• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE 4 : PHASE PRÉMIGRATOIRE – LES PRÉPARATIFS

4.2 Dimension mécaniste de l’information : les acteurs clés dans le

4.2.2. Les réseaux sociaux

Rappelons que les réseaux sociaux sont composés de l’ensemble des relations d’un individu. Pour le migrant, ces liens peuvent être intracommunautaires ou extracommunautaires, forts ou faibles. De plus, nous distinguons les réseaux physiques des réseaux virtuels.

4.2.2.1. Réseaux physiques

Les réseaux physiques renvoient aux amis, membres de la famille et connaissances. Les liens peuvent être forts ou faibles. Les échanges d’information se font systématiquement

par médium oral et ces informations sont de nature informelle et fortement empruntes de subjectivité.

On opère une nette distinction entre les messages, selon qu’il s’agisse de messages d’intégration sociale et citoyenne ou d’intégration en emploi. Concernant l’intégration sociale et citoyenne, la société québécoise y est dépeinte comme une société généreuse du point de vue des prestations offertes aux familles et aux immigrants, et une sécurité pour l’avenir des enfants. Le frère de Nadir par exemple, lui a clairement dit que « pour les enfants il faut pas y penser, c’est un paradis pour eux». [Nadir]

J’ai des amis qui vivent en Amérique, ils m’ont dit oh tu vas au Canada, c’est bien, les médicaments, les traitements médicaux c’est bien, c’est gratuit. En Amérique c’est très cher. Tu es chanceuse. [Noura]

[Mon beau-frère et ma belle-sœur] m’avaient parlé d’ici pour le Québec, que c’est très bien, le gouvernement t’aide pour le problème de l’école parce que j’avais dit que je ne parlais pas français. […] Ils m’ont dit que le gouvernement nous aide, qu’il n’existe pas de racisme, c’est toute autre chose. [Anton]

Pour l’intégration en emploi, les messages sont beaucoup plus contradictoires. Quatre répondants ont eu écho de certaines difficultés d’intégration spécifiques aux immigrants qualifiés par des personnes ayant eu une expérience migratoire :

Sincèrement j’ai ma meilleure amie qui était médecin en Algérie. Elle m’a bien dit pour une femme qui n’a pas beaucoup de moyen en Algérie, c’est bien de venir, mais pour quelqu’un qui a beaucoup de moyens, c’est mieux qu’il reste. [Fatima]

J’ai eu mon ami ici, il travaillait avec moi pendant 5 ans et il a aussi une formation dans la robotique et j’ai vu le parcours de mon ami. Il a essayé de s’intégrer ici et j’ai compris que ce n’était pas vraiment facile de s’intégrer ici et que quand j’arriverais, je travaillerais comme par exemple préposé dans des travaux manuels. [Viktor]

J’ai rencontré des gens qui étaient ici, deux femmes. Elles m’ont dit c’est bien pour tes enfants, mais c’est pas un rêve. Moi je suis réaliste, mais tout le monde dit c’est bien pour tes enfants. [Noura]

Certains messages sont même tranchants et clairement décourageants. Hacine se rappelle que sa sœur avait des amis qui ont tenté de vivre l’expérience québécoise et sont revenus en disant « qu’aller au Canada, c’est comme avoir une malédiction sur soi ». Cinq autres répondants, par contre, mentionnent n’avoir pas entendu parler de difficultés. Au contraire, ils ont été encouragés à venir au Québec pour les opportunités de travail, nourrissant l’image d’une province à la recherche de travailleurs qualifiés.

Avant que je vienne ici, il y avait de belles perspectives, les gens ne disaient que du bien. C’est ce qui explique les flux migratoires qui avaient augmenté pendant cette période. Tous les gens que je contactais en principe ne me disaient que du bien. [Azsar]

Sinon, ce sont des informations contradictoires selon les personnes, comme c’est le cas de Nadir qui a été fortement encouragé par son frère et très fortement découragé par un ami.

Y’a mon frère qui a immigré en 1998, à chaque fois qu’il vient en Algérie il me dit que c’est un beau pays, qu’est-ce que tu fais ici, il faut venir. Il m’a donné une étincelle. […] Il y a des personnes qui m’ont déconseillé encore. J’en ai trouvé un qui m’a déconseillé. Je l’ai revu ensuite, je suis retourné en Algérie je l’ai rencontré du Québec, il m’a dit : alors, j’avais raison ou non, tu as trouvé du travail?. Celui-là il m’a découragé. [Nadir]

Notons que dans tous les cas, ces informations proviennent de réseaux intracommunautaires et/ou ethnoculturels. Cependant, il semble y avoir un fort contraste selon la durée d’immigration des personnes qui émettent l’information au néo-immigrant. En effet, plus la durée d’immigration de ces personnes est longue (on parle de plus de dix ans), plus les informations qu’elles donnent sont encourageantes. Au contraire, les immigrants récents découragent plus souvent leurs pairs. Dans notre échantillon, la force des liens, au sens de Granovetter, n’affecte pas le contenu des messages.

Hormis des informations subjectives relatées par des personnes au parcours singulier, les réseaux migratoires transmettent également des informations procédurales plus objectives

pour informer de l’existence d’ordre professionnel et dans certains cas, guider le migrant dans ses démarches.

4.2.2.2. Réseaux virtuels

Les réseaux virtuels comprennent les blogues et forums de personnes immigrantes partageant leurs expériences.

Seuls trois répondants, Alvaro, Viktor et Edouardo, ont consulté des forums Internet pour obtenir des informations. Ils y ont surtout lu des informations procédurales pour connaître les démarches d’immigration :

Ce que je recherchais c’est sur les démarches pour venir ici, comment faire les démarches. […] Les Colombiens ont un blogue internet très bon, ils disent combien de temps ça prend pour avoir les visas, et tout ça. [Alvaro]

À la lecture des différents messages postés, ils ont tout de même eu accès à des informations concernant l’intégration en emploi, mais ces informations peuvent être antinomiques d’une personne à l’autre. Néanmoins, plusieurs témoignages manifestent que l’accès à l’emploi qualifié n’est pas si simple et que cela nécessite parfois de réadapter ses compétences.

On a commencé à regarder ça [les forums], mais deux mois, trois mois on a arrêté parce qu’on avait trouvé qu’il y avait beaucoup d’informations, mais tout et son contraire. Certains qui disaient c’est bien, on a trouvé du travail, d’autres qui disaient, mais non, c’est pire, c’est mauvais, la santé c’est tellement mauvais. On a vu que c’était tellement radical, c’était pas objectif. [Edouardo]

On a compris que ce ne serait pas facile, il faut étudier plusieurs années. [Viktor]

Contrairement à certaines études qui accordent un rôle de plus en plus important aux réseaux virtuels (Acevédo, 2010), dans le cas de notre échantillon, ces réseaux n’ont pas été vraiment sollicités par les répondants.