Dans le champ de la politique, chaque discours contient des unités linguistiques, objectives soient-elles ou subjectives, en relation avec les idées, les croyances, les jugements de valeurs et la sentimentalité du locuteur. Le discours est, par aisance, subjectif au moment où il est réalisé par l‟intervention directe d‟un locuteur. Ce dernier emploie la langue pour lui-même afin de parler, de communiquer et de donner des points de vue. C‟est à partir ce de processus qu‟il est aisé au locuteur de projeter une image de soi, en prenant des positions sur tel ou tel sujet d‟une manière objective ou subjective.
C‟est là qu‟intervient la modalité comme un élément incontournable de la subjectivation. Elle concède au locuteur la potentialité de se présenter dans la scène énonciative en inscrivant sa position dans son énoncé.
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Pour donner un aperçu sur la notion de modalité, nous nous inspirons des travaux de Charles Bally226 qui a classé la modalité en deux parties « dictum et modus ». Pour lui un énoncé explicite englobe deux parties à savoir :
- Le dictum : qui est « la représentation reçue par les sens, la mémoire ou l‟imagination »
- Le modus : qui est « l‟opération psychique du sujet pensant »
À première vue, les deux termes ont tendance à prendre une apparence contradictoire alors qu‟en fait ils sont complémentaires. Il n‟est pas toujours facile de délimiter la relation qui existe entre penser, dire et décrire.
La position d‟un sujet à l‟intérieur de son énoncé est constamment conditionnée par la rationalité, la psychologie et le langage qui forment un assortiment qui n‟est pas toujours évident à discerner.
La manifestation de la modalité au sein d‟un énoncé s‟effectue par la présence active d‟un être qui a les capacités de parler et de penser, qui emploie la langue pour lui-même afin de nuancer son discours dans la mesure où c‟est lui qui commande la façon d‟alterner la contenance de sa parole et qui octroie le sens nécessaire à son discours.
C‟est dans ce contexte que la présence de composants modalisants rectifie le dictum de l‟énoncé et le transpose en modus.
C‟est à partir de là qu‟on a pu constater, tout au long de ce discours, une focalisation importante sur les énoncés modus de la part de notre locuteur. Ces énoncés modus sont souvent construits avec des modalités affectives et appréciatives à l‟aide d‟adjectifs et d‟adverbes. Kerbrat Orecchioni227
stipule que les adjectifs de subjectivité telles que les modalités affectives s‟emploient dans l‟expression de sentiments, tandis que les appréciatifs dans la traduction de jugements de valeurs et l‟évaluation du locuteur dans son discours. P. Charaudeau note dans le même contexte que
« La modalisation ne constitue qu‟une partie du phénomène de l‟énonciation, mais
elle en constitue le pivot dans la mesure où c‟est elle qui permet d‟expliquer ce que
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Ch. Bally Charles, Linguistique générale et linguistique française. A. Francké AG Verlag, Berne, 4e édition revue et corrigée, [1932] 1965, p. 65
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sont les positions du sujet parlant par rapport à son interlocuteur, à lui-même et à son propos »228
Nous allons voir à partir de ces énoncés comment le locuteur A. B exprime sa subjectivité de manière très concrète dans ce discours
Ex 1 « (…) Je n'aurai aucune honte à avouer que je suis ému réellement, au
moment où je prends la parole… »
Ex 2 « (…) Je pourrais dire toute la charge symbolique de cette visite qui marque un moment intense dans le cours de notre longue histoire commune, et peut-être, comme nous le souhaitons ardemment, le début d'une ère nouvelle dans les rapports entre nos pays…»
Ex 3 « (…) Et dans cette cohabitation tumultueuse, nous avons appris certainement à nous connaître, à nous respecter, et à retrouver, à travers nos différences, et au-delà de nos divergences, tant de comportements communs…. »
Ex 4 « (…) Mon pays, vous le savez, a traversé durant ces 10 dernières années une crise extrêmement grave, de caractère social, économique et culturel… »
Ex 5 « (…) Cette situation, déjà tragique par elle-même, a été présentée sous des couleurs encore plus sombres par des informateurs malveillants ou amateurs de sensationnel. Le pays s'est trouvé entouré de la réprobation de tous, et condamné à un isolement injuste… »
Ex 6« (…) Mais je suis convaincu que mon pays sortira renforcer de la crise qui l'a secoué durant cette décennie.. »
Ex 7 « (…) La politique de concorde nationale que nous avons initiée et qui est entrée en application depuis le début de l'année après approbation quasi unanime du Parlement, a été approuvée ensuite massivement par les électeurs algériens.. » Ex 8 « (…) Nous reconnaissons sans difficultés que notre personnalité est
imprégnée aussi de culture française et la symbiose qui se fait en nous de votre culture et de la nôtre sera certainement le résultat le plus heureux d'une cohabitation qui n'a été pas toujours heureuse… »
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Ex 9 « (…) Votre histoire nous est très familière alors que la nôtre, déjà passablement écorchée par des écrivains tendancieux ou bien mal informés, est connue très peu du peuple français et notamment de ses jeunes générations… » Ex 10 « (…) Ces quelques indications ne suffiront certainement pas à donner un tableau exact de l'Algérie d'aujourd'hui. Si elles visent avant tout à redresser les images erronées qui ont pu être diffusées çà et là… »
Nous constatons à travers ces exemples que le locuteur A.B est présent de manière très explicite dans la scène énonciative, grâce à une considérable présence d‟adjectifs et d‟adverbes subjectifs dans le discours.
Au fait, l‟objectif du locuteur, ici, est d‟embellir son discours de manière à le rendre plus captivant, plus marquant et par conséquent, plus efficace. Ces modalisateurs ont tendance à projeter l‟attitude du locuteur envers ses propos et donc marquer le degré de sa subjectivité dans son discours esthétisé.
Certains adverbes se sont dévoilés de manière très significative dans ce discours, comme c‟est le cas de l‟adverbe « certainement » qui fait partie des mots favoris d‟A.B. Les modalisateurs que nous venons de voir jouent un rôle très important dans le discours. Leur fonction demeure dans l‟intensification discursive