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3 Le développement urbain durable et le paradigme d’aménagement actuel

3.5 Réalisme et pragmatisme pour la mise en œuvre du paradigme de la

3.5.1 Un réseau TOD d’abord en tant que « facteur d’équilibre » face au

Le principal attrait du paradigme d’aménagement décrit dans ce chapitre est de favoriser une augmentation des choix offerts en matière de transport urbain ou, en d’autres termes, une amélioration de l’accessibilité multimodale face au « tout automobile » dominant (Cervero, 2005b; Handy, 2002; Litman, 2007a) ainsi qu’une augmentation des choix des divers types de milieu de vie disponibles. L’augmentation de choix et d’options est elle-même liée à une dimension clé du concept de développement durable, soit celle de résilience ou d’adaptabilité des systèmes. Dans le cas d’une ville ou d’une région métropolitaine, moins elle sera dépendante d’un type singulier et prédominant d’énergie ou de transport, moins elle sera vulnérable à des changements marqués (par exemple, une hausse importante du prix du carburant) qui pourraient affecter sa viabilité, voire son fonctionnement même.

Par ailleurs, si l’augmentation des choix en matière de transport urbain et de milieu de vie fait partie intégrante d’une vision consensuelle de la ville durable de demain, on doit avoir des attentes réalistes quant aux impacts directs et concrets, à court et moyen termes, des politiques d’aménagement sur les habitudes de transport des individus. Et ce, pour plusieurs raisons.

D’abord, la forme urbaine à l’échelle de toute une région métropolitaine ne peut être modifiée qu’à long terme car ce type de changement est lent et progressif par nature, et les grandes lignes des structures métropolitaines, forgées principalement par l’automobile depuis au moins un demi-siècle, sont déjà en place (Litman, 2007b).

Une autre raison est que le fonctionnement de la ville contemporaine peut être conçu comme étant une superposition de « réseaux familiaux ou personnels » distincts, où chaque individu a ses propres patterns de « consommation » des services et des espaces de la ville. 16 Or, aujourd’hui, à l’ère de l’hypermobilité individuelle, l’espace et

les activités se consomment le plus souvent à l’échelle métropolitaine ou régionale. C’est la ville, ou plutôt la région métropolitaine « à la carte ». Dans les mots de Miller, « People are accustomed to accessing services on a regional basis, not just using the

services available in the immediate neighbourhood » (Miller, 2008: 3).

Cet élément a une implication importante pour la mise en œuvre d’au moins un des principes clés de la forme urbaine durable et du Smart growth, soit la mixité fonctionnelle à l’échelle du quartier (ou l’accessibilité locale à des commerces et services de proximité). Il s’agirait d’ailleurs d’un des principes d’aménagement les plus souvent remis en question en regard de son applicabilité. Bartlett (2003) fait valoir que du point de vue de la simple viabilité économique des commerces, dans le contexte compétitif actuel, il est impensable que tous les résidents d’une agglomération (compte tenu des densités réalistes ou « acceptables » en Amérique du Nord) puissent être à distance de marche d’aménités locales ou de commerces de proximité. De plus, même si une part importante de résidents avaient accès localement à ce type de petits

16 C’est le concept des « household networks » de Robert Fishman. Ces réseaux ou patterns de déplacements seraient de trois types : ceux liés aux contacts personnels, ceux liés aux activités et besoins de consommation et, enfin, ceux liés au travail. (Fishman, R., 1990, « America’s New City : Megalopolis Unbound », Wilson Quaterly 14 (1), p. 30, cité dans Lang, 2003, p. 18.)

commerces et de services, la nouvelle réalité du commerce au détail et de la consommation 17 fait en sorte que la grande majorité de ceux-ci procèderaient

vraisemblablement à leurs achats courants hebdomadaires à l’extérieur de ces petits commerces, dans des pôles commerciaux régionaux (mégacentres) et des « grandes surfaces » plus ou moins éloignés et majoritairement accessibles en automobile (Handy et Clifton, 2001a; Handy et al., 1998; Krizek, 2003b). Parmi les principales raisons, notons les prix souvent plus bas, le plus grand choix offert et, surtout, le volume généralement important des biens achetés sur une base hebdomadaire. En lien avec ce phénomène et la nouvelle réalité de la consommation, Handy (1993) avait déjà noté un certain effritement des hiérarchies médianes du commerce de détail (par exemple, de « l’épicerie de quartier ») au profit à la fois des mégacentres et des micros pôles (les dépanneurs), tous deux fortement orientés vers l’utilisation de l’automobile.

Loin de diminuer la « plus-value », en termes d’attrait auprès des résidents et de qualité de vie offerte, d’un milieu offrant la possibilité de marcher vers certains services et commerces de proximité (Heitmeyer et Kind, 2004), cette réalité remet cependant en perspective les gains possibles (modestes) de cette stratégie d’aménagement en matière de réduction de l’utilisation de l’automobile pour les déplacements à motifs commerciaux et récréatifs.

D’autres, comme le note Williams (2005), sont clairement plus sceptiques et remettent en question la capacité réelle à mettre en œuvre, globalement, les principales prescriptions d’aménagement proposées par le paradigme de la forme urbaine durable dans le contexte général actuel du développement urbain. Quoiqu’il en soit, si un consensus fort peut être identifié dans la littérature sur le sujet, c’est bien celui à l’effet que les stratégies d’aménagement ne sont pas une panacée aux problèmes du transport urbain, ni aux problèmes urbains plus généraux, et doivent être intégrées à un ensemble cohérent de mesures et de politiques urbaines complémentaires (ex. : Bonnel, 2000; Cervero, 2002a; De Jong, 2003; Handy, 1996; Hanson et Giuliano, 2004; Newman et al., 1995; Offner, 1993; Rompré, 2004; Sewell, 2003; Srinivasan et Ferreira,

17 Voir notamment la section 4.1.4 sur les tendances en matière de développement urbain commercial.

2002; Wiel, 2002; Zhang, 2004). Un passage de l’ouvrage phare de Cervero, The

Transit Metropolis, rend bien cette position :

« Certainly land-use initiatives, in and of themselves, are not cure-alls. (…) Land-use strategies can work if given a fair chance. Indeed, much of the story behind successful transit metropolises has to do with the intelligent linkage of complementary policies, such as controls on parking and motoring surcharges, with the co-development of land use and transit services. » (Cervero, 1998 : 80-81)

3.5.2 Réflexion sur les avantages, désavantages et avenir de « l’automobilité »