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Avant de prendre la parole, l‟homme politique doit répondre à certains objectifs afin de projeter une image discursive digne de foi, en d‟autres termes, construire un ethos crédible pour atteindre le but envisagé. A l‟appui des travaux de Charaudeau135

, on confirme la que la crédibilité d‟un discours donné est au centre de toutes les réflexions et plus particulièrement dans le domaine de la politique. Pour juger la crédibilité d‟un homme politique, nous devons nous référer à trois conditions indispensables pour mener à bien toute construction discursive crédible.

En premier lieu, nous devons vérifier si ce qu‟il dit est en concordance avec ce qu‟il pense (condition de la franchise et de la bonne foi), ensuite, s‟il a les capacités de réaliser ce qu‟il déclare (condition de l‟accomplissement), et enfin, si cet homme politique a la faculté de mettre en œuvre ces engagements, suivi d‟effet (condition de l‟intensité).

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Le degré de cette crédibilité varie d‟une situation communicationnelle à une autre, pourquoi ? Parce qu‟un discours politique prononcé durant une campagne électorale n‟a pas le même enjeu qu‟un discours prononcé devant un sénat ou un parlement. La contribution d‟un homme politique en matière de crédibilité diffère d‟un contexte à un autre, tout dépend donc du but projeté et la contribution ne sera donc pas la même.

Par exemple, si un discours est prononcé devant un parlement et que l‟enjeu de ce dernier est de faire voter une loi, le fondement de la crédibilité sera plus conséquent et plus appuyé.

Par ailleurs, il existe des genres discursifs autres que le discours politique où l‟énonciateur n‟a nullement besoin d‟afficher sa crédibilité aux destinataires, à titre d‟exemple, le discours publicitaire. Ici, les récepteurs, ou les consommateurs ne sont pas obligés d‟acheter le produit proposé, étant donné que le discours publicitaire ne peut pas imposer aux clients d‟acheter son produit, mais pourra quand même les inciter à l‟acheter, en essayant de procurer chez eux une envie, en jouant sur le côté imaginaire et sémiotique.

Il existe aussi, un genre discursif qui a, à peu près, les mêmes objectifs du discours politique en matière de crédibilité, c‟est le discours journalistique et médiatique. Ici le facteur de crédibilité joue un rôle primordial en termes d‟informations, le journaliste doit apporter des preuves concrètes et authentiques de l‟information qu‟il publie ou qu‟il diffuse afin que le public soit satisfait et confiant envers l‟institution médiatique qui émet l‟information, nous comprenons par-là que les conditions de franchise et de transparence sont les déclencheurs de cette crédibilité.

Si le principe de la persuasion est l‟enjeu fondamental de toute prise de parole dans le discours politique, sa crédibilité est tellement complexe qu‟elle doit respecter les trois conditions nécessaires à sa réalisation, comme nous l‟avons déjà précisé, à savoir, la franchise, l‟accomplissement et l‟intensité.

À partir de là, l‟homme politique vise constamment à fabriquer différents types d‟ethos qui vont l‟aider à respecter ces conditions, synonymes de crédibilité discursive, nous trouvons parmi ces types d‟éthos ce qui suit :

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1-1-1- L’ethos du sérieux

Pour Charaudeau,136 les sociétés diffèrent et ce qui est pris pour sérieux dans une société donnée, ne peut l‟être dans une autre, et vice versa. Par conséquent, l‟intensité de l‟ethos de sérieux dépendra du groupe social où le discours politique est prononcé. Nombreux sont les paramètres qui nous dictent l‟importance d‟un tel ou tel facteur, comme par exemple, la façon de se tenir, la gestuelle, le ton de la voix, etc.

L‟ethos de sérieux se construit généralement à l‟aide de comportements dignes d‟un homme politique qui a du sang-froid face aux provocations de ses adversaires, celui qui affirme une grande capacité à aller en avant et qui a le sens de l‟orientation et de l‟énergie dans ses faits et gestes, c‟est celui aussi qui ne se déstabilise pas face aux rumeurs médiatiques et qui ne s‟embrouille pas dans des affaires d‟infidélités ou d‟ordre familial, c‟est un homme politique qui privilégie un débit serein dans sa prise de parole et qui emploie dans ses allocutions des phrases simples et compréhensibles.

Néanmoins, cet ethos de sérieux ne doit pas dépasser les limites qui circulent dans l‟espace social, sinon cela pourrait se retourner négativement contre sa personne, il ne faut pas dépasser les bornes de la sévérité, de la dureté, et de la rigueur. Négliger une distanciation amicale avec ses récepteurs, surtout durant les campagnes électorales, au risque de l‟exposer à la perte d‟un capital d‟affinité avec eux.

1-1-2 L’ethos de vertu

Pour Charaudeau137, chez l‟homme politique, l‟ethos de vertu se résume principalement aux convictions et aux principes, deux qualités que les destinataires pourront constater tout au long de sa carrière politique.

Le principe de cet ethos est de montrer dans les moments clés de sa carrière politique qu‟on est capable de prendre des décisions en rapport avec nos convictions et nos valeurs. Sous peine de voir des répercussions négatives sur ses prises de décisions.

C‟est l‟ethos de l‟homme politique qui n‟a rien à cacher, que ce soit par rapport à sa vie personnelle ou professionnelle, évitant ainsi tout jugement préjudiciable à sa réputation, tels que la malhonnêteté ou la déloyauté.

136 P. Charaudeau, Le discours politique. Les masques du pouvoir, Paris, Vuibert, 2005, p. 92

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Cependant, il faut dire que cet ethos est souvent remis en cause par la classe citoyenne et même politique, cela est dû à différents facteurs venant le déstabiliser, déclenchant des soupçons à répétitions. Il faut savoir qu‟un homme politique est entouré constamment de nombreux conseillers spécialistes dans divers domaines, ces derniers jouent un rôle très important dans le processus de prise de décision, une constatation qui va remettre en question les convictions et les principes de l‟homme politique. Ajoutons à cela, les perpétuelles attaques perpétrées par ses opposants politiques et les enjeux que constituent les sondages d‟opinions.

L‟ensemble de ces facteurs vont alimenter le doute au sein de l‟opinion public, suscitant ainsi des interrogations sur la régularité et l‟authenticité de l‟homme politique.

1-1-3- L’ethos de compétence :

Pour prouver ses compétences dans la scène politique, l‟acteur politique, d‟après Charaudeau138, doit en permanence illustrer ses connaissances dans le champ politique, pour cela, il doit assimiler les agencements et les mécanismes qui animent la vie politique.

Ces compétences sont généralement acquises grâce au facteur de l‟expérience. C‟est cette dernière qui va aider l‟opinion publique à évaluer si l‟homme politique est responsable et s‟il est apte à prendre le pouvoir, elle réside communément dans sa pratique politique, son passé discursif, et bien évidemment dans les fonctions qu‟il a exercées auparavant.

1-1-4- L’ethos de justification

Comme nous l‟avons souligné, la crédibilité d‟un homme politique est constamment remise en cause, soit par des événements qui compromettent ses anciennes déclarations, ou bien par diverses stratégies d‟attaque.

Pour Charaudeau139, l‟homme politique se justifie en permanence par le biais de discours officiels ou par des conférences de presse. C‟est ce qu‟on qualifie dans le discours politique, d‟éthos de justification où l‟orateur essaye de se justifier en utilisant diverses stratégies discursives afin de lever le doute sur les accusations et les contractions perpétrées contre lui. On pourrait se demander quels sont les moyens qu‟il va mettre en œuvre pour se justifier.

138 P. Charaudeau, Le discours politique. Les masques du pouvoir, Paris, Vuibert, 2005, p. 96

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Un homme politique - qui se justifie - légitime d‟une certaine façon les accusations et les critiques d‟autrui, sans pour autant les considérer comme une affirmation, mais aussi laisse planer un certain doute sur le fait qu‟il a certainement commis des erreurs. Néanmoins, ne pas se justifier est considéré dans le champ de la politique comme une forme de faiblesse, donc, dans les deux cas, l‟homme politique est pris entre deux choix qui s‟affrontent sans pouvoir s‟y dérober, car chacune de ces démarches pourrait actionner des répercussions, positives soient-elles ou négatives. Pourquoi ?

Ne pas répondre aux accusations pourra déclencher un sentiment d‟innocence, insinuant ainsi ne pas être senti visé ou encore pour démontrer un sentiment de sagesse pour se décharger des accusations et éviter ainsi de rentrer dans des débats qui s‟avéreraient contre-productifs. Mais, on pourrait aussi la considérer comme un affaiblissement et une incapacité à se défendre, suscitant ainsi une illégitimité du pouvoir, alors que les principes de la politique disent le contraire. Toute cette complexité nous amène au caractère emmêlé de la fonction.

Parmi les mécanismes déclencheurs du discours justificatif figurent l‟intention et les résultats. Si les résultats ne sont pas à la hauteur des attentes, l‟homme politique pourra toujours se justifier en admettant que ce n‟était pas l‟intention initiale, mettant ainsi en cause des facteurs indésirables venant perturber le bon fonctionnement de son projet et insistant dans le même processus discursif de la bonne foi de son intention.

Le deuxième élément qui s‟offre au discours de justification est d‟accentuer son action sur le résultat, qu‟il soit négatif ou limité, car l‟important, est d‟en avoir, même si le taux d‟achèvement est incompatible avec le projet initial.

Dans les deux cas, un discours de justification n‟est pas une confirmation d‟accusation ou une auto-accusation qui demande à être pardonnée, mais d‟une argumentation qui assume les conséquences tout en interpellant la légitimité de son action. Se justifier tout en étant coupable, c‟est faire en sorte de minimiser sa responsabilité sur des résultats jugés négatifs. Même si l‟accusé est le premier responsable de cette chaine exécutive, il va s‟appuyer sur des arguments qui restreindront sa responsabilité comme le fait de rappeler ne pas être le seul et le principal responsable.

D‟autres stratégies discursives s‟offrent à l‟homme politique pour légitimer son discours de justification et retravailler son image :

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1-1-4-1- L’infirmation ou la récusation :

C‟est le fait de refuser et de nier toutes les accusations menées contre la personne de l‟homme politique, en affirmant qui n‟y a pas obligation à se justifier tant qu‟on est innocent, se posant ainsi comme victime.

1-1-4-2- La raison supérieure :

C‟est une stratégie qui sert à axer une défense qui met en action les raisons qui l‟ont amené à changer de cap et à prendre telles ou telles décisions, c‟est le principe de la raison d‟état, souvent utilisé par les hommes politiques pour légitimer leurs prises de décisions dont les contextes sont souvent liés à l‟intégrité du territoire, l‟unité du peuple, l‟identité nationale, les périodes de guerre et les menaces terroristes.

1-1-4-3- Le réalisme :

Le politicien prône un discours qui consacre le réalisme où il explique que l‟élaboration d‟un projet politique passe souvent par des limites de réalisations concrètes et à partir de là, il vaut mieux avoir un résultat que de ne pas en avoir du tout.

1-1-4-4- La non-intentionnalité

Cette stratégie comprend des mécanismes pour se désinculper des accusations et consiste à exposer un plaidoyer dans le but d‟évoquer son innocence ou sa méconnaissance des contextes. L‟objectif étant aussi de plaider pour la responsabilité collective. Ceci dit, rien n‟exclura le caractère négatif des résultats et qui culpabilise automatiquement l‟auteur principal de l‟activité en le classant au rang de responsable.

En effet, se justifier par la non-intentionnalité c‟est en même temps reconnaitre le défaut de l‟acte en lui-même. Pour cela le prétexte d‟innocence peut se manifester de plusieurs manières :

- En certifiant ne pas assimiler les attaques menées à l‟encontre de sa personne, alors qu‟il n‟a fait qu‟accomplir « l‟ordre naturel des choses ».

- Présenter un plaidoyer qui remet en question son hiérarchie directe, présenté comme tel, son rôle était de suivre et d‟obéir aux ordres de ses supérieurs.

Il existe également une stratégie qui repose sur la méconnaissance ou encore sur l‟ignorance, Charaudeau montre combien,

« L‟argument de l‟ignorance ôte à l‟accusation la possibilité d‟attribuer au

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aux autres. En déclarant (je ne savais pas), le sujet plaide l‟innocence, ce qui le dédouane en partie de sa responsabilité »140