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Chapitre 5 : entre représentations communes et divergentes du quartier chinois de

5.7 Les fonctions du quartier 129

5.7.2 Les dynamiques linguistiques 132

La transformation des dynamiques linguistiques est un élément central aux changements du rôle pratique du quartier. Le besoin réel de bénéficier de services dans la langue maternelle et de s’entraider face à un contexte de discrimination donnait lieu à la nécessité de se regrouper. Bien que non chinoise et n’habitant pas le quartier, une femme qui s’est longuement impliquée dans le quartier explique qu’elle avait été approchée dans les années 1970 en raison de sa connaissance du français.

I was the younger person but now I'm going older and we need the younger people. That's why I always encourage the young ones, it is important. When French was much needed in communication, and since I speak fluent French, in the seventies I would say, I could communicate. I think otherwise I would not have been needed. I got involve because at one time, they needed somebody to communicate, now you can have plenty to communicate. (Entrevue #9) 0 50 100 150 200 250 300 350 400 450 1 2 3 4 5 6 et + Nombre de ménages

Aujourd’hui, la diversité ethnique dans le quartier permet d’offrir des services dans plusieurs langues, ce qui répond à un besoin, partagé pas seulement par les communautés chinoises, mais par tous les migrants. Or, en employant des gens d’origines diverses, le Service à la famille chinoise du Grand Montréal attire un bassin de personnes beaucoup plus grand, qui ne réside pas dans le quartier. La clientèle qui compte notamment des Vietnamiens, des Russes et des Iraniens, reflète la diversité des origines des employés, dont la connaissance de langues multiples est devenue un atout. La diversité linguistique aujourd’hui est inhérente à l’identité du quartier, contrairement au début du 20e siècle où la langue cantonaise était une caractéristique

distinctive du quartier.

Pour plusieurs jeunes, l’apprentissage de la langue française comporte plusieurs bénéfices. D’abord, il y aurait dans plusieurs universités québécoises, des incitatifs financiers pour les étudiants qui s’inscrivent à des cours de français (Entrevue #3). Considérant les frais de scolarité élevés pour les étudiants étrangers, cela peut agir pour certains comme un incitatif à formuler un projet de migration. De plus, peu importe l’endroit où ils choisiront de travailler après leurs études, la connaissance de la langue française leur permettrait de se distinguer en emploi puisque la maîtrise de plusieurs langues apparaît comme un atout.

L’un des participants estime que l’opportunité qu’offre Montréal pour apprendre la langue française est un élément distinctif vis-à-vis d’autres villes. Surtout, pour les enfants des nouveaux arrivants, la maîtrise de plusieurs langues pourra les avantager. À cet égard, la ville de Montréal détient un avantage par rapport à d’autres villes et aurait la capacité de les retenir.

French is not a problem, because once they stay here, the second generation they pick up the language in no time. So actually it's the best place to raise up kids, it's one thing we have to sell: If you raise your kids in Québec, in Montréal, he's trilingual. If you go to Ontario, he can only speak English. And we have a beautiful city here, we have a lot of things to offer. (Entrevue #10)

Malcom Guy, cinéaste qui a réalisé le documentaire «Être Chinois au Québec», explique que « C’est l’attachement au français qui démarque les jeunes Chinois d’aujourd’hui de ceux des générations précédentes» (Barlow, 2013)

Lorsque nous interrogeons les jeunes sur l’usage des langues au quotidien et dans le quartier, ceux-ci répondent qu’ils s’adaptent aux gens qu’ils rencontrent. Certains s’adressent par exemple à un commerçant en anglais en premier lieu afin de connaître la langue parlée par

celui-ci. Pour d’autres, l’utilisation du cantonnais, bien que peu courante chez les jeunes, s’apparente à une formule de politesse.

Ma tante, si on va au «dim sum», elle parle cantonais. Je pense que c’est très chaleureux, tout le monde aime ça quand tu parles dans leur langue. (Entrevue #5)

L’usage courant des langues dans le quartier chinois témoigne des changements au sein de la population migrante. Les personnes dans le quartier parlent de moins en moins cantonnais, et on entend des jeunes parler français. L’utilisation de langues différentes selon les générations accentue les différences qui existent entre elles, mais en essayant de s’adapter aux personnes établies dans le quartier, les jeunes semblent vouloir créer un rapprochement culturel (Pottie- Sherman 2015, 11). Une telle dynamique linguistique est similaire à Richmond en Colombie- Britannique où Yolande Pottie-Sherman a étudié le phénomène des marchés de nuit.

Parmi les gens qui habitent le quartier, on observe aussi des changements dans les langues parlées au quotidien. Les langues parlées à la maison sont très variées et, comme en témoigne le graphique suivant, ces langues ne sont pas qu’asiatiques. Il faut bien entendu tenir compte du fait que le Complexe Guy-Favreau, où se rendent les nouveaux arrivants pour différentes procédures liées à l’immigration, compte un parc de logement résidentiel abordable qui attire des profils de résidents très variés. Mais les résidents du quartier sont très loin d’être les seuls usagers. Or, on ne dispose pas de données sur les langues parlées couramment par les visiteurs. La diversité de langues parlées pourrait donc être encore plus grande.

Figure 5.7 : Graphique représentant les langues parlées à la maison Source : Statistique Canada, ENM 2011.

Il est à noter que la catégorie «Chinois, n.d.a.» regroupe toutes les langues chinoises. Jusqu’en 2001, seule cette catégorie était utilisée. Dans les recensements suivants, la classification des langues a été élargie pour ajouter le cantonais, le mandarin, le hakka, le fou-kien, le taiwanais, le chao chow et le shanghaïen (Statistique Canada, 2011). Nous avons choisi de conserver la catégorie «Chinois n.d.a.» pour cette figure puisqu’elle peut comprendre d’autres langues parlées dans d’autres régions, mais il importe de ne pas l’additionner aux autres langues.