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CHAPITRE 4 : PHASE PRÉMIGRATOIRE – LES PRÉPARATIFS

4.1 La préparation du projet migratoire

4.1.1. Les motifs d’immigration : émigrer ou immigrer?

D’ores et déjà, il convient de rappeler que les contextes migratoires témoignent de réalités bien différentes. Il y a en effet autant d’histoires migratoires que de migrants. Chacune des personnes dispose de son identité propre, d’une histoire unique, d’une personnalité, de goûts et de désirs particuliers. Les enjeux qui se jouent au moment des migrations n’ont pas la même portée. Il convient ici de distinguer les motivations sous-jacentes au désir de partir. D’ailleurs, s’agit-il davantage d’un désir d’émigrer, c’est-à-dire de quitter son pays, ou bien d’immigrer, c’est-à-dire de s’installer dans un pays en particulier?

Certains cherchent avant tout à quitter leur pays de résidence. Ils laissent généralement une vie qui ne les satisfaisait plus et veulent fuir des conditions économiques difficiles, comme une Française qui se rappelle qu’à l’époque où elle et son conjoint sont venus au

Québec « à Paris, c’était difficile professionnellement, depuis la crise on n’entendait que le mot crise» [Malinka]. D’autres encore, c’est un contexte instable politiquement qui a motivé leur départ.

L’Algérie passait dans une situation difficile, les années 90, avec le terrorisme, l’insécurité, tout ça, ça m’a travaillé, ça m’a poussé. J’étais enseignant, y’avait des grèves des enseignants en Algérie, c’était mal payé, on était agressé dans les écoles [on] travaillait avec la peur au ventre. J’ai eu aucun problème avec les élèves, mais il y avait pas la confiance, il y avait la peur. Ça m’a poussé à faire ma demande d’immigration. [Nadir]

D’autres répondants mettent davantage l’accent sur leur aspiration pour le pays d’immigration, incarnant parfois un rêve de jeunesse. D’ailleurs, certains répondants migrent au Canada plus qu’au Québec, comme Seydou et Noura qui admettent que c’est une fois au Québec qu’ils ont distingué la province du reste du pays.

Écoutez, c’est moi principalement l’initiatrice du projet d’immigration pour le Québec. Je suis mère de famille, composée de quatre enfants, et mon époux. Ce n’est pas une idée qui m’est venue comme ça, du jour au lendemain, mais en fait c’est un rêve de moi quand j’étais très très jeune déjà. [Nabila]

Les enjeux migratoires sont plus importants, car ces répondants quittent une vie relativement satisfaisante et laissent derrière eux une belle carrière professionnelle et un avenir prometteur, comme Viktor pour qui « c’était difficile de prendre la décision parce [qu’il] était promu pour un nouveau travail dans une compagnie plus grande et le salaire était plus élevé» [Viktor].

Je travaillais, sincèrement j’étais bien, j’avais un bon salaire, j’étais bien logée, j’avais tous les moyens en ce qui concerne mon poste de travail. J’étais gestionnaire donc c’est un poste à responsabilités, donc on avait tous les moyens à côté pour faciliter les tâches pour travailler. Mon conjoint aussi […] avait quand même son expérience, son poste de travail était bien là-bas. Il était à l’aise lui aussi. [Fatima]

Bien que la décision de partir semble alors plus lourde de conséquences pour certains que pour d’autres, le Québec attire parce qu’aux yeux de tous les répondants, c’est un pays démocratique, ouvert, tolérant, sans discrimination et optimiste. On ressent d’ailleurs dans

les propos de Fatima la dichotomie toujours présente dans les mentalités entre les pays développés et les pays en développement.

Il ne faut pas oublier que nous sommes dans un pays sous-développé donc la plupart des gens des pays tiers-mondistes voulaient s’épanouir dans un pays développé comme le Canada, le Québec. [Fatima]

Le contexte familial influence fortement les témoignages. Tous les répondants qui ont des enfants recherchent avant tout un pays plus sécuritaire, qui possède un système éducatif performant et de façon générale qui offre un meilleur avenir. Pour Alvaro, Noura et Anton, l’avenir des enfants même constitue l’unique motivation pour quitter leur pays natal. Seuls, ils n’auraient pas nécessairement franchi le pas.

C’est la sécurité financière, mais des enfants. Parce que je suis une personne qui peut se débrouiller toute seule, mais les enfants pour moi c’est la chose la plus importante. […] Pour moi le principal était d’avoir le certificat de sélection à cause de mes filles. [Alvaro]

Contrairement à la vision néoclassique qui considère que l’attrait du salaire est la seule source de motivation, on perçoit bien ici le poids des facteurs de répulsion et des facteurs d’attraction dans les projets migratoires, qui ne sont d’ailleurs pas l’apanage des individus, mais résultent de réflexions familiales. C’est donc armés de bagages divers et variés que les futurs immigrants quittent un lieu chargé d’histoire, de souvenirs, de victoires mais aussi de défaites et vont se préparer à une nouvelle vie. Cette préparation nécessite de recueillir certaines informations.

4.1.2. À la recherche d’informations

Il convient de distinguer entre les candidats qui ont été proactifs en matière de recherche d’informations des candidats que nous qualifions de plus passifs14, qui ont obtenu de l’information, mais sans nécessairement entreprendre de démarches particulières. La

14 Nous soulignons qu’il n’y a aucune connotation négative reliée à l’utilisation des termes « proactif » et

majorité des répondants a effectué des recherches de manière relativement soutenue et démultiplié les démarches pour avoir le maximum d’informations possibles. Viktor rapporte qu’il parlait quatre à cinq heures par semaine avec des amis pour parler de tous les détails relatifs aux démarches administratives.

On a fait beaucoup de questions, mais j’étais très bien préparé. Si on m’avait demandé le taux d’inflation du Québec en 2007 j’aurais pu répondre pour l’année 2004, 2005, 2006, 2008 parce que j’avais tout dans la mémoire. Je me suis préparé en allant sur tous les sites internet possibles. [Alvaro]

Seules quatre personnes admettent ne pas avoir fait beaucoup de recherches d’informations sur leur pays de destination. Ils se sont surtout fiés à une seule source d’information, généralement des membres de la famille proche installés au Québec depuis plusieurs décennies ou en contact régulier avec des Canadiens.

J’ai pas beaucoup cherché d’informations, d’autant plus que mon père travaillait dans un lycée, donc il recevait souvent des coopérants canadiens, donc il me donnait souvent de bonnes informations par rapport aux Canadiens, il me disait que c’était des gens bien. [Seydou]

Voyons maintenant, selon les sources mobilisées, les informations qui ont été marquantes pour les répondants, celles qui ont contribué à nourrir des attentes et à orienter les stratégies d’intégration prémigratoires.

4.2 Dimension mécaniste de l’information : les acteurs clés