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La séquence d’enseignement : unité d’analyse

Le terme « séquence d’enseignement» a été emprunté du GRAFE (Groupe de recherche pour l’analyse du français enseigné) (Schneuwly, Sales Codeiro & Dolz, 2006). Il est « un empan temporel dans le flux de l’enseignement dédié au travail sur un objet d’enseignement » (Schnewly & Dolz, 2009 : 77). Dans le cas de la rythmique, de quel objet d’enseignement s’agit-il ? Peut-on ou doit-on définir la rythmique comme objet d’enseignement ? Nos collègues rythmiciens parlent d’une part du fait d’enseigner la rythmique, d’autre part d’enseigner par la rythmique. Sur la base de ce double sens, la recherche de l’objet d’enseignement devient pertinente et dans cette optique, nous définissons la séquence comme une série de leçons qui traitent le même sujet – qu’il s’agisse d’un sujet musical ou autre.

Nous avons prévu des séquences de trois cours, suivant en cela l’avis de CPR selon laquelle, à l’école primaire, les rythmiciens organisent souvent leur enseignement autour de trois leçons.

Néanmoins, quand nous avons commencé à analyser les cours, nous avons trouvé des séquences plus courtes ou plus longues.

Les transcriptions

Tous les cours ont été transcrits entièrement en utilisant le logiciel payant, Transana 2.42, créé par C. Fassnacht et développé par David Woods à l’Université de Wisconsin-Madison, Centre de recherche en éducation. Ce logiciel permet d’effectuer un traitement simultané des données en trois fenêtres : l’image visuelle, la bande sonore et la page de transcription. Les transcriptions étaient reformulées ensuite en trois colonnes :

Temps DISCOURS enseignant/élèves ACTION enseignante/élèves

Les cours ont été transcrits en utilisant les conventions cités par Schenuwly et Dolz (2009 : 88). Ces transcriptions permettent au chercheur d’enregistrer les paroles de l’enseignante et des élèves, les gestes, les actions et les déplacements, les expressions gestuelles et vocales, les interruptions ou événements venant de l’extérieur. Elles donnent la possibilité de décrire le plus précisément possible tout ce qui se passe dans la leçon. La reformulation des transcriptions en trois colonnes nous permet d’avoir simultanément sous les yeux l’actualité des consignes et les réponses des élèves, ce qui est particulièrement utile dans le cas de la rythmique, où la consigne de l’enseignant demande souvent une réponse immédiate de la part des élèves.

A quel point les enregistrements et les transcriptions peuvent-ils être considérés comme de la documentation objective ? On peut imaginer que « la caméra ne ment jamais », et c’est pour cette raison que nous avons utilisé deux caméras. La première caméra, qui était fixe, enregistrait tout ce qui se passait pendant les cours, même les moments fugaces susceptibles d’échapper à l’enseignante ou au chercheur. Quant à la deuxième caméra mobile, qui suivait l’enseignante et les élèves, elle déterminait d’elle-même ce qui semble important et sur quoi cela valait la peine de zoomer, en essayant par exemple de capter les petites voix des enfants répondant à une question. Il s’est donc agi d’un travail d’enregistrement mais aussi d’interprétation, dont nous assumons l’entière responsabilité, y compris celle du choix des caméras.

Nous avons également transcrit plusieurs extraits de musique improvisée au piano par les enseignantes, en choisissant les improvisations qui nous semblaient importantes pour la construction de l’objet d’enseignement. Dans le contexte de la méthode dalcrozienne, l’improvisation est censée susciter et canaliser une certaine qualité de mouvement. Toujours est-il qu’une transcription ne peut pas montrer toutes les nuances ni les appuis agogiques que l’enseignante donne à son improvisation afin d’engendrer les réactions souhaitées chez les élèves.

Les synopsis

Le synopsis est un outil méthodologique essentiellement interprétatif de la part du chercheur.

Il permet de réduire une masse énorme de données (créée par les transcriptions) en quelque chose d’utilisable. Il éclaircit les éléments séquentiels et hiérarchiques de la séquence d’enseignement « selon la logique de l’action didactique du point de vue de l’objet enseigné » (italiques d’auteur) (Dolz et Schneuwly, 2009 : 91). Il donne un « résumé narrativisé du discours et de l’action de l’enseignant » (p. 99) en essayant de saisir la logique de l’action didactique et de hiérarchiser ces actions. Les choix inhérents à la création du narratif fourni

par le synopsis – Que faut-il inclure ? Que faut-il laisser de côté ? – sont liés à nos questions de recherche.

Nous avons construit un synopsis47 de chaque séquence d’enseignement, en nous inspirant du travail de l’équipe GRAFE, avec toutefois quelques modifications en cohérence avec notre contexte. Au total, huit synopsis ont été conçus, selon la forme présentée ci-dessous.

Niveaux Repères Matériel FST Description

Nous avons adopté les conventions du synopsis utilisées par le GRAFE (Schnewly & Dolz, 2009), en les adaptant toutefois à l’enseignement de la rythmique, fortement axé sur des dimensions corporelles.

La colonne « niveaux » constitue une indication de la hiérarchisation de l’organisation de la séquence. Les niveaux (n, n-n, n-n-n) indiquent le découpage des éléments de l’objet à enseigner, autrement dit, comment l’objet est décomposé par l’enseignant pendant la séquence. Les niveaux n et n-n sont supérieurs au niveau n-n-n qui désigne les activités scolaires. Cette hiérarchie a été déterminée par le chercheur en prenant en compte la logique de la séquence, les changements d’activité et les déplacements.

A part les niveaux indiqués ci-dessus, nous utilisons un niveau 0 pour signaler un intermède ou une transition. Nous modifions légèrement le sens donné par le GRAFE aux transitions en les présentant comme un moment dans la leçon où les enfants passent d’une activité à l’autre, ou changent de matériel. Cette utilisation du mot transition correspond mieux à la rythmique.

Nous avons utilisé le terme intermède (aussi désigné par 0) lorsque se produit une rupture dans le cours: dans le cas de la rythmique ce pourrait être pour sautiller après un moment passé près du piano, ou dans une séquence en particulier, pour discipliner une classe d’enfants difficiles.

Les repères indiquent le temps précis de l’élément décrit par le synopsis. Dans nos synopsis les repères interviennent très souvent pour s’adapter à la nature spontanée et immédiate des réactions des élèves à telle ou telle proposition de l’enseignant. Ils montrent la durée de chaque unité décrite dans le synopsis.

Dans la colonne « matériel » est mentionné celui qui est utilisé à ce moment.

Les formes sociales de travail (FST) indiquent la distribution de la classe pendant une activité donnée. Nous avons défini des formes sociales de travail particulières à notre sujet :

T activité de toute la classe I activité individuelle D activité avec un partenaire

G activité en groupe de trois ou plus

Q démarche question

M explication ou discours par l’enseignant

DM discours musical (où l’enseignant donne un discours ou une explication à travers la musique)

47 Voir Annexe 6A pour un exemple d’un synopsis.

DG discours gestuel (où l’enseignant donne un discours ou une explication à travers le geste)

Dans la colonne « Description » est résumé tout ce qui se passe, se dit et se fait pendant la séquence. Ce qui nous intéresse ici « n’est pas l’activité de l’enseignant, mais ce que nous dit l’activité de l’enseignant de l’objet » (p. 100).

Les macrostructures

Selon Schneuwly et Dolz (2009 : 104) la macrostructure48 permet « d’avoir une vision générale de l’enseignement effectivement réalisé, où sont présentés dans l’ordre les différents contenus traités par l’enseignant ». Les macrostructures synthétisent les niveaux du synopsis jusqu’aux activités scolaires, et nous les avons créées de deux manières différentes : premièrement, sous forme de schéma écrit; deuxièmement, sous forme de schémas arborescents. Ils nous permettent d’avoir une vue globale sur le dispositif didactique mis en place, ainsi que « des relations d’ordre, de progression, de hiérarchie et de connexion » dans sa construction (p. 104).

Analyse de chaque séquence

En suivant la théorie de l’action didactique conjointe (Sensevy & Mercier, 2007) nous effectuons une analyse multifocale de chaque séquence en discutant des aspects suivants :

 Le milieu didactique et le contrat didactique. Notre intérêt porte sur les comportements spécifiques de l’enseignant attendus par l’élève, et ceux de l’élève attendus par l’enseignant (p. 18) – comportements qui créent le contrat didactique. Nous nous intéressons également au « contexte cognitif commun » qui est le milieu didactique, et au genre de significations mis en évidence par l’action enseignant-élève.

 Le travail de l’enseignant, avec une attention particulière à la mise en œuvre du dispositif didactique, aux outils de l’enseignante et à ses gestes fondamentaux : consignes, régulations, dévolutions, construction de la mémoire didactique et institutionnalisation.

 Les tâches proposées à travers les consignes. Les tâches orientent le sens de la situation didactique de manière concrète, et leur analyse révèle l’évolution de l’objet d’enseignement.

 L’identification de l’objet d’enseignement et sa transposition didactique. Nos analyses prennent « l’action conjointe (p. 9) » comme base, afin de discerner l’objet enseigné, par un processus ascendant.

Ces analyses donnent lieu, pour chaque séquence séparément, à une description qui tente de décrire sa logique sous-jacente, son objet principal d’enseignement, sa dynamique. Dans ces analyses, la séquentialité est respectée : il s’agit de comprendre le déroulement propre de chaque séquence. Ces études de cas, mis en rapport les unes avec les autres, permettent de dégager une image plus générale de l’enseignement de la rythmique aujourd’hui.

Analyses transversales

Nous procédons aux analyses transversales, en étudiant les aspects suivants :

 La didactique de la rythmique : l’analyse du processus à travers les gestes fondamentaux de l’enseignante,

48 Voir annexe 6B pour un exemple d’un schéma arborescent.

 L’exercice de réaction – un exercice phare,

 Les parties des séquences de rythmique et leurs composants

 Les savoirs de la discipline « rythmique »,

 Le rôle de la musique et ses différentes formes.

Comme l’indique le qualificatif « transversales », l’analyse ne porte pas ici sur la séquentialité : les séquences ne sont plus l’unité d’analyse. En fait, nous traitons l’ensemble des séquences comme un seul tout pour repérer transversalement, à travers les séquences et indépendamment de chacune d’elles, les caractéristiques de la rythmique en milieu scolaire aujourd’hui.