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La perception subjective du soutien 24 

Chapitre 2 Le cadre conceptuel 15 

2.6 La perception subjective du soutien 24 

soutien dont une personne peut bénéficier et des liens sociaux entourant celle-ci. À ce propos, Cobb (1976), Barrera (1986) et Streeter et Franklin (1992) avancent que les ressources de soutien équivalent aussi à l’intégration sociale, qui représente les liens ou contacts d’un individu avec les autres personnes significatives de leur environnement. Plusieurs mesures de l’intégration sociale ont été créées afin d’avoir un aperçu de ces liens sociaux. Par exemple, le statut matrimonial, le statut d’emploi, l’appartenance à des groupes formels ou informels ou la participation à des organisations communautaires (Beauregard et Dumont, 1996). Ces indicateurs peuvent aussi refléter les ressources potentielles auxquelles un individu peut accéder en cas de besoin.

2.6 La perception subjective du soutien

 

Cette dimension du soutien social découle des recherches faites selon la perspective des modèles cognitifs de stress et de stratégies d’adaptation. Pour Barrera (1986), « l’approche perceptive renvoie à l’évaluation cognitive, à la perception d’être connecté aux autres » (cité dans Boucher et Laprise, 2001 :129). Buchanan (1995) mentionne, pour sa part, que le soutien serait lié à une expérience personnelle plutôt qu’à un ensemble de circonstances objectives (cité dans Beauregard et Dumont, 1996 :60). En quelques mots, Beauregard et Dumont (1996) résument la portée de la perception au sentiment d’avoir suffisamment de soutien, la satisfaction à l’égard du soutien reçu, la perception selon laquelle les besoins sont comblés et peuvent être comblés, la disponibilité, la confiance et l’adéquation de l’aide apportée. Dans cet ordre idée, selon Pierce, Sarason et Sarason (1996), la perception du soutien social signifie « the general perception that others are available and desire to provide assistance should the individual need it. » (1996 :435). La perception du soutien social ne se limite pas au soutien reçu, elle englobe au-delà de l’aide, l’attitude de l’entourage, sa disponibilité et la confiance qu’il apportera de l’aide en cas de besoin. C’est ce qui est retenu dans le cadre de ce mémoire. Un exemple est apporté par Boucher et Laprise (2001), « une personne peut posséder un réseau social restreint et se voir offrir peu de soutien, tout en ayant une perception élevée de soutien » (2001 :129).

La perception subjective du soutien varie selon de nombreux facteurs qui concernent l’individu tels que les valeurs, la culture, les expériences vécues dans le pays d’origine, les attentes envers le pays d’accueil, les sources d’aide et le type d’aide, l’état émotif et la vulnérabilité dus aux contraintes de la migration, etc. Dans un contexte d’immigration, la perception des mères immigrantes peut être influencée également par les étapes du parcours migratoire (Battaglini et coll., 2000); en commençant par les motivations qui entourent le choix de migrer et le contexte migratoire. Selon l’analyse de Battaglini et coll., (2000) c’est une vision marquée par les gains et les pertes liés à leur migration qui teinte leur perception. Par exemple, les résultats de leur recherche montrent que les parents ayant vécu un départ volontaire avaient une vision plus positive de leur avenir. À l’inverse, les femmes réfugiées ou immigrées en attente de leur statut qui se retrouvent déjà dans une situation de fragilité vont avoir une vision plus négative de leur avenir. À ce sujet, plusieurs auteurs, dont Barrera (1986) et Tousignant (1988) soulignent que la perception des bénéficiaires peut être affectée par le stress ou la détresse psychologique. Leur détresse vient donc altérer leur espoir et une vision positive de la migration. Pourtant tel que le mentionnent Caron et Guay (2005), « [la présence d’un réseau de soutien et ses ressources] en période de stress peut s’avérer déterminante pour le maintien ou le rétablissement de l’équilibre » (2005 :21). Tousignant (1988) souligne que la perception positive ou négative du bénéficiaire a une incidence également sur l’efficacité de l’aide reçue. Selon l’auteur, le soutien ne peut être efficace qu’à des conditions bien précises, c’est-à-dire que le soutien doit correspondre au « type de besoin ressenti et que son destinataire puisse avoir un sentiment d’indépendance suffisamment développé pour accepter une aide sans qu’elle attente à son orgueil ou ne soit ressentie comme une dette morale excessive » (1988 :100). L’attitude du donneur peut aussi contribuer à une vision favorable ou défavorable du soutien offert. Dandurand et Ouellette (1992) et Devault (1992) abondent dans le même sens, le soutien sera perçu de façon négative si le don est perçu comme une dette, une ingérence ou une interdépendance.

Les normes24 et les valeurs25 liées à une culture peuvent aussi influencer les attentes des mères immigrantes envers leurs relations de soutien, le type de soutien, et les moyens mobilisés face aux difficultés 26. Par exemple, les Indiens de Montréal vont favoriser la famille ou un effort personnel plutôt que de se diriger vers une ressource extérieure pour régler leur problème (Duclos, 2009). Dandurand et Ouellette (1992) ajoute que devant un univers de contraintes et de normes, une variété de stratégies individuelles ou familiales va se développer pour faire face aux difficultés. Par ailleurs, plusieurs études soulignent les impacts de la migration sur le rôle du conjoint. Par nécessité, il y a une restructuration au sein du couple, c’est-à-dire que les rôles maternel et paternel sont renégociés (Battaglini 2000, 2002; Moro, 1994, 2008, 2010; Séguin, 1993; Duval, 1992). Selon les répondants de Battaglini (2000, 2002), l’implication du père serait accrue dans un contexte d’immigration, et celle-ci viendrait pallier ou s’ajuster à un réseau de soutien réduit ou absent. Toutefois, dans certains cas, le conjoint ne semble pas combler les attentes des mères immigrantes (Rinfret, 2007). Les mères peuvent se tourner vers d’autres ressources, ainsi en cas d’absence de femmes expérimentées dans leur entourage, les femmes interrogées par Battaglini et coll. (2000) et Rinfret (2007) vont se tourner vers des professionnelles de la santé ou bien vers des organismes communautaires.

En somme, la perception subjective du soutien est une dimension importante du soutien, c’est grâce à l’analyse de celle-ci que nous pouvons saisir le degré d’efficacité et d’appréciation du soutien obtenu par le bénéficiaire. C’est notamment cette dimension qui nous permet de comprendre les dynamiques sous-jacentes entre le donneur et le bénéficiaire du soutien et de comprendre les stratégies pour obtenir du soutien.

      

24Les normes étant des « règles de conduite déterminant un comportement obligatoire » (Legault, 2010 :284). 25Les valeurs étant définies comme « des orientations normatives de l’action, positives ou négatives, explicites ou

implicites, organisées systématiquement au sein d’une totalité culturelle » (Kluckhohn cité dans Bonte 2007 :733).

26 Témoignages, dans Mères immigrantes : Pareilles, pas pareilles!, (Battaglini, 2000 : 87) : « Parce que là-bas, ma

mère et ma soeur auraient pu m’aider, ma belle-famille aussi. Ma mère aurait fait à manger, les repas et moi juste me reposer.» (22 ans, Liban)

« C’est un tout autre monde ! J’aurais eu de l’aide de tout le monde, il y avait plus de 20 personnes pour mon premier accouchement. Je n’ai qu’à dormir, manger et allaiter… » (31 ans, Liban)

2.7 Les outils de mesure du soutien social

 

Au fil des décennies, de nombreux outils de mesure du soutien social ont vu le jour, il est donc facile de se perdre dans cette littérature. Pour s’y retrouver, intéressons-nous aux critiques émises à leur encontre, celles-ci sont étroitement liées aux problématiques de la définition et d’opérationnalisation du concept de soutien social. Rappelons qu’il existe une variété de définitions relatives à ce concept et, que dans l’ensemble, elles restent imprécises (Barrera, 1986; Jacobson, 1987; Beauregard et Dumont, 1996; Deveault et Fréchette, 2002; Caron et Guay, 2005). Gottlieb (1994), pour sa part, souligne que le manque de spécificité des définitions proposées par les chercheurs entraîne un manque de connaissances sur la nature des processus d’interactions et des mécanismes de fonctionnement du soutien (Boucher et Laprise, 2001).

En conséquence, les auteurs ont eu l’habitude d’adapter leurs outils de mesure selon leur définition du soutien et des objectifs de leurs recherches (Beauregard et Dumont, 1996; Caron et Guay, 2005). Par exemple, certains outils de mesure écartent complètement le caractère multidimensionnel du soutien pour ne cibler qu’une seule dimension. L’importance relative accordée aux propriétés du réseau ou aux perceptions du soutien vient occulter la provenance du soutien, les types de soutien ou ses mécanismes. Sarason et coll. (1983) ont développé un questionnaire, le Social Support

Questionnaire, qui tente d’évaluer la perception de la disponibilité et de la satisfaction du soutien

social en prenant en compte la provenance et le type de soutien. Cet instrument a été validé et traduit en français. Toutefois, ce ne sont pas tous les modèles qui ont été validés, par conséquent la validité de certains des questionnaires est une autre critique soulevée par les chercheurs (Caron et Guay, 2005).

Pour Barrera, par exemple, (1986, cité dans Beauregard et Dumont, 1996 :58), il y a deux approches pour mesurer les ressources du réseau (ou l’intégration sociale). La première approche utilise des indicateurs de la présence de liens sociaux chez la personne, en admettant que ces liens soient susceptibles de fournir de l’aide en cas de besoin. Par exemple, un indicateur peut être le nombre d’individus ou de liens à l’intérieur du réseau d’une personne. La seconde approche utilise l’analyse du réseau social. C’est-à-dire que l’accent sera mis sur les propriétés structurelles du réseau : densité, complexité, accessibilité, etc. (Beauregard et Dumont, 1996 :59). Par contre, plusieurs chercheurs ont émis des critiques vis-à-vis cette approche (Barrera, 1986, Wellman,