• Aucun résultat trouvé

3 Le développement urbain durable et le paradigme d’aménagement actuel

3.2 Du concept théorique à l’aménagement : qu’est-ce que la « forme urbaine

En raison de sa nature prescriptive, le développement urbain durable mène tout naturellement au renouveau et à une réaffirmation de l’importance des réflexions et des travaux normatifs sur l’aménagement urbain (ex. : Southworth, 2003; Talen, 2003a; Talen et Ellis, 2002), « ravivant les débats sur les formes urbaines idéales » (Jabareen, 2006). Il ramène ainsi au premier plan l’importance de la forme urbaine et de ses impacts sur la possibilité de mettre en œuvre – ou non – les objectifs et les principes du développement urbain durable. Plusieurs auteurs, dont Register (2002), soulignent l’importance de normes d’aménagement urbain qui permettent de faciliter ou de « mettre en scène », ni plus ni moins, des comportements individuels favorables au développement durable :

« The manner in which the city is laid out and organized is the foundation for virtually everything else. Without understanding urban anatomy we will fail to understand how population, affluence and technology relate to each other and to the environment.”

(Register, 2002: 27)

Ainsi, pour plusieurs (ex. : Lynch, 1981; Frey, 1999; Register, 2002), il existe des principes généraux de « bonne forme urbaine » qui sont intemporels car ils sont basés sur certaines lois favorisant le bon fonctionnement de la ville ainsi que sur certaines valeurs humaines elles-mêmes intemporelles. Les propos suivants de Frey (1999) illustrent bien cette idée :

« History tells us that ‘good’ urban structures and forms – those that enable and enhance urban activities, improve on the well-being of the citizens and create a balanced

relationship with their local and global environment – are generally preserved and therefore long-lasting because they function well and express their citizens’ history, collective memory, values and beliefs and pride. » (Frey, 1999: 14).

La question fondamentale qui se pose alors est la suivante : quels sont donc ces principes intemporels du « bon urbanisme »? Ou encore : au-delà des objectifs généraux du développement urbain durable, comment tout cela se traduit-il en termes de critères d’aménagement, de design urbain et d’organisation spatiale de la ville? Existe-t-il des consensus dans la littérature à ce sujet?

Notre revue de la littérature nous a amené à regrouper les principes d’aménagement les plus souvent cités en trois grandes catégories :

1) formes métropolitaines plus compactes et hausse globale des densités; 2) mixité des fonctions et diversité à l’échelle des quartiers;

3) préservation de réseaux d’espaces verts et « verdissement » du cadre bâti. Principe #1 : compacité et hausse générale des densités à l’échelle métropolitaine : En tête de liste, on retrouve l’idée générale de la « maîtrise » (gestion) du développement urbain, plus précisément d’un développement urbain moins tentaculaire, moins dispersé à l’échelle métropolitaine, principalement pour limiter le gaspillage de la ressource espace et pour limiter la longueur des déplacements. Ceci implique une forme métropolitaine plus compacte, voire contiguë (évitant les « sauts de mouton »), et des densités suffisamment élevées à l’échelle des quartiers pour permettre de réaliser cette compacité métropolitaine.

Étant donné que la décentralisation métropolitaine des emplois et des services est une tendance lourde (section 2.1), plusieurs (dont : Frey, 1999; Jabareen, 2006; Hall et Pfeiffer, 2000; Calthorpe, 1993; Rogers, 1997; Safdie, 1998; Crawford, 2002) proposent de créer une forme métropolitaine compacte en gérant mieux cette décentralisation, plus précisément en planifiant une décentralisation qui prendrait la forme de multiples pôles périphériques denses et mixtes (modèle de la métropole polycentrique). C’est qu’un « pôle », par définition, est créé par une certaine intensification de l’utilisation du sol à l’intérieur d’une aire donnée ou par une concentration de divers types de fonctions urbaines complémentaires. Ainsi, conceptuellement, une métropole qui comporte

plusieurs pôles denses peut être davantage « compacte » qu’une métropole monocentrique dont la périphérie s’étendrait de façon importante sans véritables pôles secondaires.

Par contre, la durabilité d’une métropole polycentrique dépend aussi de la nature des pôles et sous-pôles qui la forment. Les pôles doivent répondre à certains critères, notamment de présenter une densité suffisamment élevée, une mixité de fonctions bien intégrées à l’échelle locale/piétonne, un design urbain favorable aux piétons et autres transports actifs et, enfin, d’être inter-reliés de façon efficace par un système de transport en commun de premier plan.

Principe #2 : mixité des fonctions et diversité à l’échelle des quartiers :

L’idée générale de ce principe est de favoriser une synergie et une vitalité locales en planifiant des milieux de vie « complets » où on retrouve diverses fonctions urbaines (habitations, emplois, commerces et services, équipements récréatifs et communautaires, etc.). Ce principe de mixité et de diversité va de pair avec un design urbain de qualité favorisant des rues et des espaces publics vivants et attrayants, ainsi qu’avec un pattern de rues qui permette un haut niveau de connectivité pour les déplacements à pied.

La question de la densité urbaine (principe précédent) est également étroitement liée aux notions de diversité et de mixité urbaines. Pour permettre une mixité de fonctions, une densité critique minimum de résidents et/ou d’emplois est nécessaire. En fait, ces deux principes fondamentaux de la forme urbaine et métropolitaine durable que sont la

compacité et la mixité (diversité) sont liés d’une manière si étroite qu’on peut considérer

que l’un ne peut fonctionner (ou se justifier) sans l’autre.

Pour certains, la « vraie diversité » va plus loin que la simple mixité des fonctions et comprend l’intégration de divers types de logement pour créer une offre de logement diversifiée et balancée (IIDD, 2003; Hall et Pfeiffer, 2000; Frey, 1999; Jabareen, 2006), rejoignant ainsi les préoccupations réclamant une plus grande mixité sociale. Enfin, certains auteurs lient aussi ce principe de diversité et de mixité avec la notion d’identité locale ou de sentiment d’appartenance locale (sense of place) : des milieux de vie complets facilitent des synergies locales, ou interactions entre les résidents, favorisant ainsi une vie de quartier (Frey, 1999).

Principe #3 : préservation de réseaux d’espaces verts et « verdissement » du cadre bâti :

Une troisième catégorie concerne la conservation et la protection ciblées (stratégiques) des systèmes naturels et écologiques aux échelles régionale et locale. Les auteurs font valoir que ces espaces peuvent remplir plusieurs fonctions simultanément en augmentant la viabilité de la ville pour ses habitants et en aidant à préserver l’environnement : espaces récréatifs et sportifs, espaces permettant la gestion écologique des eaux de pluie, habitats naturels protégés, espaces permettant même l’agriculture et la foresterie urbaines (notion d’autonomie via le support à la production locale), etc. Du point de vue de la forme, la mise en réseau de ces espaces sous formes de corridors et d’espaces continus maximiserait leurs potentiels et effets positifs (ex. : parcours linéaires récréatifs continus; préservation des abords des cours d’eau; circulation non-interrompue d’animaux).

De plus, « l’ingénierie verte » peut aller très loin dans son intégration avec le cadre bâti et peut jouer un rôle important tant dans la réduction des impacts environnementaux de la ville que dans la création d’espaces agréables et confortables pour les habitants (ex. : parcs urbains et couverts végétaux au-dessus des trottoirs, aménagement de toitures vertes, aménagement de systèmes de captage des eaux de pluie intégrés au paysage urbain, design et construction de « bâtiments verts » aux performance écologiques très élevées, etc.).

Frey (1999) fait valoir qu’un autre principe fondamental de la bonne forme urbaine est celui de favoriser l’accès à des espaces extérieurs personnels ou partagés de qualité qui peuvent être de différents types (jardins, toits terrasse, balcons, etc.), sans pour autant nécessiter de faibles densités. Cela implique un grand soin porté au design urbain afin d’assurer la qualité de vie et l’attrait offerts par des milieux de vie relativement compacts.

3.3 Compatibilité, synergie avec les mouvements d’urbanisme émergents