1.2 Les transistors à effet de champ
1.2.4 Ordre, structure et défauts au sein des semi-conducteurs
La comparaison des mobilités de charges pour le silicium monocristallin
et le silicium amorphe, ainsi que pour les semi-conducteurs moléculaires et
amorphes (tableau 1.1 et 1.2), montre à l’évidence que l’ordre est un facteur
bénéfique au transport de charges. Le désordre de position propre aux solides
amorphes induit un désordre énergétique [2]. Les charges rencontreront tour
à tour des régions du semi-conducteur où elles seront plus stabilisées par les
molécules adjacentes polarisables et d’autres où elles le seront moins. Il est
aisé de conclure qu’un semi-conducteur organique formant un monocristal
connectant la source et le drain d’un transistor correspond à la situation la
plus favorable pour mesurer la mobilité de charges la plus élevée [17]. Dans la
famille des semi-conducteurs organiques, les meilleurs résultats du point de
vue de la mobilité de charges sont obtenus pour des monocristaux de rubrène
(tétraphényltétracène) [53]. De manière spectaculaire, les valeurs de mobilité
1. Introduction
chutent de deux ordres de grandeur pour des films polycristallins. Cela s’ex
plique par la présence de joints de grain (voir figure 1.12) qui gênent le
déplacement des charges en créant soit des pièges soit des barrières. Un piège
est défini comme un site où une charge sera plus stabilisée qu’en moyenne. A
l’inverse, une barrière est un site qu’une charge aura des difficultés à franchir
car elle sera moins stabilisée [54].
L’obtention de monocristaux au sein des films minces reste fort difficile.
La situation qui prévaut généralement est la formation de films polycristal
lins. Nous voyons donc qu’un transport de charges efficace sur une distance
macroscopique requièrt un ordre à toutes les longueurs d’échelles c’est-à-dire :
- à l’échelle moléculaire 0.3-0.4nm) pour un recouvrement important des
orbitales frontières
- à l’échelle nanométrique où une concentration faible de joints de grain
entre les domaines monocristallins (~ lOOnm) possédant différentes orienta
tion spatiales est désirable.
- à l’échelle micrométrique correspondant aux distances séparant typique
ment la source et le drain d’un transistor (~ l-lOO/xm).
L’obtention de monodomaines dans les films minces est plus aisée avec
des cristaux liquides qu’avec des cristaux [59]. Cela provient du caractère
fluide qui permet d’atteindre l’état le plus stable thermodynamiquement ,
c’est-à-dire un monodomaine à l’aide d’un simple recuit thermique. Les semi-
conducteurs cristaux liquides apportent deux autres avantages. D’une part,
l’orientation des molécules et l’alignement des phases peuvent être induits par
des surfaces (diélectrique ou électrode) [59], d’autre part, le caractère liquide
permet d’éviter le polymorphisme. Rappelons que le polymorphisme est la
coexistence de différentes formes cristallines pour un même composé, typi
quement le pentacène présente 4 formes cristallines à température ambiante
Structure Mise en oeuvre Taille des domaines
Monocristaux difficile /.an [55]
Films minces
poly cristallins
moyennement
difficile
> lOOnm [56]
Films minces
monocristallins
difficile > lOOnni [57]
Films minces
de cristaux liquides
facile Ri cm [58]
Tab. 1.4 - Comparaison des différentes structures de matériaux semi-
conducteurs.
|60|^
La formation de phases cristal liquides va aussi de pair avec une meilleure
solubilité. La présence des chaînes alkyles favorise la solubilisation des com
posés dans bon nombre de solvants organiques usuels [61]. Cette solubilité
permet la simplification de la mise en oeuvre en films minces.
11 est à souligner que le transport de charges dans les transistors à effet
de champ se déroule à l’interface diélectrique/semi-conducteur [45]. Seules
les premières couches moléculaires importent pour le transport de charges.
Il faut donc que l’ordre induit par la présence d’un monodomaine soit aussi
présent à l’interface semi-conducteur/diélectrique [62], ce qui n’est pas acciuis
d’avance.--- -—
Tournons-nous maintenant vers la notion de défauts structuraux et rap
pelons qu’un monocristal à température ambiante contiendra toujours des
défauts, par exemple la densité de dislocation atteint 10 cni“^ [63] dans le
cas de monocristaux (voir ci dessous).
1.Introduction
Défauts
On distingue cinq catégories de défauts au sein des cristaux organiques
moléculaires [54] :
- Les défauts ponctuels : soit un site du réseau est vide, il s’agira d’une
lacune ou défaut de Sctiottky (figure 1.10a), soit une molécule vient se placer
entre des sites du réseau dans une position interstitielle appellé défaut de
Frenkel (figure 1.10b). Les défauts de Schottky se forment plus aisément au
sein des cristaux moléculaires, leur concentration est aux alentours de 10^"^-
10^^ cm“^ pour des composés tels que l’anthracène ou le naphtalène [54].
a b
Fig. 1.10 - Illustration des défauts ponctuels : a : lacune ; b ; site interstitiel.
- Les dislocations : correspondent à une discontinuité dans l’organisa
tion de la structure. Elles peuvent être de deux types, de coin ou de vis. Ces
défauts vont être responsables de la rupture de l’ordre translationnel et pro
voquent des variations locales de l’épaisseur des couches. La densité typique
de ces défauts pour un cristal obtenu à partir de la phase liquide se situe entre
10^ et 10^ dislocations cm“^. La densité de dislocation est définie comme le
nombre de lignes de dislocation qui passent au travers d’une surface unité
d’un cristal. Ceci explique pourciuoi la densité s’exprime en cm“^ [54].
Fig. 1.11 - a : dislocation de coin ; b : dislocation de vis.
-Les joints de grain : les cristaux réels sont composés de petits cristal-
lites qui sont inclinés de quelques degrés les uns par rapport aux autres (voir
figure 1.12). L’intersection de deux de ces cristallites est appellée joint de
grain. La présence de ces défauts diminue les valeurs de mobilité de charges
de plusieurs ordres de grandeur car les joints de grains sont des barrières
d’énergie potentielle pour le transport de charges dans les semi-conducteurs
organiques polycristallins [20]. Un exemple bien connu est celui du sexithio-
phène dont la mobilité de charges est de 10“'^ cm^V“^s“^ en présence de
joints de grain ce qui est de deux ordres de grandeurs inférieur aux valeurs
mesurées pour un monocristal [64].
Fig. 1.12 - Représentation schématique des joints de grain dans un cristal
de molécules sphériques.
1. Introduction
-Le désordre dipolaire : ces défauts se produisent lorsque la structure
cristalline permet aux molécules d’adopter différentes orientations (voir fi
gure 1.13) qui sont statistiquement distribuées. Un cas bien connu est le
2,3-diméthylnaplitalène qui possède un dipôle permanent. La figure 1.13 re
présente la maille élémentaire avec deux molécules A et B orientées différem
ment. Elles sont en fait distribuées de manière statistique en ce qui concerne
les derrx orientations possibles de leur dipôle [54]. Le désordre dipolaire a
bien évidement un impact négatif sur le transport de charges [65] [66].
Fig. 1.13 - Cellule unité pour un crystal de 2,3-diméthylnaphtalène dont
deux molécules possèdent une orientation différente [54].
-Les défauts chimiques : c’est-à-dire la présence de molécules de struc
ture chimique proche mais différente de celle du semi-conducteur. Un exemple
bien connu est celui du 6,13-pentacènequinone 1 (figure 1.14) qui se trouve
concentré en surface des cristairx de pentacène et donc à l’interface avec le
diélectrique où se fait le transport de charges [67]. Les impuretés comme, par
exemple, des résidus de solvant et des sels inorganiques doivent aussi être
éliminées autant que possibble [68].
O
0
1
Fig. 1.14 - Structure du 6,13-pentacènequinone 1.
Il est important de noter que des études comparatives de la purification de
semi-conducteurs organiques cristallins par diverses méthodes (combinées ou
non) ont montré que la densité d’impureté résiduelle minimale atteignable est
de 10^'^ à 10^® impuretés par cm^, c’est-à-dire du même ordre de grandeur que
la densité de défauts ponctuels [54]. Un cristal d’anthracène contient environ
4.10^^ molécules par cm^, on estime donc qu’une impureté (ou défaut) est
présente pour 4.10® à 4.10^ molécules d’anthracène. La densité de charges
dans un semi-conducteur organique utilisé dans un transistor est de 10^®
cm“^ [69]. Elle est donc bien supérieure à celle des impuretés et des défauts
ponctuels.
Maintenant que nous avons introduit les semi-conducteurs organiques et
les facteurs déterminant le transport de charges au sein de ceux-ci, nous
allons décrire les cristaux liquides plus en détails.
1. Introduction
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