4.2 Transistors à effet de champ
4.2.2 Résultats et discussion
Nous avons comparé les résultats obtenus avec les différents semi-conduc
teurs. Pour chaque composé, 64 transistors ont été mesurés. Les premiers
résultats sont illustrés dans la figure 4.2, ils sont obtenus avec le composé
modèle 6a. Pour la majorité des transistors, (70% d’entre eux), les résultats
obtenus correspondent à ceux décrits dans la littérature [134], la mobilité
de charges est de 0.013 (±0.001) avec un rapport ON/OFF de
10®. La mobilité de charges est calculée en mode saturé grâce à l’équation
1.2. Le rapport ON/OFF est donné par le rapport du courant maximum sur
le courant minimum sur base des courbes du graphique 4.2. On peut aussi
estimer la valeur de la tension seuil (V^) qui est en moyenne de -4.5 ±0.1 V.
- 100pA
- lOpA
Vo M
F
ig. 4.2 - Courbes du courant de drain (I^) en fonction du potentiel appli
qué entre-la-sourc.e-et de jdrain (^£4 pour un potentiel entre fa source et le
drain (Vd)— - 4.23 V, obtenu pour un transistor réalisé dans les conditions
décrites dans la figure 4.1 avec le composé modèle 6a sublimé comme semi-
conducteur. Les différentes courbes sont obtenues sur un même transistor
pour plusieurs cycles de Vg
4.Propriétés de semi-conduction.
veaux composés 8c et 10.
Les transistors fabriqués avec le composé 8c comme semi-conducteur, ne
possèdent pas les caractéristiques d’un transistor, aucun courant ne passe
entre la source et le drain lorsqu’une tension est appliquée entre la grille et
la source.
Envisageons successivement différentes hypothèses pour essayer de com
prendre ce résultat négatif ;
- L’organisation supramoléculaire induite par la présence en position a
et U de substituants de longueur différente conduirait à un mauvais recou
vrement des orbitales HOMO. Cette hypothèse doit être discutée dans le
cadre des travaux théoriques sur les oligothiophènes. Les études menées par
le goupe de Jérome Cornil ont montré que le déplacement latéral des mo
lécules de sexithiophène a une influence considérable sur le recouvrement
des orbitales HOMO [137] (voir figure 4.3). Un déplacement longitudinal de
5.1 À, entre les segments des quaterthiophènes 8c orientés de manière anti
parallèle (voir figure 4.4), est aisément déduit de la structure moléculaire, si
l’on considère une organisation en plans smectiques. Dans cette organisation,
confirmée par les mesures AFM, les molécules des couches supérieures ont un
angle apparent de 56° par rapport à la normale du plan. Les molécules étant
inclinées, il faut majorer ce déplacement latéral de 5.2 À, qui correspond au
O
déplacement dû à l’inclinaison. Cela donne un déplacement total de 10.3 A,
qui est très défavorable au recouvrement des orbitales HOMO et donc au
transport de charges.
- Les oligothiophènes ne permettant le transport de charges qu’à deux di
mensions, il est possible que la phase ne soit pas alignée homéotropiquement
mais de manière planaire. Le transport de charges se produisant dans les
quelques premières couches à l’interface avec le diélectrique, il est concevable
0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20
Déplacement latéral (A)
F
ig. 4.3 - Splitting des orbitales HOMO et LUMO en fonction du déplace
ment latéral de sexithiophènes [137].
que les molécules soient couchées à l’interface. Cette orientation moléculaire
ne donnerait alors lieu à aucun transport de charges dans les quelques couches
qui seraient mal orientées. Par contre, le transport de charges devrait logique
ment se produire dans les plans smectiques alignés homéotropiquement et se
situant au dessus des premières couches moléculaires de 8c qui seraient alors
inertes. Cette hypothèse peut cependant être écartée sur base des images
AFM et de l’absence de transport de charges.
Les résultats en ce qui concerne le composé ponté 10 sont plus encou
rageants. Les résultats AFM confirment aussi que les molécules ne sont pas
O
couchées sur le substrat, des terrasses de 45 ±5 A (voir figure 4.7) sont
O
visibles. Sachant que les molécules de 10 mesurent 53.1 A, on peut affir
mer que la molécule est inclinée d’un angle apparent de 10°. Cet angle
im-4.Propriétés de semi-conduction.
16.7Â
Fig. 4.4 - Comparaison des longueurs des deux chaînes latérales du quater-
thiophène 8c qui induisent un déplacement latéral des segments oligothio-
phènes.
Fig. 4.5 - Image AFM en mode tapping obtenue pour un film de 8c sublimé
(à gauche), profil de cette image (à droite).
pose un déplacement latéral des unités oligothiophènes de 0.6 À, c’est-à-dire
permettant un recouvrement favorable des orbitales HOMO entre molécules
adjacentes. Cet angle apparent est inférieur à celui observé dans le cas de
composé modèle 6a, qui est de 28.5° [138], ce qui donne un déplacement laté
ral de 1.9 Â. Quarante-trois des soixante-quatre transistors construits avec 10
comme semi-conducteur donnent des mobilité de charges de 0.015 (±0.001)
cm^V~^s~^, un rapport ON/OFF de 10® et une tension seuil, Vx = -6.3 ±0.1
V. Ces valeurs sont proches de celles obtenues pour le composé modèle 6c.
Les autres transistors montrant des défauts de fabrication n’ont pas été pris
en compte.
Fig. 4.6 - Courbes du courant de drain (lo) en fonction du potentiel appliqué
entre la source et le drain {Vd) pour un potentiel entre la source et le drain
{Vd)= - 1-5 V, obtenu pour un transistor réalisé dans les conditions décrites
dans la figure 4.1 avec le composé ponté 10 sublimé comme semi-conducteur.
Les différentes courbes sont obtenues sur un même transistor pour plusieurs
cycles de Vg
4.Propriétés de semi-conduction.
Fig. 4.7 - Image AFM en mode tapping obtenue pour un film de 10 sublimé
(à gauche), profil de cette image (à droite)
4.3 Conclusions
L’étude préliminaire des propriétés de transport de trous, de nos composés
dans des transistors, conduit aux deux conclusions suivantes :
-L’obtention de phase cristal liquide à température ambiante n’est pas le
seul critère pertinent qui détermine le transport de charges. De toutes évi
dences, l’empilement des molécules et le recouvrement des orbitales HOMO
restent cruciaux, comme en témoigne une analyse géométrique simple. Du
point de vue du transport de charges, la dissymétrisation des molécules avec
des chaînes latérales de longueurs différentes, pour obtenir une phase cristal
liquide à température ambiante se révèle être désavantageuse. Le désordre
de position engendré par l’organisation des molécules de manière parallèle et
anti-parallèle se fait au détriment du transport de charges.
-L’introduction d’un pont covalent entre systèmes tt conjugués produit
une diminution de l’angle d’inclinaison apparent des molécules au sein du
plan smectique, ce qui se traduit par un glissement latéral des segments du
quaterthiophène de l’ordre de 0.6 À, plus faible que ce qui est observé pour le
composé modèle 6a (1.9À). Les performances des transistors utilisant l’oli-
gothiophène ponté 10 et son homologue non ponté 6a. sont assez semblables
{ji de l’ordre de 0.01 et ON/OFF ~ 10® — 10®). Il n’est donc pas
possible sur base des résultats en notre possession de conclure quant à l’effet
bénéfique d’un pont covalent sur les propriétés de transport.
5.1 Conclusions
Le but de ce travail était de mettre au point de nouveaux semi-conducteurs
organiques capables de réduire l’effet de la présence des défauts de structure,
cela en utilisant des dérivés du terthiophène et du quaterthiophène. Ce travail
se divise en deux grands axes ; d’un part, des cristaux liquides à température
ambiante et d’autre part, des composés constitués de deux unités oligothio-
phènes reliées par un pont covalent.
Les 5-5”-dilakylterthiophènes et 5,5’”-dialkylquaterthiophènes sont connus
pour leur tendance à former des phases cristal liquides. Cependant au départ
de cette thèse, aucun des dérivés décrits dans la littérature ne présentait de
phase cristal liciuide à température ambiante. De plus, les voies de synthèse
existantes étaient basées sur des schémas réactionnels en plusieurs étapes,
incluant le plus souvent un couplage de Kumada. L’idée étant de modifier la
structure des chaînes aliphatiques afin d’obtenir les propriétés thermotropes
désirées, nous avons donc mis au point une voie de synthèse en une seule étape
pour la formation de dialkyloligothiophènes substitués en position a et uj. Il
s’agit d’une substitution nucléophile d’un halogénure d’alkyle en présence
de n-BuLi, t-BuOK. Nous avons ainsi prouvé que la formation d’organopo-
tassium favorise cette substitution. Cette réaction “one-pot” s’effectue avec
5.Conclusions et perspectives
des rendements compris entre 80 et 95%, indépendamment de la taille des
oligothiophènes (contenant de 2 à 4 unités thiophène). Malgré l’insertion de
branchements sur les chaînes alkyles, aucun des composés synthétisés par
cette méthode ne présentait de phase cristal liquide à température ambiante.
Nous avons donc envisagé la dissymétrisation des molécules en greffant des
chaînes différentes sur les positions a et lo. La mono-alkylation par substi
tution nucléophile s’est révélée possible seulement dans le cas du thiophène,
il a donc été nécessaire de mettre au point une voie de synthèse qui permet
de fonctionnaliser uniquement en position a. Ces alkyloligothiophènes sont
ensuite couplés par une réaction de Suzuki. Ce couplage de Suzuki, peu uti
lisé jusqu’à présent pour la formation d’un lien carbone-carbone entre deux
unités thiophènes, s’est révélé efficace, les rendements allant de 35 à 65%. De
plus, les réactifs nécessaires à ce couplage sont aisément accessibles par syn
thèse ; la formation de l’ester borique se fait en une étape avec un rendement
quasi quantitatif, et la synthèse du dérivé bromé en présence de NBS et DMF
donne des rendements aux environs de 80%. Il faut néanmoins remarquer que
la dissymétrisation des oligothiophènes demande un nombre d’étapes de syn
thèse plus élevé (jusqu’à 6) que pour les composés symétriques. Cette voie
de synthèse a cependant mené à deux composés possédant une phase cristal
liquide à température ambiante (voir figure 5.1).
Au cours de ces synthèses, nous avons modifié progressivement la struc
ture des chaînes aliphatiques greffées et la taille des oligothiophènes. Cela
nous a permis de mener une étude sur l’évolution des propriétés thermotropes
en fonction de la structure moléculaire. La présence d’une unité thiophène
supplémentaire au niveau du quaterthiophène est sans conteste responsable
des plus hautes températures de transitions. En ce qui concerne l’effet de la
structure des chaînes aliphatiques, nous avons tenté de relier l’évolution des
Fig. 5.1 - Structure et propriétés thermotropes des composés possédant une
phase cristal liquide à température ambiante.
températures d’isotropisation des composés et l’évolution des températures
de fusion des alcanes et alcènes correspondants. On constate qu’il est pos
sible de rationnaliser le comportement des diallkylterthiophènes, l’évolution
des températures d’isotropisation suit celle des températures de fusion des al
canes correspondants (dans la limite de la série des composés étudiés). Le cas
du quaterthiophène est plus complexe, il est impossible de rationnaliser de la
même manière l’évolution du comportement du 5,5’”-dialkylquaterthiophène
en fonction du nombre de méthylènes dans les chaînes latérales, cela est dû à
la plus forte énergie de cohésion du segment aromatique. Seule la rationna-
lisation de l’évolution en fonction des branchements et des doubles liaisons
sur les chaînes alkyles greffées est envisageable. On constate dans ces deux
cas une diminution nette des températures de transition, semblable à ce qui
se produit pour les alcanes et les alcènes. Les entropies et enthalpies d’iso
tropisation sont, quant à elles, de manière générale, reliées à l’évolution des
températures mais aussi au nombre de phases cristal liquides présentes. Plus
le nombre de ces phases sera élévé plus les valeurs d’entropie et d’enthalpie
5.Conclusions et perspectives
d’isotropisation seront faibles.
Notre connaissance de la dissymétrisation des oligotliiophènes a été mise
à profit pour tracer des voies de synthèse menant aux composés constitués
de deux unités oligothiophènes reliées par un pont covalent. Les voies de
synthèse dépendent du pont covalent, mais de manière générale, elles néces
sitent la formation d’un alkyloligothiophène. Les composés comprenant un
pont éthylène se sont révélés plus stables que leur homologue possédant un
pont disulfure.
Fig. 5.2 - Structure et propriétés thermotropes de composés pontés.
Afin de vérifier que nos composés possèdent bien des propriétés de semi-
conduction, la dernière étape de ce travail a consisté en la fabrication de
transistors. Trois dérivés du quaterthiophènes ont été choisis, le 6a (composé
modèle), 8c et 10 (voir figure 5.3). Les transistors réalisés avec le composé
modèle ont des caractéristiques comparables à celles décrites dans la littéra
ture (mobilité yu =0.010 cm^y“^s“^(±0.001)) et Iov/Ioff~ 10“^ — 10“®).
Malheureusement, le composé 8c qui possède une phase cristal liquide à tem
pérature ambiante, n’a montré aucune propriété de semi-conduction. Cela
mène à la conclusion que la molécule dissymétrique portant des chaînes la
térales de longueur différente n’est pas un élément positif pour le transport
de charges. Par contre, les résultats du composé 10 sont encourageants, la
mobilité /.t atteint 0.015 (±0.001) cvn?'V~^s~^ et le rapport Ion/^off~ 10“®.
Ces résultats démontrent que le composé ponté se comporte comme un semi-
conducteur organique. Malheureusement, l’effet positif du pont covalent n’a
pu être démontré, au delà des performances du composé analogue non ponté.
Fig. 5.3 - Structure des composés utilisés comme semi-conducteurs dans les
transistors.
5.Conclusions et perspectives
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