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L'information dans le parcours des immigrants qualifiés récents au Québec : des attentes à la réalité

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Academic year: 2021

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(1)

ANAÏS PELLERIN

L’INFORMATION DANS LE PARCOURS DES

IMMIGRANTS QUALIFIÉS RÉCENTS AU QUÉBEC :

Des attentes à la réalité

Mémoire présenté

à la Faculté des études supérieures et postdoctorales de l’Université Laval

dans le cadre du programme de maîtrise en Relations Industrielles

pour l’obtention du grade de Maître ès arts (M.A.)

DÉPARTEMENT DES RELATIONS INDUSTRIELLES

FACULTÉ DES SCIENCES SOCIALES

UNIVERSITÉ LAVAL

QUÉBEC

2013

(2)
(3)

À tous ceux qui ont le courage d’aller

jusqu’au bout de leurs rêves d’une vie

meilleure ainsi qu’à ceux qui font leur

possible pour que cela se réalise.

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Résumé

Pas moins de 40 000 immigrants foulent annuellement le sol québécois, caressant alors le rêve d’une vie meilleure, rêve fortement alimenté par les pratiques promotionnelles du gouvernement québécois à l’étranger. Au profil de plus en plus prometteur, des immigrants qualifiés se trouvent pourtant confrontés à des barrières : non-reconnaissance des acquis et des compétences, manque de réseaux sociaux, pratiques discriminatoires, etc. Une fois en terre d’accueil, les services d’aide à l’intégration fournissent une information pertinente, mais malgré cela peinent à faire entrer les immigrants sur le marché de travail. Quant aux réseaux ethnoculturels, ils prennent un rôle informationnel plus important au fil des trajectoires migratoires. Cette étude exploratoire a pour objectif principal de montrer dans quelles mesures les informations reçues et perçues par les immigrants qualifiés influencent leur projet migratoire au Québec et orientent le processus d’établissement, par là même l’intégration.

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Abstract

Every year, more than 40,000 new immigrants land in Quebec, full of hope for a better life, and with high expectations with regard to their new home. These expectations were largely nourished by the Quebec government marketing efforts abroad to attract qualified immigrants. However, although more and more qualified, newcomers to Quebec are often faced with multiple barriers: non-recognition of their previous training and experience, lack of social networks, discriminatory practices, etc. Even with the help of the various integration groups that provide them with pertinent information, the newly arrived often find it difficult to enter the job market. With time, the ethnocultural networks play an increasingly important informational role and shape the immigrants experience along their migration path. The aim of this exploratory study is to show how the information received and perceived by qualified immigrants influence their migration project and shape their settlement process, thereby influencing their chances for a successful integration.

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Avant-Propos

La réalisation d’un mémoire de maîtrise est un long processus de réflexions, de questionnements, d’excitations, de remises en doute… Bien qu’il s’apparente parfois à de longs moments de solitude, la prise de recul m’amène à voir à quel point il s’agit bien plus d’un travail d’équipe qu’il n’y parait. Sans le soutien et l’aide de certaines personnes, jamais ce travail n’aurait pu être mené à terme. C’est pour cela que je tiens à leur témoigner ma profonde gratitude.

Mes premiers remerciements s’adressent à mon directeur de mémoire, Kamel Béji. À travers ta passion de l’enseignement et ton esprit contestataire pour les injustices sociales, tu as su stimuler en moi un engouement et un profond intérêt pour la problématique de l’immigration. Dans les moments de découragement, tu as su trouver les mots pour réveiller cette étincelle. Je te remercie également pour ta confiance, qui m'a permis de développer mon autonomie et ma créativité. Je te dois aussi ton sens de la concision qui m’a aidée à ne pas m’éparpiller dans les méandres de mon esprit! Je remercie également l’ARUC et le CACI sans lesquels ce projet n’aurait pas vu jour. Une mention spéciale à Anait Aleksanian et Marie-Josée Plouffe, ainsi qu’à toute l’équipe du CACI, qui s’est démenée pour nous et investie corps et âme pour l’intégration des personnes immigrantes.

Je tiens éminemment à remercier ma famille. Sans vous je ne serais jamais arrivée où je suis aujourd’hui. Vous m’avez soutenue, encouragée, et surtout, vous m’avez toujours démontré à quel point vous croyez en moi.

La famille ne s’arrête pas aux liens de sang. J’ai la chance incroyable d’avoir rencontré des gens exceptionnels tout au long de mon chemin de vie, qui sont devenus ma deuxième famille. Irène, merci d’être dans ma vie. Ton amitié, ton soutien, ton écoute et ta présence n’ont pas de prix… Je te remercie de tout mon cœur et de toute mon âme pour tout. Audrey, Amélie, Stéphane, Gabriel et toute la « gang », votre amitié m’est précieuse. Vous m’avez supportée tout au long de ce processus, surtout en me rappelant qu’il y a une vie en dehors du mémoire.

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Merci à l’équipe - et amis avant tout - du CRISE. Marie-Josée, tu as joué un rôle clé dans mon avancement académique.

Enfin, toute ma gratitude aux personnes qui ont accepté de participer à ce projet et de transmettre leurs expériences. Vous avez partagé avec moi votre vécu, vous m’avez confié vos souffrances, vous avez tenu profondément, à travers vos mots, à contribuer à l’amélioration des conditions des personnes immigrantes. J’espère avoir su rendre hommage à ce que vous m’avez offert. Et de manière générale, à toutes les personnes touchées de près ou de loin par l’immigration, partager avec vous mon sujet, l’enrichir par vos questions et réflexions, a été pour moi une grande source de motivation.

Une pensée toute particulière à mon papa… J’aurais vraiment aimé partager avec toi l’aboutissement de ce travail.

(8)

Table des matières

Résumé………ii

Abstract………...iii

Avant-Propos……….iv

Table des matières………...vi

Liste des tableaux………...x

Liste des figures………. ………..xi

Liste des sigles………...xii

Introduction………..1

CHAPITRE 1 : PROBLÉMATIQUE ET QUESTIONS À L’ÉTUDE………..4

1.1 Les flux migratoires à l’aune du XXIe siècle………4

1.2 Les trajectoires migratoires, de la préparation prémigratoire à l’intégration postmigratoire………5

1.2.1 Les étapes migratoires………...6

1.2.2 Les déterminants de l’adaptation et de l’intégration ..……….10

1.3 L’immigration au Québec : discours et réalité………14

1.3.1 La politique d’attraction des immigrants qualifiés……….14

1.3.2 Les effets des médias………18

1.3.3 La situation des immigrants qualifiés au Québec, une tout autre réalité………...…………..………20

1.4 Information et intégration socioprofessionnelle………...23

1.4.1. Obstacles à l’intégration et lacunes informationnelles………....23

1.4.2 Une typologie d’informations nécessaires……….28

1.4.3 L’accès à l’information………..30

1.5 Objectifs de la recherche et pertinences scientifique et sociale……….34

1.5.1. Objectifs de la recherche……….………….34

1.5.2. Pertinences scientifique et sociale : les enjeux liés à une mauvaise information...36

(9)

CHAPITRE 2 : CONCEPTS ET CADRE D’ANALYSE………40

2.1 Définitions conceptuelles………..40

2.1.1. L’intégration………40

2.1.2. L’information ………42

2.1.2.1. La dimension objective et mécaniste de l’information…...………...43

2.1.2.2. La dimension subjective de l’information…...………...43

2.1.2.3. Vers une tentative de convergence ………..………..44

2.2 Cadre analytique……..………..45

2.2.1. La communication au cœur du paradigme de l’interactionnisme symbolique………...46

2.2.2. La communication dans les sciences de l’information et de la communication………...………...48

2.2.2.1. La conception télégraphique de la communication………...48

2.2.2.2. La conception orchestrale de la communication………49

2.2.3. L’apport de la théorie des réseaux sociaux ………...50

2.2.4. L’apport de la psychologie de la perception et la théorie de la dissonance cognitive………..………...52

CHAPITRE 3 : MÉTHODOLOGIE………..……….55

3.1 Population à l’étude et critères de sélection de l’échantillon…………..…...56

3.2 Stratégie d’échantillonnage et méthode de recrutement………..………...58

3.3 Outils de recueil des données – L’entretien semi-directif………..……..59

3.4 Déroulement des entrevues………...60

3.5 Méthode d’analyse des données……….60

3.6 Considérations éthiques………62

3.7 Limites méthodologiques………63

(10)

CHAPITRE 4 : PHASE PRÉMIGRATOIRE – LES PRÉPARATIFS………..69

4.1 La préparation du projet migratoire………..…...69

4.1.1. Les motifs d’immigration : émigrer ou immigrer ?...69

4.1.2. À la recherche d’informations………..71

4.2 Dimension mécaniste de l’information : les acteurs clés dans le processus informationnel prémigratoire………..…………...72

4.2.1. Les sources institutionnelles………...73

4.2.1.1. Site Internet du MICC……….74

4.2.1.2. Site Internet d’Emploi-Québec………..76

4.2.1.3. Sites Internet des ordres professionnels………..…..76

4.2.1.4. Séances d’information des délégations québecoises………...76

4.2.1.5. Guides écrits à l’intention des nouveaux arrivants………78

4.2.1.6. Agents d’immigration………..78

4.2.1.7. Consultants en immigration………...79

4.2.2. Les réseaux sociaux………...80

4.2.2.1. Réseaux physiques……….80

4.2.2.2. Réseaux virtuels………..83

4.2.3. Les sources journalistiques………...84

4.3 Dimension herméneutique de l’information : des bruits pouvant biaiser l’information pertinente………...………..85

4.3.1. Bruits reliés à l’émetteur-source………...85

4.3.2. Bruits reliés au récepteur………...88

4.3.3. Bruits reliés à l’environnement………..89

4.3.4. Bruits reliés au médium………..92

CHAPITRE 5 : PHASE POSTMIGRATOIRE – L’ÉTABLISSEMENT ET L’ADAPTATION………...94

5.1 L’arrivée au Québec : le grand Jour………94

5.2 Les premiers pas de l’établissement : les activités d’intégration………96

5.2.1. Recherche d’un logement………97

5.2.2. Démarches administratives d’intégration sociale et citoyenne………..………..99

5.2.3. Démarches administratives d’intégration en emploi………..101

(11)

5.2.4.1. Stratégies d’intégration en emploi………106

5.2.4.2. Stratégies de recherche d’un emploi qualifié………107

5.2.4.3. Évaluation des stratégies………116

5.2.5. Accès à différents services publics………..121

5.2.6. Activités d’intégration sociale………...123

5.3 Regard des répondants sur leur projet migratoire………..126

CHAPITRE 6 : DISCUSSION – CONCLUSION………..133

Bibliographie………152

Annexes……….166

Annexe A – Invitation à participer à la recherche……….…………..167

Annexe B – Guide d’entrevue………168

Annexe C – Fiche sociodémographique………..172

Annexe D – Lettre d’approbation du comité d’éthique……….………..…176

(12)

Liste des tableaux

Tableau 1 – Caractéristiques sociodémographiques………...65

Tableau 2 – Caractéristiques professionnelles………..66

Tableau 3 – Chroniques migratoires ………...66

Tableau 4 – Contexte familial à l’arrivée au Québec……….67

Tableau 5 – Résumé des stratégies d’intégration et de recherche d’emploi………..115

Tableau 6 – Informations prémigratoires provenant de sources institutionnelles…….….177

Tableau 7 – Informations prémigratoires provenant des réseaux sociaux migratoires………..……186

(13)

Liste des figures

Figure 1 – Exemple de transitions dans la vie d’un immigrant adulte

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Liste des sigles

CACI Centre d’appui aux communautés immigrantes

ELIC L’enquête longitudinale auprès des immigrants du Canada MESS Ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale

MICC Ministère de l’Immigration et des Communautés Culturelles par. Paragraphe

PRIIME Programme d’accès à l’intégration des immigrants et des minorités visibles en emploi (Québec)

sect. Section

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Introduction

L’immigration et l’étude des flux migratoires constituent un champ d’intérêt pour les chercheurs de tous horizons, d’autant plus dans le contexte international qui caractérise notre époque. Perçues à la fois comme un avantage économique comparatif pour les pays mais aussi comme l’opportunité d’un avenir meilleur pour les individus, la question de l’immigration se pose comme un incontournable en relations industrielles. Dans la sphère du travail, cette question est souvent intégrée à celle de la gestion de la diversité de la main d’œuvre. Cependant, plus en amont, elle relève de décisions politiques, elles-mêmes reflets d’un choix de société. Les enjeux auxquels fait face le Québec depuis déjà quelques années en ce qui a trait à la dénatalité, au vieillissement de la population active, à la pénurie de main-d’œuvre dans certains secteurs et certaines régions posent la question de l’immigration avec plus d’acuité. Les moyens déployés à cet égard sont considérables. La province a adopté une politique d’attraction très active à l’égard de candidats au profil jeune, ayant un niveau d’instruction relativement élevé et parlant le français et/ou l’anglais (MICC, 2005). Ceci a porté fruit puisque depuis le début des années 2000, pas moins de 40 000 immigrants1 foulent le sol québécois annuellement (Statistique Canada, 2010). L’image projetée du Québec à l’étranger est capitale pour attirer les « meilleurs ». Alors que l’urgence de placer sur le marché du travail cette main-d’œuvre immigrante est réelle, les études sur la situation des immigrants récents au Québec - arrivés sur le territoire depuis moins de cinq ans - révèlent de fortes disparités en ce qui a trait à leur intégration en comparaison des natifs ou des immigrants des cohortes précédentes (Statistique Canada, 2006). Le constat de ce paradoxe a motivé de nombreuses études, lesquelles ont associé principalement les obstacles à l’intégration en emploi des immigrants aux barrières linguistiques, à la non-reconnaissance des acquis et des compétences, aux pratiques discriminatoires et au manque de réseaux sociaux (Chicha 2010b ; Belhassen 2009 ; Arcand et al, 2009 ; Rimok, 2006). Bien que nous soulignions les efforts des différents partenaires institutionnels pour pallier ces entraves, la désillusion des immigrants qualifiés venus au Québec pour motifs professionnels semble

1 Pour alléger le texte, l'utilisation du genre masculin a été adoptée afin de faciliter la lecture et n'a aucun e

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de plus en plus perceptible (Man, 2004 ; Belhassen, 2008). De plus en plus d’immigrants déclarent avoir été « floués » par des informations inexactes (Bauder, 2003 ; MICC, 2005 ; Belhassen, 2009).

L’information apparait alors comme un élément clé tout au long du parcours migratoire ; dans l’attraction prémigratoire de candidats potentiels et comme guide vers une bonne intégration postmigratoire. Les acteurs concourant à la diffusion de ces informations sont éminemment les instances gouvernementales. Mais le gouvernement n’est pas seul responsable des attentes qui se créent autour du projet migratoire, les différents réseaux sociaux participent à la diffusion de l’information et parfois à sa déformation. D’ailleurs, l’influence de l’information qui circule au sein des réseaux est à mettre en corrélation avec l’augmentation du nombre de projets migratoires (Vatz Laaroussi, 2009), information qui ne concorde pas toujours avec la réalité, ni avec les mises en garde formulées par le gouvernement.

En se centrant sur les immigrants qualifiés, récemment arrivés au Québec et non intégrés dans un emploi en lien avec leurs compétences, l’objectif général de ce travail est de percevoir dans quelles mesures les informations reçues et perçues par les immigrants et les sources de diffusion influencent leur projet migratoire et orientent le processus d’intégration. Il ne s’agit pas ici de réduire les difficultés rencontrées par les nouveaux arrivants à la seule question de l’information, mais de mettre en exergue les problèmes d’intégration socioprofessionnelle associés à une information imparfaite, entendu qu’une « information pertinente et de qualité […] aidera à préparer [l’immigrant] à franchir avec succès le processus d’accès à leur profession » (MICC, 2005 : 6).

Deux objectifs principaux jalonnent notre travail. Dans un premier temps, partant du constat d’un décalage entre les attentes prémigratoires et la réalité quant à l’intégration des immigrants qualifiés récents au Québec, nous nous intéressons à l’information diffusée en phase prémigratoire pour comprendre dans quelles mesures elle influence les candidats à l’immigration. Dans un second temps, conscient de l’enjeu et de l’importance de l’information en phase postmigratoire pour guider les immigrants dans des stratégies d’intégration efficaces, nous voulons comprendre dans quelles mesures le processus informationnel guide ou entrave les parcours d’intégration des nouveaux arrivants durant

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les premières étapes menant à son intégration. Notre mémoire sera structuré de manière chronologique, en distinguant ces deux étapes pré et post migratoires.

Selon Bougnoux (1998), l’information est un concept « caméléonesque » qui s’adapte au contexte, aux disciplines, aux époques ou encore aux paradigmes. En nous situant dans une perspective psychosociologique, nous approchons notre objet d’étude en réintégrant l’information autour de la notion de communication. Nous élaborons donc un cadre analytique reposant d’une part sur les conceptions télégraphiques et orchestrales de la communication, d’autre part sur la théorie des réseaux sociaux et enfin sur la théorie de la dissonance cognitive en psychologie de la perception. Nous intéresse alors la dimension que nous qualifions de mécaniste de l’information (Qui? Dit quoi? À qui? Comment? Avec quels effets?) et sa dimension herméneutique (les facteurs influençant la perception et l’interprétation de l’information). Alors qu’au Québec, les défis et les difficultés auxquels sont sujets les immigrants sont de plus en plus connus et admis, l’enjeu ici est de comprendre si les candidats à l’immigration étaient suffisamment informés quant à cette réalité potentielle et de questionner l’accessibilité, la pertinence et l’utilité de l’information. Le mémoire se décline en six chapitres. Dans le chapitre 1, nous exposons la problématique en présentant le contexte actuel des flux migratoires internationaux et ses répercussions sur les trajectoires migratoires. Ceci nous amène à traiter plus spécifiquement du cas du Québec, des difficultés vécues par les immigrants qualifiés récents et à voir comment la question de l’information peut éclairer les parcours migratoires, depuis l’attraction jusqu’à l’intégration des immigrants, dans leur succès comme dans leur échec. Le chapitre 2 est consacré à l’analyse des principaux concepts que sont l’intégration et l’information ainsi qu’à la définition du cadre analytique reposant sur les trois champs théoriques mentionnés précédemment. Le chapitre 3 fait l’objet de la description méthodologique de la recherche. Quant aux chapitres 4 et 5, ils sont le cœur de la présentation et de l’analyse de nos résultats. Le chapitre 4 est consacré à la phase prémigratoire (premier objectif) et le chapitre 5 à la phase postmigratoire (second objectif). Enfin, le chapitre 6 fait le pont entre les deux phases en poussant plus loin le regard analytique sous l’angle des politiques publiques d’immigration. Il est également question de proposer des recommandations en réponse aux problématiques soulevées tout au long du travail ainsi que des pistes de recherches futures.

(18)

CHAPITRE 1 : PROBLÉMATIQUE ET QUESTIONS À

L’ÉTUDE

Une analyse générale, à l’échelle internationale, des flux migratoires à l’aune du XXIe siècle nous permettra ensuite de contextualiser le cas spécifique de l’immigration au Québec, en nous centrant plus particulièrement sur l’étude des immigrants qualifiés récents. Nous démontrons l’importance et le rôle que joue l’information tout au long des trajectoires migratoires. Ceci nous amène à définir le contour de notre travail et à légitimer sa pertinence sociale et scientifique.

1.1 Les flux migratoires à l’aune du XXIe siècle

Le phénomène migratoire s’est fortement transformé depuis les dernières décennies, redéfinissant des trajectoires qui n’ont plus le même sens, ni la même portée qu’auparavant. La compréhension des processus d’intégration des immigrants passe par l’analyse historique des flux migratoires et de l’évolution des contextes sociaux, politiques et économiques qui les ont accompagnés.

Bien que le phénomène de l’immigration internationale ne soit pas nouveau, il est fortement teinté par le contexte historique dans lequel il s’inscrit. Particulièrement, les évolutions récentes sont associées à la mondialisation économique et à la globalisation des échanges. La mondialisation a modifié la perméabilité des frontières et, greffée à l’évolution technologique, a permis la baisse des coûts de transports et a facilité la mobilité des personnes (Hatton & Willamson, 1998). Les pays touchés par une forte croissance économique continuent d’attirer les candidats à l’immigration et, parallèlement, l’amélioration des conditions économiques dans les pays de départ favorise les possibilités de financer les coûts reliés au projet migratoire (Girard, 2004). Du côté des États, l’immigration et le capital-travail représentent un enjeu stratégique considérable pour des pays soumis à la course à la compétitivité. De 2000 à 2010, le nombre d’immigrants internationaux s’est vu croitre de 64 millions, passant ainsi de 150 à 214

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millions (Organisation Internationale pour les Migrations, 2010). Autrement dit, une personne sur 33 dans le monde est aujourd’hui un migrant.

Au-delà de l’évolution quantitative, c’est la mutation qualitative des flux migratoires qui caractérise la période actuelle. L’immigration s’étend à de plus en plus de pays et elle semble devenir plus flexible, c’est-à-dire de plus courtes durées et les déplacements ne sont pas systématiquement envisagés comme permanents et définitifs. Les processus migratoires font montre par ailleurs de modes de régulation plus décentralisés, caractérisés par une perte de vitesse du rôle étatique et par la suprématie que tendent à prendre les réseaux sociaux dans les décisions et les comportements individuels (Simmons, 1995). De plus, la part de l’immigration économique s’accroît constamment au détriment de la part des demandeurs d’asile (Organisation Internationale pour les Migrations, 2010).

Le nouveau contexte dans lequel s’effectuent les migrations laisse donc entendre de nouveaux enjeux, de nouveaux acteurs et de nouveaux moyens de contrôle. À cet effet, la compréhension de l’intégration des immigrants dans leur pays d’accueil ne peut s’effectuer de manière cloisonnée, d’un point de vue purement individuel ni strictement structurel, et encore moins cantonnée à un espace géographique délimité, ni être dissociée de sa temporalité.

1.2 Les trajectoires migratoires, de la préparation prémigratoire

à l’intégration postmigratoire

La notion de trajectoire laisse transparaitre l’idée d’un cheminement, d’un itinéraire partant d’un point de départ pour se rendre à un point d’arrivée et à l’intérieur duquel s’harmonise une infinité de modalités. Elle révèle une dialectique du mouvement et de l’ancrage – cependant jamais totalement achevée ni définitive – à la croisée de dimensions spatiale, sociale et politique (Jolivet, 2007).

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1.2.1 Les étapes migratoires

L’immigration est un processus relativement long, prenant racine depuis la décision de quitter son pays d’origine, jusqu’au sentiment d’être intégré dans le pays qui nous a accueilli. Les parcours des migrants ne sont ni simples, ni linéaires et encore moins homogènes. Néanmoins, nous sommes en mesure de distinguer différentes phases jalonnant les transitions migratoires par lesquelles passent la majorité des migrants. Le Conseil Canadien pour les réfugiés (1998) en a répertorié quatre : les préparatifs, l’établissement, l’adaptation et l’intégration.

Kunz (2005) nous présente un schéma présentant un exemple de transitions dans la vie d’un immigrant adulte accompagné de sa famille. Chacune de ces étapes s’effectue dans une temporalité, correspondant à des démarches particulières que l’immigrant doit entreprendre, et au cours desquels plusieurs facteurs interviennent pour en faciliter ou entraver le bon déroulement.

Figure 1 – Exemple de transitions dans la vie d’un immigrant adulte accompagné de sa famille (Kunz, 2005)

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Une fois la décision d’immigrer prise, l’émigrant, souvent accompagné de sa famille, va entamer des démarches pour préparer son projet. La phase préparatoire s’effectue depuis le pays d’origine. Elle comprend les différentes démarches entreprises par l’émigrant en attendant l’approbation officielle de sa demande. Généralement, ces démarches vont consister à apprendre la culture et les coutumes du pays de destination, améliorer les compétences linguistiques, faire des économies en prévision des dépenses à venir durant les premiers mois d’installation, obtenir des renseignements au sujet des organisations utiles dans le pays d’accueil, etc. (Kunz, 2005). Il convient également de souligner l’état psychologique du nouvel arrivant. En effet, l’individu qui décide d’émigrer de son pays d’origine vit aussitôt un stress prémigratoire résultant des détachements à venir par rapport à la plupart de ses repères identitaires et aussi en raison du futur départ vers l’inconnu (Béji, 2008). De plus, le projet est nourri par un certain idéal à atteindre, alimenté par l’imaginaire, par les médias ou par les récits des immigrants qui reviennent (Jolivet, 2007; Parant, 2001). Pour Pourtois et Desmet (2006), l’imaginaire migratoire est cet ensemble de constructions psychiques individuelles et/ou collectives permettant d’anticiper la réalité, de remplir le vide de ce que sera la migration et notamment l’arrivée au pays d’accueil. Il contient des attentes conscientes, issues des fantasmes individuels et culturels. Les démarches prémigratoires sont parfois longues et laborieuses, laissant le temps libre à la construction de scénarios d’un ailleurs imaginé, d’un idéal d’insertion migratoire justifiant la décision de partir et nourrissant la motivation (Petek, 1998).

Une fois en terre d’accueil, l’immigrant poursuit ses démarches en vue de son établissement, notamment concernant la langue, le logement, l’emploi, les écoles, la découverte de la culture et de la communauté, le réseautage, etc. Il s’agit de la deuxième phase, celle de l’établissement. À ce moment, le nouvel arrivant peut vivre un « choc » culturel, relié à l’installation, à la découverte d’un nouvel environnement, à la difficulté de trouver des ressources aidantes, de verbaliser ses appréhensions, ses incertitudes, etc. Ce choc migratoire n’émane pas uniquement de contrastes culturels, mais aussi de l’écart entre une construction de la réalité et la réalité elle-même. Mais ces rêves sont parfois très loin de la réalité, réalité qui se vit dans un nouvel espace, de nouveaux cadres de référence et des valeurs et normes différentes des schèmes culturels conditionnant la pensée. Il est néanmoins indéniable que ces rêves forment des attentes, qui à leur tour influenceront la satisfaction ou la déception face au projet migratoire et plus

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concrètement les comportements, attitudes et les actions posées en vue de sa propre intégration.

L’étape de l’adaptation est un prolongement de l’étape de l’établissement, mais ici, l’immigrant vise à s’ancrer dans la société qui l’accueille. Il cherche alors à améliorer ses compétences linguistiques, s’adapter au marché du travail, améliorer sa connaissance du pays et de la culture d’accueil, développer un sentiment d’identité et élargir ses réseaux de connaissance. L’intégration en soi correspond alors à une participation plus active à la société, à la vie économique, politique et civique.

La question de l’adaptation des immigrants dans le pays hôte a beaucoup intéressé la littérature interculturelle. De nombreux modèles ont été proposés pour comprendre ce processus. Les plus connus sont les modèles de « récupération », où l’adaptation est un processus développemental. Perçu de manière linéaire et symbolisé par une courbe en U, l’adaptation découlerait d’un choc culturel. Le modèle de Black et Mendenhall (1991) propose par exemple quatre étapes reflétant les divers états émotionnels par lesquels transite le migrant. Dans un premier temps, la phase du spectateur, appelée aussi Lune de miel, est marquée par l’enchantement relié à la découverte et l’intérêt pour le nouveau pays. Elle est suivie d’une phase de désillusions et de frustrations, communément nommée « choc culturel », où l’individu se confronte aux différences, à l’absence de repères et aux premières difficultés. Cette étape peut déboucher sur une adaptation au modèle sociétal dominant ou bien un échec, voire un rejet de la culture d’accueil. Le nouvel arrivant doit alors s’adapter, ajuster et modifier ses habitudes et trouver de nouveaux repères afin de s’ancrer dans la dernière phase, celle de la Maturité, sinon il se dirige vers un échec d’intégration. Berry (1991) distingue quatre types de stratégies d’adaptation : l’intégration, l’assimilation, la ségrégation et la marginalisation. L’intégration consiste à valoriser autant sa propre culture que celle des autres. L’assimilation se fait quand on valorise la culture d’accueil en dévaluant sa propre culture. La ségrégation se produit lorsque l’on valorise sa propre culture en dévalorisant la culture hôte. Quant à la marginalisation, elle consiste à dévaloriser autant sa culture que celle des autres. Idéalement, l’immigrant parvient à la phase de Maturité, ou d’Intégration et de Maîtrise en

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acceptant les valeurs et normes de la culture d’accueil et quand il trouve un équilibre avec sa culture originelle. Cependant, le modèle développemental est purement descriptif et révèle peu sur la dynamique intrinsèque à l’adaptation. De plus, l’aspect universel des étapes décrites peut paraître douteux (Anderson, 1994). Un autre groupe de modèles décrit l’adaptation davantage comme un processus d’apprentissage. Il s’agit alors pour le nouvel arrivant d’apprendre les compétences socioculturelles nécessaires pour participer à la nouvelle société. Entre autres, l’acquisition d’habiletés communicationnelles semble primordiale (Furnham et Bochner, 1986). Certains modèles situent le processus d’adaptation à la frontière entre le développement individuel et l’apprentissage. Enfin, le quatrième groupe rassemble les modèles homéostatiques d’équilibre, où l’adaptation relève d’un processus dynamique et cyclique de réduction de tensions, d’ambivalences internes. L’adaptation serait un changement de la relation entre le cadre de référence de l’individu, ses conduites et l’environnement ambiant. Pour Anderson, tous ces modèles ne reflètent qu’une partie du puzzle. L’auteure propose un modèle intégrant à la fois un processus développemental, un processus d’apprentissage et un processus communicationnel. Elle donne à l’individu un rôle actif dans son adaptation, lequel choisit comment répondre à son nouvel environnement et ainsi créé sa propre adaptation (Anderson, 1994). Il existe six principes caractérisant l’adaptation interculturelle : elle suppose des ajustements ; implique des apprentissages ; nécessite une relation entre le nouvel arrivant et les hôtes ; il s’agit d’un processus cyclique, continu et interactif ; elle est relative et exige un développement personnel (Anderson, 1994).

Aussi pertinents soient-ils, ces modèles ne rendent pas compte de l’ensemble des forces entrant en jeu dans les processus migratoires. Ils laissent l’impression que seul l’individu est responsable de son intégration et doit développer les efforts nécessaires à son adaptation. C’est oublier alors les influences externes, hors du contrôle individuel. De plus, ils sous-tendent que l’intégration ne commence qu’au moment où l’immigrant arrive dans son pays d’accueil.

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1.2.2 Les déterminants de l’adaptation et de l’intégration

L’intégration découle d’un ensemble de facteurs que l’on peut classifier selon qu’il s’agit de facteurs micro, macro ou mesosociaux. Au niveau micro, on s’intéresse au comportement individuel ; l’individu et ses caractéristiques constituent l’unité d’analyse. Le niveau macro tente de comprendre les comportements à un niveau plus global, tels que ceux d’une nation, les mouvements internationaux ou encore ceux d’une civilisation. Quant au niveau meso, il fait le pont entre les niveaux d’analyse micro et macro en analysant les liens au sein d’un groupe, une communauté ou une organisation par exemple. Dans le cadre des migrations, c’est à l’échelle de ces trois niveaux que l’on peut comprendre le processus d’intégration, à chacune des phases d’adaptation, d’établissement et d’adaptation.

Les mouvements migratoires peuvent se comprendre à l’échelle microsociale. Bien qu’il existe une multitude de destinées, chacune camoufle un désir commun à tous les migrants, celui d’améliorer les conditions de sa vie (Girard, 2004). Pour certains, ce sont les conditions économiques qui prédominent, elles peuvent encore être sécuritaires ou encore familiales. La répartition des immigrants en trois catégories – immigrants économiques, réfugiés, et immigrants du regroupement familial – reflète bien les trois motifs principaux. Cependant, dans la réalité cette classification n’est pas aussi exclusive qu’elle ne semble l’être dans les formulaires. Bien que notre étude porte uniquement sur les immigrants économiques qualifiés, « le spectre des facteurs explicatifs de la décision de migrer, puis du mouvement lui-même, est très large » (Liagre, 2008 : 3). Les migrations volontaires ont pendant longtemps été associées à des motifs purement économiques. Pour les économistes néoclassiques, les individus sont des acteurs rationnels qui décident de migrer sur la base de calculs coût/bénéfices. Les coûts de l’immigration seraient alors ceux du voyage, de la recherche d’emploi, de l’adaptation, etc. alors que les bénéfices seraient reliés aux salaires et aux possibilités d’emploi (Todaro, 1976). Le seul critère économique est cependant insuffisant. Des études sur les migrations des cadres supérieurs témoignent du fait que l’idée du voyage est inhérente à leur mode d’éducation, à leur manière de créer des réseaux et à l’ascension professionnelle (Liagre, 2008). L’attrait du salaire n’expliquerait donc pas à lui seul l’impulsion du départ et le démarrage d’un projet migratoire. De plus, les décisions ne sont pas nécessairement l’apanage des

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individus, mais découlent souvent davantage d’une réflexion familiale où chaque membre participe à la construction du projet (Stark, 1991). Les caractéristiques micro-individuelles n’orientent pas uniquement la décision migratoire mais également les chances de réussite dans le pays d’accueil. Elles peuvent être objectives, telles que l’âge, les conditions familiales ou encore la situation financière. Mais elles peuvent être également subjectives, telles que le degré d’activation sur le marché du travail, l’attitude optimiste ou pessimiste, la motivation face à un éventuel retour aux études, etc. Les immigrants de la catégorie économique, requérants principaux et ayant survécu à une sélection exigeante ont théoriquement de bonnes chances de succès dans leur projet migratoire. Et malgré cela, certains profils sont plus gagnants que d’autres, selon l’âge, le sexe, le niveau d’instruction, les qualifications professionnelles, l’expérience antérieure, l’ambition, etc. À ce propos, Labelle et Lévy rappellent que l’hétérogénéité composant désormais le nouveau bassin de main-d’œuvre dans les pays d’immigration a instauré une nouvelle segmentation du marché du travail obéissant à des critères de classe, d’ethnicité et de sexe (Labelle et Lévy, 1995). Le stéréotype d’un profil gagnant serait d’être jeune, de sexe masculin, instruit et connaissant la langue officielle (Bourdabat et Cousineau, 2010). La migration internationale du capital humain qualifié serait également l’aboutissement d’une interaction complexe de forces économiques, politiques, sociales, culturelles, linguistiques et religieuses. Ainsi, un ensemble de facteurs d’attraction et de répulsion conditionnent le démarrage du projet migratoire. Les facteurs de répulsion concernent les conditions, dans le pays d’origine, pouvant pousser les gens à vouloir partir. Il peut s’agir entre autres d’une capacité éducative insatisfaisante, de faibles niveaux de vie, d’une limitation technologique, d’une déqualification professionnelle et d’une inadéquation entre les formations et les opportunités d’emploi, de l’incertitude face à l’avenir, des conflits armés, d’un malaise politique, d’une instabilité économique, etc. (Dzimbo, 2003). Les facteurs d’attraction sont ceux qui incitent les gens à se déplacer vers un autre lieu. Il s’agit par exemple des possibilités d’emploi, des infrastructures de communications, des espaces verts ou de loisirs, des politiques d’immigration favorables, d’un système éducatif performant, de la stabilité politique, etc. (Hillman and Weiss, 1999 ; Liagre, 2008). Selon Lee (1966), dans le cas des immigrants qualifiés, les facteurs d’attraction auraient davantage de poids dans la décision que les facteurs de répulsion. Borjas pousse encore plus loin le rôle accordé aux facteurs d’attraction en avançant l’hypothèse que l’État

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providence et la générosité des prestations publiques attireraient même des personnes qui n’auraient pas nécessairement désiré émigrer (Borjas, 2007). Généralement, la proximité ou la distance sociale, culturelle et économique entre le pays d’origine et le pays d’immigration marquée par la langue, la religion, les types d’organisation familiale, le niveau de développement économique des pays d’émigration et d’immigration permettent de comprendre le choix d’une destination plutôt qu’une autre et déterminerait le degré d’intégration d’une personne dans une nouvelle société (Piché, 2001). De plus, certains pays sont très actifs en matière de recrutement des étrangers hautement qualifiés et développent des politiques d’attraction plutôt agressives, comme c’est le cas du Canada et plus particulièrement du Québec (Dzimbo, 2003). Les caractéristiques structurelles et institutionnelles des pays d’accueil influencent également l’établissement et l’adaptation du nouvel arrivant et de sa famille. Entre autres, les politiques d’accueil et d’intégration et le type d’aide offert aux immigrants et aux natifs en général conditionnent l’adaptation, que ce soit au niveau financier, par rapport aux possibilités offertes en termes de formation, d’actualisation des compétences, de retour aux études, etc. La structure de la main-d’œuvre et les spécificités du marché du travail, telles que l’existence des ordres professionnels, constituent également un autre type de barrières institutionnelles pour certains migrants (Portes et Rumbaut, 1990).

Les déterminants micro et macroscopiques offrent cependant une vision limitée des trajectoires migratoires. La dimension méso permet « d’identifier les mécanismes à travers lesquels les forces macro qui influencent les flux migratoires se traduisent en déterminants de la migration au niveau micro des décideurs individuels » (Zlotnik, 2003 : 70). Les déterminants méso réfèrent à l’ensemble des liens sociaux des individus. On parle de réseaux migratoires pour décrire les liens interpersonnels qui mettent en rapport les migrants potentiels dans les zones d’origine et de destination (Nieto & Yepez, 2008). Ces réseaux, mis en place par les migrants eux-mêmes, parents, amis ou connaissances, ont résisté au passage du temps. À force d’ajustements organisationnels progressifs, ils ont fini par acquérir une structure et une dynamique qui leur est propre et à se maintenir malgré la distance. Ces réseaux tendent même à se consolider avec le temps et à s’institutionnaliser, créant alors les conditions propices à de nouveaux départs, au point que les migrations deviennent progressivement indépendantes des facteurs qui les ont déclenchées (Massey et al., 1993). Ces échanges constituent ce que certains auteurs

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nomment des chaînes migratoires qui permettent la réduction des coûts migratoires (reliés à la recherche d’informations, d’un emploi, d’un logement, etc.), la réduction du risque et augmentent la probabilité de trouver un emploi dans le pays d’installation (Nieto & Yepez, 2008). La présence de réseaux migratoires d’une certaine communauté ethnique dans un pays conditionnerait alors le démarrage du projet migratoire pour d’autres individus ou familles, et ce, indépendamment de motifs individuels ou de facteurs d’attraction ou de répulsion. Les caractéristiques de la communauté ethnique d’appartenance, sa présence sur le territoire et son degré d’intégration orientent également le sens que prend l’établissement du nouvel arrivant dans sa société d’accueil (Zlotnik, 2003). L’enquête longitudinale auprès des immigrants du Canada2 (ELIC) a mis en avant qu’à leur arrivée, lorsqu’ils sont confrontés à un problème – accès aux services de santé et à un logement, suivre des études ou trouver un emploi – les immigrants vont, dans l’ordre d’importance, recourir à leurs amis (43 %), à des parents ou membres de la famille (29,25 %) puis à des institutions formelles (19,75 %) (Xue, 2007).

L’immigrant seul n’est pas responsable de son intégration. Un ensemble de forces macro et mésosociales guident et orientent les parcours migratoires. Dans la section qui suit, nous allons montrer l’influence exercée par le gouvernement québécois et par les différents réseaux sociaux dans les trajectoires des immigrants sous l’angle de l’information. Sachant que « [le] succès à chaque étape se répercute sur les étapes suivantes » (Kunz, 2005 : 55). Tout au long de ce processus, il est alors important que l’immigrant soit adéquatement guidé par des informations « fiables et justes ». En effet, la question de l’information est cruciale en ce sens qu’une information pertinente augmenterait les chances d’intégration socioprofessionnelle de l’immigrant en établissant une vision plus juste de la réalité à venir et une préparation adéquate du projet migratoire.

2 Cette enquête longitudinale a été réalisée auprès de la population des immigrants âgés de 15 ans ou plus

sélectionnés à l’étranger et ayant été admis au Canada entre le 1er octobre 2000 et le 30 septembre 2001. Les entrevues ont eu lieu six mois, deux ans et quatre ans après l’admission au Canada. Le nombre de personnes ayant participé à l’entrevue du cycle 1 s’élevait à 12 000, dont 9 300 ont participé à l’entrevue du cycle 2 et 7 700 à l’entrevue du cycle 3.

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1.3 L’immigration au Québec : discours et réalité

1.3.1 La politique d’attraction des immigrants qualifiés

Afin de comprendre le pouvoir et les responsabilités qui incombent à la province québécoise en matière d’immigration, rappelons brièvement le fonctionnement des politiques publiques d’immigration au Canada. L’article 95 de la loi constitutionnelle de 1867 octroie un partage des pouvoirs entre le fédéral et le provincial sur la question de l’immigration, tout en accordant la suprématie au pouvoir fédéral en cas de concurrenc e entre les deux juridictions (Hogg, 2007). En 1968, le Québec a profité du pouvoir qui lui était imparti en créant son propre ministère de l’immigration, devenu aujourd’hui le Ministère de l’Immigration et des Communautés Culturelles (MICC) (Dirks, 2010). Les gouvernements fédéral et provincial ont depuis institutionnalisé les responsabilités qui incombaient à chacun au travers la signature de plusieurs accords. En 1978, les accords Cullen-Couture permettent au Québec de jouer un rôle dans la sélection des immigrants non réfugiés. Mais ce sont les accords de 1990 – communément nommés accords Canada-Québec qui sont de loin les plus ambitieux (Becklumb, 2008). La signature de cette entente donne préséance au Québec quant à l’accueil et à l’intégration de ses immigrants, désormais financés par un transfert de fonds du fédéral au provincial, ne pouvant aller en deçà de 90 millions de dollars (Young, 2004). Le Québec obtient alors le pouvoir absolu quant à la sélection de ses immigrants économiques (gens d’affaires et travailleurs qualifiés) et quant au choix des pays dans lesquels la province veut promouvoir l’immigration et sélectionner son bassin de main-d’œuvre.

Le Québec se retrouve face à un défi démographique colossal. Le ratio de dépendance démographique, soit le rapport entre la population en âge de travailler et la population en âge d’inactivité, actuellement légèrement supérieur à 59 %, évoluera de manière soutenue pour atteindre 71 % en 2021 et 85 % en 2031 (André, Payeur & Lachance, 2009). Ce phénomène s’explique par un faible taux de mortalité et un taux de fécondité sous le seuil de remplacement des générations. À cela, s’ajoute un climat international de course à la croissance économique où les ressources humaines détiennent un avantage comparatif et deviennent source de concurrence pour attirer les meilleurs talents. D’après l’Institut de la Statistique du Québec, le nombre des personnes qui quittent le marché du travail en 2011

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pourrait se révéler supérieur au nombre de personnes qui y font leur entrée. Emploi-Québec estime que pour la période 2011-2015, 730 000 emplois deviendront vacants, dont près de 510 000 à la suite de départs à la retraite et 221 000 en raison de la croissance économique (MICC, 2012).

À cet égard, l’immigration apparait comme :

l’un des moyens d’intervention moderne utilisés par le Québec pour relever les défis auxquels il est confronté et assurer son développement démographique, économique, social et culturel. Elle sera appelée notamment à pourvoir, au cours des prochaines années, une proportion importante des centaines de milliers d’emplois lui deviendront disponibles à la suite des nombreux départs à la retraite et de la croissance économique (MICC, 2011a).

Lorsqu’on sait que le nombre d’immigrants a reculé de 21 % au Québec entre 1990 et 2000 alors qu’il augmentait partout ailleurs dans le reste du Canada, on comprendra l’importance pour le gouvernement provincial de définir des stratégies de recrutement efficaces (Papinot et al. 2009). C’est le tournant entrepris par le Québec depuis 1996, qui lui a permis d’accueillir 217 043 immigrants entre 2003 et 2007 alors qu’ils n’étaient que 163 391 entre 1998 et 2002. La planification 2012-2015 vise à atteindre une moyenne annuelle des admissions de 50 000 immigrants (MICC, 2011a). Pour faciliter la réalisation des objectifs et l’intégration des nouveaux arrivants à la société d’accueil, le Québec mise sur l’immigration de la catégorie économique et des candidats jeunes, possédant une bonne maîtrise de la langue française et détenant des qualifications qui correspondent aux besoins du marché du travail.

Le gouvernement dispose à cet effet d’outils promotionnels diffusés par l’intermédiaire des bureaux permettant d’attirer les candidats potentiels à l’immigration. L’information apparait alors comme un enjeu stratégique. À ce sujet, Arcand et Najari s’accordent sur le fait que :

le gouvernement, par l’entremise de ses ministères et agences, agit à titre de médiateur entre les demandes, par les immigrants, et les besoins déterminés principalement par les entreprises. Ce rôle de médiation est au cœur du dispositif de renouvèlement de la main-d’œuvre au Québec (Arcand et Najari, 2010 : 5).

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Les années 60 ont vu fleurir une multitude de bureaux d’immigration à l’international pour accroître le recrutement des immigrants qualifiés. Dans les années 90, un nouveau rôle promotionnel leur a été attribué. Pour attirer les immigrants, de nombreux moyens sont alors mis en œuvre par le gouvernement. Vidéos, kiosques à écran tactile dans des foires commerciales, slogans publicitaires télévisés, publicités dans des quotidiens régionaux ou nationaux et autres outils promotionnels constituent des éléments phares contribuant activement à la projection d’une image idyllique du Québec (Parant, 2001). À l’origine de l’émergence des rêves et des attentes se profile souvent une stratégie gouvernementale volontaire d’attirer une main-d’œuvre étrangère.

Le MICC est très proactif en matière d’attrait des immigrants. La campagne de promotion de l’apport de l’immigration à l’essor du Québec annonce clairement la couleur : le Québec a besoin d’immigrants3. Le Québec et le Canada apparaissent alors comme des contrées où tout est possible. Sur le site Internet officiel du Ministère de l’Immigration et des Communautés culturelles4, le Québec est présenté clairement comme bénéficiant d’une qualité de vie remarquable. On y présente entre autres :

- Un portrait général : sa situation et ses caractéristiques géographiques, ses ressources naturelles et la richesse de la biodiversité, le climat.

- Les valeurs de la société québécoise : la nécessité du français, une société libre et démocratique, riche de sa diversité, où l’exercice des droits et libertés de la personne se fait dans le respect de ceux d’autrui et du bien-être général et où les hommes et les femmes ont les mêmes droits

- La qualité de la vie : un coût de la vie abordable et un pouvoir d’achat présentant « une marge de manœuvre intéressante », un environnement sûr et sécuritaire, une culture au carrefour des tendances européennes et américaines.

3 Immigration et Communautés culturelles Québec. « L'immigration, c'est Bienvenue ! » En ligne.

<http://www.micc.gouv.qc.ca/fr/immigration-bienvenue/> (mise à jour le 2012-05-01).

4Immigration et Communautés culturelles Québec. « Pourquoi choisir le Québec ». En ligne.

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Par ailleurs, les régions sont décrites comme offrant « une excellente qualité de vie, une économie diversifiée ainsi que de multiples possibilités d’emploi » (MICC, 2006 : 2e sect.). Quant à la situation économique, le marché du travail y est présenté comme favorable, avec un taux de chômage peu élevé. On y décrit les secteurs qui embauchent pendant la période en cours5 - à savoir les finances, la recherche scientifique, les services aux entreprises, l’enseignement, les soins de santé et l’assistance sociale – et ceux qui embauchent moins que les années précédentes – les domaines de l’agriculture, de la construction et des textiles (MICC, 2006). Par contre, le lecteur est mis en garde :

Même si une personne a été sélectionnée par le Québec en raison de son profil socioprofessionnel, cela ne signifie pas nécessairement qu’elle sera en mesure, dès son arrivée, d’occuper un emploi lié à sa profession ou à son métier. Dans bien des cas, il faudra envisager d’exercer une autre profession ou métier, du moins dans un premier temps. […] La recherche d’un emploi peut s’avérer assez exigeante. Les personnes qui s’informent et s’investissent dans une recherche active ont les meilleures chances de décrocher un premier emploi dans leur domaine (MICC, 2006 : 4e et 5e par.).

Le MICC a également créé à l’intention des immigrants un guide écrit intitulé « Apprendre le Québec » regroupant les démarches à entreprendre pour faciliter sa propre intégration (apprentissage du français, recherche d’un logement, fonctionnement des services publics et du système bancaire, la recherche d’emploi, etc.) ainsi que des références utiles pour tout nouvel arrivant. Ce guide est distribué par les instances de promotion à l’étranger. Les efforts promotionnels semblent porter fruit puisqu’en 2010, suite à une campagne de promotion Internet de grande envergure en France, au Mexique et au Brésil, on a pu observer une augmentation de 310 % du taux de fréquentation du site comparativement à l’année 2009, soit un flux de 396 880 visites. Cette campagne visait plus spécifiquement les jeunes adultes, femmes et hommes de 18 à 35 ans qualifiés et diplômés ayant des compétences qui répondent aux besoins du marché du travail du Québec (MICC, 2011b). Les réseaux formels institutionnels contribuent alors, par la diffusion et la sélection d’informations, à former des « attentes prémigratoires » quant au projet socioprofessionnel en construction.

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1.3.2 Les effets des médias

Les médias sont considérés comme tous les moyens de diffusion de l’information à large échelle. À cet égard, nous venons de voir comment le gouvernement québécois est très proactif pour attirer les candidats à l’immigration.

Avant les années 40, les médias étaient perçus comme tout puissant, tel une « seringue hypodermique » pour reprendre l’expression de Lasswell, injectant les représentations sociales de la société, contrôlant par-là les comportements des acteurs (Bellenger, 2000). Sous l’influence de Lazarfield et de sa théorie des effets limités, l’influence des médias sur les auditeurs est relativisée. Les messages diffusés ne sont pas passivement et intégralement absorbés par les auditeurs. En 1940, à partir d’une enquête sur l’influence des médias sur les évolutions des attitudes et des votes au cours de la campagne américaine présidentielle, Lazarfield (1944) a montré une corrélation positive entre l’exposition aux médias et les changements d’opinion. Toutefois, il relativise grandement cette influence en montrant que l’individu sélectionne l’information qui correspond à ses représentations. C’est le phénomène d’attention sélective et de perception sélective. L’individu cherche à éviter toute dissonance cognitive, c’est-à-dire à éviter les informations contraires à ses représentations. L’individu sélectionnerait l’information selon ses propres besoins. Des chercheurs de l’approche des Uses and Gratification se sont intéressés à l’usage des médias par les auditeurs, introduisant la notion d’audience active. Par exemple, Wright (1964) identifie 35 de ces besoins, classés en cinq catégories : politique, famille, religion, éducation et identité personnelle. Mac Quail, Blumler et Brown (1972) montrent que les médias permettent d’échapper à la routine quotidienne, une interaction sociale et de la compagnie, de construire et renforcer l’identité personnelle et d’obtenir des informations et développer des opinions sur des sujets sociopolitiques. La personne est donc active dans la recherche d’informations. Mais plus encore, Liebes et Katz (1990) montrent que le bagage culturel influence l’interprétation de l’information. D’une personne à l’autre, une même information n’a pas la même signification, donnant alors une dimension subjective à l’information.

D’autre part, il ne faut pas négliger le poids de l’environnement social et le fait que les acteurs sont imbriqués dans des réseaux sociaux. Des chercheurs se sont intéressés au

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concept de leader d’opinion et ont montré que, de par leur notoriété, expertise ou activité sociale intensive, ils seraient plus susceptibles d’influencer les opinions ou actions d’un grand nombre d’individus que les médias. Katz et Lazarfield (1955) sont parvenus à un modèle connu sous le nom de « Two-step flow of communication » qui rend compte de deux niveaux de transfert. L’information serait d’abord filtrée par ces leaders d’opinion, puis transmise dans un second temps à l’entourage. L’exposition à l’information serait donc indirecte. Katz et Lazarsfeld ont également montré que la crédibilité de la source est significative sur le degré d’influence. Rogers, quant à lui, replace la communication dans un réseau de relations d’individus connectés les uns aux autres par la communication. Le chercheur revient donc sur la théorie diffusionniste, proposant un modèle vertical de persuasion, pour construire un modèle horizontal ou la communication devient un processus où les participants créent et partagent de l’information afin d’arriver à une compréhension mutuelle (Roger et Kincaid, 1981).

Un autre courant de recherche, les cultural studies, questionnera fortement la neutralité des messages médiatiques (Mattelart & Mattelart, 2010). Dès les années 30-40, avec l’avènement de la société de loisirs, Adorno et Horkheimer dénoncent la culture de masse, la sérialisation et la standardisation de l’industrie culturelle. La publicité et la nouvelle culture industrielle serviraient à façonner l’opinion publique. Friedmann, Morin, Bartes, Althusser et Foucault ont analysé le rôle des médias et des appareils étatiques comme émetteurs principaux d’une information concourant à l’idéologie dominante, à la manipulation de la masse. L’information peut alors constituer un véritable enjeu stratégique.

L’observation de la situation d’intégration des immigrants qualifiés récemment arrivés au Québec montre d’ailleurs que l’image promotionnelle diffusée par les instances gouvernementales à l’étranger est loin de représenter la réalité.

Il faut aussi bien reconnaître que la politique canadienne en matière de migration manque complètement de clarté; on pourrait même la qualifier de double langage : d’un côté, on ne cesse de répéter que le Canada est une terre d’immigration et, de l’autre, sur le marché de l’emploi, les immigrés restent discriminés (Rusamira, 2006 : 100).

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Il semble également que l’information que l’on diffuse aux immigrants et le message de bienvenue contrastent avec les différents débats existant sur le sol québécois. La récente remise en question de l’évaluation du gouvernement quant à ses capacités réelles d’accueil et d’intégration des immigrants, greffée à la sortie du très controversé livre de Benoit Dubreuil et Guillaume Marois, « Le remède imaginaire. Pourquoi l’immigration ne sauvera pas le Québec » (2011), ou encore aux malaises, préjugés, incompréhensions et craintes transpirées lors du débat sur les accommodements raisonnables, font ressortir un certain paradoxe.

1.3.3 La situation des immigrants qualifiés au Québec, une tout autre réalité

Le mouvement migratoire a évolué au fil du temps et les caractéristiques des immigrants récents évoluent dans un sens qui favorise l’insertion socioéconomique. En effet « le mouvement récent compte plus de travailleurs qualifiés, les immigrants sont plus scolarisés et la proportion de ceux qui connaissent le français dès l’admission s’accroît constamment » (MICC, 2007 : 5). Si de tels critères sont exigés pour l’admission des candidats à l’immigration comme garants de leur employabilité, il n’en reste pas moins que depuis les années 80, leur intégration professionnelle est laborieuse et ne cesse de se dégrader : chômage, risques accrus d’être prestataire d’aide sociale, déqualification, discrimination, etc.

Les inégalités d’intégration au marché du travail concernent la plupart des provinces canadiennes, les écarts entre les natifs québécois et les immigrants demeurant tout de même les plus importants (Statistique Canada, 2009). Ces inégalités n’affectent pas les immigrants de la même façon. Il semble que les nouveaux arrivants soient ceux qui connaissent le plus de difficultés sur le marché du travail.

En 2009, le taux de chômage des immigrants était plus que le double de celui des natifs québécois – respectivement 14,3 % et 6,3 %. La situation des immigrants récents est encore plus préoccupante puisque leur taux de chômage avoisinait les 20,7 % pour un

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taux d’emploi de seulement 55,4 %6 (Statistique Canada, 2010). Aussi, les écarts de salaire creusent toujours davantage le fossé entre les natifs et les immigrants. Au Québec, il s’est accru de 7 points entre 1980 et 2000 (Boudarbat et Boulet, 2007). Ce fossé salarial observé tend à relativiser les préceptes de base de la théorie du capital humain qui suggère que des niveaux d’éducation plus élevés augmentent la probabilité de bénéficier de meilleurs taux de salaires. Or, combien même le niveau général des immigrants est généralement supérieur à celui des natifs, les écarts salariaux bénéficient curieusement à ces derniers.

Outre les taux de chômage et d’emploi et les écarts salariaux, l’observation des indicateurs qualitatifs confirme les écarts entre les natifs et les immigrants. Ces derniers sont en effet relativement surreprésentés dans des emplois faiblement rémunérés, dépourvus d’avantages sociaux, à temps partiel ou temporaires et non syndiqués (Statistique Canada, 2009).

La déqualification est en effet un autre indicateur de vulnérabilité des immigrants sur le marché du travail. Si un niveau d’instruction élevé peut dans une certaine mesure mettre à l’abri des situations précaires, cette hypothèse n’a pas la même vérité pour les immigrants que pour les natifs. En 2006, au Canada, un natif avait 2,7 fois plus de chances d’exercer un emploi correspondant au diplôme obtenu et trois fois plus au Québec (Chicha, 2010a). Non seulement les diplômes ne semblent pas autant protecteurs que pour les natifs, mais ils accentuent ce que Chicha nomme la déqualification transitionnelle. Si cette déqualification se prolonge dans le temps, elle peut affecter négativement l’estime et la confiance en soi et, par ricochet, réduire davantage les chances d’avoir un emploi correspondant à ses attentes. En ce qui concerne la vitesse d’intégration socioprofessionnelle des immigrants, une étude longitudinale réalisée par Renaud et Cayn (2006) couvrant la période entre 1990 et 2000 montre que pour 68,7 % des immigrants interrogés, il a fallu au moins cinq années pour accéder à un emploi correspondant à leurs qualifications. Une fois cet emploi trouvé, il persiste un risque de 12,2 % de retourner à un emploi déqualifié. À cet égard, Costa-Lascoux et Mc Andrew (2005) affirment que le temps de purgatoire, soit la période mise par l’immigrant au Québec à rattraper la moyenne

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nationale en matière d’emploi et de revenu n’a cessé d’augmenter depuis le début des années 1990.

Par ailleurs, des études montrent que l’impact de la crise économique de 2008 est particulièrement ressenti par les immigrants récents. Si, historiquement, les immigrants sont les premiers touchés par les fluctuations économiques, depuis 2008, les écarts se creusent davantage entre les natifs et les immigrants récents (Caron, 2010). Selon les dires de Béji et Pellerin (2010), « cela donne l’impression que les immigrants constituent une sorte de bassin de réserve, de catalyseur de première ligne aidant à amortir les chocs du marché du travail ». Dans un contexte de crise économique généralisée, nous sommes en mesure de nous questionner sur l’impact qu’auront les flux migratoires à venir sur la qualité de vie des nouveaux arrivants.

De plus, le poids de la non-intégration professionnelle pèse sur la cohésion sociale, renforçant d’un bord et de l’autre les frustrations et mécontentements. En 2004, près de 20 % des immigrants arrivés au Québec depuis moins de 15 ans et en âge de travailler vivaient dans la pauvreté comparativement à 10 % chez les Canadiens et les conditions de logement sont de plus en plus préoccupantes (Ressources Humaines et Développement des Compétences Canada, 2007).

À cet égard, les données de l’Enquête sur les Travailleurs sélectionnés du Québec de 2002 auprès de 1875 immigrants de la catégorie des travailleurs arrivés depuis moins de 5 ans révèlent qu’environ le quart d’entre eux déclarent que l’emploi occupé s’avère inférieur à leurs attentes et que près d’une personne interrogée sur cinq dit occuper un emploi qui correspond beaucoup moins à ses attentes (Bourdabat et Cousineau, 2010). De plus, 46 % des immigrants récents ont confié au cours de cette même enquête leur difficulté de trouver un emploi qu’ils jugent approprié (Statistique Canada, 2007). Une autre étude s’est intéressée à la perception qu’avaient les immigrants sur leur réussite quant à leur cheminement migratoire (Godin, 2004). La recherche a été menée auprès d’un large échantillon représentatif constitué de 2000 immigrants, requérants principaux et conjoints se destinant au marché du travail. Plus précisément, il leur a été demandé d’apprécier leur emploi actuel au regard des éléments suivants : l’emploi initialement projeté, du domaine et niveau de formation, du revenu espéré et des attentes personnelles en général. On leur

Figure

Figure  1 – Exemple de transitions dans la vie  d’un immigrant adulte accompagné  de sa famille  (Kunz, 2005)
Tableau  1 – Caractéristiques  sociodémographiques
Tableau  2 – Caractéristiques  professionnelles
Tableau  4 – Contexte familial à l’arrivée  au Québec
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