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Chapitre 4 : mobilité et ancrages de l’immigration chinoise récente 88

4.2 Les réseaux 93

4.2.1 Réseaux universitaires 93

Les étudiants internationaux rencontrés font tous partie des réseaux d’étudiants d’origine chinoise rattachés à leur université. Pour certains, ces réseaux sont à la base de la configuration de leurs cercles sociaux. Pour d’autres, ils ont joué un rôle important dans leur installation à Montréal. Malgré la présence d’organismes communautaires basés dans le quartier chinois, ce sont effectivement les réseaux universitaires qui ont offert des services liés à l’accueil et à l’intégration. Par exemple, l’université peut fournir plusieurs services d’accompagnement pour s’installer et pour trouver un logement. Par ailleurs, aucun des

répondants n’a indiqué avoir participé aux activités organisées par un centre communautaire ou une institution située dans le quartier chinois.

En plus d’offrir des services plus pratiques, notamment liés à l’installation de ces nouveaux arrivants, les associations universitaires organisent aussi des activités sociales, qui parfois ont lieu dans le quartier chinois. Pour une étudiante de l’Université McGill, il s’agit de l’une des raisons principales pour lesquelles elle fréquente le quartier chinois. Elle se joint parfois aux sorties d’autres étudiants internationaux de son programme d’études. Lorsqu’interrogée sur les visiteurs qui viennent selon elle au quartier chinois, elle répond d’abord que ce sont les étudiants internationaux.

Mostly it’s Chinese students in our department. Some Taiwanese students also. We have some big get-together. It’s like most of the students from our department, including the foreign students and local students. We went to some restaurant and have a big lunch. One Taiwanese student passed a PhD comprehensive exam and invite all of us to go to this place to eat. And I think other students come, including the local people, they enjoy the food there too. (Entrevue #4)

Pour plusieurs, ces réseaux d’étudiants occupent une grande place dans leur vie. Par exemple, les célébrations traditionnelles se font avec les autres étudiants de l’association universitaire s’ils ne peuvent retourner visiter leur famille. Ils cherchent ainsi à concilier ces évènements à leurs nouveaux modes de vie. Si certains étudiants insistent sur des valeurs importantes associées à leur ethnicité chinoise, comme le sens de la famille, ils expriment leur crainte vers les autres qui adoptent un mode de vie plus «occidental». Le mode de vie, peu importe la manière dont il est qualifié, est certainement évolutif, au gré des expériences, liées à la mobilité ou pas, et aux réseaux sociaux. L’ethnicité chinoise n’est pas une construction statique. Comme nous l’avons vu au premier chapitre, celle-ci découle d’une construction identitaire subjective, qui évolue constamment au fil de l’expérience migratoire.

Les regroupements d’étudiants sont multiples et ce, même au sein de l’université. On en retrouve qui sont surtout fréquentés par des étudiants internationaux, mais peu par des Chinois de deuxième génération ou établis depuis longtemps. En plus des associations liées à une université, il existe des bourses octroyées par le gouvernement chinois pour encourager les rencontres via l’organisation d’activités sociales visant spécifiquement les jeunes partis étudier outre-mer. Dans d’autres cas, les étudiants intègrent des clubs universitaires, qui ne s’adressent

pas qu’aux étudiants internationaux, mais qui sont plutôt rattachés à un domaine d’étude. Ce sera par exemple un club d’astronomie à l’Université McGill.

Sans surprise, l’université est un lieu central dans la vie des jeunes. Pour l’une des répondantes, aujourd’hui diplômée et partie travailler à Chicago, c’est en fréquentant l’université McGill qu’elle a appris l’histoire et la culture de son pays d’origine. La collection de livres à la bibliothèque de l’université fut sans contredit une ressource qu’elle a beaucoup exploitée. L’université peut ainsi être un moyen d’ouverture au pays d’origine.

Mais rentrant à McGill, j’ai découvert qu’ils avaient une bonne étude de l’Asie de l’Est et leur collection de livres, c’est pour moi la première fois que j’ai vu autant de livres en chinois traditionnel, qui sont publiés dans les années 20, ou 30 ou 40. Parce qu’en Chine, après la révolution culturelle dans les années 60, on n’a pas vraiment des livres d’avant la période communiste et ça devient plus rare. Maintenant il y a une pression accentuée sur tout ce qui est plus traditionnel. C’est pour moi comme une porte qui s’est ouverte. J’ai profité de mes 3 ans à McGill pour lire sur le sujet de l’histoire et de la littérature. (Entrevue #6)

Au-delà de ces associations officielles, nous observons que l’université peut être un lieu de rencontre pour des jeunes qui souhaitent s’impliquer auprès des communautés chinoises. C’est le cas de l’un des répondants qui vivait à Vancouver et qui avait mis sur pied un projet d’écriture qui avait pour objectif de mettre en valeur la voix de la jeune génération des Canadiens d’origine chinoise. Il voulait, par différents médiums, aborder la complexité de l’identité des Canadiens d’origine chinoise. Cette expérience s’est avérée être, pour ce jeune homme, un premier contact auprès de la communauté et a donné lieu à la rencontre de jeunes intéressés à parler de leur origine par de nouveaux moyens. Une fois déménagé à Montréal, il a repris le projet pour l’adapter au contexte québécois. Ce projet a alors adopté la forme cinématographique, en collaboration avec le Centre d’histoire orale de Concordia. Finalement, le projet s’est concrétisé sous la forme d’un film documentaire4 qui fut projeté à de nombreuses occasions partout au Québec.