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Chapitre 4 : mobilité et ancrages de l’immigration chinoise récente 88

4.2 Les réseaux 93

4.2.2 Réseaux professionnels 96

À l’instar des réseaux universitaires, les organisations professionnelles définissent énormément les cercles sociaux des jeunes qui accèdent au marché du travail. Alors que pour les migrants chinois des générations précédentes, ces réseaux étaient plus largement ancrés dans le territoire du quartier chinois, les emplois qu’occupent les jeunes professionnels sont situés de manière diffuse sur le territoire. Ces réseaux se trouvent désormais à l’échelle internationale, ou du moins, ne sont plus associés à des limites territoriales ou bien à l’origine ethnique.

Cette place prépondérante qu’occupent les réseaux professionnels semble participer aussi à la manière dont se définissent les jeunes. Pour cette jeune femme membre de l’Association des jeunes professionnels chinois, mieux connue sous le nom de YCPA, l’origine ethnique est un atout qui sera utile pour son cheminement professionnel.

Pour les Chinois qui ont grandi ici… Tu sais moi je suis pas juste venu goûter au quartier chinois, je vais utiliser mes origines pour pouvoir m'aider davantage dans mon développement. (Entrevue #8)

L’association des jeunes professionnels chinois est un réseau de professionnels qui a beaucoup attiré notre attention dans cette recherche. Elle organise des activités de réseautage et a pour objectif de donner une plus grande visibilité aux jeunes professionnels d’origine chinoise. Ses membres regroupent principalement des comptables, des banquiers, des avocats, des médecins, des ingénieurs et des entrepreneurs. Bien qu’on y compte une petite population étudiante, le regroupement est surtout composé de professionnels qui pour la plupart ont grandi au Canada. Ce sont généralement des jeunes de deuxième génération.

Les lieux où sont organisés les évènements de l’association changent continuellement, mais le quartier chinois n’en fait habituellement pas partie. Parmi les différents évènements, on retrouve les célébrations traditionnelles du Nouvel An chinois. Or, le lieu où se tient l’évènement ne semble pas avoir une importance symbolique.

Si l'association voulait organiser un événement là, parce qu'on fait des événements une fois par mois, oui peut-être qu'on pourrait l'organiser dans le quartier chinois, mais la question c'est où? (Entrevue #8)

Les nouvelles générations arrivent, les gens d'affaires communiquent avec nous. Je vais te donner un exemple. Quand on a fait le Nouvel An chinois, il y a un nouveau restaurant asiatique qui vient d'ouvrir dans le square Philips qui nous a dit: On vient d'ouvrir, on s'entraide, on va recevoir tes gens et comme ça tu vas faire connaître notre restaurant aussi. (Entrevue #8)

Ces jeunes professionnels, par leurs compétences et leurs spécialisations respectives, cherchent à participer à un développement économique qui n’est plus ancré dans un lieu précis. Leur vision du développement et de l’entrepreneuriat diffère sans contredit de celle des autres générations de migrants. Cependant, l’accent est plus souvent mis sur le développement

économique bien plus que sur la participation politique. Selon l’une des membres, on ne

retrouve encore que très peu de personnes d’origine chinoise dans certains domaines. L’association YCPA, dont l’objectif est de donner une plus grande visibilité aux personnes d’origine chinoise, va pourtant dans le sens d’une plus grande participation aux prises de décision, notamment dans des sphères politiques.

Ça fait 200 ans que les Chinois sont là, que les Asiatiques sont là. Mais je dirais qu’ils n’ont pas pris leur place encore. Ils ont beau avoir des super études, ils réussissent très bien au niveau académique, des super emplois, mais quand on parle des cercles d’influence, que ce soit dans les milieux, je dirais des postes de cadre, ou encore gouvernementaux, on n’en voit pas de Chinois ou d’Asiatiques. (Entrevue #8)

La question de la représentation des communautés ethnoculturelles demeure problématique alors que la majorité continue de limiter la capacité de représentation de celles-ci dans de nombreux milieux, notamment dans la fonction publique (Germain, Liégeois et Hoernig 2008, 21). En comparaison avec les communautés installées à Vancouver, l’un des répondants indiquait ne pas sentir beaucoup de participation politique chez les jeunes qu’il rencontre ici.

[À Vancouver] La population est très ancrée. Ils sont venus depuis longtemps, ils ont construit la ville, ils sont là, ils sont acceptés jusqu’à un certain niveau. Il y a plus de présence politique. On voit des membres du parlement chinois, on voit des représentants du gouvernement chinois, on voit des gens en position de pouvoir, on voit des gens dans les médias, des annonceurs, des animateurs chinois sur l’émission de nouvelles. (Entrevue #7)

[Au Québec] je ne le ressens pas des communautés, des gens, des associations, des étudiants qui viennent à Concordia, qui restent 3 ou 4 ans puis qui repartent. Ou des nouvelles générations qui viennent pour une raison ou pour une autre, peut-être pour se faire une nouvelle vie, pour trouver du travail, mais pas nécessairement pour effectuer du changement politique. Les changements politiques, je le vois plus dans la communauté des Chinois de deuxième, troisième, quatrième génération. (Entrevue #7)

Ce participant rappelle que cette visibilité dans les sphères politiques serait toutefois plus présente chez les jeunes de deuxième génération et plus. De plus en plus, les jeunes, par les réseaux auxquels ils participent, semblent chercher à s’engager dans certains milieux professionnels et dans des cercles d’influence. Leur implication ne se limite donc plus à des espaces physiques, mais se fait désormais dans un espace global et politique.