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CHAPITRE 5 : PHASE POSTMIGRATOIRE – L’ÉTABLISSEMENT ET

5.2 Les premiers pas de l’établissement : les activités d’intégration

5.2.5. Accès à différents services publics

Parallèlement à l’intégration professionnelle, plusieurs répondants ont dû, dès leur arrivée, s’adresser à différents services publics; pour l’inscription à une école ou à un milieu de garde pour les enfants, pour remplir des formulaires de demandes d’aide financière ou d’aide pour des soins de santé.

Pour les écoles ou les milieux de garde, ce sont surtout les réseaux qui ont été sollicités, soit pour référer vers certaines écoles, soit pour commencer les démarches d’inscription avant que la famille ne vienne s’établir.

J’ai regardé pour les écoles, le système de garderie, et ce que j’ai entendu [par] ma belle-sœur et mon beau-frère, c’est que c’était très difficile. Parce que je lui ai demandé d’inscrire mon garçon à la garderie, et elle l’a inscrit à 3, 4 places, mais malgré ça, on m’a appelé après qu’il soit entré à l’école, après plus de 3 ans il s’est libéré une place. [Anton]

Quasiment tous les répondants sauf Malinka et Honoré ont fait des demandes pour obtenir des aides financières : huit pour obtenir des aides familiales, dix ont eu à demander à un moment de leur parcours l’aide sociale et six ont eu recours aux prêts et bourses. Pour cela, c’est davantage l’aide institutionnelle qui a été sollicitée.

Deux répondants ont eu besoin de soins de santé. Ils n’ont pas sollicité d’aide particulière pour cela.

Là encore, les répondants se sont heurtés à plusieurs obstacles, principalement concernant les délais d’attente pour l’accès aux garderies et au système de santé. Anton avait inscrit son fils en liste d’attente depuis son pays d’origine, mais il s’est passé plus de

trois ans avant qu’une place se libère. De plus, le rythme d’ouverture des garderies conditionne fortement la sphère professionnelle des nouveaux arrivants, moins à même de pouvoir compter sur un réseau familial pour la garde des enfants.

J’ai décidé de placer mon fils dans un CPE. Je l’ai inscrit en juillet. Lui il est né en février 2009, je l’ai inscrit en juillet 2010, jusqu’à présent on ne m’a pas appelé. Jamais je n’ai reçu d’appel. Par contre les garderies privées oui. Je suis conditionnée par le travail de 8 h 30 à 16 h 30 parce que la garderie ouvre à 7 h et ferme à 18 h donc le temps de déposer mon fils à la garderie et de partir, parce qu’en général on ne trouve pas un poste juste à côté de chez nous. [Fatima]

Le fonctionnement du système éducatif a également déçu plusieurs répondants. Alvaro et Nabila trouvent par exemple le système trop laxiste et pas assez performant. La question du laxisme revient également dans les propos de Malinka qui est choquée par le taux de décrochage scolaire et par la « rébellion » des jeunes.

Les jeunes sont très rebelles, j’ai entendu que le décrochage scolaire allait jusqu’à 70 %, un truc hallucinant, je trouve qu’il y a un mal-être, parce qu’il y a un manque d’équilibre. [Malinka]

Aussi, pour beaucoup, le fait de devoir demander l’aide sociale est vécu comme une honte et est difficile à accepter.

Il n’y a pas un mot aussi fort, les trois premiers mois on a vécu très très mal de se sentir sur l’aide sociale. Parce que c’était nouveau pour nous. […] On a rempli dès notre arrivée un dossier concernant l’allocation familiale pour ma fille, ça, je trouvais que c’était normal. Mais l’aide sociale ça nous a vraiment, ça a ramené mon moral au plus bas niveau. […] J’ai même pleuré. [Nabila]

L’aide sociale, bien que très mal vécue par nombreux répondants, apparait en effet davantage comme une aide transitoire dans le processus d’intégration plus que symbolisant un échec d’intégration (Pinsonneault et al., 2010).

On nous dit pour venir ici au Québec vous devriez disposer d’une capacité financière minimum de trois mois. […] En fait, c’est clair dans leur tête que le budget qu’on ramène va nous suffire pour trois mois parce qu’après trois mois on va demander l’aide sociale qui va nous protéger, mais on ne dit pas que cette aide elle est minimum. C’est vraiment le minimum que les gens qui viennent ici, puisque c’est un système d’immigration très sélectif, on ramène des gens diplômés avec des bagages, avec de l’expérience avec des compétences, qui ont été des cadres supérieurs dans leurs pays, que ces gens n’accepteraient pas d’être sur l’aide sociale avec un minimum. [Nabila]

Pourtant, à la longue, l’aide sociale semble nuire aux répondants qui ont des enfants en bas âge et dissuade l’entrée sur le marché du travail. Noura exprime le piège relié à cette aide.

Si je veux travailler à temps plein, mon mari doit être sur l’aide sociale. Jusqu’à maintenant mon mari est étudiant, il trouve des difficultés à apprendre le français, parce qu’il a 43 ans, il y a beaucoup de choses, il a besoin d’un peu de temps pour réaliser les choses. Si je travaillais, je touche peut-être 1050 $. Ça ne suffit pas, presque le même que je touche du gouvernement à l’aide sociale. En même temps je travaille, je suis fatiguée. […] Je suis responsable, j’ai 2 enfants, ils ont besoin des études, d’être surveillé, et chaque jour il faut travailler à temps plein jusqu’à 6 heures. Et même le salaire ne suffit pas. Ce n’est pas juste. [Noura]