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Répliques implicites à des discours préalablement prononcés

Le discours du Président français Jacques Chirac lors du diner offert au Président algérien Abdelaziz Bouteflika

4- Répliques implicites à des discours préalablement prononcés

Il s‟agit ici de répliques implicites à des discours prononcés précédemment à celui-ci, en voici des extraits :

Ex 1 « (…) La paix au Proche-Orient, l'Algérie en est également le militant

inlassable. Là encore, Algériens et Français se retrouvent pour soutenir la recherche d'une paix globale, juste et durable, fondée sur le respect du droit international et des engagements pris. Vous et nous le savons bien, les plaies de l'Histoire sont souvent longues à se fermer. Puissent les dirigeants du Proche-Orient bâtir la confiance, rendre espoir à une région qui perd patience. »

Dans cet extrait le locuteur J.C essaye de raccommoder l‟échec de la visite effectuée par son premier ministre Lionel Jospin en Israël et en Palestine le 23 et 24 février 2000, soit quatre mois avant ce discours et lors de laquelle il a affirmé en Israël que

« La France condamne les attaques du Hezbollah et toutes les actions terroristes unilatérales, où qu'elles se mènent, contre des soldats ou des populations civiles israéliennes […] et déclare comprendre les raids de représailles israéliens contre le Hezbollah »222

Alors que Paris soutenait l‟application de la résolution 425 de l‟ONU qui ordonnait à Israël le retrait immédiat des territoires libanais, Lionel Jospin voulait en effet rompre avec les positions traditionnelles du Quai d‟Orsay en procédant autrement, chose qui n‟a pas plu au Président français J.C qui n‟a même pas été avisé préalablement des déclarations que voulait émettre son premier ministre. Ce dernier a été convoqué le jour même par un appel téléphonique du Président français J.C réclamant des explications sur ce sujet. Le lendemain

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23-29 février 2000 - France – Israël. Visite de Lionel Jospin en Israël », Encyclopédie Universalis [en ligne], consulté le 01 juillet 2017. URL : http://www.universalis.fr/evenement/23-29-fevrier-2000-visite-de-lionel-jospin-en-israel/

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de cette déclaration et voulant rectifier ses propos relatifs au Hezbollah, Lionel Jospin a mentionné l‟expression « actes de guerre » au lieu « actes terroristes ».

Il est à noter que des incidents se sont déclenchés lors de sa visite en Palestine notamment par des jets de pierres perpétrés par des étudiants palestiniens en colère après ses déclarations faites en Israël. Dès son retour en France, il reçoit un autre appel du Président J. Chirac qui, selon un communiqué de l‟Élysée, lui a affirmé que « remettre en cause l‟impartialité » de la politique étrangère de la France risque de porter atteinte à la crédibilité de celle-ci. »223

À travers cet extrait, le locuteur J.C voulait réaffirmer les principes de la politique étrangère de son pays envers le conflit au Proche-Orient, militant pour une paix globale dans la région. En effet, l‟objectif quant à cette réaffirmation des positions diplomatiques françaises est de réparer les dommages causés par les déclarations de son premier ministre vis-à-vis de trois auditoires à la fois :

- Un auditoire français connu par une certaine réprobation des conflits internationaux. - Un auditoire français arabo-musulman issu de l‟immigration et appuyant

inlassablement la cause palestinienne.

- Un auditoire algérien qui pour lui, la question palestinienne est considérée comme une cause nationale.

Ex 2 « Leur lutte, les Algériens l'ont menée pour l'indépendance. Et ni vous, ni nous, ne pourrons jamais oublier le sang versé, les compagnons tombés, les souffrances endurées de toutes parts. Mais le temps fait heureusement son œuvre. Le moment est venu de regarder résolument l'avenir, sans rien oublier du passé. Aller de l'avant pour l'Algérie et la France, c'est dans la sérénité, dans le respect des sensibilités de chacun, bâtir une relation apaisée et ambitieuse. En un mot, privilégier ce qui nous unit. »

Dans cet extrait le locuteur J.C répond à la demande émise par le président A.B lors de son discours prononcé à l‟Assemblée Nationale française quelques heures avant, où il a exprimé son souhait de voir les relations algéro Ŕ françaises aller de l‟avant. En effet, le

223 23-29 février 2000 - France – Israël. Visite de Lionel Jospin en Israël », Encyclopédie Universalis [en ligne], consulté le 01 juillet 2017. URL : http://www.universalis.fr/evenement/23-29-fevrier-2000-visite-de-lionel-jospin-en-israel/

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locuteur J.C répond favorablement à cette proposition en mettant l‟accent sur les points unissant les deux peuples

Ex 3 « Dans le respect souverain de son identité, l'Algérie continue de témoigner son intérêt pour la langue française. Comme vous, j'ai la conviction que l'affirmation d'un patrimoine culturel national n'est pas incompatible avec la connaissance et la pratique d'autres langues. C'est tout le contraire : un enrichissement, une ouverture, à l'heure où se multiplient les échanges partout dans le monde, une occasion supplémentaire de s'y intégrer pleinement. Et cela vaut aussi, en France, pour la connaissance de la langue arabe, que beaucoup tiennent en héritage et qui, pour les autres, sera un atout. »

Via cet extrait le locuteur J.C répond positivement aux diverses propositions émissent par la classe politique algérienne au sujet de la nécessité d‟intégrer la langue arabe dans les institutions éducatives françaises. Il est à signaler que ce sujet constitue l‟une des conditions préalables instaurées par l‟Algérie pour une éventuelle adhésion à l‟organisation internationale de la francophonie (OIF).

5- Le syllogisme

Un syllogisme s‟est réalisé dans ce discours comme nous allons le découvrir à partir de cet extrait

« Sachez, Monsieur le Président, que la France y veillera. Elle déploiera tous ses

efforts, de même que l'Algérie j'en suis sûr, pour que les solidarités régionales qui nous unissent à nos voisins respectifs soient mobilisées au service de nos ambitions communes : l'Union européenne, pour ce qui nous concerne, qui constitue un enjeu majeur pour les Français et les autres Européens ; l'Union du Maghreb arabe, espace naturel de coopération et de fraternité pour les peuples d'Afrique du nord, auxquels nous sommes liés par une même et forte amitié, dans le respect des singularités de chacun d'entre eux. Mon pays se tient prêt, Monsieur le Président, si l'Algérie le souhaite, à s'engager à ses côtés et à accompagner ses transformations. »

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Ce syllogisme se dessine ici à travers la déduction suivante :

Si L‟union maghrébine l‟Union Européenne.

Or L‟union européenne enjeu majeur pour les Français et les Européens Donc L‟Union Maghrébine enjeu majeur pour les Algériens et les Maghrébins

Nous remarquons à travers cet extrait que le locuteur J.C a déclenché une des images préalables qui soulevait des problèmes dans les relations entre les deux pays à savoir l‟échec de l‟union maghrébine. En effet, et comme nous l‟avons déjà mentionné auparavant, les hommes politiques français avaient à maintes reprises attaqué le régime algérien du fait qu‟il était responsable de l‟échec que connait cette union, et par conséquent appuyait le régime monarchique marocain au détriment de l‟État algérien.

Cependant, dans cet extrait nous remarquons une approche moralisante de la part du locuteur J.C qui a, non seulement, évité de mentionner de terme qui aurait un lien direct avec la tension qui sévissait entre Alger et Paris ou entre Alger et Rabat, il a, au contraire, opter pour une stratégie visant faire l‟éloge du succès que connait l‟Union Européenne pour inciter les pays maghrébins à faire de la sorte et laisser les problèmes de côté pour le bien des populations maghrébines

6- Synthèse

Dans un discours de bienvenue conjoncturel, le locuteur J. Chirac a, sans conteste, fait preuve d‟une grande marque d‟estime envers le Président algérien A. Bouteflika, saluant ses réalisations pour son pays, pour ensuite donner libre cours à une amitié, partagée dans les deux sens. La répétition de la formule d‟adresse « Monsieur le président » au nombre de 10 occurrence et son association à la 2ème personne du pluriel, participent de concert à la concrétisation du renouveau de la société algérienne par des formes ambitieuses et une démonstration ostentatoire du prestige dont il bénéficie.

Le locuteur J. Chirac a salué le retour de la paix en Algérie en affirmant que l‟initiation de la concorde civile est une victoire salutaire et courageuse à l‟encontre du terrorisme qui a ravagé l‟Algérie avant d‟éclabousser l‟Europe et principalement la France. Il a salué la posture politique encourageante qu‟il serait d‟après lui indélicat de nier, dont le cadre institutionnel diminue l‟incertitude des anciens reflexes. Il a insisté sur l‟importance de

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trouver une logique de rapprochement bénéfique pour les deux pays et que la propulsion d‟une relation bilatérale devient dès lors un devoir moral et historique par une prise en charge affective de la question identitaire.

La chaleur de ce discours par la qualité de sa teneur donne à ces « retrouvailles » une dimension à la hauteur des espoirs des deux nations dans la convenance politique de chacune d‟elles. Cependant, ce qu‟il y a à retenir aussi dans ce discours, c‟est l‟essentiel rapport de domination non explicité, certes, par les actants de communication français mais induit graduellement par un raisonnement logico-sémantique qui sollicite tacitement la participation de l‟auditoire à la reconstruction du sens ou des sens visés. Cette manœuvre peut paraitre simpliste, il n‟en est rien, car le fait qu‟un individu puisse déduire par lui-même un discours c‟est lui faire croire que ce discours lui appartient et auquel il adhère sans encombre.

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Le discours d’Abdelaziz Bouteflika lors du diner offert par le Président