’autant plus forte qu’elle se fait au travers d’interactions formelles.

Reich et Kaarst-Brown (2003) montrent de leur côté que l’alignement intellectuel et l’alignement social sont interreliés puisqu’ils soutiennent que c’est le capital social qui facilite, via deux processus identifiés par Nahapiet et Goshal (1998), la création du capital intellectuel. La dimension sociale de ne doit pas être négligée dans l’analyse et joue le rôle de variable modératrice à l’alignement stratégique et au modèle SAM.

Avison et al. (2004) ou Kearns et Lederer (2000, 2003) confirment l’importance de l’alignement humain et de la communication entre les dimensions business et SI d’une entreprise. En effet, la non-connaissance mutuelle est la cause de l’échec dans la création de valeur induite par un investissement TI (Henderson et Venkatraman, 1993). Par conséquent, les managers SI et business doivent partager les responsabilités des investissements SI. Papp et Luftman (1995) font remarquer, d’après une étude sur plus de 300 entreprises, qu’une faible communication entre les managers SI et les dirigeants d’affaires inhibe la capacité d’alignement de l’organisation.

Earl (1993) ou Teo et King (1997) dressent une liste de facteurs à l’origine de problèmes d’alignement stratégique. Ceux-ci sont liés à un manque d’implication des managers (Baets, 1996), à la présence d’inhibiteurs dans l’organisation (King et Teo, 1994) et à la non-considération des organisations du potentiel stratégique des TI (Boynton, Zmud et Jacobs, 1994).

Dans ce contexte, un non-alignement correspond à une situation dans laquelle la perception de l’impact positif de la stratégie SI sur la stratégie d’affaires n’est pas partagée (Kearns et Lederer, 2000). Ce partage de connaissance est une condition à la création d’un avantage concurrentiel car elle réduit le temps nécessaire à la constitution de l’alignement. Ce point est d’autant plus vrai qu’un décalage entre la stratégie annoncée et la stratégie effective crée des ambiguïtés dans l’organisation (Campbell, 2004 ; Campbell et al., 2005). Pour les régler, les deux parties (SI et business) peuvent compter sur leur bonne volonté ou décider de se refermer sur elles-mêmes au détriment d’une nouvelle solution collaborative. Baker (2004) ajoute que l'alignement nécessite une culture collaborative à tous les niveaux dans l'organisation entre les deux domaines. Ils doivent être acteurs de l’alignement stratégique afin de dégager l’avantage compétitif voulu (Jarenpaa et Ives, 1990 ; Jarvenpaa et Ives, 1991 ; Dutta, 1996). Cette proximité peut être mesurée grâce à l’outil développé par Basselier, Benbasat et Reich (2004) ou par les facteurs déterminant une bonne relation PDG/DSI (Edwards, 2000).

Ces différentes études construites sur le concept d’alignement humain montrent que l’alignement stratégique n’est pas simplement une décision prise indépendamment d’après une rationalité froide par les managers SI ou business. Cette décision rationnelle ne doit être prise que si les conditions y sont favorables à savoir qu’il existe une conscience partagée de l’importance de la thématique de l’alignement stratégique entre les managers de ces deux perspectives organisationnelles.

En résumé, la recherche sur la dimension intellectuelle de l’alignement se focalise sur les personnes impliquées dans la création de l’alignement, alors que la recherche sur la dimension intellectuelle se concentre sur le contenu des plans et des méthodes.