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Le réseau d’entraide féminin 53 

Chapitre 4 Présentation et discussion des données 40 

4.3 Accouchement et phase postnatale 47 

4.3.3 Le réseau d’entraide féminin 53 

 

Le réseau féminin prend une place importante au cœur du quotidien des femmes interrogées. En l’absence de la mère, des sœurs ou autre parente féminine, l’aide traditionnelle (perçue comme l’aide qu’elles recevraient dans leur pays d’origine) provient des amies, des voisines ou des collègues. Celles-ci viennent pallier l’absence de la parenté et elles deviennent des sœurs ou des cousines33. En comblant cette place, les amies de la nouvelle maman font l’objet des mêmes attentes. Une femme nous parle de l’évolution du soutien offert, après son accouchement, par des membres féminins de son entourage : « Pour mon premier [bébé], ma mère est venue, pour le second, ma sœur, puis comme je me suis fait des amies, c’est elles qui étaient là pour le troisième » (Assia).

À l’inverse, une femme récemment arrivée au pays, qui n’avait pas eu le temps de se faire des amies avant son accouchement, indique « mes sœurs sont venues brièvement me voir, car je n’avais pas d’amies à ce moment » (Myriam). Cette réflexion met en lumière l’importance du cercle d’amies pour ces femmes, surtout en contexte d’immigration, car se sont elles qui peuvent offrir le soutien quotidien nécessaire suite aux relevailles, qui est habituellement fourni par les membres féminins de la famille.

Conformément aux propos recueillis, il émerge que ce réseau formé d’amies, de voisines et de collègues se divise en trois catégories selon le degré d’amitié et de proximité. La première catégorie concerne celles des connaissances, ces femmes avec qui les participantes ne font que discuter lorsqu’elles vont au parc. Par exemple, pour Salima, « les autres, c’est juste des amies que je rencontre au parc par hasard ». Dans cette même catégorie, il y a les collègues de travail qui ne sont pas des amies proches tel que le souligne Nora : « ce ne sont pas vraiment des amis, je rencontre des gens au travail, mais il y a pas une amitié approfondie, pas d’amis que je vois tous les jours, non, non, juste des amis au travail ». Elle précise aussi que leurs discussions sont plutôt superficielles. Toutefois, dans certains cas, ces connaissances apportent du soutien moral par de l’écoute active et du soutien informatif par la transmission d’informations. La seconde catégorie est celle des femmes avec qui les participantes font quelques activités à l’occasion à travers leur       

participation aux organismes ou celles organisée par l’école de leurs enfants. La relation entre les participantes et les femmes de cette catégorie diffère au niveau de la proximité et du degré d’amitié. Elles vont s’appeler à l’occasion pour faire jouer leurs enfants ensemble, elles vont partager des tâches et les activités liées aux enfants. Les mères immigrantes peuvent donc compter sur ces femmes dans des situations d’urgence, en cas de maladie ou simplement lorsqu’elles veulent briser la solitude. À ce sujet, deux participantes expliquent : « Quand je suis malade, j’ai des amies qui viennent faire mon ménage, quand j’avais mal aux jambes, comme Maryam ou d’autre » (Salima) et « On fait plusieurs activités avec mes voisines; soupers communs, thé, garde les enfants, on peut les confier [se confier à elles] » (Lina).

La troisième catégorie comprend les femmes que les mères immigrantes appellent les « meilleures amies » ou « les sœurs ».Les participantes les ont rencontrées soit par l’entremise de leur travail, de leur voisinage ou par le temps passé au parc, à l’école des enfants ou aux organismes. Les mères immigrantes soulignent que peu importe le pays d’origine du Maghreb - Tunisie, Maroc ou Algérie - les femmes s’entraident. Ce sont ces amies qui apportent le soutien le plus actif, notamment l’aide nécessaire lors des accouchements et des relevailles. Une répondante développe : « Dès que nous apprenons que l’une d’entre nous vient d’accoucher, nous nous appelons et chacune décide quand elle apportera un plat, nous y allons à tour de rôle, pour pas que la maman se sente seule et elle le fait pour les autres. Même si nous ne sommes pas proches, nous allons la visiter » (Amina). Les données recueillies révèlent que le soutien offert par leur réseau concerne le soutien moral (l’écoute active et la présence physique), instrumental (les plats apportés et les vêtements pour bébé qui sont donnés), informatif (les conseils et les recommandations faites aux nouvelles mamans). Ces extraits expriment l’aide apportée : « Mes amies m’ont apporté de la nourriture pendant les trente ou quarante premiers jours suivant l’accouchement, elles étaient là pour parler et être à mes côtés » (Fatima). Aussi, « J’ai eu de la nourriture pendant les quinze premiers jours à mon retour » (Lina) ou « Tu es au lit et la nourriture arrive toute fraîche, tu te sens avec de la famille, pas seule » (Amina) et « on parle, m’amène des repas, on va marcher pour parler » (Naïma).

Les mamans immigrantes soulignent aussi que c’est lors des derniers accouchements, les plus récents, qu’elles ont eu accès à plus de soutien grâce à l’évolution de leur cercle d’amies. En effet, les femmes se font généralement des amies après la première année installée à Montréal et après

leur première grossesse. Par conséquent, plusieurs participantes disent avoir eu plus de soutien au fil des grossesses, le soutien allant toujours en augmentant.

Le système d’entraide entre les femmes se poursuit pour la majorité d’entre elles sous forme d’une rencontre hebdomadaire entre amies ou voisines : « chacune amène quelque chose, thé ou café, dessert, les enfants jouent pendant que l’on discute », « On discute du Coran et des problèmes de la vie quotidienne », « je visite mes amies, comme cela, mes filles peuvent jouer avec les autres enfants et devenir amies avec les enfants de mes amies », « on discute, on boit du thé, on va se promener dehors, elles m’aident à sortir ».

Cette occasion permet de briser l’isolement des femmes, de partager des conseils ou des informations, des craintes, de discuter de religion, de se soutenir et de socialiser les enfants. Cependant, les femmes soulignent qu’après la période de repos (nafsa), qui varie (entre 3 à 40 jours) pour les femmes interrogées, la fréquence du soutien au quotidien de la part des amies diminue. Comme certaines informatrices l’expliquent, la routine, les devoirs familiaux et domestiques de chacune, expliquerait le manque de temps. Ainsi Assia explique : « je peux compter sur mes voisines, mais elles sont pareilles comme moi, elles sont dans la même situation ». Pour une autre participante, « elles ont toute une famille à s’occuper » et « je n’ai pas beaucoup d’aide, maintenant [la plus jeune a maintenant deux ans] car tout le monde a sa famille, mais on se rencontre et on se parle » (Amina).

Les femmes ne sont pas les seules à constituer le réseau de soutien de la mère immigrante; le conjoint occupe une place importante à ses côtés.