• Aucun résultat trouvé

Obstacles à l’intégration et lacunes informationnelles

CHAPITRE 1 : PROBLÉMATIQUE ET QUESTIONS À L’ÉTUDE

1.4 Information et intégration socioprofessionnelle

1.4.1. Obstacles à l’intégration et lacunes informationnelles

Les différents rapports gouvernementaux et autres études scientifiques mettent en avant plusieurs obstacles à l’intégration socioprofessionnelle, dont les principaux sont la non-

reconnaissance des acquis et des compétences, le manque de maîtrise de la langue française, la discrimination et le manque d’accès à des réseaux sociaux efficaces qui intensifient les difficultés d’accès au marché du travail des immigrants qualifiés (Belhassen, 2008; Service d’aide et de liaison pour immigrants, 2006; Maheux, 2004; MICC, 2005). Une analyse approfondie de ces différentes barrières montre la présence de lacunes informationnelles à l’origine de ces obstacles à l’intégration.

Reconnaissance des acquis et des compétences

La reconnaissance des acquis et compétences implique la validation du diplôme obtenu à l’étranger, mais également la reconnaissance de l’expérience de travail et de la formation pouvant mener au droit d’exercice d’une profession ou d’un métier régis par un ordre ou corporation professionnelle. En 1988, le Code des professions a rendu obligatoire pour les ordres professionnels l’établissement de normes d’équivalence pour les diplômes. En 1994 cette obligation s’est étendue aux formations (stages, formations en entreprises, etc.). Pourtant, d’après l’étude de Godin citée précédemment, en 2004, 31 % des répondants associaient leurs difficultés d’intégration en emploi à la non-reconnaissance de la formation et 38 % à la non-reconnaissance de l’expérience de travail (Godin, 2004) Le gouvernement a tenté de faciliter ces démarches à travers divers outils tels que le permis temporaire qui permet l’intégration du marché du travail sous la condition de suivre une formation tout en acquérant les compétences manquantes, l’accès à des stages, l’augmentation de la fréquence des examens offerts habituellement une fois par année. Cependant, d’autres acteurs interviennent dans le processus de reconnaissance, comme les universités, les Cégeps, ou les institutions publiques (Emploi-Québec) et il n’est pas toujours aisé de contrôler la qualité des services de formations ni la coordination entre les acteurs (Chicha & Charest, 2008). De plus, les corporations professionnelles ont le pouvoir d’imposer des exigences en termes de licence ou de permis. Les démarches sont assez complexes et parfois très couteuses pour atteindre les normes d’équivalence. Durant le processus de mise à niveau, dont le résultat est loin d’être garanti, le nouvel arrivant doit disposer d’un revenu minimum pour ses besoins vitaux. La persévérance des immigrants dans le processus de validation des acquis et des compétences dépend

précisément des ressources aidantes, humaines et financières, dont ils disposent pour les soutenir dans leur démarche. Ingénieurs, médecins, juristes, comptables, infirmiers, vétérinaires, dentistes et bien d’autres finissent souvent par se résigner et changent de domaine professionnel dans un marché du travail incertain et précaire (Acevedo, 2005). Au plan informationnel, depuis 2009, les instances gouvernementales informent davantage les candidats à l’immigration sur les démarches de reconnaissance des acquis et compétences (MICC, 2010). Nommons entre autres les fiches d’information « exercer la profession » décrivant les conditions d’exercices et les démarches d’obtention d’un permis; l’outil « Apprendre le Québec – guide pour réussir mon intégration » qui éclaire sur les démarches à entreprendre pour la reconnaissance des acquis; les déclarations à signer par les candidats à l’immigration souhaitant exercer un métier ou une profession réglementés ou encore l’accompagnement offert par le Service d’information sur les professions et métiers réglementés (Chicha et Charest, 2008). Ces initiatives poursuivent les recommandations faites en 2005 par l’Équipe de travail sur la reconnaissance des diplômes et des compétences des personnes formées à l’étranger qui réclamait que les sessions d’information préparatoires et l’ensemble des documents de promotion et d’information fournissent une information réaliste. Le MICC s’est également associé aux ordres professionnels et à l’Office des professions du Québec pour donner de l’information sur l’encadrement législatif et réglementaire des professions.

En dépit de ces efforts, ces informations ne sont pas forcément pertinentes, complètes, convergentes ou encore accessibles (MICC, 2005). Certaines études montrent que des immigrants déclarent avoir été « floués » par des informations inexactes (Belhassen, 2009).

Barrière linguistique

La barrière linguistique peut limiter l’horizon professionnel de l’immigrant. La maîtrise du français est un atout, voire une exigence, pour la réussite de l’intégration en emploi de l’immigrant. Sa première démarche est alors d’acquérir des compétences linguistiques et un vocabulaire technique associés à sa profession. La francisation prend une importance capitale, particulièrement au Québec. En 2006, 75.2 % des immigrants récents établis à

Montréal n’avaient ni le français ni l’anglais comme langue maternelle, pourtant indispensable à leur intégration en emploi (Bourhis, Helly, Montreuil et Jantzen, 2007; Statistique Canada, 2008; Fédération Canadienne de l’Entreprise Indépendante, 2007). Notons cependant que les efforts gouvernementaux d’encourager la francisation contraste avec les coupures budgétaires et la réduction du nombre de classes de francisation (Cantin, 2010; Chicha et Charest, 2008).

L’accent mis sur l’importance de la maîtrise du français passe sous silence celle, parfois tout aussi importante, de la langue anglaise, surtout dans la région métropolitaine de Montréal, multiculturelle et hétéroclite où le bilinguisme est quasiment indispensable pour pouvoir occuper un emploi qualifié (Misiorowska, 2010). À cet égard, l’étude de Godin révèle que 20 % des répondants pensent que les difficultés d’accès à un emploi sont reliées à leur méconnaissance du français alors que 35 % l’assimile à une méconnaissance de l’anglais (Godin, 2004).

Discrimination

S’il apparait normal que les employeurs aient besoin de connaître la valeur des diplômes ou de l’expérience acquise à l’étranger ou bien que les employés puissent parler la langue de leur pays d’accueil, il n’est pas toujours évident de distinguer ce qui est de l’ordre du raisonné ou de la discrimination. La discrimination n’est en effet pas aisée à démontrer.

Elle n’est parfois ni explicite, ni volontaire, ni même consciente ou intentionnelle, mais relève le plus souvent d’un système de gestion fondé sur un certain nombre de présupposés, le plus souvent implicites, quant aux divers groupes et comprenant un ensemble de pratiques et de coutumes qui perpétuent une situation d’inégalité à l’égard des membres des groupes cibles (Legault, 2002 : 34).

La discrimination peut transparaître au travers de pratiques de recrutement et de sélection mal adaptées, à des tests de personnalité ou tests psychométriques à la neutralité ambiguë, prenant souvent une tangente ethnocentriste, ou encore au manque de sensibilité flagrante de certains gestionnaires à l’égard de la question culturelle (Antonius et Tadlaoui, 2003; Statistique Canada, 2007). Les pratiques discriminatoires se traduisent par des moindres chances à la promotion au sein des entreprises, des faibles salaires et

mauvaises conditions de travail et par des comportements et attitudes discriminatoires (Chicha, 2010b). À cet égard, les études comparatives sur les immigrants des première, deuxième et troisième générations sont éloquentes dans la mesure où s’il subsiste des inégalités dans les deuxième et troisième générations, pourtant scolarisées et socialisées dans la langue et la culture majoritaire de la province d’accueil, celles-ci ne peuvent être attribuées à la méconnaissance de la langue, à l’équivalence des diplômes ou des compétences ou encore au manque d’expérience canadienne, mais bel et bien à des attitudes ségrégatives. L’enquête sur la diversité ethnique à l’échelle du Canada portant sur 42 000 répondants arrivés entre 2000 et 2001 a levé le voile sur cette problématique en montrant que la proportion des immigrants appartenant à une minorité ethnique déclarant avoir été victime de discrimination est de 34 % pour la première génération, 36 % pour la deuxième et 42 % pour la troisième (Bourhis et Carignan, 2010). Alors que les efforts gouvernementaux contre la discrimination émergent très timidement, les histoires individuelles des personnes immigrantes se suivent et se ressemblent : des employeurs refusant aux agences de chasseurs de têtes des candidatures étrangères, des employés refusant de collaborer avec des collègues d’origine étrangère, un moindre accès à des promotions professionnelles, etc. (Conseil des Relations Interculturelles, 2006 ; Rimok, 2006).

La discrimination peut être intimement reliée à la méconnaissance des us et coutumes du pays d’accueil, notamment concernant la culture du marché du travail. Non seulement faut-il connaître les techniques de recherche d’emploi, mais il faut également savoir les normes de communication et de présentation en entrevue. Une étude de Picot, Hou et Coulombe (2007) concluait que certains immigrants sont désavantagés en raison de leurs méconnaissances relatives au marché du travail. L’ELIC révèle à cet égard que les nouveaux arrivants éprouvent des difficultés pour trouver des renseignements adéquats sur les possibilités d’emploi et des conseils sur le marché du travail local (Xue, 2007). Chez les immigrants qualifiés, 6 mois après leur arrivée au Canada, 85 % avouait que l’information et des conseils adéquats étaient l’aide qui leur manquait le plus pour relever leurs difficultés d’accès à un emploi. Au bout de 2 ans, cette proportion n’avait pas évolué (86 %) et après 4 années elle représentait 65 % des répondants.

De plus, la manière dont la Commission Bouchard Taylor a piloté le débat sur les accommodements raisonnables en 2007 et dont les discours ont été repris par les médias et certains partis politiques soulève le pouvoir et les dangers de l’information. En effet, alors que l’objectif visait la dimension juridique des accommodements, considérés comme des formes d’assouplissement visant à lutter contre le caractère discriminatoire de normes apparemment neutres, le débat a rapidement évolué vers les problèmes du modèle d’intégration sociale et culturelle en vigueur au Québec, laissant transpirer un malaise profond. Il n’a alors pas semblé s’agir d’une confrontation d’idées ouvertes à des échanges culturels enrichissants, mais davantage à une confrontation de malaises, de préjugés, d’incompréhensions et de craintes, creusant plus profondément la dichotomie entre le « nous » (la société d’accueil) et le « eux » (les immigrants) (Bosset, 2007; Potvin, 2010).

L’information est un élément clé tout au long du parcours migratoire. Avoir accès à une information pertinente est indispensable pour guider le nouvel arrivant vers des stratégies d’intégration gagnantes. Xue rappelle bien comment « les immigrants étant par définition des nouveaux arrivants dans le pays d’accueil, [ils] sont [le] plus exposés aux problèmes d’informations qui, en premier lieu, créent des besoins d’aide » (2007 : 26)