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Résultats des analyses des séquences d’enseignement

Nous présentons dans ce chapitre notre recherche sur le terrain. Dans le chapitre 3, nous avons posé quelques outils théoriques pour interroger l’entrée et l’histoire de la rythmique Jaques-Dalcroze dans les écoles primaires genevoises, notamment la théorie de la discipline scolaire et celle de la transposition didactique. Le chapitre 4 a discuté des effets sur la rythmique de la transposition externe : c’est-à-dire, la transposition venant du nouveau contexte scolaire où elle se trouve, par les curricula, les plans d’étude, et cetera.

D’un objet d’enseignement à un objet enseigné il y a une autre transposition. Quand un savoir devient un savoir à enseigner et puis un savoir enseigné, il subit des transformations élaborées également par la théorie de la transposition didactique interne. Ce chapitre fait une analyse interprétative des séquences d’enseignement de la rythmique, en employant les outils de la Théorie de l’action conjointe (Sensevy et Mercier, 2007). Ceci nous permet de prendre en compte les trois pôles de l’action enseignement/apprentissage : l’enseignant, l’élève et le savoir (Chevallard, 1991 : 23). L’utilité de cette approche est « de saisir d’une part les contraintes inhérentes à l’élaboration des savoirs au sein de systèmes didactiques mais aussi la participation des sujets à ce processus, depuis les postures non symétriques que sont les places d’enseignant et d’élève dans la relation didactique » (Dorier et.al. 2013 : 19).

Pour ce faire, nous porterons notre attention sur les gestes fondamentaux de l’enseignant, les tâches effectuées en fonction des consignes, l’évolution du temps didactique (chronogenèse) et les rôles enseignant/élève (topogenèse) pendant les séquences. Nous observerons les savoirs effectivement enseignés pendant les cours de rythmique par un processus ascendant, pour pouvoir discerner les savoirs de référence de la rythmique Jaques-Dalcroze en milieu scolaire.

Nous avons observé et filmé huit séquences d’enseignement de la rythmique à l’école primaire genevoise pendant les années scolaires 2009-2010 et 2010-2011. Il s’agit des séquences d’enseignement dans les classes 4P (HarmoS).

Le contrat établi avec les quatre enseignantes de rythmique a laissé la liberté à chacune de choisir le sujet d’enseignement. Nous nous attendions à avoir des sujets divers, en supposant toutefois que l’analyse de chaque séquence révèlerait une base commune. Nos observations ont été étalées sur une grande partie de l’année scolaire, et de ce fait, nous pensons avoir des séquences qui reflètent la réalité de la situation d’enseignement de la rythmique pour les enseignantes concernées.

La problématique (chapitre 5) a exposé l’ambiguïté de la rythmique en milieu scolaire. Cette réalité a eu des conséquences pour notre recherche. Nous nous étions mises d’accord avec nos quatre enseignantes afin qu’elles donnent chacune deux séquences d’enseignement, chaque séquence comportant trois leçons. Elles ont compris qu’une séquence d’enseignement est un ensemble de cours portant sur le même sujet. A partir de ce cadre de recherche, nous nous attendions à avoir huit séquences, avec un total de vingt-quatre leçons. Avec de telles données, étalées sur une grande partie de l’année scolaire, nous pensions avoir une vue assez complète sur la rythmique.

Mais il en a été autrement ! Les séquences de CPR1, AM et CPR2 étaient ce que nous appelons les cours normaux – sans contrainte du milieu scolaire pour interrompre leur déroulement. Cependant, les élèves ont trouvé la séquence d’AM si engageante que l’enseignante a choisi d’ajouter un quatrième cours. Pour finir, accaparée par des activités scolaires (chorale, spectacle), elle n’a pas pu nous fournir une deuxième séquence.

La séquence HN1 était particulière dans la mesure où elle était construite autour de la préparation des élèves à assister à un concert au Victoria Hall, à Genève.

Quant aux deux séquences que devait mettre en œuvre l’enseignante IF, elles ont été complètement bousculées par des évènements scolaires. Pour finir, nous avons réparti les trois premiers cours en deux séquences : une leçon d’évaluation (IF1), comme demandée par l’école, et deux cours de préparation du spectacle prévu par l’école dont elle était responsable (IF2). Enfin, ces deux cours se sont passés à quinze jours d’intervalle du fait, encore une fois, d’un évènement scolaire.

La deuxième séquence d’IF, prévue en trois cours, a été elle aussi modifiée, et pour finir l’enseignante n’a pu donner que deux des trois cours prévus. Le sujet des trois cours de la séquence était annoncé comme « l’espace, plus particulièrement l’orientation et la direction ».

IF n’a donné que deux cours sur le sujet de l’espace, car la date du deuxième était prise par une sortie d’école, et qu’il ne restait qu’un seul cours d’ici la fin de l’année scolaire. IF a alors construit un cours un peu particulier, toujours sur le même sujet, mais qui marquait la fin de l’année scolaire et la fin de la rythmique pour les élèves (IF3).

La séquence d’HN2 était une préparation pour l’évaluation devant figurer sur les bulletins scolaires adressés aux parents.

Force nous a été de constater que la continuité de l’enseignement de la rythmique en milieu scolaire est souvent difficile, car cet enseignement est interrompu à maintes reprises par d’autres exigences scolaires. Au lieu d’avoir huit séquences, chacune de trois leçons, nous avons eu, pour finir, huit séquences de durées inégales. Pourtant, malgré cette disparité, nous avons suivi notre méthodologie et traité chaque séquence comme une séquence entière, en espérant garder ainsi l’intégrité de notre démarche

La recherche sur le terrain a des avantages, mais elle se heurte aussi à des écueils, au premier rang desquels arrive la subjectivité du chercheur. D’une part, il y a les films des séquences qui enregistrent fidèlement tout ce qui se passe, et à chaque moment, pendant les cours. Les films ne mentent pas. Mais d’autre part, il y a la manière d’interpréter ces données. Quel poids donner à un certain évènement dans l’ensemble de la séquence ? Comment, et pourquoi interpréter d’une telle manière ?

L’intention didactique de l’enseignante pose également question. Car, notre interprétation des événements ne coïncide pas forcément avec elle.

Si on observe les cours de mathématique, ou de langue française, on peut s’attendre à voir des exercices en lien étroit avec le sujet. Mais quand on observe les cours de rythmique, on ne sait pas à quoi s’attendre. Est-ce un cours d’éducation musicale ? Est-ce un cours de motricité ? La polyvalence de la rythmique rend difficile l’observation et l’interprétation des séquences de rythmique, justement à cause de cette polyvalence. Car, par exemple, dans un cours qui – selon l’intention de l’enseignante – s’appuie sur un travail sur l’espace, nous trouvons un

travail sur la phrase musicale. Ou bien, une séquence qui s’axe – toujours selon l’intention de l’enseignante – sur l’apprentissage d’une danse, est, pour finir, une séquence pendant laquelle sont transmises des notions musicales bien au-delà des aptitudes nécessaires à la danse.

Voilà donc le débat de ce chapitre. Comment organiser les séquences d’une manière cohérente ? Dans quel ordre les présenter, et pourquoi ? Les présenter dans un ordre didactiquement logique, ou dans un ordre qui soit cohérent avec la rythmique ? Encore, une décision subjective de la part du chercheur !

Les huit séquences sont présentées ci-dessous dans l’ordre chronologique :

1. CPR1 – une séquence sur trois rythmes se basant sur la division de la noire (3 leçons) 2. AM – une séquence portant sur l’apprentissage du rythme vite-vite-lent à deux vitesses

et dans trois tessitures (4 leçons)

3. HN1 – une séquence de préparation pour un concert sur des œuvres de Joseph Haydn (3 leçons)

4. IF1 – une séquence d’évaluation (1 leçon)

5. IF2 – une séquence de préparation d’un spectacle d’école (2 leçons) 6. HN2 – une séquence de préparation à une évaluation (3 leçons)

7. CPR2 – une séquence basée sur les mesures à 4 temps et la phrase musicale (3 leçons) 8. IF3 – une séquence sur l’espace (2 leçons).

Nous aurions pu les présenter dans cet ordre :

 CPR2, IF2 et AM – séquences d’apprentissage d’une danse

 HN2 et IF1 – séquences d’évaluation

 CPR1 – séquence portant sur l’apprentissage de trois rythmes

 IF3 – séquence sur un objet corporel : l’espace

 HN1 – séquence au service de l’écoute.

Ou bien :

 CPR1 – séquence sur un objet rythmique

 CPR2 et IF3 – séquences sur la phrase musicale

 HN2 et IF1 – séquences d’évaluation

 AM et IF2 – séquences sur l’apprentissage d’une danse

 HN1 – séquence au service de l’écoute.

Pour finir notre décision est de les présenter dans l’ordre suivant :

 CPR1, AM et CPR2 – séquences sur un objet musical

 HN2 et IF1 – tout en allant vers une évaluation, ces séquences concernent également des objets de la rythmique

 IF3 – séquence basée sur un objet corporel

 HN1 et IF2 – séquences de préparation à un concert, par la réceptivité (HN1) et la productivité (IF2). Ces séquences constituent une sorte d’instrumentalisation de la rythmique pour d’autres objectifs.

Cette décision nous semble maintenir une cohérence entre les séquences, malgré leur diversité49.

49 Les analyses qui suivent sont soutenues par un CD (musique) et un DVD (vidéos des leçons) pour le lecteur intéressé. Les leçons sont identifiées sur le DVD comme, par exemple, CPR1/1, CPR1/2, CPR1/3 et ainsi de suite. L’accès aux musiques, aux films des cours et aux annexes est par le lien http://marybrice.wikispaces.com/.

La séquence CPR1 : l’apprentissage de trois rythmes créés par la division de la