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La réponse dérivatiste au sceptique

Une alternative : le dérivatisme

VI. La réponse dérivatiste au sceptique

Nous avons vu plus haut la façon dont les deux piliers de l’approche dérivatiste (à savoir une approche normative de la notion de croyance ainsi qu’une conception du contenu mental

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Le cas de la simple saisie d’une proposition (au sens fregéen de ‘fassen’) pourrait constituer un cas problématique. L’idée est qu’une proposition pourrait n’être qu’entretenue (envisagée), sans être ni acceptée ni rejetée. Un premier point à clarifier serait de déterminer si ce genre d’attitude correspond véritablement à une réalité substantielle de notre vie mentale. Constitue-t-il véritablement un type particulier d’attitude propositionnelle ? En outre, une issue dans ce contexte pourrait être de considérer ce genre d’attitude comme essentiellement négative, c'est-à-dire comme consistant simplement à penser à une proposition sans adopter

quelque attitude doxastique que ce soit (i.e. l’envisager sans y croire). En ce sens, elle serait une négation de la

croyance, négation ne portant pas sur le contenu, mais sur l’attitude elle-même (cf. la différence entre ne pas croire p et croire que non-p).

comme déterminé par son rôle dans les croyances) se combinent pour donner lieu à une conception originale de la notion de normativité sémantique. J’aimerais à présent examiner plus en détails dans quelle mesure cette approche en termes de normes dérivées est à même de répondre aux exigences du sceptique s’agissant d’une part de la factualité et de la détermination de la signification, et d’autre part de la possibilité de rendre compte de cette factualité et de cette détermination en termes non-sémantiques. Mon analyse se découpera ainsi en trois parties : dans la première, je démontrerai que la normativité sémantique telle que la conçoit le dérivatisme est à même d’assumer le rôle qu’entend lui faire jouer le sceptique. Ensuite, je m’attacherai à démontrer en quoi l’approche dérivatiste permet de sauver la factualité de la signification, et en quoi cette factualité pourrait ne pas être naturalisable. Enfin, j’exposerai dans une troisième partie les raisons qui devraient nous amener à nous accommoder des conclusions du sceptique dès lors qu’elles concernent des agents moins sophistiqués de type (AB).

VI.A. Normes dérivées et satisfaction de la contrainte normative

J’aimerais dans ce bref chapitre vérifier que la normativité sémantique telle que la conçoit le dérivatisme est bel et bien en mesure de jouer le rôle que lui attribue le sceptique. Remémorons-nous brièvement la conception dérivatiste de la normativité sémantique : on a vu que les croyances jouent un rôle prioritaire dans notre vie cognitive dans la mesure où toutes les attitudes propositionnelles semblent se fonder ultimement sur une croyance (c’est la thèse de la dépendance asymétrique développée plus haut) ; on a vu en outre que les croyances entretenues par des agents de type (AS) (i.e. les croyancesN) sont pourvues d’une

dimension normative dans la mesure où elles sont gouvernées par la norme selon laquelle on ne doit croire p que si p est le cas, cette dimension normative étant par ailleurs constitutive (bien que pas toujours saillante) de leur phénoménologie. Conjuguées à l’idée selon laquelle le contenu d’un concept est déterminé par son rôle dans les croyances, ces différentes thèses débouchent sur l’idée selon laquelle un (AS) ayant déterminé le rôle exemplifié par un concept dans ses croyances pourra déterminer la façon dont ce dernier doit être utilisé.

On s’en souvient, la normativité sémantique telle que la conçoit le sceptique est supposée remplir un triple rôle, à savoir264 :

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Être en mesure d’indiquer la façon dont l’individu concerné doit utiliser l’item sémantique en question.

• Permettre à l’individu concerné de justifier l’utilisation qu’il fait de cet item sémantique.

• Constituer un standard permettant de mesurer l’utilisation effective d’un item sémantique (performance) à son utilisation correcte (compétence).

A mon sens, les normes dérivées satisfont à ces trois critères. Le premier est rempli de manière évidente dès lors que l’on se remémore les arguments (NSD) et (NSD’). Nous avons vu en effet la façon dont la conjonction du rôle joué dans nos croyances et d’une conception normative permet de dégager une norme dérivée relative à la façon d’utiliser l’item sémantique en question. Si le raisonnement explicité par (NSD) est correct, il va alors sans dire qu’un individu qui s’interrogerait sur l’utilisation à faire d’un item sémantique aura accès à la prescription nécessaire, à savoir une norme dérivée lui indiquant la manière dont il doit utiliser le concept en question (je dirai alors que la norme dérivée est activée ou actualisée). Du même coup, elle permettra à ce dernier de justifier la manière dont l’item sémantique en question est utilisé, satisfaisant du coup le second critère ci-dessus.265

Enfin, il est aisé d’observer que les normes dérivées évoquées dans (NSD) et (NSD’) constituent un standard permettant d’évaluer si l’item en question a été ou non utilisé conformément à son contenu (i.e. conformément au rôle R identifié par l’individu concerné). La normativité sémantique telle que la conçoit l’approche dérivatiste semble ainsi tout à fait en mesure d’assumer les trois rôles qu’entendait lui faire jouer le sceptique. A ce point, il est important de remarquer que (NSD) et (NSD’) impliquent une prescription relative à l’usage de C même dans l’hypothèse où la prémisse (2) serait fausse (i.e. dans l’hypothèse par exemple où le locuteur aurait une croyance erronée s’agissant de l’utilisation correcte de C

265 La satisfaction du second critère souligne l’importance de l’accessibilité épistémique de la dimension normative des croyancesN. En effet, si l’individu veut pouvoir justifier l’utilisation qu’il fait de l’item sémantique en question, il est important qu’il ait un accès aux différents éléments invoqués dans (NSD). C’est pour cette raison que je doute de l’utilité d’une définition dispositionnelle de la normativité des croyancesN. En effet, même dans l’hypothèse où pareille définition serait possible (ce dont je doute), il va sans dire qu’elle ne permettrait plus de rendre compte de la façon dont les normes dérivées peuvent être saisies consciemment par le locuteur. En effet, dans la mesure où un individu n’a dans la plupart des cas aucun accès épistémique à ses dispositions, une conception dispositionnelle des croyancesN ne semble pas être en mesure de jouer un rôle justificatif aussi fort que la notion d’expérience normative défendue dans plus haut.

dans la situation en question). La conception dérivatiste de la normativité sémantique est ainsi parfaitement à même de rendre compte de la possibilité de l’erreur.

Un dernière remarque s’impose s’agissant de l’occurrence des normes dérivées dans notre vie mentale consciente ; ce que j’ai dit plus haut de la présence de la dimension normative des croyances s’applique également à la normativité sémantique telle que conçue par le dérivatisme : les normes sémantiques ont une présence latente, ce qui veut dire que si tout item sémantique est effectivement associé à une prescription déterminant la manière dont ce dernier doit être utilisé, pareille prescription n’est toutefois pas systématiquement occurrente, c’est-à-dire présente à l’esprit de l’individu en question. Bon nombre d’utilisations de concepts se font en effet de façon routinière, et ne répondent ainsi pas à un raisonnement délibéré relatif à la façon d’utiliser l’item sémantique en question.266 C’est donc de manière pour ainsi dire sous-jacente que les normes dérivées contrôlent nos utilisations de concepts et autres items sémantiques. Aussitôt toutefois qu’un doute surgit quant à l’application d’un item sémantique, la norme qui lui est associée est activée (actualisée), ce afin de permettre à l’individu en question de déterminer la manière dont il doit l’utiliser. Cependant, dans la mesure où certains items sémantiques sont utilisés sans que soit pour autant mobilisée la norme dérivée gouvernant leur application, une erreur est constamment possible, quand bien même sa probabilité décroît en fonction de la prudence adoptée par le sujet en question. De plus, même dans les cas où la norme en question est activée, l’erreur reste possible puisque tout raisonnement relatif à la manière d’utiliser un item sémantique donné pourrait être basé en partie sur des croyances fausses (cf. par exemple la prémisse (2) de (NSD)). L’activation d’une norme dérivée ne permet donc en aucun cas de garantir l’utilisation correcte de l’item sémantique dont elle gouverne l’utilisation.267

On voit ainsi comment l’utilisation d’un item sémantique par un agent suffisamment sophistiqué peut être déterminée par une prescription et revêtir ainsi la dimension normative que le sceptique appelait de ses vœux. Les normes dérivées semblent donc parfaitement taillées pour répondre aux exigences du sceptique. Reste à présent à déterminer l’impact de l’approche dérivatiste sur la question de la factualité de la signification.

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Le cas paradigmatique est bien entendu celui de la perception, cas dans lequel l’application de concepts est pour ainsi dire involontaire, ou du moins indépendante de quelque volonté ou intention explicite que ce soit. 267

Encore une fois, la validité de l’approche dérivatiste est à mon sens circonscrite aux agents de type (AS). Nous verrons ultérieurement pourquoi l’impossibilité de formuler une réponse au défi sceptique dans le cas des agents de type (AB) ne devrait pas nous inquiéter outre mesure.

VI.B. Répondre au sceptique : dérivatisme et factualité de la signification

Nous venons de voir que, en vertu de (NSD et (NSD’), un item sémantique est toujours associé à une norme dérivée régissant son utilisation, et ce quand bien même un individu peut (et cela est fréquent) ne pas avoir cette norme à l’esprit (i.e. la norme en question peut ne pas être activée). Par conséquent, et conformément aux remarques formulées dans les pages qui précèdent, l’approche dérivatiste semble parfaitement à même de satisfaire la contrainte normative. Pour évaluer toutefois la mesure dans laquelle l’approche dérivatiste permet de répondre à toutes les exigences du sceptique, il reste encore à examiner l’impact de nos remarques sur la question de la factualité de la signification, factualité qui précisément constituait la cible ultime de l’argument du sceptique. On s’en souvient en effet, le sceptique exigeait de son interlocuteur que ce dernier désigne et spécifie en termes non-sémantiques un fait susceptible de déterminer la signification associée à un terme à un moment donné. C’est à cette question de la factualité que j’aimerais m’intéresser à présent.

Deux questions se posent s’agissant de la factualité de la signification : (1°) la signification d’un terme est-elle une donnée factuelle (y a-t-il un fait déterminant la signification d’un item sémantique) ? (2°) Si oui, peut-on rendre compte d’un tel fait sémantique dans le vocabulaire descriptif et non-sémantique des sciences naturelles ?

Les remarques effectuées plus haut s’agissant de la détermination du contenu d’un concept devraient à mon sens nous amener à répondre par l’affirmative à la première question. En effet, le rôle exemplifié par un concept dans les croyances d’un individu est de toute évidence une question factuelle. On l’a vu, un concept peut instancier plusieurs rôles mais n’en exemplifie qu’un seul aux yeux de l’agent de type (AS) qui l’entretient. Il semble ainsi que le contenu d’un concept soit bel et bien déterminé par un fait, en l’occurrence le rôle exemplifié par ce concept. Reste donc à répondre à la seconde question. Je suis d’avis que la réponse à cette dernière devrait cette fois être négative, et ce pour la raison suivante : on s’en souvient, la distinction entre instanciation et exemplification ne fait sens que pour les agents de type (AS). On sait toutefois que de tels agents entretiennent un type particulier de croyances, à savoir les croyancesN. Par conséquent, le contenu d’un concept entretenu par un (AS) est

déterminé par son rôle dans les croyancesN. La factualité de la signification fait donc

apparaître en filigrane celle de croyanceN. Et c’est à ce point qu’il convient de mettre

sérieusement en doute la possibilité d’une naturalisation du fait sémantique en question. En effet, outre leur dimension normative, nous avons insisté sur les caractéristiques phénoménologiques des croyancesN. Les croyancesN instancient donc deux caractéristiques

bien connues pour constituer des obstacles de premier ordre à toute tentative de naturalisation. En d’autres termes : dans la mesure où la question de factualité de la signification ne trouve réponse qu’au travers de la notion de croyancesN, la question de la naturalisation du fait sémantique tel que le conçoit le dérivatisme semble pencher en direction d’une réponse

négative.

Bien entendu, le dérivatisme n’est pas pour autant contraint de concevoir le fait sémantique en question comme une entité platonisante absolument indépendante de toute base matérielle. En effet, il paraît tout à fait raisonnable dans ce contexte de postuler l’existence d’une relation de survenance (que celle-ci soit de nature métaphysique ou nomologique) entre un fait sémantique et certains processus physiologiques ou fonctionnels concernant l’individu lui- même et (possiblement) ses interactions avec son environnement (y compris d’autres individus).268 Pas de réduction donc, mais plus probablement une relation étroite entre un fait sémantique et des processus neurophysiologiques, fonctionnels ou relationnels.269

En conclusion, l’approche dérivatiste semble à même de sauver la factualité de la signification, et ce quand bien même un fait sémantique ne semble pas pouvoir être spécifié d’une façon qui corresponde aux vœux initiaux du sceptique. En effet, la notion de fait sémantique, si elle permet de sauver la détermination de la signification, n’est probablement pas en elle-même réductible à des phénomènes neurophysiologiques, fonctionnels ou relationnels, et n’est vraisemblablement pas spécifiable uniquement en termes non-normatifs. Comme annoncé, nous verrons sous peu s’il y a lieu de s’inquiéter du fait que ces réponses ne correspondent pas parfaitement aux exigences du sceptique (qui voulait que la factualité de la signification soit à la fois suffisante pour déterminer la signification associée à un item sémantique et spécifiable dans un vocabulaire descriptif et non-sémantique). J’aimerais avant cela m’arrêter sur un autre problème potentiel, à savoir l’impossibilité pour le dérivatiste d’appliquer sa stratégie, et par-là même de répondre au sceptique, dès lors que des agents moins sophistiques (i.e. des agents de type (AB)) sont concernés.

268 J’ai pour ma part une préférence pour une survenance nomologique du fait sémantique sur certains processus neurophysiologiques.

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Peut-être fais-je preuve de pessimisme lorsque j’affirme qu’un fait sémantique ne peut être réduit à des phénomènes fonctionnels ou neurophysiologiques. Bien entendu, je serais ravi de me tromper sur ces points, puisque cela ne ferait que réduire le coût ontologique de l’approche dérivatiste. En tous les cas, nous verrons que la nature apparemment irréductible des faits sémantiques tels que les conçoit l’approche dérivatiste ne les place pas nécessairement à la portée des arguments que le sceptique adresse aux théories non-réductionnistes de la signification. Cf. VIII.C-D ci-dessous.

VI.C. Sophistication cognitive et satisfaction de la contrainte normative

Nous avons vu plus haut dans quelle mesure le défi sceptique peut recevoir une réponse dès lors qu’il se pose à des individus suffisamment sophistiqués du point de vue cognitif (cf. les agents de type (AS)). Mais qu’en est-il des agents moins élaborés, typiquement des agents de type (AB) ? Deux problèmes semblent se poser : premièrement, les agents de type (AB) sont par définition incapables d’entretenir des croyancesN. Pareils agents manquent en effet des

ressources nécessaires pour prendre conscience de la norme selon laquelle on ne doit croire p que si p est le cas. Dès lors, ils ne peuvent entretenir de croyancesN et doivent ainsi se

contenter d’un genre d’attitude plus basique, les croyancesR. Cette incapacité à entretenir des

croyancesN place du même coup hors de portée des agents de type (AB) les arguments

évoqués dans (NSD) et (NSD’) et, partant, la réponse dérivatiste à la contrainte normative. En effet, si les croyances entretenues par un tel agent ne tendent pas à la vérité, ce dernier ne pourra déterminer la norme dérivée régissant l’utilisation d’un item sémantique donné. Par conséquent, il semble tout bonnement impossible de satisfaire la contrainte normative. Deuxièmement, ainsi que nous l’avons souligné, le caractère relativement fruste de leurs ressources cognitives interdit dans le cas des agents de type (AB) la distinction entre instanciation et exemplification, distinction qui on l’a vu permet de rendre compte de la façon dont un individu peut identifier le rôle précis joué par un concept dans ses croyances, spécifiant de ce fait le contenu de ce dernier. Par conséquent, un agent de type (AB) ne semble pas être à même de déterminer le contenu des concepts qu’il entretient, ouvrant ainsi la porte à des problèmes d’indétermination désormais bien connus. Face à ces problèmes, deux alternatives s’offrent à nous : chercher une façon propre aux agents de type (AB) de surmonter ces difficultés, ou chercher à l’inverse à nous en accommoder. C’est cette dernière voie que je me propose d’emprunter.

Prenons le cas d’une simple souris ; sans doute cette dernière exemplifiera-t-elle un certain nombre de comportements caractéristiques aussitôt qu’elle sera en présence d’un chat. On le sait toutefois, des comportements de ce type ne seront pas instanciés uniquement en présence d’un chat, mais pourront l’être également en présence d’une peluche, d’un petit chien, etc. De la même manière, une grenouille tentera d’avaler non seulement une mouche, mais également tout ce qui s’apparente à un point noir dans son champ visuel. Ces exemples bien connus démontrent que le contenu mental d’individus relativement simples n’est pas aisément spécifiable. Ils ont pour cette raison été à l’origine, dans le contexte notamment de la sémantique informationnelle, d’une immense littérature destinée à spécifier les éléments

permettant d’identifier ce contenu de façon univoque.270 Ma réaction à ce type d’exemples est tout autre et consiste à poser simplement la question suivante : en quoi la possible indétermination du contenu mental d’agents relativement peu sophistiqués devrait-elle finalement poser problème ? L’approche dérivatiste nous a fourni de bonnes raisons d’affirmer qu’un agent de type (AS) (1°) parvient, en vertu du rôle qu’ils exemplifient dans ses croyances, à déterminer le contenu des concepts dont il dispose et (2°) associe (au moins implicitement) à chaque concept une prescription relative à son utilisation. Le fait qu’il existe des agents cognitivement moins sophistiqués démontre à mon sens que la possession d’un contenu mental déterminé est un privilège dont tous les agents ne jouissent pas. En particulier, les agents n’entretenant que des croyancesR ne peuvent ni déterminer le contenu de leur

pensée de façon univoque, ni « charger normativement » leurs concepts ; ils sont ainsi tout bonnement incapables de répondre au défi sceptique. Ma réaction à ces remarques est donc

quiétiste en ce sens qu’elle consiste à s’accommoder d’une certaine indétermination s’agissant

du contenu mental d’agents de type (AB). Certes, lorsque nous attribuons des états mentaux à de tels agents, nous optons pour un contenu particulier ; en cela toutefois, nous projetons la détermination du contenu de notre pensée sur celui des agents à qui nous attribuons les états mentaux en question. Pareil phénomène de projection ne devrait cependant pas masquer le fait que les agents eux-mêmes (par opposition à leur interprète) n’ont à strictement parler pas un contenu mental déterminé.271 Tenter de dépasser cette indétermination relèverait selon moi d’un anthropomorphisme coupable.

Loin de la fragiliser, ces considérations donnent au contraire une flexibilité bienvenue à l’approche dérivatiste: on ne peut attribuer un contenu déterminé aux états mentaux des agents de type (AB). A l’inverse, aussitôt qu’un individu est capable à la fois d’entretenir des croyancesN et d’identifier le rôle qu’exemplifie un concept donné dans ce type de croyance, sa

pensée acquiert un contenu déterminé et pourvu d’une dimension normative. D’une certaine manière, la flexibilité de notre théorie peut ainsi être conçue comme un choix à opérer entre embrasser un non-réductionnisme de la pensée permettant de sauver la détermination de son contenu (via notamment la notion de croyanceN) et choisir l’option réductionniste en

acceptant du même coup l’indétermination radicale du contenu de notre pensée. Si elle est loin d’être rédhibitoire lorsqu’elle s’applique à des systèmes relativement simples comme par