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CHAPITRE 2 : CONCEPTS ET CADRE D’ANALYSE

2.2 Cadre analytique

2.2.3. L’apport de la théorie des réseaux sociaux

Les réseaux sociaux constituent des entités composées d’unités sociales entretenant entre elles des relations, de façon directe ou indirecte (Mercklé, 2004). Par unités sociales nous entendons des individus, des groupes formels ou bien des organisations formelles. Ces interactions prennent la forme de chaînes, de longueurs variables, au sein desquelles s’effectuent des transactions de nature financières, matérielles, des échanges de services ou encore d’informations. Ces réseaux se distinguent selon deux éléments d’après Bourdieu (1986) : d’un côté, la relation sociale proprement dite et de l’autre, l’étendue quantitative et la nature qualitative du réseau.

La théorie des réseaux sociaux, développée initialement par Mark Granovetter (1973), conçoit les relations sociales comme des nœuds (les acteurs sociaux ou les institutions) et des liens (relations entre les nœuds). L’apport de Granovetter se trouve principalement dans le fait qu’il a établi un rapport entre la structure d’un réseau (taille, densité, nature des liens) et le type de ressources auxquelles il donne accès. Il a opéré une distinction entre liens forts et liens faibles. La force ou la faiblesse d’un lien se déterminent selon la quantité de temps partagé, l’intensité émotionnelle, la confiance mutuelle et les services réciproques qui les caractérisent.

Les études portant sur les effets du capital social sur la sphère professionnelle ont surtout porté sur la participation au marché du travail et sur les transitions professionnelles; sur

les processus de recherche d’emploi; sur les taux d’appariement compétences-emploi; sur les salaires et la satisfaction professionnelle. Plus spécifiquement, ce sont la densité (nombre de liens); la force des liens (forts ou faibles) et la diversité ethnique qui ont mobilisé l’attention des chercheurs. Les études s’entendent pour prédire un impact des réseaux sociaux dans le domaine professionnel, notamment en ce qui a trait aux transitions de carrière : liens forts et liens faibles appuieraient la transition du chômage à l’emploi. Aussi bien celles de Granovetter que des études plus récentes (Degenne et Forse, 1994, Ferrand et al, 1999, Mazzoni, 2006) montrent qu’un réseau plus petit avec des liens pourtant forts est moins efficace, car il est très vite saturé. D’un point de vue informationnel, une information qui circule entre liens forts risque de rester circonscrite à un groupe restreint. En revanche, un réseau plus ouvert comportant plusieurs liens faibles est plus efficace, car il permet de propager l’information de « clique en clique » (Arcand et al., 2009). Il est également plus efficace d’être en lien avec plusieurs réseaux que d’avoir un grand nombre de liens dans le même réseau; d’où l’utilité de bâtir des ponts entre plusieurs réseaux et de colmater ce que Burt (1992) appelle le « trou structurel ».

La théorie des réseaux sociaux met l’accent surtout sur la position structurelle de la personne à l’intérieur de ses réseaux sociaux lui donnant un capital social (Burt, 1992, Greve et Salaff, 2006). Dernièrement, les débats se sont dirigés vers la question de la composition ethnique des réseaux sociaux. On distingue alors les réseaux intracommunautaire et extracommunautaire. Putman (2000) par exemple s’est intéressé à l’effet des liens sur la cohésion sociale. Il avance en effet que la participation des immigrants aux réseaux de la communauté ethnique augmente leur capacité à bâtir des relations et renforce la cohésion générale de la communauté (Lemieux, 2000, Papillon, 2003). Selon lui, le capital social s’appuie sur un double mode d’opération. Il peut agir comme un facteur de fusion ou liens d’attachement (bonding capital) ou comme un facteur de rapprochement ou liens d’accointance (bridging capital). Les liens d’attachement sont acquis au sein même de sa propre communauté et renforcent alors l’appartenance identitaire à un groupe. Ils permettent notamment aux individus de sortir de situations difficiles. Les liens d’accointance se réfèrent aux liens sociaux établis à l’extérieur de sa communauté ethnoculturelle. Ils permettent de bénéficier de nouvelles sources d’informations (Woolcock, 2001). Si les immigrants disposent souvent d’un riche capital de fusion, leur capital de rapprochement est néanmoins beaucoup moins nanti.

Pourtant, c’est précisément ce dernier type de capital social qui permet de sortir les personnes immigrantes de ce que Li (2004) appelle « l’enclave ethnique » en ouvrant des nouvelles opportunités sur le marché du travail.

Il semble intéressant de repenser la notion de liens faibles et de liens forts dans le contexte des réseaux sociaux développés par les personnes immigrantes. Pour le capital social de rapprochement, les critères de la force d’un lien développés par Granovetter restent plausibles. La force ou la faiblesse d’un lien va se construire avec le temps et dépendra de l’intimité, la durée, l’intensité émotionnelle et les possibilités de services réciproques (Granovettter, 1985). En ce qui concerne le capital social de fusion, la force et la faiblesse d’un lien dépendront moins de l’écoulement du temps que du partage, à un moment donné, des mêmes valeurs ethnoculturelles, d’une même situation vécue à des temps différents, d’un quasi-devoir de solidarité intracommunautaire. Plusieurs études s’accordent, cependant, à confirmer que le capital social de fusion, bien qu’il soit alimenté par une confiance mutuelle entre les membres d’une même communauté, cantonne les personnes immigrantes dans des catégories d’emploi moins payant, précaire et sous- utilisant le capital humain des individus concernés (Potter, 1999).

Adamczweski précise cependant que les interactions sociales permettent surtout la transmission de la signification du message, mais que son sens demeure une construction de l’esprit (Adamczweski, 2004). La question de la perception devient alors intéressante et complète notre cadre analytique.

2.2.4. L’apport de la psychologie de la perception et la théorie de la