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Correction de la sélectivité du traitement selon des variables

observables : l’appariement

Estimation de la probabilité d'obtenir le CEP

Le tableau F2 (en annexe) récapitule les résul- tats de l’estimation des déterminants de la possession du CEP. Quel que soit le segment, les statistiques sur la qualité du modèle sont satisfaisantes. Dans l’informel non agricole 44 % de la variabilité est expliquée par le modèle contre 27 % dans le secteur agricole. De plus, le modèle est capable d'affecter au moins 83 % des individus dans leur catégorie observée.

La principale variable relative au père du tra- vailleur, qui explique le parcours scolaire d’un travailleur du secteur informel au Cameroun, est son niveau d’instruction. En effet, un enfant dont le père a fréquenté l’école primaire a quatre fois plus de change d’obtenir le CEP qu’un enfant dont le père n’a jamais été sco- larisé. Ce rapport de chances passe à plus de sept si ce dernier est comparé à un travailleur dont le père a suivi le cycle secondaire. Pour les travailleurs du secteur informel non agri- cole, le secteur institutionnel et la branche d’activité du père ont aussi influencé leur fré- quentation scolaire : leurs parents travaillaient en majorité dans le secteur informel et étaient moins rémunérés que ceux du secteur formel. Ils ne disposaient donc pas de suffisamment de ressources financières pour payer la scolarité de leurs enfants.

Les caractéristiques individuelles, telles que l’âge, le sexe, la religion et le lieu de naissance, ont également influé sur la probabilité d'ob- tenir le CEP. Quel que soit le segment, l'effet de l'âge est concave, avec un maximum atteint autour de 32 ans. Autrement dit : un enfant né autour de 1971 avait plus de chance d'obtenir

le CEP qu'un enfant né avant ou après. Les individus nés dans les zones rurales avaient moins de chance d’obtenir le CEP que ceux nés dans les zones urbaines (chef lieu de pro- vince de département ou d’arrondissement) ; ils étaient en général « employés » comme main-d’œuvre pour les travaux champêtres. Ce constat contribue à montrer l'effet négatif du travail des enfants sur leur l'éducation. Enfin, les hommes ont eu au moins deux fois plus de chances d’obtenir le CEP que les fem- mes, du fait des discriminations liées au genre et de certaines traditions qui entravent encore l’éducation de la jeune fille camerounaise.

Distribution du score de propension et étude du support commun

À partir des variables ayant servi à modéliser la probabilité d’obtenir le CEP, nous avons mis en œuvre l’algorithme d’Ichino et Becker (2002) pour identifier les variables permet- tant d’obtenir un score vérifiant la propriété d’équilibre. Les résultats montent que, quel que soit le segment, toutes les variables initia- lement choisies sont équilibrées au seuil 0,1 % ; ces variables ont donc ont été maintenues dans le calcul du score de propension. Le score de propension est donc simplement la probabilité prédite d’obtenir le CEP calcu- lée à partir du modèle précédent. Les indivi- dus sont appariés en respectant leur segment : informel non agricole et informel agricole. Avant l’appariement, il convient d’analyser le spectre des distributions du score selon les deux groupes (traités et non traités) afin d’identifier les individus appartenant au sup- port commun.

Le support commun a été déterminé à partir de la « règle du min-max », qui consiste à comparer les valeurs minimale et maximale du score dans les deux groupes (traités et non

traités). Les individus qui sont sur le support commun sont ceux dont le score est supé- rieur ou égal au maximum des valeurs mini- males, et inférieur ou égal au minimum des maxima. L’application de cette règle montre que, quel que soit le secteur institutionnel, plus de 95 % des individus sont sur le support commun. Les individus des deux groupes pré- sentent donc des caractéristiques proches au regard des variables observables.

Appariement

Nous avons testé deux méthodes d’apparie- ment : l’appariement un-à-un avec remise et les appariements basés sur les noyaux d'Epa- nechnikov. Ces deux méthodes ont été implé- mentées sur le support commun (l’inclusion les individus hors du support biaisant les esti- mations). Si ces deux techniques permettent effectivement de réduire les différences entre les caractéristiques moyennes des groupes de traitement et de contrôle, celles basées sur les noyaux sont plus efficaces car elles rappro- chent mieux les deux groupes au regard des caractéristiques moyennes (tableaux F3 et F4 en annexes).

À titre d’exemple : en considérant le segment agricole, nous remarquons qu’avec l’appa- riement un-à-un, les caractéristiques moyen- nes du groupe de traitement et du groupe de contrôle sont significativement différentes en ce qui concerne les variables Chrétien, Cadre, Commerce/Industrie.En revanche, avec les appariements basés sur les noyaux d’Epane- chnikov, aucune caractéristique moyenne n’est significativement différente dans les deux groupes. Par ailleurs, quel que soit le segment, on ne note pas une différence majeure de l’ef- fet moyen de l'éducation dans la population des travailleurs éduqués lorsque l’on fait varier la fenêtre h entre 0,04 et 0,08. Nous avons

finalement retenu la fenêtre h = 0,06 ; cette valeur a aussi été utilisée par Blundell et al.,

(2001).

Le tableau F5 (en annexe), qui présente les effets de traitement obtenus après l'apparie- ment, montre que les rendements de l’édu- cation primaire chez les travailleurs du secteur informel au Cameroun sont considérables et significatifs au seuil 1 %. Ces rendements sont plus faibles que ceux obtenus avec la méthode naïve, qui est biaisée.

Dans le segment non agricole, l’effet du CEP sur le revenu horaire des travailleurs est es- timé à 20 %. Autrement dit, si ces travailleurs n’avaient pas achevé leur scolarité primaire avec succès, leurs revenus seraient inférieurs de 20 % à ce qu’ils gagnent actuellement. Par ailleurs, si les travailleurs de ce segment n'ayant pas le CEP l'avaient obtenu, leurs revenus en seraient revalorisés de 23 %. Donc, si les tra- vailleurs ne disposant pas du CEP retour- naient à l'école et obtenaient ce diplôme, l'im- pact sur leurs revenus serait au moins égal à celui de la formation initialement reçue par les travailleurs actuellement diplômés (à supposer que l'âge auquel le diplôme est obtenu n'influe pas sur l'effet du traitement). Les bénéfices moyens de l’éducation de base sur l'ensemble des travailleurs du secteur infor- mel non agricole sont augmentation de 21 % des revenus.

Dans le segment agricole, les rendements de l’éducation sont encore plus importants : ceux de l’enseignement primaire sur les revenus des travailleurs titulaires du CEP sont de 28 %, tandis que les travailleurs non diplômés du CEP auraient perçu un revenu supérieur de 25 % s'ils avaient été diplômés. L’effet moyen du CEP sur les revenus des travailleurs du sec- teur agricole est estimé à 26 %.

L’éducation de base joue donc un rôle impor- tant sur les revenus des travailleurs du secteur informel au Cameroun, ce qui montre bien l’importance du capital humain sur le niveau des revenus, la réduction de la pauvreté et la croissance économique.

Correction de la sélectivité du traitement selon les variables inobservables

Le modèle révèle deux résultats importants (voir tableau F6 en annexe). Premièrement, il souligne l’existence d’un biais induit par les inobservables puisque, quel que soit le seg- ment, la variable qui capte l’action de ces vari- ables est significative au seuil 1 %. Son signe négatif indique cependant une influence né- gative des inobservables sur les revenus des travailleurs. Deuxièmement, le fait d’avoir reçu une éducation de base influe significativement (au seuil 1 %) sur les revenus des travailleurs du secteur informel : l’effet moyen du CEP est estimé à 22 % dans le segment non agricole et à 28 % dans le segment agricole. Ces effets sont proches de ceux obtenus avec le modèle d’appariement mais significativement infé- rieurs aux valeurs obtenues avec le modèle naïf, qui surestime les paramètres.

Effet du premier cycle d’enseignement secondaire sur les travailleurs du secteur informel

Avec la même méthodologie, nous analysons à présent l’effet de l’obtention du BEPC sur les travailleurs du secteur informel. Ici, le groupe de traitement est constitué des travailleurs du secteur informel titulaires du BEPC ou d’un diplôme supérieur, et le groupe de contrôle regroupe les travailleurs ayant simplement le CEP. Ceci nous permet d’évaluer l’impact net du premier cycle d’enseignement secondaire sur les revenus de ces travailleurs. Nous ap- pliquons la méthode d’appariement basée sur

le noyau d'Epanechnikov (en prenant la fe- nêtre h= 0,06) et nous implémentons aussi le modèle de sélection sur les inobservables.

Sélection sur les observables

Les variables observables que nous considé- rons dans la construction du score de pro- pension sont les même que celles qui ont été utilisées dans l’estimation de la probabilité d’obtenir le CEP. Ce score apprécie la proba- bilité d’avoir obtenu le BEPC conditionnel- lement à la possession du CEP. Les estimations relatives sont présentées en annexes (tableau F7, graphiques F1 et F2). L’examen des spec- tres des scores montre que, dans le segment non agricole, 99,6 % d’individus sont sur le support commun (contre 96,5 % dans le seg- ment agricole).

L’appariement montre que les bénéfices du BEPC sur les revenus des travailleurs du sec- teur informel non agricole qui le possèdent sont estimés à 33 % (tableau F8 en annexe). D’autre part, si les travailleurs qui ont le CEP retournent à l’école et obtiennent le BEPC, il en résultera une augmentation de leurs reve- nus de 30 % (en supposant que l’âge auquel le diplôme est obtenu n'influe pas sur les béné- fices qu’il procure). L’effet moyen du premier cycle d’enseignement secondaire sur les tra- vailleurs du secteur informel non agricole ayant le CEP est estimé à 31 %. Dans le segment agricole, par contre, l’effet du BEPC sur les revenus des travailleurs serait très faible, presque nul, car aucun des trois paramètres n’est significatif.

Sélection sur les inobservables

Le modèle se sélection sur inobservables se justifie dans les deux secteurs puisque le ratio inverse de Mills (Lambda) est significatif au

seuil 1 %, ce qui confirme l’existence de vari- ables inobservables affectant à la fois la pos- session du BEPC et le revenu. Plusieurs varia- bles de contrôle relatives à l’expérience po- tentielle, à la religion et au statut matrimonial ne sont pas significatives mais, l’exclusion de ces variables ne change pas significativement les autres coefficients.

Dans le secteur informel non agricole, la vari- able BEPC (qui traduit la possession ou non du diplôme) est significative au seuil 1 % et indi- que des rendements moyens de ce diplôme sur les revenus des travailleurs du secteur informel non agricole de l’ordre de 31 % (tableau F9 en annexe). En revanche, dans le secteur informel agricole, cette variable n’est pas significative. Ainsi, la possession du BEPC n’aurait aucun impact sur les revenus des tra- vailleurs exerçant dans le secteur agricole. Les résultats du modèle de sélection sur inobser- vables convergent donc avec ceux obtenus avec la méthode d’appariement.

Sélection à l'entrée du secteur informel – déterminants de l’allocation sectorielle

Nous testons maintenant la sélection à l’en- trée du secteur informel, les équations de gains précédentes ayant été estimées sur ces seuls travailleurs, en ignorant l’existence du secteur formel. Elles peuvent de ce fait être biaisées. Nous recherchons ensuite les déterminants de l’allocation sectorielle. L’échantillon con- sidéré ici est l’ensemble des personnes poten- tiellement actives (âgées de 15 ans et plus) interviewées lors de l’opération EESI.

Test de la sélection à l'entrée au secteur informel

Les résultats du test (voir tableau F10 en annexe) montrent que l’inverse du ratio de Mills (Lambda)[ 44 ]

est significatif et positif dans

les équations des segments du secteur formel (public et privé) ; il est négatif dans les équa- tions du secteur informel. Mais dans le secteur non agricole, cette variable n’est pas signifi- cative, même au seuil 10 %. Dans le secteur formel (public ou privé), les caractéristiques non observées affectant l’orientation secto- rielle de l’individu influencent donc positive- ment sa productivité une fois qu’il intègre ce secteur. Ces caractéristiques jouent néga- tivement sur les revenus potentiels des tra- vailleurs du segment agricole, et n’ont aucun impact dans le segment non agricole. Ainsi, les travailleurs camerounais exerçant dans le sec- teur informel n’ont pas fait ce choix pour ma- ximiser leurs revenus potentiels, comme cela aurait été le cas dans un marché concurren- tiel. Ils s’y retrouvent donc malgré eux, faute d’avoir pu intégrer le secteur formel.

Déterminants de l’allocation sectorielle

Le modèle d’allocation sectorielle présenté en annexe (tableau F11) montre que le test de spécification de Hausman et McFadden (1984) indiquant la probabilité de rejeter l'hypothèse nulle (d’indépendance vis-à-vis des alternati- ves non pertinentes) à tort est significatif à 1 %. Autrement dit : l'allocation sectorielle se fait « en cascade ». L'individu en âge de travailler choisit d'abord de participer au marché du travail ou d'être inactif. Puis les actifs sont divisés entre les chômeurs et les travailleurs de chaque segment.

On remarque que les variables relatives au contexte familial jouent un rôle prépondérant dans la décision des individus de participer (ou pas) au marché du travail. Les responsabi- lités familiales appréhendées par le nombre d’enfants en bas âge et le statut de chef de ménage encouragent les individus à chercher un emploi. A contrario,la présence de person- nes inactives dans le ménage influence très négativement les chances de ses membres d‘intégrer le monde du travail. L’engagement des individus dans le secteur informel est aussi déterminé par les variables relatives au con- texte familial. L’effet de ces variables sur la pro- babilité d’intégrer le marché du travail a aussi été mis en évidence par El Aynaoui (1998), dans le contexte marocain.

L’éducation joue un rôle fondamental sur la situation professionnelle des personnes acti- ves : la probabilité d’être chômeur augmente avec le niveau d’instruction, les personnes qualifiées préférant rester au chômage plutôt que de s’engager dans un secteur informel caractérisé par une précarité des emplois et de faibles rémunérations. De plus, la probabi- lité d’intégrer les segments formels augmente fortement avec le niveau d’instruction. On constate donc le phénomène contraire dans les segments informels : la probabilité de s’y retrouver décroît avec le niveau d’instruction.

Cette étude a analysé les rendements de l’édu- cation sur les travailleurs du secteur informel au Cameroun. Il s’est agi d’appliquer les mé- thodes d’appariement sur observables et les modèles de sélection sur inobservables pour apprécier les effets de l’enseignement de base sur les revenus des personnes exerçant dans le secteur informel (non agricole et agricole). L’étude a aussi analysé les bénéfices du pre- mier cycle de l’enseignement secondaire sur ces travailleurs.

Les résultats obtenus avec les deux méthodes sont convergents et confirment l’impact posi- tif de l’éducation sur les revenus des travail- leurs du secteur informel. Les bénéfices in- duits par l’achèvement de l’enseignement de base avec succès (possession du CEP) sont estimés à 20 % dans le secteur informel non agricole et à 28 % dans secteur informel agri- cole. En outre, si les travailleurs actuellement non qualifiés retournent à l’école et obtien- nent le CEP (ou un diplôme équivalent), il en résultera une augmentation de leurs revenus de 22 % à 25 % (en supposant que l’âge auquel le diplôme est obtenu n’influe pas sur les bé- néficies potentiels qu’il procure).

Les effets de l’achèvement du premier cycle de l’enseignement secondaire sur les revenus des travailleurs du secteur informel non agri- cole sont encore plus importants. En effet, la possession du BEPC contribue à augmenter de 33 % le revenu, tandis que le manque à gagner des travailleurs qui se sont arrêtés au CEP se situe à 30 %. L’effet moyen du BEPC sur les revenus des travailleurs du secteur in- formel non agricole est évalué à 31 %. Il sem- ble cependant que, dans le segment agricole,

les rendements de ce diplôme seraient nuls. Toutefois, ce résultat devrait être confirmé par d’autres études.

Par ailleurs, le test de sélection à l’entrée du secteur informel a révélé l’existence d’un biais de sélectivité affectant les résultats du secteur informel agricole, ce qui n’est pas le cas pour les résultats du secteur non agricole. Ce test a aussi montré que les travailleurs camerounais exerçant dans le secteur informel ne faisaient pas ce choix pour maximiser leurs revenus po- tentiels, comme cela aurait été le cas dans un marché concurrentiel : ils s’y retrouvent malgré eux, faute d’avoir pu intégrer le secteur formel. L’éducation joue un rôle fondamental dans la situation professionnelle des personnes actives. Les probabilités d’être chômeur et d’intégrer le secteur formel augmentent avec le niveau d’instruction ; au contraire la proba- bilité d’intégrer le secteur informel diminue avec le niveau d’instruction. L’insertion dans ce secteur est principalement déterminée par le contexte familial.

En somme, l’étude met donc en lumière le rôle fondamental de l’éducation de base et du premier cycle d’enseignement secondaire dans le secteur informel au Cameroun (avec des rendements individuels variables). Il s’agit donc de promouvoir une plus grande accessi- bilité à l’éducation, au moins jusqu’au premier cycle de l’éducation secondaire. Le gouver- nement camerounais devrait donc intervenir pour améliorer l’offre et la qualité de l’éduca- tion. En effet, même si l’école primaire est gra- tuite au Cameroun depuis 2000, force est de constater que les résultats de cette politique

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