1.3 Les cristaux liquides
1.3.2 Caractérisation
Les techniciues courantes de caractérisation des phases cristal liquides , à
savoir la microscopie en lumière polarisée, l’analyse enthalpique différentielle
et la diffraction des rayons X, seront décrites dans les paragraphes suivants.
L’utilisation combinée des trois techniques permet de caractériser la nature
des phases, c’est-à-dire l’organisation supramoléculaire au sein de la phase,
la détermination de la température et de l’enthalpie des transitions et le
caractère liquide et biréfringent propre aux phases cristal liquides.
Microscopie en lumière polarisée
Cette technique permet de déterminer les températures et le type de
transition de phases. Elle se base sur la propriété de biréfringence observée
dans le cas de matériaux ordonnés et anisotropes. Pour tout matériau, on
définit un indice de réfraction (n) qui exprime la modification de la vitesse
de la lumière, lors de son passage à travers le matériau (équations 1.7).
c
n =
-V
n =
A (1.7)
OÙ C = vitesse de la lumière dans le vide (m/s), v = vitesse de la lumière
dans le matériau considéré (m/s), Aq= longueur d’onde de la lumière dans le
vide (m), A= longueur d’onde dans le matériau (m).
Les matériaux optiquement anisotropes sont biréfringents, c’est-à-dire
qu’ils possèdent un indice de réfraction qui varie dans deux directions (n^ et
n||) de l’espace. Les deux composantes de l’onde lumineuse monochromatique
polarisée (la composante ordinaire et extraordinaire) subiront un déphasage
après avoir traversé nn objet biréfringent car les deux composantes ne seront
pas affectées de la même manière. Il en résulte une modification du plan de
polarisation de la lumière. La biréfringence (An) est définie par l’équation
1.8 [78].
An = n_L~ n\\ (1.8)
Lors d’une expérience de microscopie en lumière polarisée, un faisceau lumi
neux passe au travers d’un premier polariseur ; le rayonnement ainsi polarisé
traverse l’échantillon, avant d’arriver à un second polariseur orienté à 90° par
rapport au premier (voir figure 1.22).
polariseur Source lumineuse Objet anisotrope analyseur Lumière polarisée
Deux composantes de la lumière résultantes de la biréfringence
Fig. 1.22 - Représentation schématique du principe de la microscopie en
lumière polarisée.
Deux cas peuvent se présenter :
- soit l’image observée est complètement noire. Dans ce cas, trois expli
cations sont possibles ;
i. la phase observée n'^st pas biréfringente, c’est le cas des~phases liquides-
qui sont isotropes. Il n’y a pas de modification du plan de polarisation de la
lumière, elle est donc complètement stoppée par le deuxième polariseur.
ii. la phase observée est biréfringente mais les molécules sont toutes alignées
de manière à ce que leur axe optique corresponde à l’axe d’observation.
1. Introduction
iii. la phase observée est une phase cristal liquide cubique. Dans ce cas, les
indices de réfraction sont identiques dans les trois directions de l’espace. Ces
phases sont assez rares [79] [80].
-soit on observe une image colorée présentant des formes diverses, appelées
textures. La texture est le reflet de l’organisation des différents domaines, elle
est le résultat des défauts de leur orientation [81]. L’observation d’une texture
dénote la présence soit d’une phase cristalline, soit une phase cristal liquide
(non cubique).
De manière pratique, le composé à étudier est placé entre deux plaques de
verre, insérées dans une platine chauffante. L’échantillon est ensuite chauffé à
vitesse constante (par exemple 10°C/min) puis refroidi à la même vitesse. Vu
que cet ensemble échantillon-plaque chauffante est placé dans le microscope
en lumière polarisée, on peut observer les changements de phase au cours des
cycles chauffe-refroidissement . Cela va se traduire par une modification des
textures observées.
Les textures sont spécifiques à chaque type de phase. Un exemple est
donné dans la figure 1.23 ; où la structure dite de Schlieren est caractéristique
des phases smecticpies peu ordonnées telle que la phase SmC ou la SmA [77].
Ces textures sont le résultat de la présence de joints de grain (voir figure
1.23).
Mais l’observation d’une texture ne suffit pas à conclure sur le caractère
cristal liquide ou cristallin de l’échantillon. Une expérience complémentaire
assez simple doit être réalisée. Les deux plaques de verre sont glissées l’une
sur l’autre de sorte que l’on puisse observer si le composé est fluide ou pas.
Si la texture est fluide et biréfringente, il s’agit d’une phase cristal liquide.
Fig. 1.23 - Texture de Schlieren (à gauche) et représentation schématique
de l’organisation moléculaire qui mène à ce type de texture (à droite).
Analyse enthalpique différentielle
L’analyse enthalpique différentielle (DSC ^.) permet de déterminer avec
précision les températures de transition de phases ainsi que l’enthalpie de
transition qui leur est associée. Il existe deux types de dispositifs. L’un est
basé sur la compensation de puissance et l’autre sur le flux de chaleur [82].
L’équipement utilisé dans le cadre de cette thèse est un calorimètre diffé
rentiel à balayage fonctionnant sur le principe du flux de chaleur , c’est-à-dire
que le signal mesuré est la différence de température entre l’échantillon et
une référence lors de la variation de la température du four (voir figure 1.24).
Une différence de température (AT) est observée lors d’une transition de
phases dans l’échantillon.
Cette différence de température est proportionnelle au flux de chaleur
mesuré pour l’échantillon, 4»^ (Watt) (équation 1.9) à travers une constante
-t4^ ralibrnfinn^V^
(Watt K~^)_________________________________= -A$AT (1.9)
4>,„ est relié à la chaleur de transition, (Joule) suivant l’équation 1.10.
1. Introduction
r ^
Source de chaleur
Fig. 1.24 - Représentation schématique du fonctionnement de l’analyse en-
thalpique différentielle à flux thermique.
Qm = KQ (1.10)
OÙ K
qest une constante de calibration (sans dimension) ; $5/ est le flux de
chaleur provenant de l’appareillage. K$ et Kg sont des paramètres propres à
l’instrument de mesure, afin de les obtenir, la calibration du flux du chaleur
doit être effecutée. Cela se fait à l’aide de composés de capacité calorifique
connue.
Suivant la première loi de la thermodynamique ont peut relier la chaleur
de transition à l’enthalpie de transition (équation 1.11), si l’expérience est
réalisée à pression et composition constante, ce qui est le cas lors de la mesure
de transition de phases de cristaux liquides thermotropes [82].
A la température d’une transition de phases (K), l’énergie libre de
Gibbs A Gt,. est égale à zéro, ce qui permet de déduire l’entropie associée à
cette transition, A Str (kJ mol“^K“^) (l’équation 1.12) [71].
ASft. = ^ (1.12)
La valeur de l’enthalpie est caractéristique du type de transition [73].
Une transition entre une phase cristalline et une phase cristal liquide pré
sente une différence d’enthalpie de l’ordre de 10-20 kJ mol“L Une transition
entre une phase cristalline vers une phase liquide, donne lieu à une différence
d’enthalpie de l’ordre de 30-50 kJ rnoUU Lors de transitions d’une phase
cristal liquide vers une phase liquide, la différence d’enthalpie est plus faible,
de l’ordre de 5-10 kJ mol“L Une différence d’enthalpie encore plus faible,
de l’ordre de quelques kJ mol“^ s’observe pour des transitions entre phases
cristal liquides ou entre phases cristallines [83].
La figure 1.25 schématise le résultat d’une analyse enthalpique différen
tielle lors de la chauffe et du refroidissement d’un échantillon présentant une
phase cristal liquide, entre une phase cristalline et la phase liquide. On peut
remarquer une hystérèse, les transitions de phases lors du refoidissement se
présentent toujours à plus basse température qu’à la chauffe. L’équipement
utilisé permet d’obtenir la température de transition avec une erreur de ±
0.5 K et l’enthalpie de transition avec une erreur de ± 0.1 kJ moUh
La figure 1.26 représente les termes caractéristiques d’un pic d’une courbe
DSC associé à une transftiortT La température de transition est donnée par
la température de l’onset, Tg. L’enthalpie de transition est proportionnelle à
l’aire sous la courbe.
F
lu
x
thermiqu
e
(W
)
1 .Introduction
Fig. 1.25 - Courbes schématiques d’un résultat DSC pour un composé pos
sédant une phase cristalline (Cr), une phase cristal liquide (CL) et une phase
isotrope (I).
Fig. 1.26 - Représentation des différents termes caractéristiques d’une
courbe DSC : la ligne zéro, la ligne de base, Tj = température initiale du pic,
Te = onset, Tg = offset, Tp = température maximale du pic, Tf = tempé
rature finale du pic, $m(T) = Aux de chaleur mesuré à une température T,
$6/(T) = flux de chaleur de la ligne de base pour une température T [84].
1. Introduction
Diffraction des rayons X
Le phénomène d’interférence résulte de l’interférence causée par un objet
sur le trajet des ondes. Un difîractogramme est le schéma de variation de
l’intensité des ondes induit par leur diffraction sur un objet. Les rayons X
sont des ondes électromagnétiques de longueurs d’onde comprises entre 0.3
et 30 A[71]. Ils sont diffractés par les atomes et les molécules au sein des
cristaux et permettent d’en déduire la structure cristalline.
Un réseau cristallin est construit par la répétition infinie d’un motif géo
métrique simple dans les 3 directions de l’espace. La maille élémentaire consti
tue le plus petit volume (contenant l’unité asymétrique) qui se répète dans
les 3 directions de l’espace. Elle est définie par 3 vecteurs (a, b, c) dont
la direction et la norme sont données par les paramètres de maille (a, b, c,
Q, P, 7). Chaque molécule située aux extrémités de cette maille est appelée
noeud du réseau et ce dernier est ainsi constitué d’un ensemble de rangées
de noeuds. Le réseau peut également être reconstitué à partir d’un ensemble
de familles de plans régulièrement espacés, les plans réticulaires. Ces derniers
sont identifiés par leurs indices de Miller (hkl) qui correspondent à l’in
verse des coordonnées de leurs points d’intersection avec les vecteurs de base
de la maille élémentaire (respectivement a, b et c) (figure 1.27). Les indices
de Miller sont des nombres entiers. A l’aide de ce formalisme, la diffraction
des rayons X peut être assimilée à une réflexion des rayons X par ces plans
qui a lieu à un angle d’incidence particnlier à chaque famille de plan (Figure
1.28). Cette direction particulière est donnée par la loi de Bragg découverte
en 1913 par Sir W.H. Bragg et son fils Sir W.L. Bragg mettant en relation
la distance entre une famille de plan (hkl), l’angle du rayon diffracté avec le
plan réticulaire et la longueur d’onde du rayonnement (équation 1.13) [85].
n\ = 2dhkisin6 (1.13)
OÙ d = distance interplans, A = longueur d’onde utilisée.
(10)
Fig. 1.27 - Représentation de groupes de plans coupant des noeuds dans un
réseau à deux dimensions [86].
écnantilion
F
ig. 1.28 - Schéma de diffraction des rayons X (au-dessus) et représentation:
schématique d’un diffractomètre (en dessous).
Au cours de cette thèse, seuls des diagrammes de poudre ont été mesurés.
La hgure 1.30 représente un diffractogrannne typique d’une phase smectique.
1. Introduction
où est représentée l’intensité en fonction du paramètre q (A“^), la norme du
vecteur de diffusion (figure 1.29), donnée dans l’équation 1.14. La position
des pics donne directement la distance interplans, d’après la loi de Bragg. De
plus, si on identifie pour un certain nombre de pics les familles de plans hkl
auxquelles ils correspondent, on peut déterminer les paramètres de maille.
L’équation 1.15 donne, par exemple la relation entre les paramètres de maille,
les indices hkl et la distance interplans pour une maille orthorhombique tri
dimensionnelle.
A-KsinO
où A = longueur d’onde utilisée.
(1.14)
Pic de
Fig. 1.29 - a) réflexion par des plans parallèles ; b) définition du vecteur de
diffusion [72].
(1.15)
intensité
Fig. 1.30 - Diffractogranime de poudre typique d’une mésophase smectique
G/H.
Ce diffractogramme peut être divisé en trois zones ;
- les faibles angles correspondent à de grandes distances ; dans ce cas, le
premier pic va nous donner la distance entre deux plans smectiques d (voir
figure 1.30), les pics suivants correspondent à des réflexions d’ordres supé
rieurs
- le halo dans la région des grands angles provient de la diffusion des rayons
X par les chaînes alkyles désordonnées
- dans la zone dies" grands angles, ~on^ïeut~an:ssf~observer un -eur des pics
correspondants à de plus petites distances ; ces pics nous donneront des in
formations sur l’organisation au sein des plans smectiques.
Il est important de noter que certains pics seront systématiquement ab
sents. Selon les éléments de symétrie et le type de réseau, il existe des condi
1. Introduction
tions sur les indices de Miller (hkl) qui conduiront à une valeur nulle de
l’intensité diffractée.
1.3.3 Intérêts des cristaux liquides calamitiques for
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