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Résultats empiriques sur l’informalité et la

Part de l’informalité dans le marché du travail urbain en Argentine, au Brésil, au Chili et au Pérou (en %) ; 2006-

1.1.5. Résultats empiriques sur l’informalité et la

segmentation des revenus

Les résultats obtenus grâce aux méthodes paramétriques et non paramétriques (détail- lées dans la section 1.1.2) sont présentés dans cette section. En particulier, le tableau A3 (en annexe) montre les écarts de revenus obte- nus par la méthode des MCO pour l’ensem- ble des travailleurs. Ces chiffres correspondent à des variables muettes qui identifient l’infor- malité (emploi informel et ESI) dans les équa- tions de revenus. La variable dépendante est

[ 11 ] Les informels font référence à la fois à l’EI et à l’ESI. De la même manière, les formels font référence au groupe d’EF et d’ESF.

alternativement le revenu mensuel ou horaire. L’intégralité des régressions est présentée dans le tableau A4 en annexe.

Une pénalité statistiquement significative due à l’informalité est vérifiée dans les quatre pays, à la fois en tant que travailleur informel (emploi informel) et employé du secteur in- fo r m e l ( e m p l o i i nfo r m e l ) . Le s é c a r t s s o nt plus conséquents entre les revenus mensuels qu’entre les revenus horaires. Cela indique que les travailleurs informels perçoivent de plus faibles rémunérations non seulement à cause d’un plus faible revenu horaire, mais aussi parce qu’ils travaillent moins d’heures. Au-delà de ce tableau général, la magnitude de l’écart diffère clairement suivant le pays. Plus précisément, l’écart des revenus du tra- vail mensuels entre emploi informel et emploi formel est de près de 66 % en Argentine, 32 % au Pérou, 25 % au Brésil et 10 % au Chili. Les écarts de revenus du travail deviennent également statistiquement significatifs lorsque l’on compare la situation des travailleurs des secteurs informel et formel. Cependant, à l’exception du Pérou, un écart plus étroit est observé dans ce cas, indiquant ainsi que l’informalité évaluée sous l’angle de la rela- tion au travail (emploi informel) semble plus importante que l’informalité mesurée par l’« approche productive » (ESI). Dans ce cas, la pénalité subie par le revenu du travail men- suel est de 48 % en Argentine, 39 % au Pérou, 18 % au Brésil et 1 % au Chili. Dans ce dernier cas, l’écart entre ESI et ESF semble apparaître seulement à cause du nombre d’heures travail- lées car l’écart s'inverse s’agissant du revenu horaire.

Comme mentionné précédemment, les MCO évaluent les effets des covariables unique- ment à la moyenne d’une distribution condi- tionnelle. Pour cette raison, il est intéressant de connaître, en complément, l’effet de ces covariables pour l’ensemble de la distribution conditionnelle de revenus. À cette fin, des ré- gressions quantiles sont appliquées à la fois aux revenus du travail mensuels et horaires. Les résultats montrés dans le tableau A5 et dans le graphique A1 (en annexe)[ 12 ]suggè-

rent que l’écart attribué à l’informalité n’est pas constant sur l’ensemble de la distribution de revenus mais qu’il est plus élevé à l'extré- mité basse. Qui plus est, au Chili et au Brésil, la différence se renverse au sommet de la distri- bution conditionnelle. Ce résultat se vérifie tant pour les revenus mensuels qu’horaires. Des découvertes très intéressantes émergent de la décomposition des différences de re- venus mensuels obtenue en appliquant la procédure d’Oaxaca-Blinder pour les deux approches de l’informalité (tableau A6 en annexe). Premièrement, dans tous les cas, la différence globale des revenus moyens est nettement plus marquée que celle trouvée à l’aide des MCO et des RQ. Ensuite, lorsque cette différence est décomposée avec les trois composantes susmentionnées, l’« effet de coefficient » est, dans tous les cas, statistique- ment significatif et négatif. Par conséquent, l’hypothèse de segmentation se vérifie à nou- veau, indiquant ainsi qu’à attributs égaux, un travailleur informel (ou d'un travailleur du sec- teur informel) perçoit un salaire inférieur à celui d'un travailleur formel similaire (ou un travail- leur du secteur formel). Cependant, dans tous les cas (à l’exception du Chili lorsque l’on com-

pare le secteur formel et le secteur informel), l’écart de salaire semble être plus faible que celui obtenu viala valeur de la variable muet- te de l’informalité dans les régressions par MCO. Troisièmement, l’« effet de dotations » se révèle aussi significatif et négatif. Cet effet est, la plupart du temps, le facteur expliquant le plus l’écart de revenus. Ceci reflète le fait que les travailleurs formels (travailleurs du secteur formel) ont un vecteur de caractéris- tiques plus favorable que celui des travailleurs informels (travailleurs du secteur informel), comme décrit dans la section précédente. Spécifiquement, il a été démontré que les formels ont davantage de capital humain et une plus faible proportion de femmes, qui sont généralement discriminées sur le marché du travail et perçoivent donc de plus faibles sa- laires que les hommes à attributs équivalents. Ainsi, les écarts totaux de revenus du travail entre formels et informels s’expliquent non seulement parce que les premiers ont un vecteur de dotations plus favorable, mais aussi parce que les rendements de leurs attributs sont plus élevés que ceux des informels. L’estimation des écarts de revenu moyen confirme également que l’informalité a un effet indépendant négatif sur les revenus du travail mensuels. Comme l’indique le tableau A7 (en annexe), l’écart entre travailleurs infor- mels et formels est de 70 % en Argentine, 64 % au Pérou, 29 % au Brésil et 11 % au Chili. Enfin, les estimations non paramétriques basées sur la méthode des estimateurs ap- pariés (tableau A8 en annexe) sont cohéren- tes avec les résultats précédents et confirment, une fois de plus, l’existence d’une pénalité pour l’informalité. Spécifiquement, la valeur de l’ATT est, dans tous les cas, significative et négative, même lorsque la magnitude des dif-

férences tend à dépasser celle trouvée par le biais des précédentes méthodes.

Aussi, conformément aux résultats précédents, les écarts de revenus semblent plus impor- tants en Argentine et au Pérou qu’au Brésil et au Chili. Il s’agit d’un résultat important car il semble ne pas être complètement lié à la taille de l’informalité. En particulier, même s’il est possible de penser que le plus grand écart de salaires au Pérou et le plus faible écart de salaires au Chili seraient la conséquence d’une relation directe entre le poids relatif de l’infor- malité et la magnitude de l’écart de salaires, il semble que cela ne soit pas le cas en Argen- tine et au Brésil, où la part du secteur informel est très similaire dans les deux pays mais où la pénalité est sensiblement plus forte chez le premier que chez le dernier.

Jusqu’à présent, les écarts ont été étudiés pour une informalité définie selon deux approches (« approche productive » et « approche du travail »). Cependant, il pourrait se produire le cas où ces deux dimensions convergeraient pour la détermination des revenus du travail, ce qui rendrait plus difficile l’identification de l’impact propre de chacune d’entre elles. Par exemple, la pénalité subie par les travail- leurs informels pourrait être due au fait qu’une large proportion d’entre eux travaille d a n s l e secteur informel, comme montré précédem- ment. Dans ce cas, une faible productivité – et non la relation au travail – pourrait être le facteur déterminant les faibles salaires. Il pourrait également s’agir que les travailleurs du secteur formel perçoivent de meilleurs sa- laires parce que ce secteur compte u n e p l u s forte proportion de travailleurs formels. À son tour, ceci pourrait être une conséquence de certaines réglementations du travail comme, par exemple, les salaires minima légaux ou les conventions collectives, qui sont moins

susceptibles d’être observées dans le cas des travailleurs informels.

Afin d’évaluer l’effet indépendant de chaque dimension, des régressions par MCO ont été réalisées pour les revenus mensuels, mais en intégrant cette fois toutes les catégories dé- coulant de la combinaison des deux appro- ches. Le groupe de référence se compose de travailleurs formels du secteur formel. Com- me l’indique le tableau A9 (en annexe), en Argentine, toutes les catégories souffrent d’un pénalité par rapport à ces travailleurs. Il est aussi possible d’observer que la relation au travail est plus pertinente que le secteur lui-même dans les différences de revenus du travail.

Le Chili et le Brésil présentent des résultats similaires. Dans ces pays, les écarts obtenus sont aussi plus importants entre les travail- leurs informels et formels qu’entre les tra- vailleurs des secteurs informel et formel. Pourtant, et en cohérence avec les résultats précédents, ces écarts ne sont pas aussi forts qu’en Argentine. En outre, les travailleurs non salariés informels perçoivent, au Chili, des revenus plus élevés que ceux du groupe de référence. De même, tant au Chili qu’au Brésil, les travailleurs non salariés formels perçoivent les plus fortes rémunérations.

Comme en Argentine, les travailleurs formels du secteur formel bénéficient, au Pérou, des plus hauts salaires. Cependant, s’agissant des salariés, le secteur (formel/informel) semble être un élément moins important que la re- lation au travail. Enfin, dans tous les cas, les deux dimensions se combinent de telle sorte à produire de plus grandes différences de revenus que celles correspondant à chaque dimension séparément, avec le groupe des travailleurs informels du secteur informel

obtenant les plus faibles revenus (lorsque l’on contrôle toutes les autres caractéristiques). Par conséquent, les différentes estimations (paramétriques et non paramétriques) dé- m o nt re nt l ’ ex i ste n ce d ’ é c a r t s d e reve n u s significatifs favorables à la formalité qui ne peuvent s’expliquer par des différences dans les attributs observés des travailleurs. Cela nous conduit à la conclusion qu’il existe une segmentation de revenus associée à l’infor- malité dans les quatre pays étudiés.

La question posée est de savoir quels élé- ments peuvent expliquer les différences de magnitude de l’écart de revenus entre les pays et, surtout, l’écart de salaires entre salariés (déclarés ou non) dans le secteur formel. Une hypothèse pourrait lier ces résultats au rôle du régime du travail, comme le salaire minimum, les conventions collectives ou les syndicats. Plus spécifiquement, la différence entre salariés déclarés et non déclarés pourrait dépendre positivement de la contrainte exercée par ces modalités du travail. Aussi longtemps que le salaire minimum demeure relativement élevé en comparaison avec les salaires moyens, ou que le pouvoir de négociation des syndicats est puissant, cela pourrait engendrer un écart de salaires plus élevé entre les travailleurs, selon qu’ils soient soumis ou non à ces modalités. En complément, ces résultats pourraient être affectés par des variables non observables et ainsi non prises en compte dans ces esti- mations. Par exemple, divers avantages non monétaires compensant les faibles salaires liés à l’informalité pourraient exister, rendant ainsi ces emplois plus attractifs pour certains indi- vidus. Toutefois, étant donné qu’un lien étroit semble exister entre informalité et pauvreté (comme démontré dans la section précé- dente et de nouveau vérifié dans la suivante),

les arguments suggérant que l’informalité serait un choix délibéré des travailleurs n’est probablement pas applicable à tous les tra- vailleurs dans cette région. Au contraire, le taux élevé de chômage et la précarité du travail enregistrés par ces pays suggèrent que l’entrée dans l’informalité pourrait constituer la seule perspective pour un grand nombre de personnes.

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