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Pour Amossy130, il n‟est pas absolu de recourir à des procédés empiriques pour analyser la relation qui existe entre l’ethos discursif et l’image préalable du locuteur, autrement dit, on peut prendre en compte l‟ethos préalable embrigadé dans la présentation de soi, en se focalisant sur deux composants socio-discursifs :

Le premier s‟inscrit dans la réalité du discours, celui qui se rapporte à la situation interactionnelle, c‟est-à-dire, ce qui est visible dans le dire et dans le dit, et justifiable par des traces langagières tangibles. Dans ce type de composant, tous est repérable à travers le nom du sujet parlant et le contenu de son discours dans lequel il fait référence à son passé d‟une manière très explicite. Le second, appelé socio-discursif, se trouve dans le contexte du discours et de l‟inter-discours, ce type fait appel à un savoir encyclopédique, vu qu‟il n‟offre pas forcément des marques nettement détectables dans le discours. En effet, l‟image qui s‟offre à l‟auditoire est une image constituée préalablement, et cela par différents moyens tels que :

- Des anciens discours.

- Une histoire communicationnelle localisable dans la mémoire commune ou bien dans les textes.

129 R. Amossy, La présentation de soi. Ethos et identité verbale. Paris : Presses Universitaires de France. 2010

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- A travers l‟inter-discours, c‟est-à-dire, ce que les autres ont attestés ou composés sur l‟orateur.

- Des clichés collectifs qui se rapportent au locuteur.

- La prescription sociale et institutionnelle du locuteur qui illustre son degré de légitimité et d‟autorité.

Ces diverses modalités, en plus d‟être des modalités linguistiques, sont aussi socio-discursives qui font non seulement appels à des traces langagières mais aussi à des données institutionnelles, une doxa dispatchée, ou encore, tout ce qui tourne dans l‟intervalle social.

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Ce que parler veut dire

Amossy131 considère que la problématique du statut date depuis bien longtemps, surtout par rapport aux réflexions menaient par le philosophe analyste Austin qui s‟est préoccupé de la question de connaitre si la pertinence locutoire est interne au discours, c‟est-à-dire, si elle prend toute sa force par l‟utilisation de la langue, ou au contraire, si elle s‟active en dehors de la prise de parole, et ce, par le biais de rapports de forces qui s‟instaurent ultérieurement. En général, si l‟action menée par le sujet parlant sur son auditoire est intégralement discursive ou intégralement sociale ?

Pour Bourdieu132, la force illocutoire réside dans les modalités et les dispositions institutionnelles de leurs avènements et de leurs réceptions, et non dans un principe nettement linguistique, elle se manifeste dans une concordance entre l‟occupation sociale du sujet parlant et son discours, c‟est-à-dire, à l‟intérieur d‟une tradition bien commandée. Il précise aussi que le discours légitime, est un discours énoncé par une personne légitimée à l‟émettre, via une situation légitime et face à un auditoire légitime.

La légitimité d‟un discours, dépend de celui qui le prononce et de l‟autorité dont il dispose face à son auditoire et non pas dans le contenu de son discours, il ajoute aussi que les situations qui forment par exemple le champ politique sont des pléiades mouvantes qui dépendent d‟une situation à une autre, cette dernière se nourrit des luttes de pouvoirs qui instaurent le schéma dominant/dominé.

131 R. Amossy, La présentation de soi. Ethos et identité verbale. Paris : Presses Universitaires de France. 2010

132 P. Bourdieu cité dans R. Amossy, La présentation de soi. Ethos et identité verbale. Paris : Presses Universitaires de France. 2010, p. 85

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Tout cela ordonne la mise en place de stratégies de positionnement qui étayent leurs alternatives et dirigent leurs discours. C‟est dans cette conjoncture, qu‟une analogie se construit dans la réalisation d‟une présentation de soi entre position et positionnement. En ce qui concerne la position, elle est considérée comme une indication de départ, tandis que le positionnement s‟effectue dans une évolution, du fait que le locuteur doit constamment prendre en compte son ethos préalable, plus que ça, il est dans l‟obligation de savoir tout ce qui se dit sur sa personne afin d‟instaurer une certaine autorité dans un tel ou tel domaine.

Tous ces facteurs constituent une grande importance dans le processus d‟une construction d‟ethos du fait qu‟ils permettent non seulement au locuteur de légitimer son discours, mais aussi d‟être entendu.

Dans la même perspective, le locuteur doit focaliser toute son attention pour s‟offrir une place dans un milieu antérieurement organisé et gradué où il est, dans tous les cas, à la recherche d‟une consolidation et d‟une correction de sa position, allant même jusqu‟à en composer une. Pour cela, il suit un processus de construction de procédés discursifs qui lui permettent de propulser un ethos particulier et spécifique, individuel soit-il ou collectif. Dans le domaine du discours politique, Ch. Le Bart note dans ce cadre que

« Si toute prise de parole dans le champ politique s‟analyse donc comme variation autour des quelques énoncés fondamentaux que l‟on vient d‟identifier, chaque locuteur à sa façon bien à lui d‟exécuter cette partition commune à tous. Importe moins ici le style personnel (encore que celui-ci, comme produit d‟une trajectoire de socialisation individuelle, puisse compter) que la position objective occupée par le locuteur dans le champ politique et la structure singulière d‟intérêts (politiques) que cette position conditionne. Tout discours politique doit donc s‟analyser à la fois structurellement comme variation autour des croyances fondatrices de l‟illusio politique et stratégiquement comme reflet de la position relative occupée par le locuteur »133

Synthèse

Comme nous l‟avons vu dans ce chapitre, l‟ethos est appréhendé par certains comme étant une donnée préétablie au discours, tandis que d‟autres y voient une donnée qui s‟appréhende à l‟intérieur du discours lui-même. Charaudeau pense qu‟il est très important de rallier les

133 Le Bart, « L‟analyse du discours politique : de la théorie des champs à la sociologie de la grandeur », Mots. Les langages du politique [En ligne], 72 | 2003, mis en ligne le 29 avril 2008, consulté le 25 septembre 2017.

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deux composants, à savoir, l‟éthos préalable et l‟éthos discursif car l‟un incorpore l‟autre et vice versa. Il ajoute à cela que

« Dans sa première composante le sujet se montre avec une identité sociale de

locuteur ; c‟est celle qui donne droit à la parole et qui fonde sa légitimité d‟être communicant, du fait du statut et du rôle qui lui sont attribués par la situation de communication. Dans sa seconde composante, le sujet se construit une image de sujet qui énonce, une identité discursive d‟énonciateur qui tient aux rôles qu‟il s‟attribue dans son acte d‟énonciation, résultat de la contrainte de la situation de communication qui s‟impose à lui et des stratégies qu‟il choisit de suivre. »134

134 Le Bart, « L‟analyse du discours politique : de la théorie des champs à la sociologie de la grandeur », Mots. Les langages du politique [En ligne], 72 | 2003, mis en ligne le 29 avril 2008, consulté le 25 septembre 2017

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CHAPITRE IV

L’ETHOS POLITIQUE ET SES